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sans avoir pu remplir l'objet de sa mission. Un troisième destiné pour Berlin et le Nord, a été arrêté à Mayence, et maltraité par le commandant prusssien. Ses dépêches ont été saisies par le général autrichien qui commande en chef dans cette place.

J'apprends déjà que parmi les courriers expédiés le 5 de ce mois, ceux qui étoient destinés pour l'Allemagne et our l'Italie n'ont pu dépasser les frontières. Je n'ai aucune nouvelle de ceux qui ont été expédiés pour le Nord et pour l'Angleterre.

Lorsqu'une barrière presque impénétrable s'élève ainsi entre le ministère français et ses agens au dehors, entre le cabinet de V. M. et celui des autres souverains, ce n'est plus, sire, que par les actes publics des gouvernemenş étrangers qu'il est permis à votre ministère de juger leurs intentions. (Suit le détail des armemens des allies.)

Sur tous les points de l'Europe à la fois, on se dispose, on s'arme, on marche, ou bien on est prêt à marcher.

Et ces grands armemens, contre qui sont-ils dirigés ? Sire, c'est V. M. que l'on nomme, mais c'est la France que l'on menace. La paix la moins favorable que les puissances aient jamais osé vous offrir est celle dont aujourd'hui V. M. se contente. Quelles raisons auroient-elles de ne plus vouloir maintenant ce qu'elles stipuloient à Chaumont, ce qu'elles ont signé à Paris? Ce n'est donc point au monarque, c'est à la nation française, c'est à l'indépendance du peuple, c'est à tout ce que nous avons de plus cher, à tout ce que nous avons acquis par vingtcinq années de souffrances et de gloire, à nos libertés et à nos institutions, que des passions ennemies veulent faire la guerre : une partie` de la famille des Bourbons et

quelques hommes, qui depuis long-temps ont cessé d'être Français, cherchent à soulever encore les nations de l'Allemagne et du Nord, dans l'espoir de rentrer une secondeois par la force des armes sur un sol qui les désavoue et ne veut plus les recevoir. Le même appel a retenti un moment dans quelques contrées du Midi, et c'est à des troupes espagnoles qu'on redemande la couronne de France: c'est une famille redevenue solitaire et privée qui va implorer ainsi l'assistance de l'étranger: où sont les fonctionnaires publics, les troupes de ligne, les gardes nationales, les simples habitans qui aient accompagné sa fuite au-delà de nos frontières? Vouloir rétablir encore une fois les Bourbons, ce seroit déclarer la guerre à toute la population française. Lorsque V. M. est entrée à Paris avec une escorte de quelques hommes; lorsque Bordeaux, Toulouse, Marseille et tout le Midi se dégagent, en un jour, des pièges qu'on leur avoit tendus, est-ce un mouvement militaire qui opère ces miracles, ou plutôt, n'est-ce point un mouvement national, un mouvement commun à tous les cœurs français, qui confond en un seul sentiment l'amour de la patrie et l'amour du souverain qui saura la défendre? Ce seroit donc pour nous rendre une famille qui n'est ni de notre siècle ni de nos mœurs; qui n'a su ni apprécier l'élévation de nos âmes, ni comprendre l'étendue de nos droits; ce seroit pour replacer sur nos têtes le triple joug de la monarchie absolue, du fanatisme et de la féodalité, que l'Europe entière sembleroit se livrer encore à un immense soulè vement! On diroit que la France, resserrée dans ses anciennes limites, quand les limites des autres puissances se sont si prodigieusement élargies, que la France

libre, riche seulement du grand caractère que lui ont laissé ses révolutions, tint encore trop de place dans la carte du Monde.

