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état d'hostilités aussitôt qu'elle le pourra ; et c'est une idée assez générale que si, lorsque la fiévre militaire s'empara de ce pays il étendit son territoire, aujourd'hui que son mal a cessé, il est plus fort dans ses frontières primitives qu'avec tous ses accroissemens. Mais outre qu'il n'est pas une forteresse importante qui ne soit entre les mains des alliés', il faut se rappeler que l'illustre général à qui le Monde doit son repos actuel et son bonheur, a préféré une position centrale à ces rangées de forteresses, y compris Strasbourg et Lille. Telle est encore son opinion militaire; et si la chambre considère ce qui a été fait, elle verra que l'objet a été rempli,

Que le système continue pendant cinq ans, et le Monde peut être considéré comme sauvé. Pendant ce temps la stabilité reprendra son empire en France, et de son état intérieur dépend la paix de l'Europe.

Aussi est-ce sur la politique du souverain de France que les ministres considèrent qu'il faut se reposer, et ils voient avec satisfaction qu'il n'y a rien dans le caractère et les vues de ce Monarque, qui puisse compromettre la tranquillité des autres nations sous le point de vue militaire. Quelque défaut que l'on puisse supposer dans son gouvernement, quelqu'embarras qu'ils puissent produire ultérieurement dans les discussions de cette chambre, rien n'empêche que nous ne suivions à son égard le principe que l'on veut en vain contester, que l'on peut pourvoir à la sûreté des Etats qui sont sous notre direction, par une union avec des gouvernemens dont nous n'approuvons point le système intérieur. Nous ne devons pas oublier que des

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difficultés de cette nature ont existé dans notre pays un degré égal, et que la vigueur de l'Etat les a complètement surmontées.

Mais un pouvoir militaire, cette peste du Monde, peut s'élever encore, abattre la nation, et soumettre les pays voisins en renversant les gouvernemens. C'est dans cette vue que les alliés ont stipulé la garde des forteresses pendant cinq ans. Cependant se sont-ils engagés à les restituer à tout événément et à toute espèce de gouvernement qui auroit pu s'établir? Aucunement; ils ne sont engagés qu'envers le Roi, ses héritiers et successeurs. Ils n'ont pas eu la folle pensée de remettre ces forteresses aux jacobins, aux révolutionnaires. Ils n'ont eu en vue que les vrais intérêts de l'Europe; et si une calamité telle que le renversement du gouvernement actuel venoit à arriver, ils ne seroient plus tenus à se renfermer dans les délais qu'ils avoient fixés. Leurs engagemens sont envers le Roi et le gouvernement établi : ils n'en ont aucun avec un gouverne. ment révolutionnaire quel qu'il fût, qui ébranleroit la paix du Monde. Mais s'il faut espérer que dans le cours de cinq ans tout danger sera passé, il y auroit beaucoup de regrets à avoir, si l'on n'avoit pas essayé de faire des améliorations dans l'intérêt de la sécurité et de la défense permanente de l'Europe. Les difficultés à cet égard ont été grandes, et la chambre doit être instruite des resultats qu'auroient eu les mesures extrêmes. On avoit proposé, et le Roi avoit enfin consenti la cession de cinq forteresses, la destruction d'une sixième; mais les arrangemens ne s'arrêtoient pas là, parce qu'ils n'étoient point efficaces. Aussi a-t-on repris le projet

de mettre les défenses de l'Europe dans un meilleur état que du temps de Joseph II qui les détruisit. Il a été jugé plus convenable de mettre le Roi des PaysBas en état de se défendre lui-même, que de lni donner quelques forteresses que la France auroit réclamées un jour, et qu'il eût fallu lui rendre sous peine d'avoir la guerre avec elle.

