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STRATAGÈMES ET APPATS USITÉS A LA PÊCHE.

Quand on veut pêcher dans un étang ou dans une rivière, on assemble le poisson de plusieurs manières.

On l'attire en se frottant les mains, de suc de joubarbe, d'ortie et de quintefeuilles, pilés dans un mortier, et en jetant dans l'eau le marc de ce mélange.

On prend les poissons à la main, en la frottant de suc de joubarbe, d'ortie et d'ail.'

1° De la graisse de brebis, du sésame brûlé, de l'ail, de l'origan, du thym, de la marjolaine sèche, pilés avec de la mie de pain, et arrosés de vin, suffisent pour attirer le poisson.

2. de la chaux et du fromage vieux, délayés dans le vin, opéreront cet effet.

3. Faites des pilules formées de griotes sèches que vous broyerez avec soin.

On distille à feu lent des vers luisans dans un vase de verre jusqu'à ce que l'eau en soit presqu'entièrement évaporée; on prend ensuite cette eau, on la met dans une petite fiole de terre, on y mèle quatre onces de vif-argent, et on bouche la fiole hermétiquement. Cette fiole se met dans un filet tendu et les poissons accourent en foule... Sans doute par la vertu de l'attraction; je n'ajoute pas beaucoup de foi à ce secret dont l'auteur des amusemens de la chasse et de la pêche vante l'efficacité; parce que je ne crois pas aux qualités occultes.

5o On attire le poisson dans les filets dormants, en y mettant des os de porc salé, dont on a tiré la chair, après l'avoir fait cuire, ou bien de la chair de levraut, qu'on fait rôtir, après l'avoir laissée corrompre et qu'on imbibe de miel.

6o Le meilleur appât est celui des vers de terre, surtout quand on pêche à la ligne; comme il est assez difficile de conserver ces vers dans les grandes sécheresses, on a recours à divers moyens.

Il faut trépigner sur la terre dans un lieu humide, ou bien y remuer pendant un demi-quart d'heure, un gros bâton en l'agitant en tout sens ces ébranlements font sortir les vers qui croyent sentir l'approche de la taupe leur ennemie mortelle. On peut aussi arroser la terre avec une eau que l'on a rendue amère, en y faisant bouillir des feuilles de chanvre ou de noyer. On ramasse d'ordinaire les vers pendant la nuit, dans les prés humides, surtout quand il a plu, ou après un grand brouillard. 7° On attire les poissons dans un filet en y mettant pour appàt du poisson pareil à celui qu'on veut pêcher.

C'est peu de savoir faire un filet, il faut encore savoir le con

server; et le meilleur secret qu'on puisse donner sur ce sujet, est de le faire teindre; non-seulement il dure alors davantage, mais il épouvante moins le gibier et le poisson.

Il ne faut jamais manquer de laver les filets qu'on destine pour la pêche, quand on les retire de l'eau, surtout quand ils y ont passé la nuit : ils y amassent une espèce de crasse qui les ronge peu-à-peu, comme la rouille ronge le fer.

Les filets doivent être suspendus en l'air, au milieu d'un bois, et non proche d'un mur, pour éviter le coup de dents de la Souris il faut aussi se hâter de les rhabiller, dès qu'il manque la moindre maille; un peu d'attention prolonge singulièrement leur durée.

La Louve est un des plus beaux filets que l'industrie humaine. ait inventé, on ne s'en sert que dans un endroit dégarni parfaitement de joncs et d'herbages. On prend quatre grosses pierres d'environ cinq ou six livres chacune qu'on lie au bâton de la louve, afin qu'elle aille au fond de l'eau: on couvre le filet des joncs qu'on a fauchés, et on laisse le tout en cet état, une nuit ou deux on retire ensuite la Louve pleine de poissons.

Le Raste est plus difficile à tendre; il faut avoir cinq ou six perches grosses comme le poignet, longues de neufs pieds, et poin-. tues par le gros bout: on les attache à chaque bout des aîles du Raste, de manière que le gros bout pointu tienne à l'endroit du plomb, et le petit à l'endroit du liège. Le raste doit avoir deux longues cordes qui le tiennent assujetti des deux côtés de l'eau. et pour tendre le filet, il faut dégarnir la rivière des herbages.

