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nouveautés religieuses dont le nom est inconnu à la loi, et qui se produisent, de fait, sous forme d'associations clandestines. Les associations de ce genre tombent sous le coup de l'art. 291, et ne peuvent, dans les cas y exprimés, se former régulièrement qu'avec l'agrément du gouvernement, et sous les conditions qu'il plaît à l'autorité publique d'imposer à la société et aux assemblées ou réunions de ses membres.

» Aussi cet art. 291, bien loin d'être considéré comme incompatible avec l'art. 5 de la Charte de 1830, a, au contraire, reçu, depuis cette époque et à plusieurs reprises, une éclatante confirmation.

» Ainsi, en 1832, lorsqu'on a réformé tous ceux des articles du Code pénal contre lesquels l'opinion et l'expérience avaient justement réclamé, le législateur n'a apporté aucune altération aux dispositions de l'art. 291, et pourtant cet article avait éprouvé de vives attaques sous la restauration et depuis, soit de la part de ceux que M. Bourdeau, l'un des gardes-des-sceaux de cette époque, avait caractérisés par une expression si vive et si pittoresque qu'elle est restée dans toutes les mémoires, soit de la part de ceux qui, placés dans un autre extrême, voyaient dans cet article un obstacle aux sociétés politiques, si multipliées sous Charles X, si actives au moment de sa chûte, si redoutables même depuis! à ce point, que des hommes qui avaient fait partie de ces associations, n'ont épargné les critiques cet article en 1830 et 1831, jusqu'à l'époque où l'instinct du pouvoir, alors qu'ils l'exerçaient, leur fit comprendre la nécessité, non seulement de le défendre, mais encore de le renforcer.

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» C'est ce qu'a fait la loi du 10 avril 1834, rendue sous le ministère du 11 octobre, et dont l'art. 1er porte que: « Les dispositions de l'art. 291 du Code pénal » sont applicables aux associations de vingt personnes, » alors même que ces associations seraient partagées en sections de nombre moindre, et qu'elles ne se » réuniraient pas tous les jours ou à des jours mar» qués ».

Je sais très bien que, dans la discussion de cette loi, il a été déclaré et avec grande raison par le gardedes-sceaux, que a s'il s'agissait de réunions qui auraient seulement pour but le culte à rendre à la » divinité et l'exercice de ce culte, la loi ne serait pas applicable. Tel est aussi le sens que j'ai constamment donné à l'art. 291, toutes les fois que j'ai eu à m'en expliquer devant vous.

» En effet, cette condition, toute de police, pour s'assurer si le local est convenable, s'il réunit les conditions de solidité, de salubrité, etc., s'il n'existe aucun voisinage capable d'attirer les collisions, n'est pas applicable seulement à un culte, mais à tous sans exception. Aucune église catholique ne peut être érigée sans l'aveu du gouvernement, aucune chapelle, ou oratoire privé ne peut être consacré sans son autorisation. Cette règle a été de rigueur dans tous les tems; la loi de germinal an x ne fait que rappeler le principe ancien, et l'art. 294 du Code pénal n'est que la sanction de ce principe, applicable au culte protestant comme au culte catholique et en général à tous les cultes.

» En présence de cette règle, si évidemment d'ordre public, il ne reste qu'une objection, celle qui résulterait d'un refus non motivé ou mal motivé de l'autorité locale; et dans ce cas, nous n'hésitons pas à reconnaître que ce serait une atteinte réelle à la liberté des cultes. Car nous ne pouvons admettre ni le droit péremptoire de refus, sans motif exprimé, ni un silence malicieux équivalant à ce refus, comme moyen légitime d'empêcher les citoyens d'exercer leur culte. (Plaidoierie du 18 septembre 1830.) Aussi nous sommes-nous élevés avec force contre cet abus du pouvoir dans une circonstance où nous avons cru le remarquer. (Requisitoire du 20 mai 1836.)

» Mais, à cette objection même, vous avez répondu par votre arrêt, du même jour 20 mai, rendu dans l'affaire Oster, que si l'autorité municipale refuse, » par des motifs que la Charte réprouve, l'ouverture » d'un lieu destiné à l'exercice d'un culte, les citoyens » ont le droit de recourir à l'autorité supérieure à l'au»torité municipale, pour obtenir ce qui leur a été » indûment refusé ».

