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a seulement le privilége de la manière et sous les conditions indiquées au numéro précédent.

1683. D'après l'art. 1184, le pacte commissoire est sous-entendu dans toutes les conventions synallagmatiques (nos 105, 106). En vertu de cette disposition, le vendeur nou payé pourrait donc demander la résiliation du contrat et rentrer dans la libre propriété de sa chose, même lorsqu'il aurait vendu avec terme, ou lorsqu'il serait déchu du droit de revendiquer par l'expiration du délai. La nouvelle loi exclut formellement cette faculté en statuant que la déchéance de l'action revendicatoire emporte également celle de l'action en résolution, à l'égard des autres créanciers, c'est-à-dire l'action résolutoire peut bien être intentée contre l'acheteur qui n'a pas payé, mais la résolution n'exerce ses effets qu'entre les parties et ne fait pas tomber les priviléges préférables à celui du vendeur. Cette disposition est rationnelle, parce que l'action en résolution a vis-à-vis des tiers l'effet de la revendication.

1684. Tout privilége doit se perdre par l'extinction de la chose qui en est frappée. Or, une chose mobilière perd son existence individuelle de meuble lorsqu'elle est devenue immobilière par destination ou par incorporation; le privilége doit donc cesser dans ces cas. Cela n'était pas douteux douteux pour les meubles incorporés aux immeubles, mais la question était plus délicate pour les meubles devenus immeubles seulement par destination. La loi les a placés sur la méme ligne. Rapport au sénat sur l'art. 19.

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1685. La nouvelle loi fait de la règle qui précède une exception commandée par l'intérêt du commerce et de l'industrie; elle maintient le privilége pour la vente des machines et appareils employés dans les établissements industriels même dans le cas où ces objets seraient devenus immeubles par destination ou incorporation. « Dans ce cas et pour ces objets, dit la loi « le privilége sera maintenu pendant deux ans à partir de la livraison; toutefois, il n'aura d'effet que pour autant que, dans la quinzaine de cette livraison, l'acte constatant la vente soit transcrit dans un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce de l'arrondissement dans lequel le débiteur aura son domicile, et, à défaut de domicile, au greffe du tribunal de commerce de l'arrondissement dans lequel le débiteur aura sa résidence. Le greffier du tribunal sera tenu de donner connaissance de cette transcription à toutes les personnes qui en feront la demande. La livraison sera établie, sauf la preuve contraire, par les livres du vendeur.

«En cas de saisie immobilière pratiquée sur les machines ou appareils, ou de faillite du débiteur déclarée avant l'expiration des deux années, le privilège continuera à subsister jusqu'après la distribution des deniers ou la liquidation de la faillite. »

Ce principe avait déjà été admis dans la nouvelle loi sur la faillite du 18 avril 1851, art. 546.

Il importe de faire observer que le privilége du vendeur de machines et appareils dans les cas mentionnés, bien que limité à deux ans, est une exception favorable. Car, en cas de faillite, tout privilége du vendeur vient à cesser en principe; pour les machines et appareils, il est maintenu pendant deux ans. De mème, en cas d'immobilisation, le privilége s'éteint en principe; pour les machines et appareils, il est conservé pendant deux ans.

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1686. VI. Les fournitures d'un aubergiste sont privilégiées sur les effets du voyageur qui ont été transportés dans son auberge. Ce privilége, puisé dans l'art. 175 de la coutume de Paris, est fondé sur ce que l'aubergiste, obligé par sa profession à recevoir tous les voyageurs qui se présentent, sans pouvoir s'enquérir de leur solvabilité, serait souvent exposé à perdre le montant de ses fournitures, s'il n'avait pas cette garantie. De plus, cette créance mérite faveur, puisqu'elle a pour cause des aliments. Le privilége n'existe que sur les effets transportés dans l'auberge; c'est une espèce de nantissement tacite qui repose sur la possession, et qui s'éteint dès que les effets des voyageurs sont sortis de l'auberge.

