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Ceux qui l'accompagnent à Sainte-Hélène sont alors soumis aux mêmes règles, et doivent rester près de lui. Dans d'autres temps, on laisse à la prudence de l'amiral ou du gouverneur, d'ordonner par rapport à eux -les mesures jugées nécessaires.

On doit notifier au général que, dans le cas où il feroit quelque tentative pour s'échapper, il sera alors resserré plus étroitement, et faire connoître aux personnes qui l'accompagnent, que si l'on découvre quelqués trames ourdies par elles pour faciliter l'évasion du général, elles en seront séparées et gardées plus étroitement.

Toutes les lettres adressées au général ou aux personnes de sa suite, seront remises à l'amiral ou au gouverneur, qui les lira avant de les laisser parvenir à leur adresse; la même précaution aura lieu pour les lettres du général ou des personnes de sa suite.

Toute lettre qui ne sera point parvenue à SainteHélène par le secrétaire d'Etat, ne pourra être remise au général ou à quelqu'un de sa suite, si elle est écrite par quelqu'un qui n'habite point l'île; toutes lettres adressées à des personnes non domiciliées dans l'île, seront expédiées sous le couvert du secrétaire d'Etat.

On déclarera formellement au général, que le gouverneur et l'amiral ont l'ordre précis de faire parvenir au gouvernement de S. M., toutes les demandes et les représentations que le général désireroit lui adresser; ils n'ont aucune précaution à observer à cet égard; mais les feuilles sur lesquelles seront écrites ces demandes ou ces représentations, doivent leur être communiquées ouvertes, afin qu'ils puissent en prendre

lecture, et y joindre les observations qu'ils jugeront nécessaires.

Jusqu'à l'arrivée du nouveau gouverneur, l'amiral sera regardé comme entièrement responsable de la personne du général Buonaparte; et le gouverne¬ ment de S. M. ne doute nullement de la disposition du gouverneur actuel à faire, à cet égard, cause commune avec l'amiral.

Celui-ci est autorisé à garder le général à bord, ou à le faire rembarquer, s'il juge qu'il n'a pas d'autres de s'assurer suffisamment de sa personne. moyens

Quand l'amiral arrivera à Sainte-Hélène, le gouverneur prendra, sur ses représentations, des mesures pour que les officiers ou d'autres personnes faisant partie du corps militaire de Sainte-Hélène, que l'amiral jugera à propos de desituer, parce qu'ils sont étrangers, ou à cause de leur caractère ou de leurs dispositions, soient envoyés sur-le-champ en Angleterre ou aux Indes-Orientales, suivant les circons

tances.

S'il se trouve dans l'île des étrangers dont le séjour paroîtroit avoir pour but d'être les instrumens de la fuite du général, le gouvernement s'occupera de les éloigner de l'île.

Toute la côte de l'île, tous les bâtimens et les chaloupes qui la fréquentent, sont mis sous la surveillance de l'amiral; il déterminera les endroits où les chaloupes peuvent aborder, et le gouverneur enverra une garde suffisante sur les points où l'amiral jugera cette précaution nécessaire.

L'amiral prendra les mesures les plus efficaces pour

veiller sur le départ et l'arrivée de chaque bâtiment, et pour empêcher avec la côte toute communication que celle qu'il autorisera.

On rendra un ordre pour empêcher qu'après un certain terme jugé nécessaire, aucun navire étranger ou marchand ne puisse faire voile pour Sainte-Hélène.

Si le général venoit à tomber sérieusement malade. l'amiral et le gouverneur nommeront chacun un médecin qui ait leur confiance, pour traiter le général conjointement avec son propre médecin; ils leur enjoindront strictement de leur faire tous les jours leurs rapports sur l'état de sa santé.

En cas de décès, l'amiral donnera ordre que son corps soit transporté en Angleterre.

Donné au département de la guerre, le 30 juillet 1815.

No. LVIII.