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J'ajouterai qu'après avoir épuisé toute la hiérarchie, on devrait recourir aux chambres; que de justes plaintes y seraient certainement accueillies : et que si les faits révélés étaient tels que le besoin d'une législation plus explicite se fit sentir, des chambres animées d'un esprit vraiment constitutionnel n'hésiteraient pas à donner de nouvelles garanties à une liberté trop legitimement acquise, trop profondément empreinte dans tous les bons esprits, pour qu'il y soit désormais porté aucune atteinte sérieuse... »

La cour, ch. cr., a rendu, le 12 avril 1838, l'arrêt suivant :

« Attendu que la liberté religieuse, consacrée et garantie par l'art. 5 de la Charte constitutionnelle, n'exclut ni la surveillance de l'autorité publique sur les réunions qui ont pour objet l'exercice des cultes, ni les mesures de police et de sûreté sans lesquelles cette surveillance ne pourrait être efficace ;-Que les dispositions de cet article ne se concilient pas moins avec la nécessité d'obtenir l'autorisation du gouvernement dans les cas prévus par l'art. 291 du Code pénal, qui se rapportent aux choses religieuses; - Qu'en effet, l'ordre et la paix publics pourraient être compro

» Quant à la jurisprudence de la cour, la voici : Déjà vous aviez jugé par un premier arrêt, celui du 23 avril 1830, portant rejet du pourvoi formé dans l'affaire des protestans de Levergies, par ce motif « que les >> réunions de plus de vingt personnes pour l'exercice » des cultes autorisés par l'état, ne sont pas dans la ca»tégorie de celles pour lesquelles l'article 291 du » Code pénal exige l'agrément du gouvernement, et » que, dans l'espèce, il s'agissait du culte protestant. » Et par la raison inverse, dans une espèce qui se présentait d'ailleurs avec les caractères d'association reconnus et déclarés par l'arrêt, vous avez jugé, le 22 juillet 1837, sur les conclusions de M. l'avocat Lapla-mis, si des associations particulières, formées au sein gne-Barris, « que cet article était applicable à un individu qui se prétendait ministre d'un culte qui n'avait jamais été autorisé ».

» En ce qui concerne l'art. 294, vous avez jugé par arrêt du 23 avril 1830, que « l'article 5 de la Charte » n'a rien d'inconciliable avec les mesures de police prescrites par l'art. 294 du Code pénal, pour le maintien, soit encore de la surveillance de l'autorité >> municipale sur les personnes qui, pour les réu»nions dont parle cet article, accorderaient ou con» sentiraient sans sa permission l'usage de tout ou » partie de leur maison ».

des différentes religions ou prenant la religion pour prétexte, pouvaient, sans la permission du gouvernement, dresser une chaire ou élever un autel partout et hors de l'enceinte des édifices consacrés au culte ;Que les articles organiques du concordat du 18 germinal an x ne permettent pas qu'aucune partie du territoire français puisse être érigée en cure ou succursale, qu'aucune chapelle domestique, aucun oratoire particulier, soient établis sans une autorisation expresse du gouvernement;-Que le libre exercice de la religion professée par la majorité des Français doit se renfermer dans ces limites, qu'il est soumis à ces res

trictions; que les articles organiques du culte protestant les reproduisent sous les formes appropriées à ce culte, et que les art. 291 et 294, Code pénal, ne contiennent que des dispositions analogues;-Que la loi du 7 vendémiaire an IV, inconciliable dans la plupart de ses dispositions avec celle de germinal an x, relative à l'organisation des cultes, et statuant sur des matières qui ont été depuis réglées par la section 3, la section 4, §8, et la section 7 du chapitre 3, titre 1er, livre 3, Code pénal, se trouve, aux termes de l'art. 484, nécessaire ment abrogée;-Qu'au surplus, cette surveillance et cette intervention de l'autorité publique ne doivent point être séparées de la protection promise à tous les cultes en général; que cette protection est aussi une garantie d'ordre public; mais qu'elle ne peut être réclamée que par des cultes reconnus et publiquement exercés ;-Que l'abrogation virtuelle des art. 291 et suivans, Code pénal, ne peut donc s'induire ni de Part. 5, ni de l'art. 70 de la Charte de 1830;-Que, loin de là, et depuis sa promulgation, ils ont reçu une sanction nouvelle de la loi du 10 avril 1834, qui a confirmé les dispositions de l'art. 291 en leur donnant plus d'extension et d'efficacité, et qui a déféré aux tribunaux correctionnels les infractions qui y seraient commises; Mais attendu que cet article, combiné avec la loi du 10 avril 1834, n'interdit que les associa→ tions, non autorisées, de plus de vingt personnes, dont le but serait de se réunir pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, alors même que ces associations seraient partagées en section d'un nombre moindre, et qu'elles ne se réuniraient pas tous les jours ou à des jours marqués;-Qu'il suit de là que

