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aucune. Considérant en outre que les carduacées et les astérées pouvoient être distribuées en plusieurs groupes aussi naturels que celui des lactucées, j'ai dû me résoudre à abandonner en-. tièrement le système adopté par les botanistes, et à en créer un nouveau suivant lequel la famille des synanthérées offre une série continue de dix-sept tribus naturelles.

V. Les lactucées doivent occuper l'une des deux extrémités de la série, parce que c'est la tribu qui s'éloigne le plus de toutes les autres par une physionomie particulière, et par plusieurs caractères importans, notamment par l'énorme disproportion des incisions de la corolle. L'autre extrémité de la série n'étant pas à beaucoup près aussi clairement indiquée, je place les lactucées au commencement pour procéder du connu à l'inconnu.

J'ai démontré l'affinité des lactucées et des carduacées, surtout par l'analogie de leurs corolles; mais j'ai dû provisoirement les séparer par l'interposition des labiatiflores de M. Decandolle, quoique j'attache peu d'importance à la labiation de la corolle, et que je ne puisse porter aucun jugement sur cette tribu, avant d'avoir bien examiné des fleurs hermaphrodites en bon état.

Les carduacées forment une tribu parfaitement naturelle, depuis que j'en ai distrait les carlinées, les xéranthêmées et les échinopsidées, pour en former trois petites tribus, dont les deux premières, quoiqu'analogues aux carduacées, s'en distinguent, je crois, suffisamment ; la troisième, déjà reconnue par MM. Adanson et Richard, a de l'affinité avec les précédentes; mais les carac tères très-extraordinaires que je crois avoir remarqués le premier dans les étamines et dans la corolle (1) de cette tribu, l'isolent de toutes les autres au milieu de la famille.

Les arctotidées, qui se distinguent aussi par des caractères. singuliers, et qui offrent quelques points de contact avec les échinopsidées, forment une transition très-heureuse, et qui sera facilement sentie, des tribus qui précèdent à celles qui suivent, c'est-à-dire, suivant l'ancien système, des cynarocéphales aux. corymbifères.

La tribu des calendulacées est, je l'avoue, mal définie; mais elle est très-propre à lier les arctotidées aux hélianthées; en s'interposant entre elles.

(1) L'ovaire, que je décrirai dans mon prochain Mémoire, offre aussi des particularités très-remarquables chez les échinopsidées..

Les hélianthées constituent la tribu la plus nombreuse de la famille c'est une des plus naturelles, et elle est assez bien caractérisée, quoique ses caractères soient sujets à des modifications, des variations, des anomalies, qui procureront sans doute le moyen de la subdiviser en sections.

Les anthémidées devroient suivre immédiatement les hélianthées; mais les ambrosiacées ne peuvent être placées plus convenablement qu'entre ces deux tribus. Dans mon précédent Mémoire, j'avois affirmé que ces plantes étoient des synanthérées, et non des urticées mes nouvelles observations me confirment dans cette opinion, et me démontrent même que l'opinion contraire n'est pas soutenable.

La tribu des anthémidées est très-solidement établie, et elle admet sans difficulté certains genres dont la classification pouvoit paroître embarrassante.

Les inulées et les sénécionées semblent avoir des droits égaux à suivre immédiatement les anthémidées. J'ai donné la préférence aux inulées, parce que les sénécionées m'ont paru pouvoir être avantageusement placées deux degrés plus bas, entre les astérées et les tussilaginées. Mais j'aurois pu les placer aussi bienentre les anthemidées et les inulées.

