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dès l'année 1813 compta jusqu'à 375 navires du port de 45,000 tonneaux, montés par 5400 matelots estimés les meilleurs marins de tout le Levant. Boulevard principal de l'insurrection, cette ile a beaucoup contribué à l'indépendance de la Grèce, mais son commerce a été presque entièrement ruiné pendant la dernière guerre, et il est très difficile qu'il puisse jamais acquérir son ancienne importance. Nous avons vu que Syra s'était emparée de la plus grande partie de ce commerce. Un tremblement de terre a fait en 1836 écrouler 40 maisons àH ydra.

Les autres Sporades occidentales les plus remarquables sont: SPETZIA (Tiparenus; Soulidja des Turks), autre rocher semblable au précédent, quoique moins stérile. Les réfugiés albanais, prospérant à la faveur de l'entière liberté que leur laissaient les Turks, et des grands privilèges commerciaux dont ils jouissaient, égalèrent en peu de temps la richesse et la prospérité des Hydriotes et des Psariotes; mais, comme eux aussi, ils virent ruiner leur commerce pendant la guerre de l'insurrection, durant laquelle ils furent un des principaux soutiens de la Grèce. La ville de Spetzia est petite et compte peut-être 3000 âmes. PoROS (Sphæria), petite île, importante parce que la petite ville du même nom, qui en est le cheflieu, a été pendant quelque temps la capitale de la Grèce, et à cause de son port superbe, à double entrée, dont on veut faire le principal établissement naval de la marine militaire; en 1830 plusieurs bricks y étaient déjà stationnés, mais l'arsenal n'avait presque pas de provisions; le roi l'a déclaré port militaire du royaume. Une violente secousse produite par le tremblement de terre de 1836 vient de faire entr'ouvrir cette ile. Tout près se trouve l'ancien ilot de CALOURIA, qu'un banc de sable unit à Poros dans la basse marée; on y voit encore les restes du temple de Neptune, qu'on prétend avoir été consacré avant ceux de Delos et de Delphes; c'était un asile inviolable, ce qui y accumula d'immenses richesses et le rendit un des plus célèbres de la

République des

POSITION et PAYS. Cet état comprend le ci-devant Levante Veneto, moins la partie continentale qui, après la chute de la république de Venise, a été incorporée à l'empire Ottoman. Il se compose de sept iles principales situées toutes, à l'exception de Cérigo, dans la mer Ionienne. Ces iles forment trois groupes distincts: le GROUPE SEPTENTRIONAL, qu'on pourrait appeler GROUPE DE CORFOU; il comprend les les de Corfou, Paxo, et les ilots Antipaxo et Fano; le GROUPE MOYEN, qu'on pourrait appeler GROUPE DE CÉ

Grèce. Une partie de ses débris a servi à construire les édifices publics d'Hydra.

EGINE (Egina; Eghiné des Turks), petite ile en prend le nom, remarquable par ses antiquités située presque au milieu du golfe d'Athènes, qui et par plusieurs établissemens littéraires et philanthropiques que le gouvernement y a établis lorsque la ville d'Egine était la capitale de la Grèce. Parmi ces derniers il faut surtout meninstruits et nourris aux frais de l'état. C'est dans tionner l'orphanotrophe, où 600 enfans sont