que

l'art. 291, Code pénal, considérant les associations dans leur but, celui de se réunir, s'applique évidemment à toutes réunions qui seraient la conséquence ou le résultat de ces associations mêmes, de quelque manière qu'elles aient été formées ; mais que son application ne peut pas s'étendre aux simples réunions temporaires et accidentelles, non préparées à l'avance, ou qui n'auraient pas un but déterminé ;-Et attendu l'arrêt attaqué constate, en fait « que les prévenus » Doyne et Lemaire, membres de la religion chrétienne » réformée, se sont rendus, le 16 juillet et le 10 septem»bre 1837, dans les communes de Sceaux et de Cépoy, » et que là, Doyne a fait des prières, chanté des psaumes, »lu et expliqué l'évangile, en présence de tous ceux qui, >> soit par un sentiment religieux, soit par un motif de » curiosité, s'étaient, spontanément et sans accord préa lable, réunis autour de lui »; - Que la cour royale d'Orléans, tout en spécifiant l'objet des réunions qui avaient eu lieu à Sceaux et à Cépoy, n'a donc pas reconnu et déclaré l'existence d'une association de plus de vingt personnes, ni même celle de réunions produites par une association ainsi composée; qu'elle s'est bornée à constater deux réunions formées spontanément dans deux communes différentes, et sans qu'elles eussent été préparées ou concertées à l'avance; que les faits ainsi appréciés ne présentaient plus les caractères prévus et déterminés par les art. 291 et 292, Code pénal, 1er et 2 de la loi du 10 avril 1834, et qu'en jugeant qu'aucune disposition pénale ne leur était applicable, ladite cour n'a violé aucune loi ;-Par ces motifs, rejette, etc.>>>>

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CHEMINS VICINAUX. EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE. L'expropriation pour cause d'utilité publique, nécessitée par les travaux d'ouverture ou de redressement des chemins vicinaux, n'est soumise qu'aux formes spéciales tracées par l'art. 16 de la loi du 21 mai

1836: ce n'est pas le cas d'appliquer la loi genérale du 7 juillet 1833.

Spécialement: Il suffit, pour que les tribunaux soient tenus de prononcer l'expropriation, qu'il leur soit produit un arrêté du préfet qui autorise les travaux, sans qu'il faille joindre à cet arrêté la production des pièces qui constateraient l'accomplissement des formalités prescrites par l'art. 2, tit. 1er, et par le tit. 2 de la loi du 7 juillet 1833, formalités étrangères à la matière des expropriations concernant les chemins vicinaux.

L'action à fin d'expropriation intentée par le doit-elle préfet, en matière de chemins vicinaux, être introduite par voie de simple requête, ou par citation aux parties intéressées?

Par arrêté du 19 janvier 1838, le préfet du département des Vosges avait ordonné l'expropriation de plusieurs terrains nécessaires à la rectification d'un chemin communal de grande communication entre les communes de Coussy et de Fol-le-Grand.

Cet arrêté ayant été transmis au procureur du roi de Neufchâteau, pour qu'il eût à faire prononcer l'expropriation par le tribunal, ce magistrat présenta requête au tribunal, en se bornant à lui transmettre l'arrêté du préfet, ne pensant pas avoir d'autres pièces à produire, en l'absence d'une disposition expresse à cet égard dans l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, sur les chemins vicinaux, article spécial aux formalités à suivre au cas où l'ouverture ou le redressement d'un chemin vicinal rend nécessaire l'expropriation des propriétés voisines.

