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disposition avait pour but de permettre au débiteur de rembourser son ancien créancier quand même celui-ci ne voudrait pas céder son droit au nouveau créancier, ni le subroger. Le débiteur peut avoir intérêt à payer son ancien créancier, par exemple s'il peut emprunter à des conditions moins onéreuses.

Cette disposition, d'abord suivie seulement dans les pays du droit écrit, fut également introduite dans les pays coutumiers, et voici à quelle occasion. Un édit de Charles IX, de 1576, avait fixé au denier douze (1 pour 12, ou 8 1/3 pour cent) le taux des rentes et intérêts, parce que par suite des guerres civiles, l'argent était devenu rare. En 1601, Henri IV réduisit le taux des rentes au denier seize (1 pour 16 ou 6 1/4 pour cent). Beaucoup de débiteurs, qui avaient contracté sous l'empire de l'édit de 1576 voulaient alors rembourser les capitaux de leurs rentes, mais leurs créanciers refusaient de subroger dans leurs droits et hypothèques les prêteurs dont les deniers devaient servir à ce remboursement. L'édit du mois de mai 1609. fut alors publié. Il dispose, à l'exemple du droit romain, « que ceux qui fourniront leurs deniers aux débiteurs de rentes constituées au denier douze, avec stipulation expresse de pouvoir succéder aux hypothèques des créanciers qui seront acquittés de leurs deniers, et desquels iceux deniers seront employés à l'acquit d'icelles rentes et autres sommes, par déclaration qui sera faite des detteurs lors de l'acquit et rachat, soient et demeurent subrogés de droit aux droits, hypothèques, noms, raisons et actions desdits anciens créanciers, sans autre cession et transport d'iceux. »

Plusieurs jurisconsultes considéraient cette espèce de subrogation comme particulière au cas de la réduction des rentes, qui en avait été la cause occasionnelle. Mais plusieurs arrêts de règlement, notamment celui du parlement de Paris du 6 juillet 1690, ont consacré et généralisé ce mode de subrogation et en ont indiqué lés formalités. Ce dernier arrêt est devenu la source de l'art. 1250, no 2. Merlin, Rép., vo Subrogation de personne, sect. II, §8; Duranton, no 130.

2. DE LA SUBROGATION LÉGALE. (Art. 1251.)

189. Le caractère commun aux quatre hypothèses prévues par cet article, c'est que la subrogation légale a lieu au profit de celui qui paye une dette qu'il avait intérêt à acquitter. Mais il ne faut pas généraliser ces dispositions et dire que la subrogation légale peut être étendue à tous les cas où le tiers qui a fait un payement avait intérêt

à le faire. La subrogation légale doit être fondée sur une disposition spéciale de la loi. Pothier, Cout. d'Orléans, tit. XX, no 70. La subrogation a lieu de plein droit dans quatre cas.

190.- 1o Au profit de celui qui, étant lui-même créancier hypothécaire ou simplement chirographaire, paye un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses priviléges ou hypothèques. Ce droit du créancier postérieur, qui s'appelle jus offerendi ou offerendæ pecuniæ, est puisé dans les lois romaines, Il. 1 et 5, C. Qui potiores, 8, 18. Le créancier postérieur peut avoir intérêt à faire ce payement, soit pour éviter une expropriation inopportune, soit pour diminuer les frais de poursuite en diminuant le nombre des créanciers.

Le remboursement peut aussi être fait à tout créancier qui se trouve dans une position plus favorable à raison de sûretés spéciales autres que priviléges ou hypothèques. Mais la subrogation légale n'a pas lieu en faveur du créancier qui en a remboursé un autre venaut après lui.

191.

2° Au profit de l'acquéreur d'un immeuble, qui emploie le prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué. Cette disposition est tirée des fr. 17, D. Qui potiores in pignore, 20, 4, et fr. 3, § 1, D. de Distractione pignorum, 20, 5. Ce qu'elle a de particulier et de contraire au droit strict, c'est que l'acquéreur a une hypothèque sur sa propre chose. Elle a pour but de donner à l'acquéreur le moyen d'éviter les poursuites et de conserver l'immeuble sans être obligé de purger; ou bien, en cas de poursuite, de lui assurer le même rang que celui des créanciers qu'il a remboursés.