theque publique et le musée national encore peu considérable; vient ensuite le séminaire ecclésiastique qui contient une douzaine d'éleves. Parmi les antiquités on doit citer surtout les restes des temples de Vénus, et surtout celui de Jupiter Panhellenius; ce dernier, en admettant l'opinion de Pausanias, qui paraît cependant bien sujette à contestation, ne compterait pas moins de 3065 ans. Les sculptures de ses frontons forment le plus bel ornement du musée royal de Munich, et ont déjà été soumises à l'examen du savant Schilling. Des fragmens cyclopéens à demi enfouis, prouvent qu'il y a eu deux àges dans la construction de ce temple placé sur une hauteur, dans un des sites les plus pittoresques; les archéologues n'ont pas encore décidé quels personnages représentent les fameuses statues découvertes sous ses ruines. Egine a servi, pendant la guerre, d'asile à un grand nombre de réfugiés grecs; et par une coïncidence bien singulière, les nombreux tombeaux taillés dans les hauteurs qui environnent la ville d'Egine, et qui ont jadis accueilli les Athéniens qui fuyaient les armées de Xercès, ont de nos jours abrité d'autres fugitifs, échappés également d'Athènes pour se soustraire aux armes des Turks; c'est dans ces tombeaux qu'on a découvert un grand nombre de vases en terre peinte et des scarabées gravés. COLOURI (Salamine; Kolouri des Turks), petite ile au nord de la précédentè, à jamais mémorable dans l'histoire par la grande victoire remportée dans ses parages par la flotte grecque, sous le commandement de Thémistocle, sur les innombrables vaisseaux de Xercès; en 1830 elle était le quartier d'une grande partie des Palicares ou des troupes irrégulières de la Grèce.

ce bel établissement que se trouve une biblio

Iles Ioniennes.

PHALONIE; il embrasse les îles Ste-Maure, Theaki, Céphalonie et Zante, outre plusieurs flots ou écueils peu importans; le GROUPE MÉRIDIONAL, qu'on pourrait nommer GROUPE de CÉRIGO, ne comprend que Cérigo et Cérigotto et quelques autres ilots très petits. Le groupe Septentrional se trouve vis-à-vis de l'ancienne Epire; le Moyen, devant le golfe de Patras; le Méridional, à l'entrée de l'Archipel, entre la Morée et l'île de Candie.

GOUVERNEMENT. Les sept iles Ioniennes

forment, sous le titre impropre d'ÉtatsUnis des Iles Ioniennes, une république aristocratique représentative, sous le protectorat perpétuel du roi d'Angleterre, qui a le droit de mettre garnison dans ses places et de commander ses troupes. Il faut aussi ajouter que le lord haut commissaire de sa majesté le roi d'Angleterre dirige toutes les affaires les plus importantes avec le président du Sénat, qui représente le pouvoir exécutif de la république. Le sénat est élu tous les cinq ans par des députés envoyés à Corfou par chacune des sept iles, en nombre proportionné à leur population respective. Il

ILES ET PROVINCES. CORFOU..

ΡΑΧΟ.

STE-MAURE.
ITHACA OU THEAKI.
CEPHALONIE.
ZANTE.
CÉRIGO.

est composé d'un président, qui est le chef de la république, d'un secrétaire d'état nommé par le lord haut-commissaire et de cinq sénateurs, dont quatre pour les les de Corfou, Céphalonie, Zante et SteMaure et un pour celles de Paxo, Ithaca et Cérigo.

DIVISIONS ADMINISTRATIVES. Les sept les principales forment autant de petites provinces qui ont leurs administrations locales et leurs tribunaux particuliers. Le tableau ci-dessous offre leurs capitales, les lieux les plus remarquables et les principaux îlots qui en dépendent.

CHEFS-LIEUX, VILLES ET LIEUX LES PLUS REMARQUABLES.
CORFOU; Corachiana; Agrafo; Carussades; Perulades; Scrípero; Po-
tami et Milichia dans le Bas-Lefchimo; l'ilot Fano.
PORTO-GAI (St-Nicolas). L'ilot désert d'Antipaxo.
Amaxichi; Ste-Maure; Porto Drapano; Vasilichi.
Vathi. Les ilots Kalamo, Kastus et Maganisi.

Argostoli; Lixuri; Asso; Livato; les ruines de l'ancienne Palle.
Zante; Porto-Chierri; Schinari. Les ilots Strivali ou Strophades.
Capsali; St-Nicolas. L'ilot Cérigolto.