En cet état de choses, le tribunal civil de Neufchâteau rendit, le 1er février 1838, un jugement portant qu'il serait sursis à prononcer l'expropriation, jusqu'à ce que le préfet eût produit à l'appui de sa requête les pièces prescrites par l'art. 2, tit. ier, et le tit. 2 de la loi du 7 juillet 1833, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, c'està-dire, notamment les publications et enquêtes qui ont pour but d'appeler les observations des parties intéressées.

Pourvoi en cassation de la part du procureur du roi de Neufchâteau, pour violation, de l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, et fausse application de la loi du 7 juillet 1833, en ce que le tribunal a appliqué à l'expropriation nécessitée par les travaux à faire aux chemins vicinaux, réglée par la loi spéciale du 21 mai 1836, les formes générales et de droit commun tracées par la loi du 7 juillet 1833, pour les expropriations pour cause d'utilité publique.

La Cour de cassation, chambre civile, a rendu, le 23 avril 1838, l'arrêt suivant:

La Cour; - Vu l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836; -Attendu que cet article n'exige, en fait d'ouverture et de redressement des chemins vicinaux, d'autre préalable au recours en expropriation, qu'un arrêté du préfet qui en antorise les travaux, arrêté qui, dans l'espèce de la cause, s'appliquant à un chemin vicinal de grande communication, rentre dans les dispositions prescrites par l'art. 7 de la même loi; - Qu'ainsi, pourvu qu'apparaisse au tribunal un arrêté de préfet rendu en conformité des luis, et non attaqué par les parties devant l'autorité administrative supérieure, il est du devoir de l'autorité judiciaire d'y donner effet, sans imposer au demandeur l'obligation d'accomplir

les formalités étrangères à la matière des expropriations relatives aux chemins vicinaux, et dont la loi n'exige l'observation que dans les cas généraux d'expropriation pour utilité publique régis par la loi du 7 juillet 1833; Et attendu, dans l'espèce, que le tribunal de Neufchâteau qui, par un jugement interlocutoire du 22 janvier 1838, avait ordonné que le procureur du roi produirait les pièces prescrites par l'art. 2, tit. fer, et par le tit. 2 de la loi du 7 juillet 1833, a, par son jugement du 1er février suivant, déclaré le procureur du roi, quant à présent, non recevable, faute de de les avoir produites; qu'en cela, ce même tribunal a faussement appliqué l'art. 14 de la loi du 7 juillet 1833, et formellement violé l'art. 16 de celle du 21 mai 1836; - Casse, etc.

EXPROPRIATION POUR UTILité publique. TRAVAUX PUBLICS. INDEMNITÉ. COMPÉTENCE. Lorsqu'une commune fait exécuter des travaux qui ont pour résultat d'exhausser le sol de la voie publique, elle est tenue d'indemniser le propriétaire dont la maison se trouve enfouie, et par suite dépréciée.

C'est aux tribunaux et non à l'autorité administrative qu'il appartient de statuer sur l'indemnité due à raison de la dépréciation permanente d'une propriété résultant de travaux publics. aussi bien que s'il s'agissait d'une expropriation foncière.

L'arrêt contre lequel était dirigé le pourvoi dans l'espèce, est rapporté.

Deux moyens étaient proposés à l'appui de ce pourvoi le premier, pris de la violation des lois séparatives des pouvoirs administratif et judiciaire, et notamment des articles 48 et suivans de la loi du 16 septembre 1807, en ce que la cour royale de Douai avait statué sur une indemnité dont la connaissance était réservée à l'autorité administrative. On soutenait dans l'intérêt du maire de la commune des Moulins, demandeur en cassation, que l'autorité judiciaire n'est compétente pour statuer sur l'indemnité due à raison d'une expropriation, que lorsqu'il y a expropriation réelle ou foncière et non lorsqu'il y a seulement diminution de valeur d'une propriété qui ne change pas

de mains, cette diminution de valeur constituant un simple dommage causé par des travaux, et dont il appartient au pouvoir administratif seul d'apprécier la réparation. D'où l'on concluait que, dans l'espèce où le sieur Lhoir, défendeur éventuel, n'avait été exproprié d'aucune partie de sa maison, et se plaignait seulement du tort que lui causait l'exhaussement de la rue, la cour royale de Douai avait excédé ses pouvoirs en prononçant sur la contestation.

