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qui les concerne que de la combler par de pures hypothèses. Si le nombre limité des elats de l'Europe et de l'Amérique, si les grandes divisions géographiques et politiques de l'Asie nous permettent de décrire ces contrées avec quelque détail, les centaines de petits états qu'offrent l'Océanie et l'Afrique ne peuvent qu'être indiqués dans le cadre étroit d'un abrégé. Après bien des essais longs et fastidieux, nous nous sommes arrêté pour chaque article aux proportions qui nous ont paru les plus convenables.

L'importance relative des pays, le morcellement de certains états et les souvenirs historiques que rappellent certaines contrées sont autant d'élémens qui doivent entrer dans la détermination du plan à suivre pour leur description. Un abrégé de géographie, destiné à l'instruction de la jeunesse française et aux hommes du monde de la même nation, doit nécessairement contenir, sur ce qui concerne la France, des détails que le cadre de l'ouvrage ne permet pas de donner pour les autres états. Le grand nombre d'iles qui composent la partie principale de la monarchie Danoise oblige le géographe à en

trer en décrivant cet état dans des particularités qu'il peut négliger sans inconvénient pour d'autres états moins morcelés dans leur territoire. Comment pourraiton, dans la description de l'empire Ottoman et de la Grèce, dans celles de la Perse et de l'Italie, passer entièrement sous silence des lieux aujourd'hui peu remarquables, mais qui, renfermant des monumens superbes ou d'importantes ruines, nous rappellent la puissance des Pharaons, la splendeur de Palmyre et d'Héliopolis, la gloire des beaux temps de la Grèce, la toute-puissance de la ville des Césars et les richesses des successeurs de Cyrus?

Le géographe pourra-t-il s'abstenir de mentionner ces lieux, aujourd'hui presque méconnaissables, qui furent jadis le théâtre des scènes augustes de la religion de Moise et de la vie terrestre du Christ? Nous avons donc cru que nous pouvions augmenter les dimensions de certains chapitres de notre ouvrage, dans le but de rendre cet abrégé plus complet, et d'interrompre de temps à autre, par quelque morceau d'une haute importance archéologique, l'aride monotonie des descriptions géographiques.

§ VI. Abus des dénominations nouvelles. Plusieurs géographes ont trouvé nécessaire, surtout dans ces dernières années, d'imposer une foule de noms nouveaux soit à des pays déjà connus qu'ils groupaient d'une manière inusitée, soit à des contrées récemment découvertes et déjà baptisées par les premiers explorateurs, soit même à des lieux déjà désignés par certaines dénominations géographiques admises dans la science, quoique à la vérité elles ne fussent pas encore devenues très populaires. Dès le début de notre carrière scientifique, nous avons été frappé de cet esprit d'innovation qui menace de faire de la géographie une science aussi confuse que le sont devenues de nos jours quelques parties de l'histoire naturelle, sans cesse bouleversée par l'anarchie des classifications et des nomenclatures. Nous partons d'un principe certain: à nos yeux les noms nouveaux sont nécessaires, alors seulement qu'il s'agit d'exprimer des choses réellement nouvelles ou de désigner certains groupes de pays, de montagnes ou d'iles qu'il est absolument indispensable de considérer à

part. En conséquence, nous en avons été aussi sobre que possible, quoique les travaux auxquels nous nous étions livré et la manière tout-à-fait nouvelle avec laquelle nous traitions la science, eussent pu nous servir d'excuse pour en proposer un grand nombre.

Bien loin de persuader au public que nous avions table rase devant nous et qu'il n'existait rien de bien exact dans tout ce qu'avaient fait nos devanciers, nous avons respecté toutes les classifications et les dénominations qui n'étaient pas en contradiction avec l'état actuel de la science; et lorsque nous nous sommes trouvé dans la nécessité absolue de proposer un nom nouveau, nous avons tâché de le composer par la simple union des noms déjà connus des montagnes ou des terres principales appartenant aux nouveaux systèmes orographiques et aux nouveaux archipels que nous voulions former. De cette manière, nous avons donné à notre nomenclature beaucoup de simplicité, et nous avons évité l'inconvénient de faire disparaître des termes consacrés

par l'usage, pour les remplacer par des designations insolites. D'ailleurs, presque toujours, nous avons eu soin de prévenir le lecteur de notre innovation, afin qu'il ne prit point, comme il arrive souvent dans la lecture de plusieurs géographies, nes propositions pour des théorèmes déjà démontrés et généralement reçus. Mais nous laisserons parler sur ce sujet important notre ami M. Jules de Blosseville, aux idées duquel de profondes études et Pexpérience acquise pendant ses longues navigations donnent tant d'autorité. Le fragment suivant renferme la solution donnée par lui à une des questions que nous lui avions adressées lorsque nous nous occupions de la rédaction des principes généraux de cet abrégé.