Oui, si, contre le plus cher des voeux de V. M., les puissances étrangères donnent le signal d'une nouvelle guerre, c'est la France même, c'est la nation tout entière qu'elles veulent atteindre, quand elles prétendent ne s'attaquer qu'à son souverain, quand elles affectent de séparer la nation de l'empereur. Le contrat de la France avec V. M. est le plus étroit qui jamais ait uni une nation à son prince. Le peuple et le monarque ne peuvent plus avoir que les mêmes amis et les mêmes ennemis. S'agit-il de provocations personnelles de souverain à souverain? Ce ne peut être autre chose qu'un duel ordinaire. Que fit François Ier dans son emportement contre Charles-Quint? Il lui envoya un cartel. Mais, distinguer le chef d'une nation, de cette nation même, protester que l'on n'en veut qu'à la personne du prince, et faire marcher contre lui seul un million d'hommes, c'est trop se jouer de la crédulité des peuples. Le seul, le véritable but que les puissances étrangères puissent se proposer dans l'hypothèse d'une coalition nouvelle, seroit l'épuisement, l'avilissement de la France; et, pour parvenir à ce but, le plus sûr moyen à leurs yeux seroit de lui imposer un gouvernement sans force et sans énergie. Cette politique de leur part n'est pas, au reste, une politique nouvelle : l'exemple leur en a été donné par de grands maîtres. Ainsi, les Romains proscrivoient les Mithridate, les Nicomède, et ne couvroient de leur orgueilleuse protection que les Attalus et les Prusias, qui, s'honorant du titre de leur affranchi, reconnoissoient ne tenir que d'eux leurs Etats et leur cou

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ronne! Ainsi, la nation française seroit assimilée à ces peuples d'Asie, auxquels le caprice de Rome donnoit pour Rois les princes dont la soumission et la dépendance lui étoient le plus assurées! En ce sens, les efforts que pourroient tenter aujourd'hui les puissances alliées, n'auroient point pour but déterminé de nous ramener encore une dynastie repoussée par l'opinion publique. Ce ne setroit point spécialement les Bourbons qu'on voudroit prox téger dès long-temps leur cause, abandonnée par euxmêmes, l'a été par l'Europe entière; et cette famille infortunée n'a subi partout que de trop cruels dédains. Peu importeroit aux alliés le choix du monarque qu'ils plaeeroient sur le trône de France, pourvu qu'ils y vissent siéger avec lui la foiblesse et la pusillanimité : cet outrage seroit le plus sensible qui pût être fait à l'honneur d'une nation magnanime et généreuse. C'est celui qui a déjà blessé le plus profondément les cœurs français, celui dont le renouvellement seroit le plus insupportable.

Lorsque dans les derniers mois de 1813, on publioit à Francfort cette déclaration fameuse, par laquelle on an→ nonçoit solennellement que l'on vouloit la France grande, heureuse et libre, quel fut le résultat de ces pompeuses. assurances ? Dans le même moment on violoit la neutralité helvétique. Lorsqu'ensuite sur le sol français, afin de réfroidir le patriotisme et de désorganiser l'intérieur, on continuoit à promettre à la France une existence et des lois libérales, les effets ne tardèrent pas à montrer quelle confiance on devoit à de pareils engagemens. Eclairée par l'expérience, la France a les yeux ouverts: il n'est pas un de ses citoyens qui n'observe et ne juge ce qui se passe autour d'elle; renfermée dans son ancienne frontière, lors➡

qu'elle ne peut donner d'ombrage aux autres gouvernemens, toute attaque contre son souverain est une tendance à intervenir dans ses affaires intérieures, et ne pourra lui paroître qu'une tentative pour diviser ses forces par la guerre civile, et pour consommer sa ruine et son démembrement.

Lettre autographe de S. M. l'empereur aux souverains.

Monsieur mon frère,

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Vous aurez appris, dans le cours du mois dernier, mon retour sur les côtes de France, mon entrée à Paris, et le départ de la famille des Bourbons. La véritable nature de ces événemens doit maintenant être connue de Votre · Majesté. Ils sont l'ouvrage d'une irrésistible puissance,' l'ouvrage de la volonté unanime d'une grande nation qui connoit ses devoirs et ses droits. La dynastie que la force avoit rendue au peuple français n'étoit plus faite pour lui: les Bourbons n'ont voulu s'associer ni à ses sentimens ni à ses mœurs; la France a dû se séparer d'eux. Sa voix appeloit un libérateur : l'attente qui m'avoit décidé au plus grand des sacrifices avoit été trompée. Je suis venu, et du point où j'ai touché le rivage, l'amour de mes peuples m'a porté jusqu'au sein de ma capitale. Le premier besoin de mon cœur est de payer tant d'affection par le maintien d'une honorable tranquillité. Le rétablissement du trône impérial étoit nécessaire au bonheur des Français. Ma plus douce pensée est de le rendre en même temps utile au repos de l'Europe. Assez de gloire à illustré tour à tour les drapeaux de diverses nations; les vicissitudes du sort ont assez fait succéder de grands revers à de grands

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