Page images
PDF
EPUB

encore son ennemi, en rompant les résolutions du traité de Paris. Ainsi, la nouvelle guerre préparée par Buonaparte, justifie les mesures prises aujourd'hui par les divers cabinets, qui se trouvent tout naturellement exemptés de toute obligation à son égard. Le bien et l'avantage de la France et la tranquillité générale furent l'objet de ces transactions; elles eurent en effet pour résultat de rétablir sur le trône la dynastie dépouillée, et d'y placer le juste, le désiré de ses peuples, le conciliant et le pacifique Louis XVIII.

Ainsi la guerre, provoquée par l'agression de Buonaparte, est justifiée non seulement par l'obligation imposée à tout souverain de maintenir ses garanties et ses alliances, mais encore par les devoirs sacrés que lui impose l'institution de la souveraineté.

La guerre est sans doute un grand mal; aucun gouvernement ne doit l'entreprendre, si ce n'est pour préserver ses peuples de calamités plus grandes que la guerre ellemêine. Espagnols! c'est ici le cas où nous nous trouvons, Après son agression contre la France et son légitime souverain, après avoir rompu le traité qu'il avoit consenti, Buonaparte soutient qu'il n'a offensé personne, qu'il a seulement recouvré ses droits légitimes, que les souverains ne peuvent pas les mettre en discussion, et qu'il veut vivre en paix avec tout le monde.

En semblable circonstance, personne ne sauroit hésiter sur le choix d'un parti : toute l'Europe a pris le parti le plus sûr, le plus avantageux et le plus honorable. Toute défiance a disparu entre les puissances, qui dans le danger commun ont réuni leurs intérêts. La Prusse ne sera point passive spectatrice des revers de l'Autriche, l'Autriche ne

regardera point avec indifférence le sort de la Prusse. La Russie ne permettra pas que le midi de l'Europe soit divisé en héritages pour nourrir des esclaves couronnes. L'Angle. terre persistera à ne pas souffrir qu'on compte de nouveau au nombre des souverains ce guerrier qui eut l'audace de donner des lois aux mers, tandis que tous les vaisseaux français restoient bloqués dans ses ports.

Espagnols! nous avons à soutenir une guerre ordonnée par la loi suprême de tous les gouvernemens : elle est innocente et parfaitement juste, parce qu'elle est combinée pour le bien des peuples et pour la sûreté des souverains appelés à les gouverner par la Providence et par la loi fondamentale des Etats. Cette guerre est préparée avec prudence, parce que les moyens que les puissances coalisées ont pris et prennent encore pour reconquérir la paix de l'Europe, doivent être conformes à la gravité et à l'importance de l'entreprise. Cette guerre est surtout nécessaire, parce que les corps nationaux, de même que les individus, ne peuvent oublier la loi de leur propre conser

vation.

La nécessité de la guerre ne résulte pas de ce seul principe. Espagnols! vous devez aussi considérer comme un besoin impérieux, celui de lutter contre l'auteur du plan impie dressé pour détruire l'œuvre de Jésus-Christ, et achever dans deux ou quatre ans ce qu'il appeloit dans ses instructions à Cervalloni, œuvres de tromperie. Voilà ce qu'est Buonaparte, qui, non content d'être une source de calamités, voudroit qu'on les supportât sans appui, sans consolation, sans espérance d'un meilleur sort, enfin, sans le secours de la tendre, officieuse et compatissante religion catholique. Ils ne conviennent pas à Napoléon,

des dogmes qui condamnent le droit de la force, l'unique droit qu'il reconnoit. Ces dogmes, qui prêchent la justice et l'équité, ne peuvent plaire à l'usurpateur des trônes. Ils ne conviennent point enfin à celui qui soutient que les noms de juste, d'équitable et de vertueux, appartiennent exclusivement aux conquérans.