all en était autrefois de la géographie, comme il en sera toujours de l'histoire: les contemporains n'étaient point placés à une hauteur convenable pour porter un jugement définitif et impartial sur des déCouvertes brillantes et isolées, qu'ils envisageaient d'après des systèmes étroits, suivant l'importance du moment. Aux grands voyageurs seuls il appartenait de donner des noms aux terres qu'ils avaient vues les premiers, et ces noms obtenaient le respect, comme les dispositions d'une volonte sacré.

« Aujourd'hui tout est différent; la carrière est presque fermée, les élémens sont réunis, et la science qui ne connaît pas de prescription, est chargée d'en coordonner l'ensemble, en groupant les terres d'après leurs rapports naturels, et en observant la clarté et l'unité des noms. La nomenclature générale ne peut être arrêtée que par les peuples cosmopolites de l'Europe, appelés par leur position et leurs connaissances universelles à dominer toutes les questions. Une autre autorité dicte ses lois à la nomenclature de détail : c'est la colonisation, puissance inévitable, dont le siège est aussi en Europe, et dont malheureusement les arrêts sont à-la-fois les moins réfléchis et les plus durables.

«La science, toujours positive, demande des comparaisons exactes et s'accorde souvent fort mal avec le sentiment; elle voudrait quelque chose de plus qu'une épithète pour distinguer des pays entre lesquels leur nature et leur situation ne permet aucun rapprochement. Pour prévenir la confusion, elle aurait évité dans les EtatsCnis, la répétition continuelle du nom

chéri de Washington, et de ceux de toutes les villes de l'Europe; elle aurait voulu rejeter également les Windsor et les Liverpool de la Nouvelle-Galles. Enfin, si on l'eût écoutée, un voyageur n'eût pas eu l'avantage, sans sortir de la terre de VanDiemen, de visiter les villes de Jéricho et de Brigthon, l'Abyssinie, les rives de la Tamise et du Nil; il n'y eût pas joui en même temps de la précieuse prérogative de passer et repasser le Styx avec des bateliers plus sociables que Caron.

« Outre les noms descriptifs que_tous les peuples ont employés à l'envi, les Français et les Anglais ont autrefois imposé généralement à leurs découvertes ceux des hommes et des lieux de leurs pays, en y joignant les saints du calendrier, sans consulter beaucoup les naturels. Les Espagnols ont suivi un autre principe: il est très rare qu'ils aient consacré les noms de leurs découvreurs, et presque toujours ils se sont appliqués à conserver ceux des indigènes, mais en les plaçant toutefois sous l'invocation de la Sainte-Trinité ou sous la protection des apôtres et des martyrs.

<< Tout bien considéré, le meilleur nom geographique, quelle que soit son origine, doit être clair, harmonieux, bref et original. Une double signification et une étymologie savante sont en général inutiles. S'il peut indiquer, comme ceux des Phéniciens et des Malais, le caractère saillant du lieu qu'il désigne, il offre quelquefois un avantage particulier; mais il est toujours à craindre que les mêmes motifs le fassent répéter souvent dans des localités différentes et qu'il ne finisse quelquefois aussi par perdre sa justesse. Les noms des dé couvreurs et des hommes distingués sont souvent très bons, mais ils doivent être donnés avec impartialité, discernement et comme par récompense. Beaucoup de personnes donnent la préférence aux dénominations usitées par les habitans même du pays, et nous sommes de leur opinion, pourvu que ces dénominations ne soient pas barbares, parce que, à tous leurs avantages qu'on sent généralement, se réunit toujours celui de l'originalité auquel nous attachons le plus grand prix. Il ne faut pas, au reste, espérer un succès facile dans cette recherche, pour laquelle il ne suffit pas seulement de pouvoir bien s'entendre, car un pays porte autant de noms qu'il nourrit de peuplades, et les noms variés du même fleuve indiquent souvent le nom

bre des diverses nations dont il traverse le territoire. Les erreurs dans lesquelles on est exposé à tomber n'ont pas d'ailleurs tous les inconvéniens que l'on pourrait croire. Dans une foule d'occasions, les premiers navigateurs n'ont pas mieux réussi que s'ils avaient mêlé des lettres au hasard; mais les noms de Canada, de Catoche, d'Yucatan, de Pérou et cent autres n'en sont pas moins fort bons et même bien préférables à ceux de Nouvelle-Espagne, Nouvelle-Ecosse, Nouvelle-Galles du Sud, etc., etc. Quel motif eût décidé en faveur d'une des dénominations de l'Amazone ou du Mississipi; quel nom eussions-nous préféré parmi tous ceux de l'Australie?