Cette subrogation n'a pas lieu de droit à l'égard des payements que l'acquéreur pourrait avoir faits avant son acquisition. Mais elle s'étend aussi à d'autres immeubles hypothéqués au profit du créancier remboursé. Il en était autrement d'après l'ancien droit. Mais l'article 1251 no 2 ne distingue pas; et puis, on peut dire que l'hypothèse dont il s'agit tombe sous l'application du no 3 de l'art. 1251, l'acquéreur étant, au moins hypothécairement, tenu des dettes qui grèvent l'immeuble par lui acquis.

192.3o Au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au payement de la dette, avait intérêt de l'acquitter. Tels sont, par exemple, le codébiteur solidaire ou le codébiteur d'une obligation indivisible, ou le cofidėjusseur, ou la caution qui peut payer pour le débiteur principal. Dans ces cas, celui qui a payé ne peut

exercer les droits du créancier contre ses codébiteurs que jusqu'à concurrence de la part de chacun dans la dette. (V. supra, no 152.)

Cette disposition est une innovation. D'après l'ancien droit, la subrogation devait, dans ces cas, être requise par le débiteur qui avait payé; elle n'avait lieu de droit au profit de ce débiteur que lorsque, malgré sa réquisition, le créancier l'avait refusée. Les auteurs du code ont adopté l'idée de Dumoulin, qui s'était, même contre les textes romains, prononcé pour la subrogation de plein droit. Pothier, Coutumes d'Orléans, titre XX, nos 74-77. Exposé de motifs, n° 129 (Locré, XII, 570).

193.—4° Au profit de l'héritier bénéficiaire qui a payé de ses deniers les dettes de la succession. Il a intérêt à libérer la succession, et il n'est pas présumé avoir voulu confondre ses droits personnels avec ceux de la succession. D'ailleurs, cette subrogation a lieu dans l'intérêt même des créanciers de la succession, qui n'ont qu'à gagner à une liquidation prompte et peu coûteuse. Sous l'ancien droit, Renusson professait la même doctrine. Tr. de la subrogation, ch. VII, no 76.

194.

C. Effets de la subrogation.

Le subrogé entre dans tous les droits du créancier remboursé. La subrogation a lieu contre le débiteur principal, contre les créanciers de ce dernier, contre les tiers détenteurs d'immeubles hypothéqués à la dette acquittée et contre les cautions. (Art. 1252.) L'effet de la subrogation contre la caution a été ajouté sur la proposition du Tribunat, afin de faire cesser l'ancienne controverse sur ce point. V. Observations du Tribunat, no 44 (Locré, XII, 174).

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195. — Mais la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie; en ce cas, il peut exercer ses droits pour ce qui lui reste dù, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un payement partiel. (Art. 1252.) Les différentes personnes dont il a reçu des payements partiels sout alors payées au marc le franc, mais le créancier subrogeant leur est préféré. Par exemple, A a une créance hypothécaire de 10,000 fr.; B, par suite d'une première subrogation, C, par une seconde, ont remboursé à A chacun 3,000 fr. L'immeuble est vendu 6,000 fr. A sera remboursé des 4,000 restant de la dette; Bet C viendront en concurrence sur les 2,000, et auront chacun 1,000 fr.; mais les deux créanciers subrogés ne viennent pas en concurrence avce A. Le motif de cette disposition, c'est que « celui qui a

payé un créancier avec subrogation, doit être à son égard considéré comme ayant voulu acquitter la dette, et non comme ayant voulu acquérir un droit contre lui ou en concurrence avec lui. » Exposé de motifs, n° 150 (Locré, XII, 371). Dans l'exemple proposé, la dette était, à l'égard de A, éteinte jusqu'à concurrence de 6,000 francs. V. Pothier, l. c., no 87.

Cette préférence n'a lieu qu'au profit du créancier qui a lui-même un droit de préférence, et non au profit du simple créancier chirographaire.

