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ne peut la faire accepter de leur souverain, et « il est invité à la déposer sur un coussin (1). Bientôt cet ambassadeur est renvoyé sur la frontière : tout le midi de la Georgie s'insurge; la Mingrélie se soulève; les habitans féroces de l'Imirette courent aux armes : les mœurs, la nationalité, la religion conspirent à se venger d'une longue contrainte : le prince Abbas-Mirza s'avance à la tête d'une armée de cinquante mille hommes: mais que peuvent le nombre contre la discipline, la valeur contre la science, plus de fanatisme contre plus de civilisation? Sur les bords de la rivière de Djeham, quelques milliers de Russes mettent en fuite (24 septembre 1826), par la seule puissance de leur ordre de bataille, vingt mille Persans. Cette victoire, remportée sous le commandement du prince Madatoff, s'achève entre les mains du général Paskewitch, qui fait descendre la mort et le carnage du haut de ces défilés qui bordent la rive droite de l'Araxe, et que les Persans regardaient comme le boulevart de leur empire.

L'Espagne qui avait perdu sa Constitution; et le Portugal qui venait de recouvrer la sienne, ne pouvaient durer en bon voisinage. Sur chacun

(1) Idem.

des deux territoires s'agitaient des réfugiés, les uns pour aller rétablir la liberté espagnole, les autres pour revenir renverser la charte portugaise. La France et l'Angleterre s'entremettaient à empêcher un éclat entre les deux gouvernemens. Leurs efforts amenèrent une convention sur l'article des déserteurs : l'Espagne et le Portugal s'engagèrent à se restituer les armes et les chevaux des réfugiés respectifs qu'ils tiendraient éloignés de la commune frontière. Mais la première de ces deux puissances né garda pas longtemps sa foi au moment où s'assemblaient les Cortès du Portugal, les libertés naissantes de ce pays furent mises en danger par une double invasion de réfugiés portugais qui, divisés en deux corps, débouchèrent en bon ordre et tout armés des frontières de l'Espagne (23 novembre 1826), le premier montant à plus de six mille hommes sous les ordres du marquis de Chavès, l'autre à deux ou trois mille sous le commandement du général Magessi.

:

Le gouvernement français rappela aussitôt le marquis de Moustier (1), son ambassadeur à Ma

(1) Voyez sur le rapport de cet ambassadeur, les explications données à la Chambre des Pairs, par M. le baron de Damas, ministre des affaires étrangères, le 19 décembre 1826.

drid, laissant à deviner s'il punissait celui-ci de n'avoir pas travaillé, de concert avec le ministre d'Angleterre, à retenir l'Espagne dans la fidélité due à ses engagemens, ou s'il donnait à la cour de Madrid un signe éclatant de déplaisir, parce qu'elle n'avait pas écouté les représentations de M. de Moustier. Bientôt il fait plus; et ayant pressé en vain la cour de Madrid de reconnaître le gouvernement établi à Lisbonne et d'éloigner de la frontière espagnole les réfugiés portugais, il rappelle la brigade suisse qu'il avait laissé au roi Ferdinand pour sa sûreté particulière.

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Le sang ne tarde pas à couler sur les limites de l'Espagne et du Portugal: le marquis de Chavès fait de rapides progrès, s'empare de Bragance et envahit toute la province de Tras-osMontès, constant foyer de l'opposition à des lois nouvelles. Dans le même temps, l'ambassadeur de Portugal en Espagne revenait de Madrid, où sa mission n'avait pas été reconnue, et le gouvernement portugais rompait toute relation avec celui d'Espagne à Lisbonne. Mais, une fois qu'elle eut lâché les royalistes portugais contre la Charte de ce pays, la cour de Madrid revint aux paroles de conciliation; et, déplorant l'abus que ces transfuges avaient fait de l'hospitalité généreuse de l'Espagne, promit aux légations des quatre grandes cours de ne montrer à l'ave

nir aucune complaisance vers les émigrés portugais (28 novembre 1826) (1).

Alarmés des succès toujours croissans des royalistes qui avaient passé le Douro et établi une régence au nom de don Miguel, la régence de Lisbonne invoque auprès de la Grande-Bretagne (2 décembre 1826) le traité de 1661, confirmé en 1815, qui renfermait la stipulation expresse K que S. M. B. défendra le Portugal et ses dépendances de tout son pouvoir, par terre et par mer, de la même manière qu'elle le ferait pour l'Angleterre ; » et qu'elle assurera gratuitement ce royaume «< contre tous ses ennemis présens et futurs (2). › L'Angleterre demeure fidèle à son ancien allié (3). Une flotte britannique, composée de quatre vaisseaux de ligne et d'une frégate, portant mille hommes, fait voile vers Lisbonne. Ces troupes débarquent dans la capitale pour garantir l'inviolabilité du territoire portugais contre toute opposition étrangère. Le gouvernement français travaillait, avec l'An

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(1) Texte de cette note. Annuaire de Lesur, pour 1826, p. 109 (Appendice).

(2) Art. 15, 16, 17 et article secret de ce traité.

(3) Voyez sur cette négociation le texte de la note adressée par M. le marquis de Palmella, ambassadeur portugais, près S. M. B. à M. Canning. — Annuaire de Lesur, pour 1826, p. 131 (Appendice). Voyez aussi les journaux anglais du 12 décembre 1826, rendant compte des débats du Parlement sur la même question.

gleterre, à empêcher la cour de Madrid de favoriser l'entreprise des insurgés du Portugal; il avait trouvé fort bon que les troupes britanniques secourussent indirectement la liberté à Lisbonne (1), lui qui avait envoyé une armée pour la détruire à Madrid. C'est ainsi que ce pauvre cabinet avait une voile pour chaque vent contraire, et se composait de loin son naufrage. Les insurgés portugais, au nombre de dix mille piétons et de onze cents chevaux, sous les ordres du marquis de Chavès, des vicomtes de Montalègre, de Magessi et de Telles-Jordao, rencontrèrent, dans les montagnes de la Sierra-Estrela, le général Villaflor, envoyé avec sept mille hommes pour leur barrer le chemin. Le passage, disputé avec fureur et encombré de morts, demeura enfin aux constitutionnels (9 janvier 1827). Les insurgés franchirent le ruisseau de sang que la bataille avait fait, et se réfugièrent sur le territoire espagnol. Après y avoir pansé leurs blessures, ils longèrent les frontières de la VieilleCastille et reparurent dans la province de Trasos-Montès. Le marquis de Chavès, qui les commandait, proclame', sous les murs de Porto, que leur épée tirera vengeance de toute ré

(1) Discours de M. le baron de Damas, ministre des affaires étrangères.

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