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n'est pas tenu à la garantie. Cependant, si un droit avait été cédé par l'une des parties comme prix d'une renonciation faite par l'autre, la transaction serait, à l'égard de cet objet, un titre translatif de propriété qui donnerait lieu à la garantie.

1547. — Bien que les transactions aient entre les parties l'autorité de la chose jugée, il y a cependant plusieurs différences entre un véritable jugement et une transaction, savoir: 1° Les causes pour lesquelles une transaction peut être attaquée ne sont pas les mêmes que celles pour lesquelles on peut attaquer un jugement; 2° Les voies par lesquelles et les délais dans lesquels l'un et l'autre peuvent être attaqués ne sont pas les mêmes. Les jugements ne peuvent être attaqués que par les moyens et recours ouverts contre les jugements en général et dans les délais fixés par la loi; 5° Une transaction roulant sur plusieurs points forme un tout indivisible et ne peut pas être annulée en partie ; un jugement statuant sur plusieurs chefs de contestation peut n'ètre réformé que relativement à quelques chefs seulement; 4o Un jugement ne peut être attaqué par les tiers qui n'y ont pas été partie que par la voie de la tierce opposition, tandis que la transaction peut être attaquée directement en nullité en vertu de l'art. 1167.

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1548. Une transaction judiciaire, c'est-à-dire qui a été convertie en jugement sur les conclusions respectives des parties, est, en ce qui concerne la forme, assimilée à tout autre jugement. Au fond, elle ne peut être attaquée que pour les mêmes motifs pour lesquels on peut attaquer les transactions en général.

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DES CAUSES DE NULLITÉ. ET DE RESCISION DES TRANSACTIONS.

1549.

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La transaction peut être attaquée en nullité ou en rescision pour toute cause de nullité ou de rescision des conventions en général; ainsi pour dol, violence ou erreur (art. 2052, 2035). Elle peut être attaquée pour cause de lésion de plus d'un quart, lorsqu'elle a pour objet de faire cesser l'indivision entre cohéritiers (art. 887, 888). 1550. L'erreur de calcul dans une transaction doit être réparée (art. 2058); mais cette réparation n'est pas une rescision de la transaction même.

1551. Les causes spéciales, pour lesquelles la transaction peut être rescindée sont les cinq suivantes :

1° L'erreur sur la personne et (art. 2053, et supra, no 1540).

sur l'objet de la contestation

2o Lorsque la transaction a été faite en exécution d'un titre nul, à moins que les parties n'aient expressément traité sur la nullité (art. 2054).

Il n'y a pas de contradiction entre cet article et l'art. 2052, al. 2. La transaction sur un titre nul peut être attaquée, lorsque les parties ont été en erreur de fait sur la nullité du titre. L'art. 2034 est fondé sur ce que la transaction était sans cause. Gillet, discours au corps - législatif, no 8 (Locré, XV, 446). Par exemple l'héritier et le légataire transigent sur l'interprétation d'un testament; plus tard, on découvre un testament postérieur, qui révoque entièrement celui sur lequel les parties ont transigé; la transaction est nulle. Troplong, nos 145-149.

1552. — 3o La transaction faite sur pièces qui depuis ont été reconnues fausses est entièrement nulle (art. 2055). Dans cette hypothèse, même un jugement rendu en dernier ressort peut être attaqué par la requête civile (C. de proc., art. 480, 9"). Dans ce cas la transaction est aussi sans cause, comme dans le cas précédent; de plus, si l'une des parties savait que les pièces étaient fausses, il y aurait eti dol.

