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fait en double. C'est là le principal intérêt pratique de la distinction. 2o Les contrats sont ou commutatifs ou aléatoires.

Un contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle.-Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire. (Art. 1104.) Cette distinction offre un intérêt pratique quand il y a lieu d'examiner si un contrat est entaché de lésion.

3o Les contrats sont à titre onéreux, ou à titre gratuit ou de bienfaisance.

Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purément gratuit. (Art. 1105.) Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose. (Art. 1106.) Il suit de cette définition que les contrats synallagmatiques sont tous à titre onéreux. Mais les contrats unilatéraux ne sont pas toujours à titre gratuit, par exemple une donation peut imposer une charge au donataire. Cette distinction offre de l'intérêt, surtout dans le cas où la loi limite la faculté de disposer à titre gratuit.

4o Les conventions sont principales ou accessoires, selon qu'elles ont une existence propre et indépendante, ou que leur existence est subordonnée à l'existence et à la validité d'une autre convention.

5o Les contrats sont solennels ou non solennels, selon que leur validité est ou non subordonnée à l'observation de certaines formes extrinsèques.

6o Les contrats sont nommés ou innomés. (Art. 1107.) Les règles spéciales aux contrats nommés s'appliquent par analogie aux contrats innomés.

CHAPITRE II.

DES CONDITIONs essentielles POUR LA VALIDITÉ DES CONVENTIONS.

9.

Dans toute convention, on peut distinguer trois éléments: 1° les conditions essentielles pour sa validité (essentialia negotii); 2 les naturalia, c'est-à-dire, les conséquences qui découlent de la

nature même de l'acte, et qui, pour ce motif, ont lieu de plein droit, sans convention spéciale des parties, et 3° les accidentalia ou les stipulations qui modifient ordinairement les conséquences naturelles de l'acte, soit en y ajoutant, soit en en retranchant quelque chose.

Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : 1° le consentement des parties; 2o la capacité de contracter de la partie qui s'oblige; 3° un objet valable; 4° une cause licite. (Art. 1108.)

SECTION PREMIÈRE.

DU CONSENTEMENT. (Art. 1109-1118.)

10.

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Toute convention exige le libre consentement ou le concours des volontés sérieuses des parties contractantes, du débiteur et du créancier (arg. art. 146). Il faut donc une offre acceptée. Une simple offre ou proposition non acceptée n'oblige à rien, pas plus qu'une simple promesse non acceptée (pollicitatio). La force obligatoire de la pollicitation, admise en droit romain lorsqu'elle avait été faite en faveur d'une commune pour un juste motif, et lorsqu'elle consistait à consacrer une chose à Dieu (votum), a été implicitement abolie en France par l'art. 5 de l'ordonnance de 1731 sur les Donations. Une offre faite par l'une des parties peut être retirée tant qu'elle n'a pas été acceptée par l'autre.

L'acceptation ne peut plus être valablement faite lorsque l'auteur des offres a perdu, de fait ou de droit, la capacité de contracter, par exemple, s'il est tombé en démence.

L'acceptation doit être conforme à l'offre. Aucune obligation n'est contractée si l'acceptation diffère de l'offre quant à l'objet, quant à la quantité ou à la qualité, quant au terme ou à la condition. Dans ces cas il n'y a pas concours des deux volontés. Toutefois, il faut admettre qu'il y a une obligation valable lorsque celui qui s'oblige a accepté des conditions plus onéreuses que celles qu'avait proposées celui envers lequel l'obligation est contractée. Par exemple, je veux vous vendre un objet pour 100 francs, vous consentez à l'acheter pour 120 francs; l'obligation est valable jusqu'à concurrence de 100 francs. Fr. 52. D. Locati, 19, 2.

11. Il n'est pas nécessaire que l'acceptation se fasse en mème temps que l'offre ; elle peut la suivre après un intervalle de temps La convention peut donc être formée entre absents; l'offre et l'acceptation peuvent se faire par lettres missives. L'offre faite par l'un peut ètre alors rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée par l'autre, à moins que le premier n'ait renoncé à la faculté de la retirer avant une certaine époque.

12. Il y a controverse sur la question de savoir si le contrat est parfait par le seul effet du concours des deux volontés, même ignoré des deux parties ou de l'une d'elles, ou seulement lorsque l'acceptation est parvenue à la connaissance de l'auteur des offres. Le contrat n'est parfait que lorsque l'auteur des offres a connaissance de l'acceptation. Car, une volonté qui n'est pas connue de l'autre partie est censée ne pas exister pour elle. Troplong, Vente, no 24. - Zachariæ, § 345, note 2, se prononce en sens contraire.

-

15. En règle générale, aucune forme n'est requise pour la manifestation du consentement; il peut être exprimé par écrit, verbalement ou tacitement par un simple geste. Cette règle ne souffre exception que lorsque la loi prescrit une forme solennelle, par exemple, pour les actes portant donation, pour le contrat de mariage, pour la constitution d'une hypothèque (art. 931, 1394, et loi du 16 décembre 1851, art. 2, 76); et lorsque les parties sont convenues que la convention ne serait obligatoire qu'après avoir été rédigée par écrit, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit évident que la rédaction par écrit n'a été stipulée que pour avoir un moyen de preuve. Zachariæ, $343, note 6.