Le deuxième moyen était pris de la fausse application des art. 9 de la Charte, 545 et 1382, Cod. civ., en ce que le maire de la commune des Moulins ayant agi dans les limites de son autorité, il n'était dû aucune indemnité pour le tort que le nivellement de la voie publique pouvait causer aux maisons riveraines, nécessairement tenues de supporter tout ce qui était fait dans le but d'entretenir la viabilité de la rue, et d'y faciliter la circulation. A l'appui de ce moyen, on reproduisait avec de nouveaux développemens les moyens invoqués devant la cour royale, et qui ont été indiqué loc. cit.

La Cour de cassation, chambre des requêtes, a rendu, le 30 avril 1838, l'arrêt sui

vant:

La Cour; -Vu l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an VIII; les art. 544 et 545, Cod. civ.; l'art. 51 de la loi du 16 septembre 1807; les art. 9 et 10 de la Charte constitutionnelle, et les art. 1 et 66 de la loi du 7 juillet 1833;

Attendu, en fait, que la maison des sieur et dame Lhoir était élevée de seize centimètres au-dessus du sol de la rue, et que, par suite de l'exhaussement de la rue ordonné en vertu d'une délibération du conseil municipal de la commune des Moulins, l'entrée de celte maison se trouverait d'un mètre, trente-neuf centimètres au-dessous du sol de la rue; cet exhaussement obstruant la porte et les fenêtres du rez-dechaussée en rend l'accès sinon impossible, au moins très difficile ; d'où résulte une altération notable dans la jouissance, une dépréciation de la propriété;- Attendu que l'action sur laquelle la Cour royale a statué n'avait nullement pour objet d'empêcher l'exécution des travaux délibérés par le conseil municipal, mais seulement d'obtenir le paiement de l'indemnité résultant de cette dépréciation, et que l'arrêt dénoncé n'a statué que sur la question de l'indemnité ; Attendu en droit, sur la compétence de l'autorité judiciaire, qu'aux termes de l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, le conseil de préfecture doit prononcer sur les réclamations des particuliers qui se plaignent des torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs, ainsi que sur les indemnités dues aux particuliers à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des chemins, canaux et autres ouvrages publics, et que cet article est sans application à la Attendu que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses, de la manière la plus absolue (art. 544, C. civ.), et que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité (art. 545, Cod. civ., art. 9 et 10 de la Charte); - Attendu que la jouissance est une portion

cause;

essentielle de la propriété; que la modification ou l'altération permanente et perpétuelle de la jouissance modifie ou altère évidemment la propriété; d'où résulte le droit du propriétaire à une indemnité, comme s'il subissait une expropriation réelle d'une partie du sol, nul sacrifice de la propriété à l'intérêt public ne devant être gratuit sans le consentement du propriétaire; Attendu que toutes les questions relatives à la propriété des citoyens sont essentiellement de la compétence de l'autorité judiciaire, sauf les droits de l'autorité publique pour l'exécution des travaux qu'elle a ordonnés à la charge d'une indemnité préalable; que c'est par l'autorité de justice que s'opère l'expropriation pour cause d'utilité publique (art. 1 de la loi du 7 juillet 1833), et que même en cas d'occupation temporaire des propriétés privées jugées nécessaires pour des travaux de fortifications, le réglement définitif des indemnités est attribué à l'autorité judiciaire (art 66 de la même loi); Attendu, au fond, qu'il ne s'agit point dans la cause d'une sujétion temporaire pour réparation de la voie publique, ou pour l'assainissement, pour la salubrité; Attendu qu'il s'agit d'un exhaussement notable et permanent de la voie publique, dont l'effet est de déprécier la maison des sieur et dame Lhoir; qu'il n'existe aucune loi qui ait dérogé dans ce cas au principe et à la nature du droit de propriété, ni au principe d'une juste et préalable indemnité du dommage permanent causé à l'un des citoyens dans l'intérêt de tous; Rejette, etc.

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HOSPICES. SUCCESSIONS. QUINZE VINGTS.-MOBILIER. Les anciens statuts et réglemens qui déféraient à certains hospices, et spécialement à l'hospice des Quinze-Vingts, les successions des individus décédés dans ces hospices, ont été abrogés par les dispositions du Code civil sur les successions et par la loi du 30 ventôse an XII.-Les successions de ces individus

sont, comme celles de tous les autres, déférées à leurs héritiers naturels. (Code civil, 673.)

