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tionale. Quelle confiance, quelle sécurité un tel retour doit inspirer à vos administrés!

Des princes foibles, imposés par l'étranger, devenus étrangers eux-mêmes à nos lois, à nos mœurs, ont tenté, pendant un interrègne de onze mois, de nous ramener aux temps de la féodalité; ils déguisoient mal leurs vues sous le manteau de quelques idées libérales qui n'étoient que dans leur bouche: mais ce qu'ils n'ont pu déguiser, c'est cette poignée d'hommes attachés à leur cause, minorité effrayante qui les a laissé voir presque seuls fuyant une patrie qui, pour la seconde fois, les repousse de son

sein.

Déjà les pièces officielles, imprimées au Moniteur, vous ont fait connoitre les magnanimes intentions de notre légitime souverain; ne perdez pas un moment pour les répandre parmi vos administrés, en les faisant publier et afficher. Rappelez à leur poste les fonctionnaires municipaux qui en ont été éloignés à cause de leurs opinions politiques, de leur qualité d'acquéreurs de domaines nationaux, etc....

Pénétrez vous bien, Monsieur, des intentions que l'empereur a exprimées pour le bonheur du peuple, et unissons nos efforts pour faire chérir un prince qui nous est rendu par la Providence, et qui garantit à nous et à nos enfans l'égalité des droits civils, la jouissance de toutes les propriétés, et celle non moins précieuse de l'honneur national.

Je compte sur votre zèle pour rendre à votre correspondance son ancienne activité; je ne manquerai jamais d'y donner tous mes soins et toute mon attention.

Signé le comte CARNOT.

No. XVI.

EXTRAIT DES INSTRUCTIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, AUX PRÉFETS, RELATIVE AU CHAMP DE MAI.

« Le décret de l'empereur, et les considérans qui le motivent sont un hommage rendu aux grands et éternels principes qui constituent les États civilisés. Obscurcis et étouffés par l'anarchie féodale, ils ont repris plus de force et d'éclat dans les temps modernes, et les progrès des lumières leur assurent désormais une longue durée. C'est pour eux que la France s'est levée en 1789; c'est pour eux qu'elle a combattu contre toute l'Europe; leur conquête est associée à cette gloire immense qui illustre à jamais les armées françaises. L'empercur reconnoît ces droits du peuple acquis par vingt-cinq ans de combats; il s'élève contre le principe que la nation est faite pour le trône, et non le trône pour la nation; il veut s'entourer des colléges électoraux pour corriger et modifier nos constitutions, selon l'intérêt et la volonté de la nation. Quel grand et beau spectacle que celui d'un héros, l'idole de l'armée, et qui fut le vainqueur de l'Europe, déclarant, du haut du pavois où l'ont élevé les suffrages du peuple et des soldats, que c'est d'eux qu'il tient sa puissance; qu'il ne veut règner que par les lois; et que, de concert avec les députés de la nation, il va fonder, par des institutions fortes et sages, l'alliance du pouvoir monarchique avec l'indépendance d'un peuple brave et éclairé !

» Ainsi Charlemagne, rétablissant ces champs de inars et de mai, aussi anciens que le nom français, s'entoure

de l'élite de son peuple; et du sein de ces assemblées nationales émanoient ces capitulaires qui forment un des plus beaux monumens de son règne, et qui ont survécu à ses conquêtes. Mais alors une foible partie de la nation étoit représentée; aujourd'hui, toutes les classes de citoyens concourent au choix des membres des colléges électoraux. Ceux que S. M. convoque, composés des principaux propriétaires et de plusieurs membres de la Légion-d'Honneur, ont pour élémens la propriété, véritable base de la stabilité des Etats, et le courage qui la garantit et la protége.

