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SEPTIÈME PÉRIODE

1867-1870

Rapport de M. de Parieu, Vice-Président, sur l'ensemble des transactions de la Conférence monétaire internationale réunie à Paris (Séance du 6 juillet 1867) (1).

Lorsque le Gouvernement français a fait appel, au mois de décembre dernier, aux divers États qui sont ici représentés, en leur communiquant la Convention internationale du 23 décembre 1865, et en appelant leur attention sur la grande pensée de l'uniformité monétaire, ses communications ont été, dès l'abord, accueillies avec une certaine hésitation sur la plupart des points.

On est habitué depuis trop longtemps peut-être à reléguer dans la sphère des rêves beaucoup d'idées généreuses qui ne semblent avoir d'appui que dans la raison pure, et qu'on s'est résigné à voir opprimées par les préjugés et par la considération aveugle de l'immutabilité des faits existants; d'un autre côté, il faut l'avouer, quelle est l'entreprise d'intérêt collectif à laquelle ne soit indispensable la conscience de l'accord sur le but et les principaux moyens chez ceux qui peuvent être chargés de l'accomplir?

Il y avait spécialement, dans la question monétaire, divers points sur lesquels les difficultés surgissaient aussi bien des dissidences de la doctrine que des traditions du passé.

L'idée de l'uniformité monétaire a langui longtemps dans les aspirations des poëtes et des économistes. Les négociateurs de la Convention

(1) Une conférence internationale avait été réunie en France au mois de juin 1867, sous la présidence du Prince Napoléon, afin d'élucider les bases d'un système monétaire uniforme entre les principaux États d'Europe et d'Amérique. Les pays qui s'y sont fait représenter étaient : l'Autriche, Bade, la Bavière, la Belgique, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Prusse, la Russie, la Suède, la Turquie et le Wurtemberg. Bien que les travaux de cette Conférence n'aient pas abouti à la conclusion d'un traité semblable à la Convention monétaire qui, depuis le 23 décembre 1865 (V. t. IX, p. 453), unit la France, la Belgique, la Suisse et l'Italie, nous croyons devoir reproduire ici, à titre de document historique, le rapport qui résume l'état actuel de la question de l'uniformité des monnaies.

du 23 décembre 1865 (1), encouragés par le succès de leur œuvre, ont accueilli cependant avec chaleur l'idée pratique de son extension; et, en voyant le succès de l'union monétaire conclue entre la France, la Belgique, la Suisse et l'Italie, malgré la situation économique fausse, à raison du cours forcé du papier, qu'a eu à subir bientôt l'un des États qui s'y sont associés, il était difficile au Gouvernement qui avait présidé à la Conférence de 1865 de ne pas demander à l'opinion du monde son appui pour des rapprochements monétaires plus étendus.

Le Gouvernement de l'Empereur a vu, avec une satisfaction que M. le Ministre des affaires étrangères vous a exprimée, l'empressement que tous les États souverains de l'Europe et le gouvernement de Washington ont mis, en définitive, à envoyer des délégués à la Conférence qu'il leur avait proposée. En donnant à cette réunion un Président dont le grand nom, la haute situation, l'impartialité manifeste et les sympathies décidées pour l'uniformité monétaire ont attaché à nos débats un éclat et une importance que nous ne pouvions attendre de nos propres ressources, il vous a remercié, mieux que nous ne pourrions le faire par des paroles, de l'accueil sérieux que vous tous, hommes distingués soit par l'éclat de vos mérites diplomatiques, soit par votre science économique ou par l'expérience technique de l'art monétaire, avez fait aux idées pour l'examen desquelles vous étiez convoqués.

Quel devait être cependant le but précis de votre conférence? Quel genre de questions devait-elle embrasser?

Tel a été le premier objet de vos réflexions, MM, objet capital pour le succès de votre réunion.

Le Gouvernement de l'Empereur, s'il pouvait en préparer l'étude, ne devait pas en fixer à lui seul les termes.

La science monétaire est vaste : plusieurs de ses problèmes sont débattus entre les savants. Il ne fallait en éluder aucun, et cependant faire appel, avant tout, à ce sens des réalités qui, seul, procure les solutions efficaces, et qui a, dans la matière qui nous occupe, une valeur particulière. On l'a dit au Handelstag allemand de Francfort en 1864 : les questions monétaires sont avant tout des questions pratiques.

Une question qui s'imposait, comme fondamentale, à l'examen, était celle de l'étalon monétaire.

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La législation du monde se divise à cet égard, vous le savez, entre trois systèmes différents le régime de l'étalon d'or, celui de l'étalon d'argent, celui du double étalon.

(1) V. le texte de cette Convention, t. IX, p. 453.

Il était indispensable de savoir dans laquelle de ces trois formes résidait en quelque sorte le point de maturité du système monétaire, ce point dans lequel on pourrait trouver la formule définitive, base de l'unité désirable.