Les astérées, qui accompagnent nécessairement les inulées, sont donc suivies des sénécionées, tribu peu nombreuse, mais très-naturelle comme les précédentes. Puis viennent successivement les tussilaginées, les eupatoriées, et enfin les vernoniées. Ces trois dernières tribus, qui terminent la série, sont enchaînées dans un ordre assez satisfaisant; mais j'avoue qu'elles sont bien foiblement caractérisées, et par conséquent mal circonscrites. Ces défauts viennent peut-être de ce que je n'ai pu observer qu'un très-petit nombre de plantes appartenant à ces trois tribus,

VI. M. Mirbel a distingué, avec raison, deux sortes de familles, les familles en groupe, et les familles par enchaînement. Je conçois que ces dernières puissent être parfaitement représentées par une série linéaire simple et droite, telle que celle dont je viens de faire l'exposé. Mais n'est-il pas évident que les familles en groupes, comme celle des synanthérées, ne peuvent se prêter à un pareil arrangement, sans être plus ou moins déformées? Malheureusement nos discours parlés ou écrits, ne pouvant s'adresser qu'au sens de l'ouïe, doivent nécessairement conformer leur invariable disposition à la nature de ce sens,. qui ne laisse parvenir à notre entendement les idées qu'une à

une et dans un ordre successif. Ainsi, quel que soit notre zèle pour la méthode naturelle, il faut renoncer à introduire jamais dans nos livres autre chose qu'une série linéaire simple et droite. Mais il serait possible de rectifier les vices de cette disposition, en imitant les géographes, qui forcés dans leurs livres de décrire les diverses régions du globe dans un ordre successif nécessairement arbitraire, joignent à leurs discours des cartes ou figures. qui rétablissent les choses dans leur ordre naturel. Le sens de la vue est en effet le seul qui puisse nous faire embrasser à-lafois tous les rapports de situation respective. La figure, qui nous offre les choses dans leur ordre naturel, ne peut analyser leurs. rapports; et le discours, ce merveilleux instrument d'analyse, ne peut suivre rigoureusement l'ordre naturel. En réunissant le discours et la figure, ils s'aideront mutuellement, et les naturalistes pourront enfin exprimer tout ce qu'ils auront découvert sur les affinités.

Ces considérations ne sont pas déplacées ici; car elles m'ont été suggérées par le desir de ranger mes dix-sept tribus dans un ordre tellement naturel, qu'il fût à l'abri de toute critique. Je ne pouvois me dissimuler un vice choquant dans la série en ligne droite, dont j'ai présenté le tableau: c'est que des tribus liées entre elles par des rapports d'affinité nombreux et importans, se trouvoient situées précisément aux deux extrémités opposées. Cependant il étoit impossible d'intervertir l'ordre que j'avois établi, sans rompre un enchaînement qui me sembloit bien solide. Pour concilier la conservation de cet enchaî nement avec le rapprochement des tribus dont il s'agit, il n'y avoit qu'un moyen, c'étoit de convertir la série droite en une série circulaire. C'est ce que j'ai fait; et il en résulte que les vernoniées et les eupatoriées se trouvent rapprochées des lactucées et des carduacées, sans que les autres rapports précédemment établis soient aucunement troublés par ce nouveau rapprochement.

VII. La plupart des tribus sont caractérisées tout-à-la-fois et par le style et le stigmate, et par les étamines, et par la corolle. Mais la valeur relative des caractères fournis par ces trois organes n'est pas la même dans toutes les tribus, de sorte que les unes sont mieux caractérisées par la corolle, d'autres par les étamines, d'autres par le style et le stigmate. C'est une nouvelle preuve qu'en botanique l'évaluation des caractères ne peut être établie rationnellement, et qu'il est même impossible d'en généraliser l'évaluation empyrique. Les zoologistes sont plus heureux, parce qu'ils connoissent très-bien les fonctions de tous

les organes, et par conséquent leur importance dans l'économie animale, et l'influence de telle ou telle modification. Si j'en juge par mes observations sur la corolle des synanthérées, il n'y a guère lieu d'espérer, pour les botanistes, un pareil avantage. En effet, l'un des principaux caractères fournis par la corolle, pour définir la plupart des tribus, est pris de la structure et de la situation de ses poils. On ne se seroit jamais avisé à priori de mettre les poils au premier rang, et on ne tentera pas d'expliquer, par les lois de la Physiologie, l'importance des modifications de cet organe.

C'est ici le lieu de noter que les poils de la corolle carac térisent aussi fort bien les genres dans la tribu des lactucées.

