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dans le gouvernement aussi certainement que cette faction se proclamait elle-même et marchait devant vous, enseignes déployées. Je ne lui demanderai pas qui elle est, d'où elle vient, où elle va; elle mentirait : je la juge par ses œuvres. Voilà qu'elle vous propose la destruction de la liberté de la presse; l'année dernière elle avait exhumé du moyen-âge le droit d'aînesse; l'année précédente, le sacrilége. Ainsi dans la religion, dans la société, dans le gouvernement elle retourne en arrière. Mais des bibliothèques les livres ont passé dans les esprits: c'est de là qu'il vous faut les chasser. Avez-vous pour cela un projet de loi? Tant que nous n'aurons pas oublié ce que nous savons, nous serons mal disposés à l'abrutissement et à la servitude (1). » Enfin ils sont vaincus, ces ennemis de l'imprimerie, qui l'ont nommée « la seule plaie dont Moïse oublia de frapper l'Egypte (2); » et qui ont déclaré

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qu'il fallait au perturbateur de la société, des tortures après ou des ratures avant (3). » Ils sont vaincus: leur loi amendée et reçue par la Chambre des Députés, est portée devant celle des nobles Pairs (12 mars 1827), devenus gar

(1) Discours déjà cité.

(2) Discours de M. Salaberry, séance du 14 février. (3) Discours de M. de Frénilly, séance du 15.

diens de la couronne contre ses propres folies, et bientôt les ministres, présageant la résistance de la haute chambre, suppriment le combat, afin de s'épargner la défaite. Ils retirent cette loi (17 avril 1827), nommée par un de leurs apologistes, dans un article officiel: loi de justice et d'amour (1). Aussitôt « une allégresse générale se manifeste. Cette liberté de la presse qui intéressait tout au plus, repétaient-ils, une douzaine de journalistes, est si populaire que la France entière se trouve spontanément illuminée; et que jusque sur leurs vaisseaux, des matelots saluent de leur dernier cri, au nom de cette liberté, les rivages de la patrie (2). »

Le cabinet ignorait comment venger son orgueil, lorsque des rangs de la garde nationale, passée en revue par le monarque, s'échappe un cri de réprobation contre les ministres (29 avril 1827). Le Roi se contente de punir les légions citoyennes en leur adressant ces paroles: « Je m'attendais à recevoir de vous des hommages non des leçons (3). » Mais la colère d'un monsieur de Villèle dépassera les ressentimens d'un

(1) Moniteur du 5 janvier.

(2) Discours de M. de Chateaubriand à la Chambre des Pairs, séance du 18 juin.

(3) Moniteur du 30 avril.

roi. Il a vu « des pétitions présentées au bout des baïonnettes (1); » les citoyens armés ont vociféré, pour sa chute: « la couronne doit donner à la société menacée une indispensable garantie; >> il faut fermer, pour le pays, « une ouverture à de nouvelles révolutions (2). » M. Joseph de Villèle fait licencier au lever du jour suivant, par la royauté, ce corps imposant de la milice urbaine (30 avril 1827). C'était le plus grand coup que ce ministère ennemi des classes mitoyennes, eût osé frapper sur cette masse qui travaille et qui pense. Ces politiques à courte vue pensaient avoir anéanti la garde nationale, en prononçant sa dissolution; et cette garde, c'était le tiers-état! Décidément ils ne veulent pas régner sur la nation, mais contre elle.

Tout l'intérêt de la guerre entre les Grecs et les Ottomans était concentré autour de la citadelle d'Athènes, dite l'Acropolis. Notre colonel Fabvier s'y était jeté pour en sauver les murailles ou tomber avec elles; mais les divisions intestines courbaient plus fort que jamais le gouvernement vacillant de la nation. La faction militaire, noyant dans le sang qu'elle versait sur les

(1) Discours de M. de Villèle, à la Chambre des Députés, séance

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champs de batailles le souvenir de ses promesses de subordination, prétendait de nouveau à la régie des affaires. Le Comité de treize membres, nommé l'Assemblée d'Épidaure pour négocier la paix et l'indépendance (1), avait convoqué à Egine la troisième assemblée nationale. La Commission dictatoriale qui tenait lieu de gouvernement (2) s'était rendue dans cette'île (1er février 1827), où accoururent les Députés du continent et des îles, au nombre de soixantedouze. Mais le parti de Colocotroni, entraînant après soi les Députés du Péloponèse, avec d'autres illégalement élus par des provinces qui avaient déjà leurs représentans à Egine, avait composé, de son côté, à Hermione, une assemblée nationale de quatre-vingt-douze membres. Chacun de ces deux Congrès se regardait comme l'organe légitime de la nation, et voulait absorber l'autre dans son sein. C'est alors que deux Anglais, le général Church et lord Cochrane, arrivèrent en Grèce. Celui-là s'était fait connaître au service de son gouvernement dans les îles ioniennes ; le Nouveau-Monde était plein du nom de celui-ci. Leur présence fit taire les dissensions; les partis négocièrent, et convinrent que les deux assem

(1) Voyez plus haut. (2) Idem.

blées n'en formeraient qu'une seule, qui ne s'assemblerait ni à Egine, ni à Hermione, mais à Trézène (29 mars 1827). L'ambassadeur britannique à Constantinople venait d'annoncer au gouvernement grec que la cour de Londres acceptait la médiation que lui avaient proposée cent onze membres de l'Assemblée d'Epidaure, qui s'étaient intitulés les légitimes fondés de pouvoir de la nation grecque, réunis aux chefs militaires et au clergé; et que « l'offre de médiation basée sur les demandes de la Grèce, et appuyée par d'autres couronnes alliées de la GrandeBretagne, allait être communiquée au divan (1). » L'Assemblée nationale, réunie à Trézène, ne voit de salut pour le pays que dans l'union intérieure et l'appui des puissances. Pour atteindre ces deux biens précieux, elle suit une même voie : elle appelle à la direction de toutes les affaires, soit nationales, maritimes ou militaires, d'illustres étrangers : ainsi sera écartée la cause de la jalousie des Grecs les uns contre les autres; ainsi sera affermie la protection des couronnes. Le Congrès des Hellènes place donc à la tête du gouvernement national (14 avril 1827), sous le titre de président, le comte Jean Capo-d'Istrias,

(1) Texte de la dépêche de M. Stratfort-Canning, datée du 8 février 1827.- Annuaire de Lesur, pour 1827, p. 122 (Appendice).

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