« Les voyageurs modernes ont été plus heureux dans leurs efforts, parce qu'ils les ont dirigés avec plus de soin et de savoir; et nous avons pu connaitre avec certitude dans l'Océanie seule, beaucoup plus de noms indigènes que dans l'Amérique et l'Afrique réunies. Pour cette partie du monde, on les a religieusement conservés en général, et on a pu le faire, avec d'autant plus d'avantage, qu'ils sont précis, courts et sonores comme les langues qu'on y parle. S'il y avait quelque reproche à faire, ce serait plutôt d'avoir poussé le purisme un peu trop loin dans quelques cas, comme par exemple, en voulant retrancher les deux dernières syllabes du nom de Tongatabou, et la première voyelle de celui d'Otahiti, perfectionnement sujet à contestation et qui a l'inconvénient de ne plus faire distinguer la première île de l'archipel dont elle fait partie, et de confondre, pour des oreilles peu savantes, la Reine du Grand-Océan avec l'ile d'Haïti.

<«< Nous remarquerons particulièrement deux archipels celui de Salomon, parce qu'il est le seul dont les îles portent encore des noms européens, et celui de Viti, parce qu'il offre l'exemple unique d'une appellation collective déterminée par ses propres habitans. A tous les autres archipels il a fallu donner des noms: ceux de la Société, de Sandwich, de Mendana, de Cook, des Mariannes, des Carolines et de Tonga, sont consacrés et fort convenables. Le dernier remplace bien avantageusement celui des Amis, donné trop précipitamment à l'hypocrisie et à la trahison. Un autre nom caractéristique a été laissé, aussi avec peu de justesse, à

un archipel, dont les peuples ne sont pas les navigateurs par excellence de l'Océanie, et qui n'a aucun port pour recevoir un seul des navigateurs du reste du globe. Le nom du marin qui l'a découvert, Bougainville, serait bien mieux appliqué. La dénomination de deux autres archipels est encore insignifiante et en litige. Devant le nom du fameux Quiros, nous proposons de faire disparaître ceux d'Espiritu-Santo, de Grandes-Cyclades et de Nouvelles-Hébrides, appliqués aux terres que le capitaine espagnol a découvertes; et nous offrons celui de La Pérouse à cet archipel, qui vit le naufrage du voyageur français, et dont l'ile principale conservera seule les noms de Santa-Cruz ou Andany. Ainsi, les noms des plus grands navigateurs qui représentèrent la France, l'Espagne et l'Angleterre, dans la Polynésie et l'Australie, seraient consacrés sur les cartes.

« Nous ne pouvons nous empêcher de dire ici que, par un esprit de perfectionnement et de justice, très louable en luimême, on a applaudi il y a quelques années à une innovation malheureuse. On a voulu satisfaire la mémoire de Tasman, sans penser aux droits que l'ancien gouverneur Van-Diemen avait acquis à la reconnaissance de la postérité, en ordonnant plusieurs des explorations hollandaises. Le nom de Terre de Van-Diemen, d'autant plus répandu qu'il s'appliquait à un pays colonisé, offrait peu de prise à la critique; peut-être seulement aurait-on dù, par une légère modification, préférer celui de Dieménie, et ses habitans eussent toujours été des Dieméniens, comme dans les anciennes relations. Il existe, sur la côte nord-ouest de l'Australie, seconde Terre de Diemen, à laquelle il eût mieux valu donner un autre nom, mais le changement n'était pas pressant. Un pays important, dont la dénomination actuelle est ridicule, et qui fut aussi découvert par Tasman, semblait avoir plus de droit à réclamer le nom de ce navigateur; nous eussions eu alors la Tasmanie du Nord et la Tasmanie du Sud, au lieu de deux îles de la Nouvelle-Zélande, dont les noms indigènes, Jka-namauivi et Tavay - Pounammou sont trop barbares pour que nous les adoptions jamais. Si l'on ne veut pas revenir sur le nom de la Tasmanie, il y aurait encore une ressource, ce serait d'emprunter celui

une

de Dieménie à la terre qui n'aurait pas dù perdre son premier patron.