Quelques mots suffiront sur la nature des sacrifices militaires exigés de la France. On a déjà dit que c'étoit un des plus sûrs moyens d'y neutraliser le système militaire. Elle a payé dans des circonstances difficiles, et il faudra qu'elle paie pour recouvrer ses forteresses. Il n'est point à desirer qu'elle ne puisse pas le faire, et personne n'est plus intéressé que nous-mêmes à ce qu'elle s'acquitte. La totalité de ses engagemens, y compris l'entretien des troupes, est de quatre-vingt millions sterling. Il est inutile d'entrer dans des détails pour obtenir que la chambre voie ces arrangemens avec satisfaction.

Voilà ce qu'a produit la confédération des souverains, et leur action personnelle dans les négociations. Elles ont levé des difficultés que des ministres n'eussent pu résoudre, et que des correspondances eussent rendues inextricables. Le Monde doit sa conservation à cette confédération. Elle ne menace point, comme on l'a dit, la liberté des peuples. J'en appelle au langage que les souverains ont tenu au Roi de France, pour savoir s'ils ont voulu lui insinuer de baser l'administration de son royaume sur des principes contraires à la liberté de ses sujets.

La confédération a donc généreusement et honorablement atteint son but. Jamais l'union entre les princes

n'a été plus grande qu'en ce moment. Je conjure la chambre de ne point abandonner les principes salutaires qui en ont dirigé les déterminations, savoir, l'abaissement du pouvoir militaire en Europe (écoutez! écoutez!) incompatible avec la sûreté réelle du Monde, car jamais la paix ne sera établie tant que l'esprit militaire ne sera pas soumis aux intérêts civils et politiques. Mais c'est se tromper, et beaucoup de personnes sont dans cette erreur, que de croire que nous pouvons rester en fracs bleus tandis que le reste de l'Europe est en attirail militaire; mais à cet égard nous avons tous les moyens de sécurité dans nos mains, gardons-nous de les laisser échapper.

N°. LX.

CONVENTION ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'AU-
TRICHE, SIGNÉE A PARIS, LE 2 AOUT 1815.
Au nom de la sainte et indivisible Trinité.

Napoléon Buonaparte étant au pouvoir des puissances alliées, LL. MM. le roi du royaume-uni de la GrandeBretagne et d'Irlande, l'empereur d'Autriche, l'empereur de Russie et le roi de Prusse se sont réunis, en vertu des stipulations du traité du 25 mars 1815, sur les mesures les plus propres à rendre impossible toute entreprise de sa part contre le repos de l'Europe.

S. M. le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et S. M. l'empereur d'Autriche ayant nommé des plénipotentiaires à cet effet, savoir :

(Suivent les noms, titres et qualités des lords Castlereagh et Wellington, et du prince de Metternich). Lesdits plénipotentiaires sont convenus des points et articles suivans :

Art. 1er. Napoléon Buonaparte est regardé par les puissances qui ont signé le traité du 25 mars dernier comme leur prisonnier.

2. Sa garde est spécialement confiée au gouvernement britannique. Le choix du lieu et celui des mesures qui peuvent le mieux assurer le but de la présente stipulation sont réservés à S. M. britannique.

3. Les cours impériales d'Autriche et de Russie et la cour royale de Prusse nommeront des commissaires, qui se rendront et le meureront au lieu que le gouvernement de S. M. britannique aura assigné pour le séjour de Napoléon Buonaparte, et qui, sans être chargés de la responsabilité de sa garde, s'assureront de s présence.

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4. S. M. très-chrétienne sera invitée, au nom des quatre cours ci-dessus mentionnées, à envoyer égale→ ment un commissaire français au lieu de la détention de Napoléon Buonaparte.

5. S. M. le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande s'engage à remplir les obligations qui résultent pour elle de la présente convention.

6. La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées dans le terme de quinze jours, ou plus tôt si faire se peut.

En foi de quoi les plénipotentiaires ont signé la présente convention, et l'ont munie du cachet de leurs

armes.

Fait à Paris, l'an de grâce 1815.

Signé CASTLEREAGH, le prince METTERNICH,
WELLINGTON.

(Suivent deux conventions semblables, l'une avec la Russie, et l'autre avec la Prusse.)

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