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il faire valoir son droit? A-t-il un droit de rétention, ou peut-il répéter ses impenses par privilége? Suivant Tarrible et Battur, il a un droit de rétention; selon Troplong, n° 856, il a un privilége analogue au privilége de l'architecte. La plupart des jurisconsultes lui attribuent seulement une espèce d'action de in rem verso, un droit de distraction ou de déduction sur le prix de l'adjudication. Duranton, no 272; Zachariæ, S 287, note 27; Martou, no 1522. Nous croyons cette dernière opinion juste. Car le privilége et le droit de rétention doivent être fondés sur une disposition spéciale de la loi qui n'existe pas pour ce cas. Il peut faire valoir son droit contre l'adjudicataire.

1910. L'action en répétition des impenses doit être admise également dans le cas où l'expropriation a eu lieu contre le tiers détenteur, de même qu'il est passible de l'action en dommages-intérêts (supra, n° 1907).

C. Du payement.

1911. Le tiers détenteur peut éviter l'expropriation et se dispenser de délaisser l'immeuble, en payant ou en offrant de payer toutes les dettes hypothécaires inscrites, à quelque somme qu'elles puissent monter, ainsi que les intérêts de ces dettes. Dans ce cas, il jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire (art. 97-99). 1912. Quant aux intérêts, il y a controverse. Selon les uns, les créanciers peuvent demander tous les intérêts échus (art. 98); suivant les autres, ils ne peuvent demander que trois années. Cette dernière opinion est préférable. Elle est conforme au système de publicité. (V. supra, no 1838, 1839, 1870.)

D. Effets communs de l'expropriation, du délaissement et du

payement.

1915. Le tiers détenteur qui a payé la dette hypothécaire, ou délaissé l'immeuble hypothéqué, ou subi l'expropriation de cet immeuble, a son recours, tel que de droit, contre le débiteur principal (art. 106; c. civ., art. 2178). Les mots : tel que de droit, ont remplacé l'ancienne rédaction: recours en garantie. Car le recours a lieu aussi bien pour la subrogation aux droits des créanciers que pour la garantie. Ainsi, le détenteur qui a payé, parce qu'il possédait une partie de l'immeuble hypothéqué, peut exercer son recours contre les tiers détenteurs des autres parties de l'immeuble, ou des autres immeubles hypothé

qués à la même dette, contre chacun dans la proportion de la valeur de l'immeuble qu'il détient, comparativement à la valeur totale des immeubles hypothéqués (arg. art. 1214, 1221, 1221, 1225, 2033).

CHAPITRE VII.

DE L'EXTINCTION DES PRIVILEGES ET HYPOTHÈQUES.
(Art. 108; C. civil, art. 2180.)

1914. Les priviléges et hypothèques s'éteignent :

1° Par l'extinction de l'obligation principale. L'hypothèque étant un droit essentiellement accessoire, ne peut pas survivre à l'existence de la dette à laquelle elle est attachée. Si l'obligation, éteinte seulement sous condition, venait à revivre, les hypothèques et priviléges qui y étaient attachés revivraient aussi..

Toutefois, une hypothèque ne revit pas lorsque le créancier est évincé de l'immeuble qu'il a reçu en payement. La dation en payement de cet immeuble constitue une novation.

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1915. 2° Par la renonciation du créancier à l'hypothèque. Elle peut être expresse ou tacite. La renonciation expresse est valable, lors même qu'elle a été faite unilatéralement par le créancier dans un acte authentique (art. 93), sans avoir été acceptée par le débiteur ou par le créancier postérieur. C'est l'abandon d'un droit réel (derelictio). Bruxelles, 16 décembre 1857 (B. J., xvi, 177; P., 1858, 81). Mais pour avoir de l'effet à l'égard des tiers, la renonciation, de même que la cession de l'hypothèque doit être inscrite en marge de l'inscription hypothécaire; supra, no 1623 et Liége, 6 août 1859 (B. J., xvi, 467; P. 1861, 178)..

La renonciation tacite peut résulter de certains actes qui en font supposer l'existence. On a soulevé la question de savoir si le concours du créancier à l'aliénation de l'immeuble affecté de l'hypothèque ou à la constitution d'une nouvelle hypothèque, implique de sa part renonciation à son privilége ou à son hypothèque. Le plus souvent il faut se prononcer pour l'affirmative, mais c'est une question qui n'est pas susceptible d'une solution générale; elle dépend des circonstances. Troplong, n° 868 et s. Quant au concours à l'établissement d'une seconde hypothèque, on peut dire, en général, qu'il a pour effet de

donner à l'hypothèque nouvelle la priorité sur celle du créancier qui y a consenti.

1916.-3° Par l'effet des jugements, etc. V. supra, no 1864 et suiv. 4o Par la purge. V. infra, chap. VIII.

1917.50 Par la prescription. Il faut distinguer.

A. A l'égard du débiteur lui-même, la prescription est acquise, quant aux biens qui sont entre ses mains, par le temps fixé pour la prescription de l'action principale qui donne l'hypothèque ou le privilége. C'est une conséquence de la règle mentionnée au no 1914. Ainsi, par exemple, l'action résultant de la tutelle, prescrite dans les dix ans après la majorité, entraîne la prescription de l'hypothèque légale.

Les règles relatives à la suspension et à l'interruption de l'action principale s'appliquent également à l'action hypothécaire; donc les inscriptions ou les simples renouvellements des inscriptions prises contre le débiteur ne sont pas interruptifs de la prescription (C. civ., art. 2244-2248).

1918.-B. A l'égard du tiers détenteur. Il faut encore distinguer. 1. Si l'action principale est prescrite, comme l'action hypothécaire s'est prescrite dans le même délai, le tiers détenteur peut opposer cette prescription. C'est une conséquence de la règle du no 1914.