Le Quinqueporte se tend dans un courant rapide. On emploie quatre perches fortes, et longues selon la profondeur de l'eau pour y attacher les quatre coins du filet. Si l'eau est rapide, on prend quatre bâtons longs chacun de neuf à dix pieds, et on les lie fortement au haut des perches pour les raffermir. Le Quinqueporte ne saurait être tendu avec trop de vigueur.

Quand on veut tendre la Șeine, on choisit une espace de quarante à cinquante pas en carré, dégagé de racines et d'herbages, et après l'avoir appâté trois ou quatre jours, on arrange le filet en un tas, de façon qu'en tirant les deux bouts des ficelles, il puisse s'étendre sans embarras. On le met ainsi dans l'eau à environ quarante pas du rivage; si le courant est rapide, on ajuste le filet contre un piquet. Après ces préparatifs, on fait en silence, un petit bûcher de bois et de paille, et on se retire: quand la nuit est venue, ou met le feu au bûcher; deux pêcheurs vont prendre les deux bouts des cordes, et au premier signal, ils les tiren brusquement, afin de donner au filet toute son étendue, et ils amènent au rivage la Seine chargée de poissons.

Pêche des Anguilles à la Nasse.

La Nasse est un filet connu qu'on tend à la décharge d'une vanne de moulin; ou bien on fait une haie dans une rivière peu profonde avec des claies qu'on arrête avec des pieux. On met les claies en triangle, et dans le fond on laisse un espace pour faire couler l'eau de la largeur de l'embouchure de la Nasse: cela fait, on enfonce la Nasse dans l'eau ; on l'attache à la haie dans l'endroit de l'ouverture, et on fait en sorte que l'eau passe par dessus. Ces préparatifs se font le soir; le lendemain matin on revient, et toutes les anguilles qui ont suivi le courant de l'eau se trouvent prises.

Pêche des Anguilles à la ligne dormante.

Prenez plusieurs hameçons d'acier, long d'un pouce, et réunis chacun à une boucle: attachez à chaque hameçon des ablettes ou plutôt de petites lamproies, quand tous ces arrangements sont faits, vous prenez une longue corde, vous l'étendez au bord de l'eau, et vous y liez toutes les ficelles de manière qu'il y ait près de deux pieds d'intervalle entre elles; après cela vous attachez un des bouts à un piquet, vous munissez l'autre d'une pierre et vous jetez le dernier aussi loin qu'il vous est possible: il faut faire en sorte que cette ligne soit tendue dans un lieu dégagé de bois et d'herbages, et quand elle a été la nuit dans la rivière, elle se trouve le lendemain chargée de poissons.

On attache aussi quelquefois à ces hameçons de gros vers de terre les anguilles qui en sont friandes y accourent, et dévorent leur proie; leur voracité fait remuer le cordeau, et alors on le tire à soi avec son poisson.

Pêche des Anguilles à la main.

Il suffit de tenir une composition faite avec huit dragmes de Scolopendre de mer, autant de Squilles, et une dragme de Jugioline, mêlées ensemble: on prétend que c'est un secret infaillible pour les attirer et les prendre à la main.

Pêche des Anguilles à la Fouine.

La fouine est un instrument particulier à cette pêche: on se promène le long de la rivière, et on fiche l'instrument au fond de l'eau, en remuant de côté et d'autre, comme pour faire sortir le poisson si la fouine est maniée par une main industrieuse, et qu'il y ait des anguilles aux lieux où on la fait agir; elles se prennent entre les branches, et on en tire quelquefois deux ou trois d'un seul coup.

Pêche de la Carpe à la ligne.

On prend des hameçons d'acier et des lignes de soie verte, de la grosseur d'une quatrième corde de violon: on les attache à des gaules d'un bois pliant qu'on ente dans un sureau, et on met à cette ligne un morceau de liége éloigné de l'hameçon et. de l'appȧt, au moins d'un pied: car sans cela la Carpe verrait l'hameçon, et ne mordrait pas.

Voici les principaux appàts dont on fait usage dans la pêche des Carpes.

On prend du marc de chenevis environ une livre, deux onces de momie, autant de saindoux, d'huile de héron et de miel; une livre et demie de pain blanc rassis, et quatre grains de musc: on mèle le tout ensemble, on en fait une espèce de pâte qu'on coupe par morceaux, ces pilules servent pour garnir l'ha

meçon.