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14. Il n'y a pas de consentement possible de la sonne physiquement incapable d'avoir ou d'exprimer une volonté; par exemple, par un enfant en bas âge, par un homme qui est totalement aliéné ou qui se trouve dans l'état d'ivresse complète. Mais alors même qu'il y a consentement, il ne suffit pas toujours pour donner naissance à une convention. Pour produire cet effet, il faut que le consentement soit exempt de vices. (Art. 1109.) Les vices du consentement sout 1° l'erreur; 2o la violence; 3° le dol.

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A. De l'erreur.

15. On est dans l'erreur, lorsqu'on a une fausse idée d'une chose; on est dans l'ignorance, lorsqu'on n'en sait rien. En droit, les effets de l'une et de l'autre sont les mêmes. Elles peuvent tomber sur un point de fait ou sur un point de droit. Le code ne distingue pas entre les effets de l'une ou de l'autre.

Rigoureusement parlant, l'erreur n'est pas un vice du consentement; elle exclut plutôt tout consentement, et partant toute convention. Non videntur qui errant consentire; fr. 116, § 2, D., de regulis juris, 50, 17. Mais le code ne considère pas comme inexistante la convention qui est le résultat de l'erreur; il la déclare sujette à rescision ou à annulation. (Art. 1117, 1304.)

La théorie du Code, quoique contraire aux principes rigoureux sur le consentement, peut s'expliquer ainsi. Bien que, au moment du contrat, la volonté réelle de l'une des parties n'ait pas été, par suite d'une erreur, conforme à sa volonté exprimée, il n'est pas certain qu'elle n'eût pas fait la même convention, si elle n'eût pas été dans l'erreur. Après la découverte de l'erreur, elle peut donc volontairement accepter la position que la convention lui a faite, et ainsi rendre valable, par son consentement ultérieur, ce qui ne l'avait pas été au moment du contrat. (Arg. art. 146, 181.) Si elle ne veut pas accepter cette position, elle, mais elle seule, peut demander la nullité de la convention.

16. Mais toute erreur n'est pas exclusive du consentement; il est possible qu'une partie aurait contracté de la même manière, si elle n'avait pas été dans l'erreur. Il importe donc de déterminer dans quels cas l'erreur est un vice du consentement. On peut formuler la règle que l'erreur est une cause de nullité de la convention toutes les fois qu'elle tombe sur la prestation qu'une personne doit faire ou recevoir. Maynz, Éléments de droit romain, § 285. En partant de cette règle, on peut établir les distinctions suivantes avec leurs conséquences.

L'erreur peut porter: 1° sur la nature mème du contrat que l'on veut former; par exemple, l'un veut louer, l'autre acheter; la convention est nulle; 2° sur l'individualité de la chose qui fait l'objet du contrat (in corpore rei); par exemple, l'un a pensé à l'objet A, l'autre à l'objet B; la convention est nulle, à moins que l'objet du contrat ne soit une chose entièrement fongible, par exemple, un exemplaire d'un livre de la même édition; 3° sur les motifs ou le mobile qui a déter

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miné une partie à contracter; elle n'annule pas la convention; 4° sur la substance ou la qualité de la chose, et 5o sur la personne du cocontractant. Le Code ne statue expressément que sur ces deux derniers cas.

17. — L'art. 1110 dit que l'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Par substance, il ne faut pas seulement entendre la matière dont la chose est faite, mais toutes les qualités essentielles, sans l'existence desquelles l'une ou l'autre partie n'aurait pas contracté. Ce terme a donc une signification très-variée, selon la nature des choses et l'intention des contractants. Ainsi, quelquefois la substance peut être la forme de la chose; par exemple, dans les objets d'art. Quelquefois la quantité de la chose peut faire partie de la substance; par exemple, lorsqu'une certaine quantité était l'objet même du contrat et que, sans l'existence de cette quantité, l'une ou l'autre partie n'aurait pas contracté. L'erreur sur l'origine de la chose ou sur l'auteur auquel elle est attribuée, peut être considérée comme une erreur sur la substance de la chose; par exemple, la vente d'un tableau peut être annulée lorsqu'il n'a pas pour auteur le maître désigné dans la convention. Paris, 9 janvier 1849 (D. P., 1849, II, 67).

Dans les autres cas, l'erreur sur la quantité, les qualités ou sur les accessoires de la chose n'est pas une cause de nullité de la convention; elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

18. L'erreur sur la personne n'est pas une cause de nullité, lorsque cette erreur n'exclut pas le consentement au contrat; par exemple, lorsqu'on a acheté un fonds de A croyant l'acheter de B. Il y a erreur sur la personne avec laquelle l'acheteur avait intention de contracter, mais la convention n'est pas nulle. Son but principal était d'avoir le fonds; il l'a acquis. La personne du vendeur n'était pas un des éléments nécessaires pour le consentement. L'acheteur aurait également acheté, s'il n'avait pas été en erreur.

Mais la convention est nulle toutes les fois que le consentement au contrat même est détruit par l'erreur sur la personne; par exemple, dans le mariage, dans les actes de libéralité, dans les contrats de confiance, comme le mandat.

Il est évident que l'erreur sur la personne est destructive du consentement, toutes les fois que la considération de la personne est la cause principale du contrat. Mais cette rédaction est trop restrictive; car, sans que la considération de la personne soit la cause principalé du contrat, il peut arriver que la personne soit une considération

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