Cette disposition donne lieu à deux observations:

A. La transaction ne peut être annulée si, au moment où elle • a été conclue, les parties savaient qu'elles transigeaient sur pièces fausses. Le mot depuis a été ajouté pour donner ce sens à l'art. 2055. Séance du conseil d'État du 15 ventôse an xi, n° 9 (Locré, XV, 407). B. La transaction sur pièces fausses est entièrement nulle. Il n'en était pas de même en droit romain. La loi 42, C., de Transactionibus, 2, 4, en supposant que, dans une transaction, il peut se trouver plusieurs chefs qui soient indépendants et auxquels la pièce fausse ne soit pas commune, décide que la transaction conserve sa force pour les chefs auxquels la pièce fausse ne s'applique pas. L'art. 2055 part de l'idée que toutes les parties de la transaction sont corrélatives, et que, lors même que les divers points sur lesquels on a traité sont indépendants quant à leur objet, il n'en est pas moins incertain, si les parties eussent traité séparément sur tous les points, si tous les chefs ne sont pas censés les uns les conditions des autres. C'est pourquoi la transaction est entièrement nulle. Exposé de motifs, no 13 (Locré, p. 423).

1553. 4° La transaction sur un procès terminé par un jugement passé en force de chose jugée, dont les parties ou l'une d'elles n'avaient

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point connaissance, est nulle. Si le jugement ignoré des parties était susceptible d'appel, la transaction est valable (art. 2056). Si le jugement était connu de l'une des parties, la transaction serait nulle pour cause de dol (supra, no 22); si elle était ignorée de toutes les deux, il y aurait erreur sur la substance même de la chose; les parties voulaient transiger sur un droit incertain, et toute incertitude avait déjà cessé.

1554.. 5o Lorsque les parties ont transigé généralement sur toutes les affaires qu'elles pouvaient avoir ensemble, les titres qui leur étaient alors inconnus, et qui auraient été postérieurement découverts, ne sont point une cause de rescision, à moins qu'ils n'aient été retenus par le fait de l'une des parties; mais la transaction serait nulle si elle n'avait qu'un objet sur lequel il serait constaté, par des titres nouvellement découverts, que l'une des parties n'avait aucun droit (art. 2037).

Si les titres avaient été retenus par le fait de l'une des parties, la transaction serait nulle pour cause de dol. Il en est autrement, si les titres n'ont pas été retenus par l'une des parties.

L'article distingue deux hypothèses :

A. Les parties ont transigé sur toutes les affaires qu'elles pouvaient avoir ensemble; la découverte de titres nouveaux ne donne pas lieu à rescision. La loi part du point de vue que toutes les clauses de la transaction sont corrélatives, et que les parties n'ont souscrit aux autres • dispositions que sous la condition qu'elles ne pourraient élever l'une contre l'autre de nouvelles contestations sur aucune de leurs affaires antérieures. Exposé de motifs, n° 15 (Locré, p. 425).

B. La transaction n'avait qu'un objet. Les lois romaines défendaient d'une manière générale, donc, dans ce cas comme dans le précédent, d'attaquer la transaction sous prétexte de documents nouvellement découverts; 1. 19, C., h. t., 2, 4. Les auteurs du code en assimilant ce cas à l'existence d'un jugement ignoré des parties, ont déclaré la transaction rescindable, par le motif qu'il n'y avait pas de question douteuse qui pût en être l'objet, donc pour erreur sur la substance de la chose, ou pour absence de cause. Exposé de motifs, no 15; rapport au tribunat, no 12 (Locré, XV, 425, 436).

Troplong fait observer avec raison que dans ce cas la transaction a moins d'autorité que la chose jugée, laquelle ne peut pas être allaquée sur le fondement de pièces ultérieurement découvertes. Transactions, no 165.

TITRE XVI.

DE LA CONTRAINTE PAR CORPS EN MATIÈRE CIVILE.

En Belgique, ce titre est remplacé par les art. 3-5, 17-40 de la loi

21 mars 1859.

NOTION ET INTRODUCTION HISTORIQUE.