TOPOGRAPHIE. CORFOU, capitale de la république, petite ville bâtie sur un promontoire de la côte orientale de l'ile de son nom, résidence d'un métropolite grec; depuis 1830, l'archevêque catholique ou latin y réside de nouveau. Corfou se compose de quatre parties distinctes la Ville proprement dite, qui est petite mais très forte; la Fortezza Vecchia (vieille forteresse), où se trouve la citadelle; le Forte Nuovo (le nouveau fort), et les faubourgs nommés Castrades Manduchio et St-Rocco défendus par les forts extérieurs de St-Salvatore Grimani et Monte di Abramo. L'église de St-Spiridion, celles de Marie Spiliotissa, et de St-Antoine, les casernes dans la Fortezza Vecchia, le palais où réside le lord haut-commissaire, le marché et l'arsenal, mais surtout ses formidables fortifications sont les objets les plus remarquables de Corfou. L'université fondée en 1818, le collège ou lycée, la bibliotheque publique et celle de la garnison sont ses principaux établissemens littéraires. Nous ne parlerons pas de la société Ionienne pour le perfectionnement de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, parce qu'elle a cessé d'exister; mais nous signalerons encore à l'attention du lecteur le grand arc de la porte dite Reale, remarquable par son architecture et par l'amplitude de sa corde; la Spia

nata, vaste plaine plantée d'arbres, entre la ville et la Fortezza Vecchia; elle sert de promenade et de place d'armes pour les évolutions militaires; enfin l'llot Vido, dont les étonnantes fortifications, touttes taillées dans le roc par les Français, ont coûté des sommes énormes; elles ont été en partie démolies par les Anglais à cause de leur trop grande étendue. Corfou a un bon port et fait un commerce aussi riche qu'étendu; sa population peut s'élever à environ 14,000 âmes et à 22,000 avec les faubourgs et la banlieue. Les salines de Castrades ont été desséchées pour délivrer la ville du mauvais air qu'elles produisaient. Elles occupaient l'emplacement de Fancienne nécropolis de Corcyre comme le prouvent les tombeaux qu'on y a découverts et les antiquités qu'on y découvre tous les jours.

ZANTE, située sur la côte orientale.de l'ile de Zante, au fond d'une petite baie, avec environ 19,000 habitans. Zante est le chef-lieu de l'ile de son nom, la plus grande ville de la république, la mieux bâtie et la plus commerçante. D'assez beaux édifices bordent la Calle Larga ou rue principale qui la traverse. La place du marché (Piazza dell' Erbe) est assez grande et jolie; la cathédrale catholique et les deux églises grecques de St-Denis et de Phaneromenie, le palais de l'évêque catholique, la douane, le

palais des archives et l'arsenal sont ses principaux édifices; on construit un théâtre et une bourse. Zante possède un lycée et est la résidence d'un évêque catholique et d'un archevêque grec; celui-ci, par tour avec les archevêques grecs de Corfou, Céphalonie et SteMaure, devient tous les cinq ans le métropolite de tout l'Archipel. Dans les environs de Zante on doit nommer Chieri à cause de son port et de ses sources de pétrole, et les deux tlots de Strivali, dont le plus grand a un couvent fortifié habité par des moines; c'est la prison et le lieu d'exil des ecclésiastiques des iles

Ioniennes.

Les autres villes les plus remarquables sont AMAXICHI, petite ville, chef-lieu de l'île de SteMaure (Leucade), avec un port, un archevêché grec et environ 6000 habitans; dans ce nombre sont compris ceux de Ste-Maure, forteresse bâtie sur un banc de sable, vis-à-vis d'Amaxichi; on doit citer son aqueduc, remarquable par sa longueur et par sa position; les derniers tremblemens de terre l'ont presque entièrement détruit. Du côté opposé de l'ile est le cap Ducato, si célèbre dans l'antiquité sous le nom de Leucate promontorium; sur son sommet s'élevait le temple d'Apollon Leucadien, près duquel était le fameux rocher d'où les amans malheureux se précipitaient dans la mer, follement persuadés que ce saut redoutable les guérirait pour toujours de leur passion. Quoiqu'il y eût au bas du rocher des gens préposés pour aller avec des chaloupes les secourir au moment de leur chute, ce secours n'était pas toujours assez prompt pour les empêcher de périr. A l'exception d'un petit nombre d'hommes vigoureux, ce spécifique fut fatal à tous ceux qui l'éprouvèrent. On

