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de l'exécuter. Je me suis rendu chez celui qui avoit été notre empereur il n'y a pas long-temps. Je lui ai exposé quel étoit l'état de la question. Il m'a dit : « Je désire ne pas me rendre à cette destination, que je ne sois sûr de partir à l'instant même. » J'ai fait connoître à la commission le résultat de cette démarche. Les choses restèrent vingt-quatre heures en cet état. Je reçus le lendemain des instructions relatives au cinquième article des ordres que j'avois reçus, lequel disoit que l'empereur ne partiroit que lorsque les sauf-conduits seroient arrivés.

Ces instructions portoient que ce cinquième article étoit regardé comme non avenu. J'en ai fait part à Napoléon, qui me dit qu'il partiroit. Je revenois à Paris, lorsque je reçus du gouvernement une lettre qui m'annonçoit que de nouvelles dépêches venues, rendoient nécessaire l'exécution de l'article 5, et que l'on m'ordonnoit d'insister sur son exécution. J'étois près des Tuileries. J'avois pris avec l'empereur une sorte d'engagement de le faire partir. Je me rendis au Tuileries, et la commission me déclara qu'elle ne pouvoit pas se désister de cette dernière instruction par des considérations politiques, et même d'intérêt pour la personne de Napoléon : tel étoit l'état des choses, lorsque, hier au soir, je reçus un nouvel ordre qui me faisoit connoître que les sauf-conduits n'arrivoient pas; que les circonstances plus impérieuses rendoient nécessaire le départ de Napoléon; que la commission de gouvernement s'occupoit de sa sûreté qui avoit été mise sous la sauve-garde et confiée à la loyauté du peuple français; que le plus grand intérêt étoit qu'il s'éloi

gnât de Paris; que l'article 5 n'étoit plus obligatoire. On me chargea de lui annoncer qu'il partiroit quand il voudroit; que je pouvois mettre les bâtimens à sa disposition. On m'adjoignit un ministre d'Etat, M. Boulay, pour lui faire cette dernière communication. Je me rendis à trois heures et demie chez l'empereur je lui exposai l'état des choses. Après une longue conversation, il me dit à quatre heures du matin je partirai demain dans la journée. J'apprends que l'empereur est parti, je n'ai rien à ajouter.

M. Decrès reprend : On me fait observer que je cons fonds les jours et les dates. Voilà trois jours et trois nuits que je n'ai dormi les jours et les nuits se sont confondus dans mon imagination; mais ces choses se sont passées en quatre-vingt-seize heures.

M. le comte Thibaudeau. Il me semble que la chambre doit prendre en considération la partie du message qui concerne le sort à assurer à Napoléon et à sa famille. Je demande qu'il soit nommé une commission spéciale pour nous faire un rapport sur cet objet. (Appuyé.)

M. le président. On va procéder à la nomination de cette commission au nombre de cinq membres, dont deux suivant l'ordre du tableau, et trois par scrutin.

MM. le duc de Bassano et le comte de Beaumont sont membres de la commission d'après l'ordre du tableau. Les membres qui ont obtenu les suffrages par le scrutin sont: MM. de la Valette, le duc de Gaëte, le duc de Plaisance.

No. LVII.

INSTRUCTION SUR LA MANIÈRE DONT SERA TRAITÉ LE GÉNÉRAL BUONAPARTE.

Lettre du ministre de la guerre, lord Bathurst, aux lords de l'amirauté.

Dowingt-street, le 30 juillet 1815.

Milords, je désire que VV. SS. aient la bonté de communiquer au contre-amiral sir Georges Cockburn, une copie du mémoire ci-joint, qui doit lui servir d'instruction pour la conduite qu'il a à tenir pendant que le général Buonaparte sera sous sa surveillance.

En confiant une mission aussi importante à des officiers anglais, le prince-régent sent qu'il est inutile de leur faire connoître son désir sincère qu'on n'emploie point pour la garde du général Buonaparte des me, sures plus sévères que celles qui sont nécessaires pour remplir fidèlement le devoir que l'amiral et le gouverneur de Sainte-Hélène ne doivent jamais perdre de vue, celui de répondre de sa personne.

On usera avec le général, comme S. A. R. n'en doute pas, de toute espèce d'indulgence qui sera compatible avec les devoirs ci-dessus. Le princerégent se repose à cet égard, sur le zèle connu et le caractère ferme de sir Georges Cockburn, et il est persuadé que rien ne sera capable de lui faire commettre aucune imprudence contraire à son devoir.

Signé BATHURST.

MÉMOIRE.

Lorsque le général Buonaparte quittera le Bellérophon pour se rendre à bord du Northumberland, ce sera pour l'amiral Cockburn le moment convenable pour faire visiter les effets que le général pourroit avoir avec lui.

L'amiral permettra que tout le bagage, les vins et les vivres que le général aura pris avec lui, soient transportés à bord du Northumberland.

Parmi ce bagage est compris sa vaisselle, à moins qu'elle ne soit si considérable qu'on ne puisse la regarder comme un article destiné à être converti en argent comptant, plutôt que comme un meuble destiné à son usage.

Son argent, ses pierreries, ses effets suceptibles d'être vendus, de quelque genre qu'ils soient (par conséquent ses lettres-de-change), seront livrés. L'amiral déclarera au général, que le gouvernement britannique n'a nullement l'intention de s'emparer de sa propriété, mais seulement d'en prendre l'adminis-tration pour l'empêcher de s'en servir comme de moyens propres à favoriser sa fuite,

L'examen de ses effets se fera en présence d'une personne nommée par Buonaparte; l'état de ceux qu'il gardera sera signé par cette personne, et par le contreamiral, ou par celui qu'il aura chargé de dresser cet

état.

On emploiera à son entretien les intérêts ou le capital de sa propriété, suivant que le produit en

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sera plus ou moins considérable, et on lui en laissera à cet égard la principale disposition.

Il pourra de temps en temps faire connoître ses désirs à ce sujet à l'amiral jusqu'à l'arrivée du nouveau gouverneur à Sainte-Hélène; et ensuite à ce dernier; s'il n'y a rien à objecter contre ses propositions, l'amiral ou le gouverneur donnera les ordres nécessaires, et la dépense sera payée en traites sur le trésor de S. M.

Le général Buonaparte peut, en cas de mort, disposer par testament de sa propriété, et être certain que ses dernières volontés seront exécutées ponctuelle

ment.

Comme on pourroit chercher à faire passer une partie de sa fortune pour la propriété des personnes de sa suite, on doit déclarer que la propriété de ceux qui l'accompagnent est soumise aux mêmes dispositions.

Le commandement des troupes destinées à le garder doit être laissé au gouverneur; mais, d'après les instructions que le gouverneur a reçues, il doit se coǹformer aux demandes de l'amiral, dans le cas dont il sera question ci-après.

Le général doit être constamment accompagné par ́un officier nommé par l'amiral, ou, suivant l'occurence, par le gouverneur ; lorsque l'on permettra au général de sortir de l'enceinte où les factionnaires sont placés, l'officier doit être accompagné au moins d'un militaire d'ordonnance.

Lorsque des vaisseaux arrivent, et aussi long-temps qu'ils sont en vue, le général ne peut sortir de l'enceinte gardée par des factionnaires pendant ce temps; toute communication est interdite avec les habitans.

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