1919.-2. Si l'action principale contre le débiteur subsiste encore, par quel délai le tiers détenteur peut-il s'affranchir de l'action hypothécaire ?

En droit romain, le détenteur acquérait la liberté du fonds par les mêmes délais par lesquels il en prescrivait la propriété, c'est-à-dire par dix ans entre présents et vingt ans entre absents, s'il était possesseur de bonne foi et en vertu d'un juste titre, et par trente ans s'il possédait de bonne foi, mais sans titre. Il en était de même d'après l'art. 2180, no 4, du code, mais la prescription au profit du détenteur ne commençait à courir que du jour de la transcription de son titre. C'était une usucapion de la liberté du fonds.

D'après la loi nouvelle, le tiers détenteur ne peut plus usucaper la liberté du fonds par dix ou vingt ans, mais seulement par le temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers, c'est-à-dire par trente ans. Deux motifs ont dicté ce changement: le premier, c'est de donner plus de sécurité au créancier, en le dispensant de faire de fréquents actes interruptifs de prescription; le second, c'est que le système complet de publicité des hypothèques permet difficilement de croire à la bonne foi du tiers détenteur.

1920. Cette prescription trentenaire, qu'on la considère comme extinctive de l'action hypothécaire ou comme acquisitive de la liberté du fonds, n'exige plus de titre; elle commence au moment où le tiers détenteur a pris possession de l'immeuble, et non seulement après la transcription de son titre. Elle peut être interrompue, d'après les règles générales, par un acte de poursuite ou de reconnaissance, mais elle ne l'est pas par le simple renouvellement de l'inscription (no 1917). 1921. La nouvelle disposition relative à la prescription par le tiers détenteur ne s'applique pas aux prescriptions déjà commencées au moment où la loi hypothécaire est devenue obligatoire; elles ont été régies encore par le code civil. Ainsi, le tiers détenteur au profit duquel la prescription avait commencé le 1er janvier 1852, a pu l'accomplir par dix ans à partir de la transcription de son titre. (Disp. transitoire, art. 11.)

1922. Sous le code, il y a une question importante surtout à cause du court délai de dix ans dans lequel s'accomplissait la prescription au profit du tiers détenteur. Lorsqu'un fonds est hypothéqué à une dette non exigible (une rente) ou à longue échéance et que le débiteur en paye exactement les arrérages ou les intérêts, comment le créancier peut-il interrompre la prescription contre le tiers détenteur? Aucun des moyens de poursuite énoncés aux art. 2244-2247 ne peut être employé, parce que la dette n'est pas exigible; aucune disposition de la loi n'oblige le détenteur à interrompre la prescription par un acte de reconnaissance, et la simple inscription de l'hypothèque ne l'interrompt pas. Quelques auteurs donnent au créancier le droit de faire assigner le détenteur en déclaration d'hypothèque; mais ce moyen est tout au moins contestable..

La loi nouvelle a comblé cette lacune. Le tiers détenteur peut être contraint de fournir, à ses frais, un titre récognitif de l'hypothèque, à dater de la transcription de son acquisition; par cet acte, la prescription, si elle était en cours au profit du précédent propriétaire, sera interrompue, et le point initial de la prescription au profit du propriétaire actuel sera nettement fixé. Cet acte récognitif a encore l'avantage de bien constater l'identité du bien frappé de l'hypothèque.

Afin que, dans le cas où la dette n'est pas exigible, le tiers détenteur ne puisse pas acquérir la prescription même par le laps de trente ans, la loi lui impose l'obligation de renouveler, aussi à ses frais, l'acte de l'hypothèque vingt-huit ans après sa date, s'il possède encore l'immeuble hypothéqué. Cette disposition est puisée dans l'art. 2263 du

code, qui contraint le débiteur d'une rente à fournir à son créancier un titre nouvel vingt-huit ans après la date du dernier titre.

1923. -Les priviléges et hypothèques s'éteignent encore: 6o par le défaut d'inscription dans les trois mois de l'ouverture de la succession (art. 82, alin. 2; supra, no 1822); 7° par la perte de la chose grevée; 8° par la résolution du droit de propriété de celui du chef duquel procédait le privilége ou l'hypothèque (art. 74; supra, n° 1796).

CHAPITRE VIII.

DU MODE DE PURGER LES PROPRIÉTÉS DES PRIVILÈGES ET HYPOTHÈQUES. (ART. 109-122.)

1. NOTION DE LA PURGE ET INTRODUCTION HISTORIQUE.

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1924. Nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même; donc le cédant ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même sur la chose cédée, et il les transmet sous l'affectation des mêmes priviléges et hypothèques dont il était chargé (art. 109).

Or, le droit de suite oblige le tiers détenteur à subir l'expropriation, à moins qu'il ne délaisse ou qu'il ne consente à payer toutes les dettes inscrites. Pour arrêter les poursuites et pour le dispenser de délaisser ou de payer toutes les dettes inscrites, la loi donne à l'acquéreur la faculté de purger sa propriété. La purge est un bénéfice par suite duquel le tiers détenteur peut affranchir l'immeuble grevé en versant le prix de cet immeuble entre les mains des créanciers privilégiés et hypothécaires en ordre de le recevoir.

1925.- Lorsqu'un immeuble est grevé d'hypothèques au delà de sa valeur, personne ne l'achètera dans l'intention de payer toutes les dettes inscrites, ni pour le délaisser aussitôt ou pour en subir l'expropriation. Les biens surchargés de dettes seraient donc frappés d'une espèce d'inaliénabilité, et en quelque sorte placés hors du commerce par cela seul que personne ne voudrait les acquérir; ils ne pourraient donc pas arriver dans la main qui souvent serait à même de les faire valoir le mieux.

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