Page images
PDF
EPUB

de ce chef étranger: il ne put secourir le drapeau de la liberté qui, tout déchiré par les boulets, ombrageait les pierres noircies de l'Acropolis, sacré palladium de la Grèce (1). Il avait conseillé aux Grecs, défenseurs de cette citadelle, « de rendre leurs armes (2).» « Que les Turcs viennent les prendre ! » avaient répondu, dans le style de Léonidas, les descendans de ce héros (5). Le général Church effectua sa malheureuse retraite, et leur donna encore ce muet conseil de capituler. Enfin l'intrépide garnison, renfermée dans l'Acropolis, contempla cette déroute en versant des larmes de rage; et, arrivée au bout des forces humaines, rendit la citadelle à l'ennemi (5 mai 1827). La capitulation, protégée par le contre-amiral Rigny, permit aux assiégés de sortir avec les honneurs de la guerre (4).

La Grèce était à deux doigts de sa ruine; mais

(1) Voyez le texte de la dépêche du général Church sur la bataille de l'Acropolis. (6 mai). Journal officiel de la Grèce.

(2) Texte de la lettre du général Church aux commandans de la garnison de la citadelle d'Athènes. On y trouve ces mots : « Je vous ordonne de vous conformer à la capitulation ci-incluse. » — Mémoires sur la Grèce par le capitaine Jourdain, t. 11, P. 355.

(3) Texte de la réponse des commandans de la garnison. — Id., p. 356.

(4) Texte de cette capitulation dans le septième numéro des Documens publiés par le Comité philhellénique de Paris, p. 42.

ce n'était plus sa fortune présente qui pouvait décider de son avenir. Ses combats passés avaient mis en branle la politique de l'Europe. Une fois les intérêts des grandes couronnes jetés aux prises dans la question de son salut, elle devait tout espérer de la crainte que chacun des souverains prépondérans de la chrétienté avait qu'un autre ne la sauvât le premier, et ne tirât, tout seul, gloire et profit de son indépendance recouvrée. La Russie et l'Angleterre s'accordaient à la protéger, par jalousie entre elles; tout l'effort ombrageux de la France contre les cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg visait à la conclusion d'un arrangement qui la plaçât sur la même ligne que ces deux puissances. Elle proposait de transformer leur protocole du 4 avril 1826 en un traité entre les cinq grandes cours, qui reposerait sur les bases du protocole luimême, en substituant une quintuple médiation à celle des deux cabinets. « Nous proposerons tous, dit le gouvernement français, notre intervention en cas de refus, nous menacerons de reconnaître l'indépendance de la Grèce, d'abord comme un fait accompli, et plus tard comme un droit recouvré. » Ce plan gardait le silence sur toute autre voie de rigueur. La Russie accepte la proposition du traité commun, mais en appuyant sur des sévérités plus décidées contre

la Porte, au cas où elle se montrerait récalcitrante, savoir, sur le rappel des ambassadeurs et sur l'emploi même des armes. L'Autriche déclare qu'elle ne se prêtera jamais à faire descendre le Sultan de son rang actuel de souverain des Grecs, à la qualité de leur simple seigneur suzerain, et elle refuse d'élever un traité sur les fondemens qu'avait reçus le protocole du 4 avril. La Prusse, embarrassée, promet de se rattacher au système qui obtiendra l'unanimité des opinions dans le conseil des couronnes. M. le marquis de Ribeaupierre, nouvel ambassadeur de Russie à Constantinople, avait trouvé, en arrivant dans cette capitale (1), M. Stratford-Canning, maintenant ambassadeur de la GrandeBretagne, qui avait pris les devans, et fait au divan des ouvertures sur la question de l'indépendance des Grecs; mais le général Guilleminot, notre ambassadeur, avait refusé de coopérer à ces communications qui lui paraissaient anticipées. Cependant M. de Ribeaupierre imprime aux négociations un caractère plus décisif, et propose une médiation : cette démarche est appuyée, de près, par la France, de plus loin, par l'Autriche et la Prusse.-Une médiation! répond le ministre de Sa Hautesse (10 juin 1827), entre

(1) Cet ambassadeur russe était arrivé le 11 février.

qui? entre un souverain et ses sujets! C'est violer les règles du droit des nations, qui n'admettent d'interposition qu'entre deux puissances indépendantes et reconnues. «< Jamais la SublimePorte n'écoutera ni ne comprendra de semblables propositions, aussi long-temps que la Grèce sera sa tributaire et fera partie de son empire (1). »

L'Angleterre et la Russie entrent alors dans l'idée exprimée depuis long-temps par la France : elles changent le protocole du 4 avril 1826 en un traité formel. L'Angleterre, qui craignait toujours que la Russie ne profitât des affaires grecques pour s'agrandir, et ne s'emparât exclusivement du soin de vaincre par les armes l'obstination. de la Porte, ne fut pas fâchée d'associer la France à une convention faite pour ôter à la Russie l'avantage d'une action isolée. Le but de la GrandeBretagne était d'empêcher le gouvernement russe d'exploiter démesurément les moyens coercitifs contre les Turcs, dans le cas où ces mesures deviendraient indispensables. Elle voulait en conséquence que la coaction se fit par mer, sachant qu'en terre la Russie aurait beau jeu. Or, la France étant la seconde puissance navale, son

(1) Texte de la note remise par le Reis-Effendi aux drogmans des légations française, anglaise, russe, autrichienne et prussienne. — Annuaire de Lesur, pour 1827, p. 99 (Appendice).

admission dans l'alliance avait pour reléguer la Russie au troisième rang.

résultat de

L'Autriche, enflée du secret espoir de saisir le rôle de double médiatrice, et de s'interposer à la fois entre l'Empire Ottoman et l'Europe, et entre le Sultan et les Grecs, refuse de signer l'instrument. Le cabinet de Berlin suit l'exemple de la cour impériale. Les trois autres couronnes concluent donc entre elles seules ce traité qui fera une nation de plus (6 juillet 1827). Pénétrés de la nécessité de mettre un terme à une lutte sanglante qui entrave le commerce des États de l'Europe, forcés d'adopter contre la piraterie des mesures onéreuses de surveillance et de répression (1), les rois de France et de la GrandeBretagne déclarent qu'ayant reçu, de la part des Grecs, l'invitation pressante d'interposer leur médiation auprès de la Porte-Ottomane, ils ont cherché, de concert avec l'Empereur de Russie, les moyens de faciliter entre les parties belligérantes « un arrangement réclamé autant par un sentiment d'humanité l'intérêt du repos de l'Europe (2). » En conséquence, les trois souverains conviennent d'offrir leur médiation à la

que par

(1) Préambule de ce traité dont on trouve le texte français dans l'Annuaire de Lesur, pour 1827, p. 102.

(2) Fin du préambule.

« PreviousContinue »