1555. D'après les anciennes lois des Romains et celles des peuples germaniques, on peut définir la contrainte par corps un moyen d'exécution d'une obligation, qui s'exerce sur la personne même du débiteur. Cette exécution sur la personne peut se concevoir de diverses manières : ou bien le débiteur est réduit à l'esclavage et sa personne est adjugée au créancier comme une propriété, que ce dernier peut aliéner; ou bien le créancier peut faire travailler son débiteur jusqu'à ce que sa dette ait été payée par le produit de son travail.

Aujourd'hui, la contrainte par corps n'est plus un moyen d'exécution proprement dit; c'est une coaction exercée par l'emprisonnement sur la personne du débiteur, afin de le déterminer à payer sa dette. On peut dire que c'est une épreuve de la solvabilité que la loi met aux mains du créancier contre son débiteur.

1556. Les lois romaines, surtout dans les premiers temps, étaient d'une excessive sévérité contre les débiteurs qui n'accomplissaient pas leurs engagements. V. Maynz, Éléments de droit romain, 2e édit., § 380, 381.

Les Gaulois et les Germains permettaient d'aliéner volontairement sa personne et sa liberté, et de la donner en gage à son créancier pour sûreté du remboursement d'argent prêté et de l'exécution de toute autre obligation. Cet engagement de la personne, connue sous le nom de Obnoxiatio, et dont plusieurs formules nous ont été transmises par Marculfe (Formula, lib. II, 25 et 28, et Appendix, XVI), était trèsusité sous la première et la seconde race des rois de France. « Cet engagement ne porte pas dans tous les états barbares le même carac

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tère de dureté, dit M. Troplong; « chez les Wisigoths il est tempéré par certaines formes protectrices, par quelques garanties, par exemple par la discussion des biens. Quelquefois l'obnoxié a, le droit de se racheter. D'autres fois son travail chez le créancier est estimé à une valeur et amortit le capital. Presque toujours son engagement est viager et attribue au créancier le droit de vendre sa personne comme un esclave. Contrainte par corps, Préface, éd. belge, p. 55. On pouvait aussi obnoxier ses héritiers.

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A côté de l'obnoxiation volontaire existait la privation judiciaire de la liberté. Si le débiteur était insolvable, il devait s'obnoxier jusqu'au payement de sa dette; il payait sa dette par l'esclavage, et il devait subir des traitements humiliants.

D'après les assises de Jérusalem, Haute Cour, c. 177 et 191, le débiteur insolvable, après avoir juré « qu'il n'avait de quoi il puisse payer ne dessus terre ne dessous, » était livré à son créancier, et celui-ci le conduisait dans sa maison avec le droit de le tenir en prison toute sa vie. Il était employé comme un esclave aux travaux serviles et portait un-anneau de fer pour « reconnaissance que il est à pooir d'autrui por dette. » Le créancier devait lui donner du pain et de l'eau pour soutenir sa vie suffisamment, et des vêtements pour couvrir son corps. Toutefois la valeur des services du débiteur abattait de sa dette ce que il desservait de son labeur. Cette dernière disposition était déjà un tempérament; car l'esclavage n'était plus nécessairement viager, puisque par le prix de ses travaux le débiteur pouvait parvenir à l'acquittement de sa dette. Toutefois cette règle ne formait pas le droit commun au xe siècle; l'esclavage comme suite de l'insolvabilité se maintint encore longtemps.

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1557. - Avec l'adoucissement de la servitude personnelle en genéral, la rigueur de la servitude pour dettes devait également s'affaiblir. L'esclavage fit peu à peu place à l'emprisonnement pour dettes, appelé contrainte par corps dans les monuments judiciaires du temps de saint Louis.

De même que l'esclavage pour dettes avait anciennement deux causes, l'obnoxiation volontaire et celle résultant d'une condamnation, de même presque toutes les coutumes admettaient depuis cette époque deux causes de la contrainte par corps, une convention entre le débiteur et le créancier, et un jugement, qui pouvait toujours s'exécuter sur la personne du débiteur.

La contrainte par corps étant devenue un moyen de vexation par

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