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de ses magasins, de, ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avoient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie étoit perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avoit si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capi❤ tale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi étoit telle, qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il étoit sans mu→ nitions, par la séparation de ses parcs de réserve.

Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon cœur fut déchiré; mais mon âme resta inébranlable. Je ne consultai que l'intérêt de la patrie; je m'exilai sur un rocher au milieu des mers. Ma vie vous étoit et devoit encore vous être utile. Je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui vouloient m'accompagner partageassent mon sort; je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves nécessaires à ma garde.

Elevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illegitime. Depuis vingt-cinq ans la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire, qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régneroit sur vous qui seroit assis sur mon trône par la force des mêmes ar mées qui ont ravagé notre territoire, chercheroit en vain à s'étayer des principes du droit féodal; il ne pourroit assu

rer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'indi→ vidus ennemis du peuple, qui depuis ving-cinq ans les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seroient perdues à jamais.

Français! dans mon exil j'ai entendu vos plaintes et vos vœux; vous réclamez ce gouvernement de votre choix qui seul est légitime. Vous accusiez mon long sommeil; vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie.

J'ai traversé les mers au milieu des périls de toute espèce; j'arrive parmi vous, reprendre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus, car il est des événemens d'une telle nature qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine.

Français! il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra à Paris, et renversa le trône éphémère de Henri V, il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves, et non d'un prince Régent d'Angleterre.

C'est aussi à vous seuls, et aux braves de l'armée, que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir.

Par l'empereur.

Signé NAPOLÉON.

Le grand-maréchal faisant fonctions de major-général

de la grande armée.

Signé comte Bertrand.

Au golfe Juan, le 1er mars 1815.'

NAPOLEON, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'Etat, empereur des Français, etc. etc. etc.,

Soldats!

A L'ARMÉE.

Nous n'avons pas été vaincus deux hommes sortis de nos rangs ont trahi nos lauriers, leur pays, leur prince,

leur bienfaiteur.

Ceux que nous avons vus pendant vingt-cinq ans parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis ; qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères, en maudissant notre belle France, prétendroient-ils cominander et enchaîner nos aigles; eux qui n'ont jamais pu en soutenir les regards? Souffrironsnous qu'ils héritent du fruit de nos glorieux travaux; qu'ils s'emparent de nos honneurs, de nos biens; qu'ils calomnient notre gloire? Si leur règne duroit, tout seroit perdu, même le souvenir de ces immortelles journées. Avec quel acharnement ils les dénaturent! Ils cherchent à empoisonner ce que le monde admire; et, s'il reste encore des défenseurs de notre gloire, c'est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattus sur le champ de bataille.

Soldats dans mon exil j'ai entendu votre voix; je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls; votre général appelé au trône par le choix du peuple, et élevé sous vos pavois, vous est rendu; venez le joindre.....

Arrachez ces couleurs que la nation a proscrites, et qui, pendant vingt-cinq ans, servirent de ralliement à

tous les ennemis de la France; arborez cette cocarde tricolore; vous la portiez dans nos grandes journées.

Nous devons oublier que nous avons été les maîtres des nations; mais nous ne devons pas souffrir qu'aucune se mêle de nos affaires.

Qui prétendroit être maître chez nous? Qui en auroit le pouvoir? Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à 'Austerlitz, à Jena, à Eylau, à Friedland, à Tudella, à Eckmülh, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskwa, à Lutzen, à Vurken, à Montmirail. Pensez-vous que cette poignée de Français, aujourd'hui si arrogans, puissent en soutenir la vue? Ils retourneront d'où ils viennent, et là, ils régneront s'ils le veulent, comme ils prétendent avoir régné depuis dix-neuf ans.

Vos biens, vos rangs, votre gloire, les biens, les rangs et la gloire de vos enfans, n'ont pas de plus grands ennemis que ces princes que les étrangers nous ont imposés; ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple français combattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation.

Les vétérans des armées de Sambre et Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, de la grande-armée, sont tous humiliés; leurs honorables cicatrices sont flétries; leurs succès seroient des crimes; ces braves seroient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, les souverains légitimes étoient au milieu des armées étrangères.

Les honneurs, les récompenses, leur affection, sont pour ceux qui les ont servis contre la patrie et nous.

Soldats! venez vous ranger sous les drapeaux de votre

chef: : son existence ne se compose qué de la vôtre; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres ; son inté➡ rêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge : l'aigle, avec les couleurs nationales, vojera de clocher en clocher, jusqu'aux tours de Notre-Dame: alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices; alors vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait; vous serez les libérateurs de la patrie. Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens, ils vous entendront, avec respect, raconter vos hauts faits; vous pourrez dire avec orgueil : « Et moi aussi, je faisois partie de cette grande-armée qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Madrid, de Moscou, et qui a délivré Paris de la souillure que la trahison et la présence de l'ennemi y ont empreinte. »

Honneur à ces braves soldats, la gloire de la patrie! et honte éternelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître, qui combattirent vingtcinq ans avec l'étranger, pour déchirer le sein de la patrie. Signé NAPOLÉON.

Au golfe Juan, le 1er mars 1815.

Les généraux, officiers et soldats de la garde impériale, aux généraux, officiers et soldats de l'armée.

Soldats, camarades!

Nous vous avons conservé votre empereur, malgré les nombreuses embûches qu'on lui a tendues; nous vous le ramenons au travers des mers, au milieu de mille dangers;

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