Il reste encore dans la division australe de l'Océanie un nom inconvenant et ridicule à faire disparaître : c'est celui de la Nouvelle-Guinée, auquel nous proposons de substituer celui de Papouasie, dont la racine Papouas indique le peuple

qui habite cette grande ile, de même que celui de Malaisie, si heureusement imaginée par M. Lesson pour remplacer l'archipel d'Orient, l'archipel d'Asie, rappelle l'habitation des nations malaisiennes dans la partie occidentale du Monde-Maritime.

§ VII. Orthographe des noms propres.

La nomenclature a plus d'importance que les savans et les littérateurs ne lui en accordent communément, et doit être regardée comme une des parties fondamentales de la géographie. Malheureusement la transcription des noms propres est livrée à l'anarchie, et nous croyons nécessaire d'entrer dans quelques explications à ce sujet, pour nous mettre à l'abri de toute critique. Mais d'abord nous emprunterons au savant Essai sur les noms d'hommes, de peuples et de lieux, de M. Salverte, le passage suivant, dans lequel ce philologue, avec sa sagacité ordinaire, fait sentir les difficultés et les inconvéniens qu'offre leur orthographe.

<< Si de nos jours un homme de génie à qui l'on a injustement contesté l'exactitude historique, si Voltaire est tombé dans une erreur pareille, en défigurant l'orthographe de la plupart des noms russes, il cherchait du moins à représenter, par la manière dont il les écrivait, leur prononciation véritable. C'était se proposer un problème difficile. Parmi les peuples qui se servent des mêmes caractères, il n'en est pas qui ne donnent souvent une valeur différente aux mêmes voyelles, aux mêmes consonnes, aux mêmes diphthongues. Conserver dans sa langue l'orthographe d'un nom étranger, c'est vouloir que mille fois il soit défiguré d'une manière ridicule par ceux qui le prononcent; en altérer Porthographe, c'est le rendre méconnaissable pour les lecteurs habitués à le retrou ver dans les écrits originaux du pays auquel il appartient, c'est exposer un copiste inattentif à introduire, sous ces noms défigurés, des personnages imaginaires, dans les récits de l'histoire et dans les relations de voyages. Zee-Haen (le coq de mer) était le nom d'un des vaisseaux du navigateur Tasman, à qui l'un de nos plus savans géographes, M. Eyriès, a restitué la découverte de la terre de Van-Diemen du

Nord. Sous la plume d'hommes qui sans doute croyaient en exprimer la véritable prononciation, ce mot devint Zeahaën et Zeachen; et sans remarquer que sous cette forme il était tout-à-fait étranger à la langue hollandaise et à tous les idiomes teutons, on en a fait le nom d'un prétendu navigateur, à qui jusqu'à présent a été attribuée la découverte de Tasman.

« Conserver l'orthographe originale des noms et indiquer en même temps leur prononciation exacte, ce ne serait pas une tâche trop épineuse pour un observateur attentif. La même précaution, un peu plus pénible, peut-être, est plus nécessaire encore de la part d'un traducteur qui rapporte des noms étrangers tels que les a écrits, dans une autre langue, l'auteur de la relation qu'il veut faire passer dans la sienne. Comment, par exemple, si je ne suis prévenu, retrouverai-je dans le Mysore des écrivains anglais le véritable nom du royaume de Maïssour?»

La linguistique, la géographie et l'histoire considérées sous ce rapport, offrent une véritable anarchie. Chaque auteur suit une méthode différente et ajoute, aux inconvéniens de son propre système, les nuances qui résultent de l'imperfection plus ou moins grande de l'alphabet employé pour écrire sa langue maternelle. De ce manque de plan uniforme et de la manière diverse d'exprimer tantôt des sons simples par la réunion de plusieurs lettres différentes, tantôt des sons composés au moyen d'une seule lettre, il résulte des mots entièrement méconnaissables et inintelligibles pour le peuple à la langue duquel ils appartiennent primitivement; une multitude de lettres disparates accumulées sans raison et sans goût, leur donne, même à tous les yeux, l'aspect le plus bizarre.

Si l'on cherche les moyens de démêler ce chaos, la difficulté se présente compli.. quée de deux élémens divers: la trans

cription primitive ou le passage de la prononciation à l'écriture; puis la transcription secondaire ou le passage d'une écriture à une autre.