On a vu, dans ce Mémoire, la structure bizarre des poils de la corolle dans beaucoup de synanthérées. Je rappellerai seulement ici les poils que j'ai nommés entregreffés. Je m'étonne qu'on ne les ait pas remarqués, car ils méritoient de l'être, et ils sont très-communs sur l'ovaire, comme on le verra dans mon prochain Mémoire.

VIII. Tandis que les poils nous donnent d'excellens caractères, d'autres parties qui semblent infiniment plus importantes sont sujettes à de graves anomalies, qui, dans les cas où elles ont lieu, rendent équivoques et incertains les caractères fournis par ces organes. Ainsi, la distinction du tube et du limbe, caractère intimement lié avec celui de la libération des étamines, offre de très-grandes difficultés chez plusieurs hélianthées, astérées et sénécionées, où la partie inférieure du limbe se confond avec le tube ces difficultés ne peuvent être résolues que par le secours de l'analogie, qui, quoi qu'on en dise, est, selon moi, un guide indispensable en Botanique.

IX. Si pourtant des botanistes trop rigoureux ne veulent point admettre ces inductions tirées par analogie, et qui, je l'avoue, sont peu d'accord avec le témoignage des sens, mon système de classification n'en sera pas ébranlé; seulement les caractères de mes tribus seront sujets à quelques exceptions de plus. Mais j'ai démontré, dans mes précédens Mémoires, que le botaniste qui s'attache exclusivement à la méthode naturelle, doit n'avoir égard qu'aux caractères ordinaires, et faire abstraction des caractères insolites. Je le répète, il faut absolument renoncer à former des groupes naturels de végétaux, si l'on exige qu'ils soient fondés sur des caractères non sujets à exception. Les crucifères forment une association généralement reconnue, et

que personne ne s'avise de contester, parce qu'en effet elle est évidente; cependant presque tous les caractères de cette famille offrent de graves exceptions. On y trouve des feuilles opposées, des calices persistans, des corolles nulles, des étamines au nombre de quatre ou de deux; le style est tantôt très-manifeste, tantôt nul; quelques siliques sont indéhiscentes, d'autres sont privées de cloisons; enfin la structure ordinaire du fruit est tellement modifiée dans quelques genres, qu'elle y devient méconnoissable. On rejetteroit également presque tous les caractères des légumineuses et des rosacées, si l'on refusoit d'admettre ceux qui sont sujets à exception.

N'oublions donc jamais que les associations naturelles devant être fondées sur l'ensemble des caractères, qui ne sauroit être absolument le même dans les différentes espèces, ou les différens genres, les exceptions résultant des caractères insolites n'infirment point ces associations, pourvu qu'il reste un nombre suffisant de caractères ordinaires pris dans les autres organes.

Il suit de ce principe que si, dans une classification artificielle, il faut toujours sacrifier les affinités à la rigueur des caractères; dans une classification naturelle, au contraire, il faut toujours sacrifier la rigueur des caractères aux affinités. Et, en effet, le but d'une classification naturelle n'est point de faciliter la recherche des noms des plantes, ce à quoi elle est très-impropre, mais de faire connoître toutes leurs affinités. Si elle représente exactement ces affinités, son but est atteint, et elle est aussi parfaite qu'elle peut l'être.

Il semble que tous les végétaux dont se compose un groupe naturel, aient été, dans l'origine, conformés sur un même type, quant aux parties principales; et qu'ensuite, chez plusieurs de ces végétaux, la conformation primitive ait été plus ou moins modifiée, altérée, effacée. Il faut remonter à ces caractères primitifs, à travers les modifications qui les déguisent, et nous ne pouvons y parvenir qu'en distinguant, par de nombreuses observations, les caractères ordinaires des caractères insolites.

La plupart des groupes naturels du règne végétal comprennent, sur leurs limites, des plantes que la force de l'analogie, déterminée par l'ensemble des caractères, ne permet pas d'en exclure, mais qui cependant offrent des anomalies qui démentent un ou plusieurs des caractères propres au groupe. Les caractères de ces groupes ne peuvent donc pas être rigoureux ou exempts d'exceptions;

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