cite parmi les principales victimes de cette superstition, Deucalion, le poète Nicostrate, Artémise, reine de Carie, et surtout la fameuse Sapho. Eclairés enfin par l'expérience, les hommes

n'osèrent plus tenter cette cure aventureuse; on se contenta de jeter une somme d'argent de l'endroit d'où auparavant l'on se précipitait. Nous rappellerons que c'est aussi de ce rocher que les Acarnaniens, pendant la fête d'Apollon, précipitaient tous les ans un criminel condamné à mort, dans la pensée que le dieu déchargerait sur ce nacés. On nous assure qu'on voit encore quelques vestiges du temple d'Apollon.

misérable tous les malheurs dont ils étaient me

VATHI, chef-lieu de l'ile d'Ithaca, très petite ville, remarquable surtout par le beau port de Skinosa, qui se trouve dans son voisinage, et par

les 200 tombeaux découverts dans ses environs au pied de la montagne et sous le château d'Ulysse, par le capitaine Guitera, qui y fit faire des fouilles en 1811, 1812, 1813 et 1814, lorsqu'il commandait dans cette ile; on en retira plusieurs objets d'or, tels que bracelets, bagues, boucles d'oreilles, plusieurs figurines, des médailles d'argent de villes ou de rois grecs, des médailles romaines, etc., etc.

ARGOSTOLI, petite ville, chef-lieu de l'ile de Céphalonie, avec un port, un petit lycée, un archévêque grec et environ 5000 habitans; elle est remarquable surtout par sa nombreuse marine marchande et par son commerce. L'ile de Céphalonie est la plus grande de tout l'Archipel; on y voit les ruines de quelques anciennes villes, telles que Crane et Palle; ces dernières offrent quelques débris de constructions cyclopéennes.

CAPSALI, pelite ville épiscopale, chef-lieu de l'ile de Cérigo (Cythera). Dans ses environs on voit plusieurs anciens tombeaux grecs taillés dans le roc, les ruines de l'ancienne ville de Cythera, ainsi que du magnifique temple de Vénus, le plus célèbre de tous ceux que les Grecs élevèrent à cette divinité.

TABLEAU STATISTIQUE DE L'EUROPE.

Nous venons de parcourir tous les états de cette partie du monde; mais leur description est incomplète, parce que le lecteur ne connaît pas encore les élémens qui, joints aux notions exposées dans les chapitres précédens, lui fournissent la véritable mesure de l'étendue, des ressources et des forces des états. La superficie, la population absolue et la population relative, les revenus et la dette publique, les forces de terre et de mer sont fes bases principales de la géographie politique. Nous avons déjà signalé les bornes au-delà desquelles ces notions entrent dans le domaine exclusif de la statistique. Mais

ces notions que, depuis quelques années, on trouve dans tous les traités de géographie même élémentaires et dans tous les dictionnaires géographiques; ces notions que de nos jours une foule d'auteurs reproduisent sous mille formes différentes, sont presque toutes erronées et ne sont jamais comparables. Leur acquisition suppose trop de connaissances préliminaires et exige un si grand nombre de recherches spéciales, qu'il est très rare de trouver ces deux conditions réunies dans des anteurs étrangers à la statistique ou à la géographie. De là vient cette étonnante disparité d'opinions entre les géographes

et les statisticiens, disparité qui a servi d'arme à quelques savans pour déprécier la première de ces deux sciences et même pour accuser d'imperfection la géographie.