Espagnols! la justice, la prudence, la loi de la défense et la religion, commandent également cette guerre pour délivrer la France et son trône, du joug de l'oppression sous lequel ils gémissent, et pour conquérir la tranquillité et le repos du monde. Les conseils de l'ambition n'ont eų aucune influence auprès d'un tribunal aussi intègre. La France ne sera démembrée ni sous le rapport de ses places, ni sous celui de ses provinces. Ses limites seront religieusement respectées; et, pour que les armées alliées ne missent pas les pieds au-delà de ses limites, il suffiroit que la France suivit la seule impulsion de ses réflexions sur l'outrage que l'on fait à sa dignité nationale, en la rendant le jouet et l'objet du mépris des factions; qu'elle pensât qu'une nation commence à être èsclave dès qu'elle perd les Rois appelés par les lois fondamentales à la gouverner.

[ocr errors]

Je sais bien que j'ai le pouvoir de déclarer et de faire la guerre. Je suis sûr que mes sujets se reposeront avec confiance sur l'idée qu'un Roi qui fonde sa félicité sur celle de ses peuples, ne peut entreprendre la guerre sans la douleur de se voir dans la nécessité de les défendre. Cependant j'ai voulu appeler à mon secours la force de la conviction pour affermir ma réputation de juste dans la pensée des nations, pour encourager la valeur de mes troupes, pour stimuler la générosité de ceux qui peuvent

faire preuve de cette vertu, pour soutenir la résignation de tous dans les travaux que nous prépare cette fatale circonstance, et pour que, la guerre se trouvant sanctifiée, tous espèrent dans le secours du dispensateur des victoires. De mon palais royal de Madrid, le 2 mai 1815.

Signé FERDINAND.

Contre-signé PEDRO CEVALLOS.
(Journal de l'Empire du 2 juin. Y^

No. XXXVIII.

RAPPORT DU MINISTRE DE LA POLICE GÉNÉRALE A S. M. L'EMPEREUR.

Le 7 mai.

Sire,

Au moment où V. M. a repris les rênes de l'Etat, la France n'avoit, pour échapper à l'anarchie, d'autres ressources que celles de sa propre énergie.

Abandonné à des transfuges que les préjugés, les vengeances et les passions dominoient, le gouvernement n'étoit plus un moyen de protection nationale, mais l'instrument d'une faction.

[ocr errors]

On vouloit remuer les cendres du camp de Jalès et de la Vendée, rallier les débris de l'insurrection de la Bretagne et de la Normandie, comprimer le peuple par la terreur, et le ramener par violence à la barbarie des siècles féodaux.

Tout se dirigeoit vers l'accomplissement de ce projet. Le trésor se dissipoit en récompenses pour des dévouemens criminels, et des services que la patrie ne connoi

[ocr errors]

soit pas, ou qu'elle désavouoit. Les emplois, les pensions, les honneurs étoient prodigués à des individus obscurs, chargés de la haine publique, flétris dans l'opinion, tandis que des écrivains, des ministres même de la religion, alarmoient les consciences timides, ébranloient le système des propriétés, et attaquoient les lois que le chef de l'Eglise leur avoit fait un devoir de respecter.

Cette violation de l'ordre social, ce mépris de la morale commune, cet oubli des principes de la politique la plus simple, devoient amener un soulèvement général. Il étoit imminent; il alloit entraîner la perte des hommes imprudens et présomptueux qui le provoquoient. Ils vous doivent encore une fois leur salut.

Je ne rappellerai point ces prodigieux effets de l'assentiment du peuple et de l'armée; toute la population de l'Est se pressant sur vos pas, toutes les tentatives de guerre civile échouées dans l'Ouest et dans le Midi; lamilice royale dissoute, désarmée, dissipée sans résistance et dans l'espace de quelques jours, le peuple réintégré dans ses droits, ses ennemis réduits au silence, le calme partout rétabli.

Cependant il n'étoit pas naturel de penser que tous les germes de discorde fussent entièrement détruits; que tant de gens pussent voir leurs espérances s'évanouir sans conserver quelques regrets; que les privilégiés dont la royauté s'étoit entourée pussent supporter le licenciement sans murmures; que des hommes, liés depuis un an par des enrôlemens secrets, excités au désordre par des distributions et des promesses d'argent, reprissent tout-à-coup les habitudes d'une vie paisible; et qu'enfin ceux qui avoient déjà violé la foi de plusieurs amnisties se montrassent aujourd'hui moins ingrats ou plus fidèles,

« PreviousContinue »