Dans cette nouvelle fédération, l'empereur présentera à ses peuples son auguste épouse, et le prince, espoir de la nation qu'il doit gouverner un jour. Suivant un usage antique et cher à la France, ils recevront la couronne au milieu du Champ de Mai, et prendront place sur le trône, à côté du grand Napoléon. Cette touchante solennité, concourant avec la grande époque de l'organisation constitutionnelle de notre pays, consacrera de nouveau l'alliance des Français avec la quatrième dynastie, et les sermens mutuels des sujets envers leurs princes, et des princes envers leurs sujets.

No. XVII.

CIRCULAIRE DU MINISTRE DE LA POLICE GÉNÉRALE AUX PRÉFETS.

Paris, le 31 mars 1815.

M. le préfet, il m'a paru nécessaire de déterminer le but et la nature des relations qui vont s'établir entre vous

et moi.

Les principes de la police ont été subvertis: ceux de la morale et de la justice n'ont pas toujours résisté à l'influence des passions. Tous les actes d'un gouvernement né de la trahison ont dû porter l'empreinte de cette origine. Ce n'étoit pas seulement par des mesures publiques qu'il pouvoit flétrir les souvenirs les plus chers à la nation, préparer des vengeances, exciter des haines, briser les résistances de l'opinion, rétablir la domination des priviléges, et anéantir la puissance tutélaire des lois : ce gouvernement, pour accomplir ses intentions, a mis en jeu les ressorts secrets d'une tyrannie subalterne, de toutes les tyrannies la plus insupportable. On l'a vu s'entourer de délateurs, étendre ses recherches sur le passé, pousser ses mystérieuses inquisitions jusqu'au sein des familles, effrayer par des persécutions clandestines, seiner les inquiétudes sur toutes les existences, détruire enfin par ses instructions confidentielles l'appareil imposteur de ses promesses et de ses proclamations.

De pareils moyens blessoient les lois et les mœurs de la France ils sont incompatibles avec un gouvernement dont les intérêts se confondent avec ceux des citoyens.

Chargée de maintenir l'ordre public, de veiller à la sûreté de l'Etat, et à celle des individus, la police, avec des formes différentes, ne peut avoir d'autre règle que celle de la justice; elle en est le flambeau, mais elle n'en est pas le glaive : l'une prévient ou réprime les delits que l'autre ne peut atteindre : toutes deux sont instituées pour assurer l'exécution des lois, et non pour les enfreindre : pour garantir la liberté des citoyens, et non pour y porter atteinte; pour assurer la sécurité des hommes honnêtes, non pour empoisonner la source des jouissances sociales.

Ainsi, Monsieur, votre surveillance ne doit pas s'étendre au-delà de ce qu'exige la sûreté publique ou particulière, ni s'embarrasser dans les détails minutieux d'une curiosité sans objet utile, ni gêner le libre exercice des facultés humaines et des droits civils, par un système violent de précautions que les lois n'autorisent pas ; ni ne se laisser entraîner, par des présomptions vagues et des conjectures hasardées, à la poursuite de chimères qui s'évanouissent au milieu de l'effroi qu'elles occasionnent. Votre correspondance, réglée sur les mêmes principes, doit sortir de la routine de ces rapports périodiques, de ces aperçus superficiels et purement moraux qui, loin d'instruire et d'éclairer l'autorité, répandent autour d'elles les erreurs, les préventions, une sécurité fausse ou de fausses alarmes.

Je ne demande et ne veux connoître que des faits, des faits recueillis avec soin, présentés avec exactitude et simplicité, développés avec tous les détails qui peuvent en faire sentir les conséquences, en indiquer les rapports, en faciliter le rapprochement.

Vous remarquerez toutefois que, resserrée dans d'étroites limites, votre surveillance ne peut juger l'importance des faits qu'elle observe. Tel événement peu remarquable, en apparence, dans la sphère d'un département, peut avoir un grand intérêt dans l'ordre général, par ses liaisons avec des analogues que vous n'avez pu connoître : c'est pourquoi je ne dois rien ignorer de ce qui se passe d'extraordinaire ou selon le cours habituel des choses.

Telle est, Monsieur, la tâche simple et facile qui vous est imposée.

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