On doit s'étonner qu'aucun véritable statisticien, qu'aucun géographe à la hauteur de la science qu'il professe n'ait encore entrepris de défendre ces deux sciences d'aussi injustes attaques en signalant les sources des prétendues erreurs qu'on leur attribue. La population, les revenus, les dettes, les forces de terre et de mer d'un état ne sont jamais stationnaires : ces élémens de la puissance et de la prospérité des nations subissent continuellement des changemens plus ou moins considérables soit en plus soit en moins; ils doivent donc offrir des résultats différens à diverses époques, quelque rapprochées qu'on veuille les supposer. La superficie ellemême, qui, généralement parlant, n'est sujette à des variations que par les transactions politiques d'état à état, pouvant étre calculée de différentes manières, of fre par fois des résultats très différens. Occupé depuis vingt-cinq ans de travaux géographiques et statistiques, nous avons eu bien souvent occasion d'analyser toutes les causes qui compliquent les calculs relatifs à l'appréciation de tous ces élémens, et nous en avons fait le sujet de plusieurs chapitres qui doivent être publiés dans le Tableau physique, moral et politique des cinq parties du monde, complément de l'Atlas ethnographique du globe. Nous empruntons à cet ouvrage, dont la publication est retardée par des circonstances toutes particulières, plusieurs remarques, qui jetteront quelque jour sur un sujet environné encore de ténèbres épaisses, et qui nous donneront l'occasion de justifier les changemens que nous avons cru devoir apporter à la Balance politique du globe, dont nous avons extrait le tableau statistique de l'Eu'rope et ceux que nous mettrons à la suite de la description des autres parties du monde.

Dans la rédaction de tout tableau de statistique générale, deux conditions sont essentiellement nécessaires: la connaissance de documens exacts et la possession d'élémens comparables. La première condition est très difficile à remplir, surtout lorsque les auteurs sont abandonnés à leurs propres moyens; la

seconde, qui offre les mêmes difficultés pour l'acquisition des matériaux, dépend, jusqu'à un certain point, du jugement et du soin de l'auteur. Nous avons déjà signalé les avantages immenses qu'offre le séjour de la capitale de la France à tous ceux qui s'occupent de recherches générales quel que soit leur sujet. Profitant de la position avantageuse où nous étions, nous avons entrepris la tâche difficile de remplir ces deux conditions dans la rédaction de la Balance politique du globe. Laissant de côté les estimations données par les géographies même les plus estimées, c'est toujours dans les ouvrages spéciaux que nous avons puisé les documens que nous devions admettre dans le tableau, en remplissant les lacunes par les documens que nos relations avec un grand nombre de savans et d'hommes d'état, nous mettaient à même de nous procurer. Devant agir sur des élémens parfois très hétérogènes et susceptibles de très grandes variations dans un court intervalle de temps, nous les avons tous réduits, pour ainsi dire, à la même dénomination, en choisissant pour chaque état des élémens correspondans et en les portant tous à la même année. Sans cette précaution, toute comparaison devenait impossible, et toute conséquence, qu'on aurait voulu tirer des faits admis dans la Balance, aurait été illusoire pour ne pas dire erronée.

Resserré par l'espace, nous ne donnerons ici que quelques observations sur chacun des six élémens admis dans les tableaux statistiques des cinq parties du monde. Dans ce chapitre nous mettons ensemble tout ce qui concerne les états qui, comme nous l'avons vu à la page 34, embrassent des pays compris dans le domaine de la statistique; nous réserverons pour le chapitre qui doit précéder le tableau statistique de l'Asie, toutes les autres remarques relatives aux contrées regardées encore comme étrangères au domaine de cette science.

SUPERFICIE. On s'accorde assez généralement à regarder la superficie d'un état comme le point de départ d'où le géographe et le statisticien doivent commencer leurs calculs relatifs à la mesure de ses forces, de ses ressources et de son importance. En effet, les états d'une grande étendue ont la ressource d'un accroissement de population presque toujours

plus rapide que celui des états moins étendus où la population est déjà condensée. En outre la terre produit nonseulement en raison du travail des hommes, du degré de développement des sciences et des arts, mais aussi en raison de sa superficie, circonstance qui ne peut être négligée sans que l'on s'expose à tomber dans de graves erreurs.