C'est sous l'empire de ces considérations qu'a été arrêtée la série des questions adoptée par vous, comme base de vos travaux, sur le rapport d'une commission de sept membres, dans la formation de laquelle tous les systèmes avaient été représentés avec équité (1).

Ce Questionnaire, pour adopter un néologisme de notre langue administrative, a été adopté par vous, à l'unanimité, dans les termes sui

vants :

1o Par quelle voie est-il plus facile de réaliser l'unification monétaire: ou par la création d'un système tout nouveau, indépendant des systèmes existants, et, en ce cas, quelles seraient les bases de ce système ? ou par la coordination mutuelle des systèmes existants, en tenant compte des avantages scientifiques de certains types et du nombre des populations. qui les ont déjà adoptés; en ce cas, quel système monétaire pourrait être pris principalement en considération, sous réserve des perfectionnements dont il serait susceptible?

2o Y a-t-il possibilité de constituer dès à présent des identités ou coincidences partielles de types monétaires, dans une sphère étendue, sur la base et sous la condition de l'adoption de l'étalon d'argent exclusif? 3o Y a-t-il, au contraire, possibilité d'atteindre ce résultat sur la base et sous la condition de l'adoption de l'étalon d'or exclusif?

4° Quid du même résultat à poursuivre sur la base et sous la condition de l'adoption du double étalon avec la fixation d'un rapport identique, dans tous les pays, entre la valeur de l'or et la valeur de l'argent ?

5o En cas de négative sur les trois questions précédentes, y a-t-il possibilité et utilité d'établir des identités ou coïncidences partielles des types monétaires, dans une sphère étendue, sur la base des monnaies d'argent, laissant à chaque État la liberté de garder simultanément l'é

talon d'or?

6o Y aurait-il possibilité et utilité d'établir plutôt des identités ou co

(1) La Commission était composée:

Pour les pays d'Europe à double étalon (France et Russie), de MM. de Parieu et Jacobi; Pour les pays à étalon d'argent (Autriche et Prusse), de MM. le baron de Hock et Meinecke; Pour les pays à étalon d'or (Angleterre et Portugal), de MM. Graham et le comte d'Avila; Et enfin, pour les États-Unis d'Amérique, de M. Ruggles.

Les fonctions de secrétaire ont été remplies par M. Clavery, rédacteur au Ministère des Affaires Étrangères, assisté de M. Roux, attaché au Ministère des Finances.

ïncidences partielles des types monétaires sur la base des monnaies d'or, laissant à chaque État la liberté de garder simultanément l'étalon d'argent?

7o Dans l'hypothèse de solution affirmative sur l'une des deux questions précédentes, et suivant les distinctions que comporte cette alternative, l'avantage d'internationalité qu'acquerraient les monnaies du métal pris pour étalon commun serait-il une garantie suffisante de leur maintien dans la circulation de chaque État? ou serait-il nécessaire de stipuler en outre :

Soit certaine limite dans le rapport entre la valeur de l'or et celle de l'argent?

Soit certains engagements pour le cas où les pièces du métal international risqueraient d'être complétement expulsées de la circulation de quelqu'un des États contractants?

8° Est-il nécessaire, pour le succès de l'unification monétaire, de constituer dès à présent une unité partout identique pour la composition métallique, le poids et la dénomination, et, en ce cas, quelles bases lui assigner? ou suffit-il de constituer des types communs ayant un dénominateur commun assez élevé, par exemple, des multiples de 5 francs pour la monnaie d'or?

9o Y aurait-il utilité, dans le cas où l'or serait adopté comme métal international, à ce que les types de cette monnaie, déterminés par la Convention monétaire du 23 décembre 1865, fussent, dans un intérêt d'unification, et par suite de réciprocité, complétés par des types nouveaux, par exemple, des pièces de 15 francs et de 25 francs? dans ce cas, quelles devraient être leurs dimensions?

10° Y aurait-il utilité dans certaines hypothèses, et par exemple, en cas d'affirmative sur les questions 3 ou 6, à régler par des obligations communes certains points relatifs aux monnaies d'argent ou de billon: soit quant à leur composition et leur titre? soit quant à la limite de leur admission dans les payements? soit quant à la quotité de leur admission?

11o Y a-t-il lieu de préciser quelques moyens de contrôle qui pourraient être établis pour assurer la fabrication exacte des types communs de la monnaie internationale?

12o En dehors des possibilités pratiques immédiates, objet des questions précédentes, y aurait-il quelques solutions ultérieures à préparer par des décisions doctrinales et des vœux de principe, en vue d'étendre dans l'avenir des rapprochements déjà réalisés depuis dix ans en Europe, ou immédiatement réalisables en matière monétaire?

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