COPIE DE LA LETTRE REMISE A M. LE COMTE DE

..JAUCOURT, MINISTRE DE LA MARINE, LE 28 AOUT 1815, PAR M. LE CHEVALIER DE GARAT, COMMANDANT DE LA FRÉGATE LA FLEUR DE LYS, RELATIVE A L'ÉVASION DE BUONAPARTE DE L'ILE D'ELBE.

Monseigneur,

Comptant sur l'intérêt que V. Exc. a bien voulu promettre pour moi à M. le comte de P***, j'ai l'honneur de lui remettre les notes ci-jointes (A et B); ces notes très-modérées ne disent absolument rien que ce qu'il est indispensable d'articuler.

Une enquête en feroit connoître beaucoup davantage ; j'ai en mains les pièces et témoignages qui montreront la conduite de la frégate la Fleur de Lys ( je le dis sans ostentation, mais avec vérité) sous un jour très-favorable. Cependant, la publication des instructions, je ne dois pas le dissimuler, occasionnera (quelque chose que l'on dise ou que l'on fasse) d'étranges commentaires, et jetera le public dans de fàcheuses réflexions. Elles pourront encore moins soutenir l'examen de tout homme de mer.

Né bon Français, j'ai dû m'accoutumer à beaucoup de sacrifices.... Je prierai néanmoins V. Exc. d'observer que tout réintégré que je sois, par l'ordonnance du 1er août, dans les fonctions dont j'ai été destitué le jour où le maréchal Masséna fit arbore r à Toulon le pavillon tricolore, la frégate la Fleur de Lys n'est pas moins partie sous la conduite d'un autre capitaine, et j'ose invoquer, dans cette circonstance, le jugement de V. Exc. Après un événement aussi désastreux que celui du retour de Buonaparte, me vouer en même temps au silence et à l'inactivité seroit faire préjuger peut-être un mécontentement tacite. Comme je suis certain, au contraire, que ma conduite paroftra, à volonté, et dans l'esprit public, et dans celui de tout Scrutateur impartial et éclairé, sous les couleurs qui l'ont caractérisée, c'est-à-dire pleine de loyauté, de dévouement, et remarquable par sa constance vraiment militaire, je ne dois pas souscrire en ce moment à ce rôle de nullité.

J'attends donc les ordres de V. Exc., et je me

confie autant aux bontés qu'elle m'a promis de m'ac

corder qu'à mon bon droit.

J'ai l'honneur, etc. etc.

NOTE A.

Le commandant de cette frégate n'entrera dans aucun détail à présent sur sa navigation la plus pénible et peut-être la plus dangereuse pendant le plus rude des hivers, depuis le 2 janvier dernier.

Il passe de suite à l'époque du 26 février, jour du départ de Buonaparte de Porto-Ferrajo. Le colonel Campbell a rapporté au commandant que l'usurpateur sortit de ce port par une brise très-foible, qui devint bientôt un calme plat à huit heures du soir.

La Fleur de Lys avoit eu, le même jour, à neuf heures du matin, connoissance de la frégate la Melpomène dans le sud et le S. S. O. de l'ile Caprara, et comme depuis plus de dix jours elle ne l'avoit pas aperçue, elle dirigeoit sa route vers elle, lorsque tout-à-coup on découvrit plusieurs voiles doublant l'île de la Gorgone avec un vent largue et frais. La Fleur de Lys vira aussitôt de bord, et manœuvra à toutes voiles pour les chasser et les reconnoître; elle joignit cinq de ces bâtimens avant midi, parla à un brick anglais, navigua quelque temps avec eux, et s'assura que ces navires étoient anglais et suédois, et avoient appareillé de Livourne le même matin. Cette chasse avoit porté la Fleur de Lys à l'embouchure du golfe Saint-Florent. Le vent varia et mollit; le commandant en profita pour se rapprocher de son poste le plus habituel, près de l'île

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