Elle n'a pas lieu au préjudice du cessionnaire et au profit du créancier qui a cédé une partie de sa créance, ni au profit d'un autre créancier subrogé qui, depuis, a payé le surplus de la créance. V., sur ces questions, Duranton, t. VII (édit. Brux.), no 184-188.

III. DE L'IMPUTATION DES PAYEMENTS. (Art. 1253-1236.)

196. — En principe, le débiteur de plusieurs dettes envers le même créancier a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter. (Art. 1253; fr. 1, D. de Solutionibus, 46, 3.) Mais son option n'est pas absolue; elle ne doit pas causer de préjudice au créancier. Exp. de motifs, n° 131 (Locré, XII, 372). C'est pour ce motif que le débiteur d'une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le payement sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts, et que le payement fait sur le capital et les intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute d'abord sur les intérêts. (Art. 1254.) Et, par la même raison, le débiteur ne peut faire l'imputation plutôt sur une dette non échue que sur une dette échue, lorsque le terme a été ajouté en faveur du créancier (arg, art. 1258, 4o), ni imputer le payement en partie sur une dette et en partie sur une autre. (Art. 1244.)

Il faut que le débiteur fasse son option au moment même du paye

ment.

197.- Si le débiteur ne fait pas l'imputation, le droit de la faire est dévolu au créancier, lequel doit aussi se prononcer au moment de la réception, dans la quittance (in re præsenti, hoc est statim, fr. 1, D. de Solutionibus, 46, 3). Le débiteur qui reçoit cette quittance, est censé adhérer à l'imputation, et ne peut plus demander qu'elle soit faite sur une dette différente, à moins qu'il n'y ait eu dol ou surprise de la part du créancier. (Art. 1235.) A la différence du droit romain,

d'après lequel le créancier devait agir comme negotiorum gestor du débiteur, et imputer sur la dette qu'il se serait lui-même empressé d'acquitter s'il eût été à la place du débiteur, l'imputation ne peut donc plus être attaquée par le débiteur, à raison du simple préjudice qu'elle lui a causé, s'il n'y a pas eu dol ou surprise de la part du créancier. 198. Lorsque aucune imputation n'a été faite, ni par le débiteur ni par le créancier, elle est réglée par la loi, d'après la volonté présumée et l'intérêt respectif des parties. Ainsi :

1o Le payement doit être imputé d'abord sur la dette échue, de préférence à celles qui ne le sont pas, parce que le payement pourrait en être exigé immédiatement ;

2o Lorsque les dettes sont toutes également, soit échues, soit non échues, l'imputation doit se faire sur celle que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter. Ainsi, par exemple, l'imputation, d'après cette règle, devrait se faire dans l'ordre suivant : plutôt sur la dette qui entraîne la contrainte par corps que sur celle qui ne l'entraîne pas; plutôt sur celle contractée sous clause pénale que sur celle sans clause pénale; plutôt sur celle portant intérêt que sur celle qui n'en produit pas; plutôt sur la dette hypothécaire que sur la dette chirographaire; entre plusieurs dettes non échues, sur celle qui échoit avant les autres, etc.;

3° Si les dettes sont d'une nature également onéreuse, l'imputation se fait sur la plus ancienne, c'est-à-dire sur celle qui est échue depuis le plus long temps;

4° Enfin, toutes choses égales, l'imputation se fait proportionnellement sur les différentes dettes. (Art. 1236.)

iv. des offres de payement et de lA CONSIGNATION. (Art. 1257-1264.)

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A. Notions générales.

199. Le débiteur peut avoir intérêt à se libérer; le créancier ne doit pas être maître de l'en empêcher. Lorsque le créancier refuse de recevoir le payement, le débiteur peut le constituer en demeure (voy. supra, no 73) et se libérer entièrement en se dessaisissant de la chose. Pour constituer le créancier en demeure, il ne suffit pas de lui adresser une sommation de recevoir, ou de lui faire des offres simplement verbales; il faut en outre que cette sommation soit accompagnée d'offres réelles, c'est-à-dire de la présentation effective de la

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