Mais cette importante donnée, qui paraît si facile à obtenir aux faiseurs de géographies élémentaires et de tableaux statistiques, est une de celles qui exigent le plus de précautions pour ne pas se tromper, lorsqu'on n'a pas le moyen, ou que l'on ne veut pas se donner la peine de calculer soi-même. Le tableau des estimations extraordinairement différentes produites par divers auteurs sur la surface d'un même pays, que nous avons donné à la page 33, prouve les singulières méprises auxquelles on s'expose lorsque, sur l'autorité d'un nom parfois imposant, on adopte sans examen préalable ces sortes de calculs. Nous n'entreprendrons pas maintenant l'analyse des sources nombreuses de tant d'erreurs ou d'évaluations si prodigieusement différentes sur la superficie d'une même région; elles forment le sujet d'un chapitre de l'ouvrage inédit déjà mentionné; mais il en est quelques-unes que nous ne pouvons nous résoudre à passer sous silence à cause de leur trop grande importance.

La première est l'ignorance du rapport exact, ou du moins le plus approximatif, que les principales mesures topographiques ont entre elles. C'est la source des erreurs les plus graves et des méprises les plus singulières que P'on rencontre dans presque tous les ou vrages élémentaires, les almanachs et les tableaux statistiques rédigés par des savans du reste fort estimables, mais étrangers aux études compliquées et difficiles qu'exige la géographie dans son état actuel. Notre aversion pour tout ce qui est critique nous défend d'en nommer les auteurs; mais la justification de nos calculs et l'intérêt de la science exigent que nous signalions à l'attention du lecteur quelques-unes de ces erreurs les plus notables. Dans un ouvrage publié à Paris en 1826, où l'on prétend offrir la statistique comparée des principaux états du monde et dont les surfaces sont exprimées en milles carrés allemands de 15 au degré, nous

en trouvons trois, dont la superficie est exprimée en milles carrés anglais ! Le lecteur qui ignore ce changement de mesure les croyant égales entre elles, se forme en conséquence l'idée la plus erronée de leur étendue, parce que la superficie des Etats-Unis y est estimée à 450,000 milles carrés allemands, celles de la Perse à 240,000 et de la Chine à 1,297,999. Pour ne parler que de cette dernière région nous ferons observer que le nombre de 1,297,999 exprimant des milles anglais de 69 au degré, cette somme traduite en miiles allemands se réduit à 61,137 milles, c'est-à-dire à un vingt-et-unième de la superficie que l'on voulait exprimer par la première somme! Dans le tableau de l'empire Russe comparé aux principaux états du monde, nous avons déjà signalé la singulière méprise de l'auteur d'un Atlas statistique, historique et géographique de l'empire Russe, qui, confondant les milles carrés suédois avec les milles carrés allemands, donnait au royaume actuel de Pologne une surface égale à celle du grand-duché de Finlande, quoique l'area de ce dernier soit de 102,500 milles carrés, tandis que celle du premier ne s'élève qu'à 36,330 de ces milles.

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Quelquefois de savans géographes, auxquels on ne saurait refuser la connaissance des rapports qu'ont entre elles les principales mesures topographiques, connaissance qui est une des bases principales de la géographie et de la statistique commettent, sans doute par mégarde, ces mêmes erreurs. C'est ainsi que dans son Statistischer Umriss, le savant Hassel a donné en milles allemands de 15 au degré les mêmes chiffres que le baron de Humboldt a donnés dans la Relation historique de son mémorable voyage aux Régions Equinoxiales en lieues de 20 au degré pour exprimer les surfaces du Chili, du Guatimala et du Pérou. Ces erreurs sont passées depuis dans presque toutes les géographies allemandes, françaises, anglaises et italiennes les plus estimées et les plus répandues. Nous aimons à croire que c'est à une confusion de mcsures qu'on doit attribuer les maxima et les minima de la surface assignée à l'Irlande par les savans rédacteurs des Statistical Illustrations publiées à Londres en 1827. Selon les rédacteurs de cet important ouvrage, cette ile n'aurait d'après

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