1687. VII. Sont privilégiés les frais de voiture et les dépenses accessoires, sur la chose voiturée, pendant que le voiturier en est saisi, et pendant les vingt-quatre heures qui suivront la remise au propriétaire ou au destinataire, pourvu qu'ils en aient conservé la possession. Comparez code de commerce, art. 507. Ce privilége a été introduit par les usages commerciaux.

Sous le code il y avait controverse sur le point de savoir si le privilége continuait lorsque le voiturier s'était dessaisi de la chose voiturée. La nouvelle loi l'a maintenu pendant vingt-quatre heures par le motif que la nécessité des vérifications s'oppose souvent à ce que le voiturier exige le payement au moment même de la remise. Rapport de la commission spéciale.

Mais, le privilége cesse, même pendant les vingt-quatre heures, si le destinataire n'est plus en possession de l'objet, parce que les meubles n'ont pas de suite.

Le privilége s'étend-il aux sommes dues au voiturier du chef de transports précédents? Non. La loi a résolu ce doute dans le sens de la spécialité du privilége, pour les frais seulement qui ont été faits pour amener la chose. Rapport à la chambre et rapport au sénat.

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1688. VIII. Les créances résultant d'abus et prévarications commis par les fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions sont privilégiées sur les fonds de leur cautionnement et sur les intérêts qui en peuvent être échus.

IH.

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DU RANG DES PRIVILÉGES MOBILIERS EN CAS DE CONCOURS

ENTRE EUX. (Art. 21-26.)

1689. Le code ne renferme que deux dispositions qui règlent le rang des priviléges, l'une, dans le cas de concours des priviléges généraux sur les meubles, l'autre, en cas de concours des priviléges généraux sur les meubles et les immeubles avec les priviléges spéciaux sur les immeubles (art. 2101, al. 3 et 2105). Mais il ne contient aucune classification du rang dans ces deux cas très-fréquents, savoir: 1° de concours des priviléges généraux sur les meubles avec les priviléges sur certains meubles, et 2° de concours entre eux des priviléges sur certains meubles.

Sur la classification en cas de concours des priviléges généraux sur les meubles avec les priviléges spéciaux sur certains meubles il y avait deux systèmes. Suivant l'un, professé par Malleville, Tarrible, Grenier, Favart de Langlade et Troplong, il faut donner la préférence aux, priviléges généraux sur les priviléges spéciaux, par le motif que les premiers sont basés sur des considérations de haute moralité, tandis que les priviléges spéciaux ne sont foudés que sur des raisons de crédit particulier, et que ce qui est préféré dans l'ordre moral et dans l'ordre public, doit être préféré dans l'ordre légal. Suivant l'autre, adopté par Persil, Pigeau et Dalloz, il faut préférer les priviléges spéciaux aux priviléges généraux, par le motif que celui qui a un privilége spécial, n'a consenti à devenir créancier que sous la condition d'une garantie spéciale et assurée, dont il serait injuste de le priver. Ainsi, par exemple, il serait injuste de forcer le créancier gagiste qui détient un meuble, à céder le pas à des fournisseurs de subsistances, qui auraient pu ne vendre qu'au comptant.

La classification des priviléges spéciaux sur certains meubles n'offre pas moins de difficultés. On a même prétendu que ce classement serait

inutile, dangereux et presque impossible; inutile, parce que tous ceux qui ont tenté de le faire sont arrivés à des résultats différents; dangereux, parce que, si le juge se trompe, c'est une erreur isolée et passagère, tandis que si le législateur s'égare, l'injustice est générale et permanente; presque impossible, puisqu'on ne peut pas dresser une nomenclature complète de tous ces priviléges en assignant à chacun son rang dans tous les cas de concours possibles. Rapport de la commission spéciale.