Les hospices ont-ils droit du moins au mobilier apporté dans l'hospice par l'individu qui y est décédé? Non. rés. (Avis du conseil d'état, 14 octobre, 3 novembre 1809.) Cette affaire a donné lieu à plusieurs décisions qui ont été recueillies dans les tems. D'abord, un arrêt de la cour royale de Paris du 22 avril 1834, confirmatif d'un jugement du tribunal de la Seine, qui décidait que l'hospice des Quinze-Vingts avait droit, à l'exclusion des héritiers naturels, aux successions laissées par les personnes admises dans l'hospice des Quinze-Vingts.- En second lieu, un arrêt de la Cour suprême du 29 juin 1836, portant cassation de l'arrêt de la cour de Paris, sur le motif que les anciens statuts et réglemens qui déféraient à certains hospices les successions des individus décédés dans ces hospices, ont été abrogés par les dispositions du Code civil sur les successions et par la loi du 30 ventôse an XII. - Enfin, un arrêt de la cour royale d'Orléans du 3 février 1837, qui, sur le renvoi prononcé par

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l'arrêt de cassation, se range à la doctrine de cet arrêt, repousse en conséquence la prétention de l'hospice des Quinze-Vingts à recueillir la succession du sieur Joseph Fanton, décédé dans cet hospice, et ordonne que ces objets seront restitués aux héritiers naturels du défunt.

les aveu

Pourvoi en cassation contre ce dernier arrêt a été formé par l'administration de l'hospice des Quinze-Vingts: 1° pour violation de l'art. 27 du statut du 6 septembre 1522, relatif à cet hospice, et fausse application des art. 723, 731 et autres dispositions du Code civil sur les successions, ainsi que de l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les dispositions du statut de 1522 qui règlent le mode de succession des aveugles admis dans l'hospice des Quinze-Vingts, ont été abrogées par les lois nouvelles. Sur ce moyen, on reproduit pour l'hospice les argumens déjà employés à l'appui de ses prétentions lors des arrêts rappelés ci-dessus. L'hospice, a-t-on dit, ne prétend pas que les biens laissés par gles internes lui sont transmis par voie de succession; il invoque seulement un contrat qu'il a fidèlement exécuté pour sa part, et qui ne peut, suivant l'équité et la loi, être anéanti à l'égard des avantages qu'il lui assurerait. La prétendue abrogation du réglement de 1522 par le Code civil n'existe nullement : il est en effet de principe que les lois générales ne sont jamais présumées déroger aux lois spéciales. Pour que la loi générale sur les successions, renfermée dans le Code civil, puisse abroger une loi spéciale antérieure, il ne suffit pas, ainsi que l'a établi M. Merlin dans son réquisitoire lors du premier des deux arrêts précités, il ne suffit pas que cette loi spéciale ait des relations indirectes, virtuelles avec la matière des successions; il faut qu'elle s'y réfère directement. Ainsi, par exemple, une loi spéciale dont l'objet principal n'est pas entré dans le cadre des matières dont s'est occupé le Code civil, et qui n'a sur les successions qu'une influence accessoire, n'a pu être abrogée par la partie du Code civil qui traite des successions.-Or, le Code civil ne s'est pas plus occupé de l'organisation des biens, des droits, des obligations, des hospices en général, que de ceux des Quinze-Vingts en particulier. On ne peut donc considérer ses dispositions comme ayant rapporté le statut de 1522. C'est en vain qu'on argumente de la loi du 30 ventôse an XII. La pensée du législateur, manifestée par les discussions qui ont précédé la rédaction de cette loi et par les discours de l'ora