Quant à la première difficulté, s'il s'agit des mots non encore transcrits ou que l'on voudrait réformer en se réglant sur la prononciation du pays auquel ils appartiennent, elle semble former, à elle seule, un obstacle insurmontable. Comment, en effet, plier sous le joug de l'orthographe française, d'après des règles uniformes de transcription, les innombrables noms barbares de l'Asie, de l'Afrique, de l'Océanie et de l'Amérique, puisqu'on peut dire hardiment que, pour le trois quarts de ces mots, on ignore tout-à-fait comment ces peuples eux-mêmes les prononcent, les géographes ne les ayant reçus que par une tradition éloignée, dont il serait souvent impossible de retrouver le fil. C'est une vérité dont nous ont convaincu les longues recherches auxquelles il a fallu nous livrer, depuis près de trente ans, pour rédiger nos divers ouvrages de géographie et de statistique et surtout notre Atlas ethnographique du globe. Nous pourrions le démontrer au besoin, par une multitude d'exemples pris dans les ouvrages les plus célèbres et les plus généralement estimés.

L'exact, le savant Azara, dit lui-même, en parlant des noms des dix-neuf tribus des Machicuys, « qu'il les écrira le mieux qu'il pourra et tels que son oreille a pu en saisir les sons ». Et il ajoute, « qu'il ne doute pas que si on les dictait à vingt personnes différentes, toutes conviendraient qu'il est impossible de les écrire, et que si elles voulaient le faire, chacune l'exécuterait d'une manière différente. »

Cependant si cette première difficulté est insurmontable pour la transcription des mots de langues de tribus barbares, qui, en parlant, avalent souvent une grande partie des syllabes, ou les profèrent avec un son guttural, un sifflement, un glapissement ou un clappement dé langue, elle ne se présente plus de même quant aux mots des idiomes qui sont fixés par l'écriture. Là se trouve le second obstacle, à savoir le passage d'une écriture à une autre. Les peuples de l'Europe ont en apparence le mème alphabet, c'est-àdire qu'ils se servent des mêmes lettres; mais cette identité n'est pas réelle, car ils assignent à ces caractères des valeurs très

diverses. Pour parer à cet inconvénient, on a laissé de côté la prononciation, à moins qu'on ne la figurât entre parenthè– ses, à côté du terme original, et les géographes sont généralement convenus de reproduire les mots des différentes langues de l'Europe, qui s'écrivent en caractères romains ou gothiques de la même manière qu'on les écrit dans le pays. Les dénominations russes font seules exception à cette règle, parce que les Russes se servent d'un alphabet différent de ceux des autres peuples de l'Europe. L'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg a fixé un mode de transcription du russe en allemand et en français, qui est assez généralement adopté et que nous avons suivi dans notre ouvrage.

Il ne faut pas croire néanmoins que, même pour cette partie la plus simple de la question, toute cause d'erreur soit ainsi écartée, et qu'il suffise, pour se mettre à l'abri de toute contradiction, de consulter des ouvrages originaux, quand il s'agit des contrées de l'Europe ou des pays qui dépendent des Européens. Quelques exemples choisis parmi une foule d'autres que nous avons recueillis dans les auteurs les plus célèbres, feront voir au lecteur qu'il est presque impossible, même, dans ces cas si peu difficiles en apparence, d'éviter des méprises ou des sujets de discussion.

Le célèbre géographe et statisticien Hassel, dans la grande géographie publiée à Weimar, écrit plusieurs fois Schleiz, tandis que dans son dictionnaire géographique et statistique, il écrit Schleitz, orthographe qui est suivie par Stein, au-tre géographe et statisticien célèbre. Hassel, Stein et d'autres géographes écrivent Koeln; M. le baron de Zedlitz, dans sa statistique de l'Europe en 1829, dans sa statistique de la monarchie Prussienne, et dans son Guide du Voyageur, écrit au contraire Cœln. MM. Reichard et Stieler, dans leur Atlas, écrivent Kanstatt; Stein, Cannstadt; et Hassel, Kannstadt.

Bien souvent le même auteur offre, pour le même mot, deux orthographes différentes dans le même ouvrage. Ainsi, par exemple, M. Hagelstam écrit, dans la statistique qui accompagne sa belle carte de la monarchie NorwégiénoSuédoise, Nedenæs et Rosendahl, et puis, on lit sur la carte, Nedenaes et Rosendal.

Mais le cas où le géographe conscien

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