1690. Le législateur de 1851 n'a adopté d'une manière absolue aucun des deux systèmes sur le classement en cas de concours des priviléges généraux avec les priviléges spéciaux. Il admet en règle que les priviléges généraux sont primés par les priviléges spéciaux (art. 26), mais cette règle souffre plusieurs exceptions importantes (art. 21-25). Le motif sur lequel ces dispositions sont basées, c'est que le rang de ces priviléges ne peut se déterminer que d'après le caractère plus ou moins favorable de la créance, et non pas d'après la généralité ou la spécialité des priviléges, parce que la généralité ou la spécialité des priviléges n'est pas la conséquence du degré de faveur que la loi attache à ces deux classes de priviléges, mais le résultat de la nature même des créances à raison desquelles les priviléges sont établis.

Quant au classement des priviléges spéciaux sur certains meubles, le législateur n'a pas prétendu prévoir tous les cas de concours possibles; mais il a cru cependant que pour diminuer les décisions contradictoires et arbitraires, pour obtenir la fixité dans la jurisprudence et pour faire connaitre autant que possible aux divers créanciers privilégiés l'étendue de leurs droits, il convenait de tracer quelques règles au juge pour déterminer la faveur de la cause qui doit déterminer la préférence aux priviléges mobiliers en cas de concours. » Rapport de la commission spéciale, ch. IV, § II, C., D.

1691. Les dispositions de la loi sur le rang des priviléges mobiliers peuvent se résumer dans les règles qui suivent :

1. Les frais de justice priment toutes les créances dans l'intérêt desquelles ils ont été faits (art. 21).

2. Les priviléges spéciaux priment les priviléges généraux (art. 26). 3. Les frais faits pour la conservation de la chose priment les priviléges antérieurs, et ils priment dans tous les cas le privilége général compris dans les trois derniers numéros de l'art. 19 (supra, no 1668). 1692. 4. Parmi les priviléges spéciaux, la loi donne en règle la

préférence à ceux établis sur une chose dont le créancier est nanti, ou dont il est censé nanti.

Ainsi, le créancier gagiste, l'aubergiste et le voiturier sont préférés au vendeur de l'objet mobilier qui leur sert de gage, à moins qu'ils n'aient su, en le recevant, que le prix en était encore dû.

Et, par la même raison, le privilége du vendeur ne s'exerce qu'après celui du bailleur de la maison ou de la ferme, à moins que, lors du transport des meubles dans les lieux loués, le vendeur n'ait fait connaître au bailleur que le prix n'en avait pas été payé. Le bailleur est en quelque sorte considéré comme nanti des objets qui se trouvent dans les lieux loués (art. 23). Toutefois cette dernière règle souffre une modification en ce qui concerne les sommes dues pour les semences et pour les frais de la récolte de l'année, et celles dues pour ustensiles servant à l'exploitation. Les premières sont payées sur le prix de la récolte, les dernières sur le prix de ces ustensiles de préférence au bailleur dans l'un et l'autre cas, c'est-à-dire que le bailleur ait su ou ignoré que le prix en était encore dû (art. 24).

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1693. 5. Il y a une disposition particulière en ce qui concerne le privilége des frais funéraires. Quoique général, il l'emporte sur les priviléges spéciaux, à l'exception du privilége des frais faits postérieurement pour la conservation de la chose, et de quelques-uns des priviléges de l'objet desquels le créancier est nanti. Ainsi, ce privilége est postposé à celui de l'aubergiste, du voiturier et du créancier gagiste.

Toutefois si le privilége des frais funéraires ne s'exerce pas directement au préjudice du créancier gagiste, de l'aubergiste ou du voiturier, mais au préjudice du vendeur, en d'autres termes, dans le cas où le vendeur a la priorité sur l'aubergiste, le voiturier ou le gagiste par le motif que ces personnes savaient que le prix de la chose était encore dù (no 1682, 4o), il sera lui-même primé par les frais funéraires (art. 25).

SECTION III.

DES PRIVILEGES SUR LES IMMEUBLES. (Art. 27, 28.)

1694. Il n'y a pas de priviléges généraux uniquement sur les immeubles. Nous avons vu que les frais de justice faits dans l'intérèt de tous les créanciers sont privilégiés à la fois sur les meubles et les immeubles, et qu'il en est de même des créances énumérées dans l'ar

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