-

teur du gouvernement, n'est nullement en harmonie avec cette interprétation. Il résulte de ces discussions et discours que l'unique but de la loi a été de consolider, par l'unité dans la législation civile, l'unité politique depuis longtems réalisée; mais qu'il ne s'agissait nullement de détruire les règles particulières à certains établissemens publics, pour les soumettre au droit commun. Cette interprétation se trouve encore confirmée par l'avis du conseil d'état des 14 octobre, 3 novembre 1809, qui a décidé que les effets mobiliers apportés par les malades décédés dans les hospices, doivent appartenir à ces hospices, à l'exclusion des héritiers et du domaine en cas de déshérence, conformément aux édits de juillet 1566 et avril 1656, et aux lettres-patentes du 13 septembre 1744. — II faut donc reconnaître que, d'après la nature des dispositions du statut de 1522, d'après les principes généraux en matière d'abrogation, comme d'après la jurisprudence, ce réglement de 1522 est encore en vigueur; et que par suite l'arrêt attaqué, en décidant le contraire, a encouru la cassation. 2° Violation de l'avis précité du conseil d'état des 14 octobre, 3 novembre 1809, en ce que la cour royale n'a pas, au moins, accordé à P'hospice des Quinze-Vingts, et conformé ment à la disposition expresse de cet avis, les effets mobiliers qu'avaient apportés dans l'hospice Joseph Fanton.

La Cour de cassation, chambre des requêtes, a rendu, le 17 avril 1838, l'arrêt sui

vant :

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Le 8 mars 1837, le coche de Nogent. dont les sieurs de Rotrou et compagnie sont propriétaires, étant chargé de marchandises, rencontra sous l'eau, près de Charenton, un bateau précédemment mis à fond, et fit naufrage. Procès-verbal du sinistre fut dressé par le maire de Charenton, en présence du sieur Pâris, préposé à la navigation, qui y déclara « que le bateau- lavandière qui gisait au fond de l'eau, et qui a produit le naufrage du coche, appartient au sieur Georges, tireur de sable...; qu'il avait été mis à fond le 12 février par suite de gros tems; que vai

nement il avait fait sommation à ce sieur

<< La Cour;-Sur la 1re branche du 1er moyen :Attendu, en droit, que de la combinaison des dispo-Georges de retirer cette lavandière du fond

sitions du Code civil au liv. 3 tit. 1er des successions, avec l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII (qui porte qu'à compter du jour où les dispositions du Code civil

seront devenues exécutoires, les ordonnances, les coutumes générales et locales, les statuts et réglemens cesseront d'avoir force de lois générales et particulières dans les matières qui font l'objet des lois contenues dans ce Code), il résulte que, depuis la promulgation du Code civil, les biens ne peuvent être transmis à tị

tre de succession, que suivant l'ordre et la règle établie dans ledit Code; — Qu'ainsi l'arrêt attaqué, en décidant que les anciens réglemens et notamment l'art. 27 du statut du 6 septembre 1522, qui déférait à l hospice des Quinze-Vingts la succession des individus décédés dans cet hospice, ont été abrogés par le Code civil, et que par conséquent la succession de Joseph Fanton, décédé depuis la promulgation dudit Code, appartenait à ses héritiers naturels dans l'ordre prescrit par ledit Code, a justement écarté l'application de l'art. 27 du statut de 1522, et s'est conforme aux vrais principes sur la matière ;-Sur la 2e branche du fer moyen: Attendu que l'avis du conseil d'état du 14 octobre 1809 n'ayant point interprété le statut de 1522, et n'ayant nullement réglé les droits de succession qui pourraient appartenir aux hospices, n'était point applicable à la cause actuelle dans laquelle l'hospice des

de l'eau, à cause des dangers qu'elle pouvait avoir pour la navigation; qu'il n'avait pu y parvenir, ajoutant ledit sieur Paris, qu'il avait rendu compte, le 13 dudit mois de février, à M. l'inspecteur général de la navigation, du séjour de cette lavandière au fond de l'eau, comme aussi qu'il avait fait d'inutiles efforts auprès du sieur Georges, pour qu'il plaçât une flamme avec jalons, afin d'avertir la marine ».

Le propriétaire de la lavandière, cause du sinistre, étant notoirement insolvable," les sieurs de Rotrou et compagnie, après avoir fait procéder régulièrement au sauvetage des marchandises et à l'estimation des pertes, qui s'élevèrent à près de 10,000 fr., assignèrent devant le tribunal civil M. le préfet de la Seine, comme représentant l'état, civilement responsable de la négligence de ses agens, à fin de réparation de ces pertes. Sur cette assignation, M. le préfet de la

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