Quand les Carpes se sentent prises et qu'elles sont fort grosses, les secousses extraordinaires qu'elles donnent, peuvent briser la ligne voici comment on remédie à cet inconvénient; on fait sa ligne de cinq à six toises plus grande qu'à l'ordinaire, on l'entortille autour de la gaule, et on ne laisse que ce qu'il en faut pour pêcher d'abord : quand le poisson est pris, et qu'il fait effort pour se dégager, on ne lutte point contre lui, mais on détortille peu à peu la ligne, et on lui laisse la liberté de se promener; il ne tarde guère alors à se noyer.

Pêche de la Carpe à la Truble.

La Truble est une espèce de filet très connu et à qui on donne au moins deux pieds de profondeur. On l'emploie avec la ligne, mais les précautions sont différentes.

On choisit pour cette pêche, un endroit uni, sans pierres, et dégagé d'herbes on a soin surtout, que le lieu soit accessible aux Carpes, et que les bords n'en soient pas escarpés: on a soin quatre ou cinq jours de suite de l'appåter soir et matin avec des feves cuites, dont voici la préparation.

On prend le quart d'un boisseau de fèves et on les fait tremper dans l'eau sept ou huit heures, on les met dans un pot neuf vernissé en dedans avec de l'eau de rivière, et on les fait bouillir jusqu'à ce qu'elles soient à moitié cuites: on y mèle ensuite trois ou quatre onces de miel, deux ou trois grains de musc, et la grosseur de deux fèves d'aloës citrin en poudre; et on achève de faire cuire la composition. •

On choisit les plus grosses fèves pour mettre à l'hameçon, de manière qu'il soit caché en entier, excepté la pointe.

Le pêcheur doit avoir sa Truble auprès de soi quand il jette

sa ligne; et lorsqu'il voit approcher la Carpe, il met le pied sur la ligne, et plonge le filet dans l'eau, le glisse sous la Carpe, le lève et y trouve le poisson renfermé.

La Carpe est très rusée, et évite avec adresse les piéges qu'on lui tend; tantôt elle s'élance en l'air, et saute par dessus le filet; tantôt à son approche elle plonge la tête dans la fange, et laisse glisser le filet sur sa queue qui se plie à sa volonté; elle reste ainsi tranquille, jusqu'à ce que le danger soit passé.

Pêche des Carpes avec une chaloupe submergée.

On prend une vieille chaloupe qu'on remplit de branchages et de bois d'ancienne palissade, et on la fait descendre au fond de l'eau où elle doit rester trois mois sans qu'on y touche. L'eau doit être assez profonde pour que le poisson puisse entrer dans cette chaloupe sans être vu: la Carpe ordinairement choisit un tel endroit pour y faire son asile. Quand le jour de la pêche est arrivé, on prend deux autres bateaux auxquels on attache, avec des cordes, la vieille chaloupe: on la retire du fond de l'eau et on la conduit sur un des bords de la rivière où l'eau soit si peu profonde, qu'on puisse vider la chaloupe, sans y laisser entrer l'eau de la rivière. On ôte ensuite tout le bois qu'on y a rassemblé, et on prend les Carpes qui sont au fond: on prétend qu'on peut par cette industrie, pêcher à la fois jusqu'à cent Carpes, toutes grosses; les petites n'y entrent jamais. Cette pêche se fait dans un étang aussi bien que dans une rivière,

Pêches diverses du Barbeau.

On dit ce poisson rusé : dès qu'il s'est aperçu qu'on lui tend des embuches,, il retourne en arrière et prend une autre route. Cependant la terreur lui donne de la stupidité : quand il est dans un filet il se croit fort en sûreté, quand sa tête est cachée. Le Barbeau se pêche de trois façons, que nous allons désigner.

1o. On le prend à la main: il suffit pour cela d'avoir huit dragmes de squille de fève, (c'est une espèce d'oignon qui croît dans les lieux marécageux), et autant de lentilles entières rôties. On les pile ensemble, on les incorpore dans le blanc d'un œuf, on en forme de petites boules, et on les jette à ce poisson.

2o. On le prend à l'hameçon dormant; on en tend plusieurs à la fois, et on les fait chacun de la longueur d'un pouce : on leur attache une ficelle d'environ deux pieds; et on y met pour appâts, des vers de terre ou de petits poissons.

On éloigne ensuite ces hameçons les uns des autres, au moins de deux pieds: on lie un bout de leurs cordes à un piquet, et on attache à l'autre une pierre qu'on jette dans l'eau. Ces

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