19. Par suite des nécessités de la législation sur le fait très concret du vote et des élections, la division suivante, bien qu'elle ne soit pas très scientifique, s'impose: 1° de la jouissance du droit de vote; 2o des incapacités électorales, sujet comprenant à la fois la privation de la jouissance et la privation de l'exercice du droit de vote; 3o des conditions d'exercice du droit de vote. Le droit de vote n'appartient qu'au citoyen français, c'est-à-dire à l'individu mâle, Français par l'origine, le bénéfice de la loi ou la naturalisation. Il n'appartient par conséquent, ni à l'étranger1, ni à la femme française, ni à l'indigène des colonies et de l'Algérie non naturalisé. L'exclusion de l'étranger se comprend. L'État doit avoir une vie propre, il ne doit pas être, même pour une part minime, exposé à subir l'influence d'un membre d'un État étranger. L'exclusion de la femme prête à plus de discussions. Ce n'est pas que la femme ait jamais eu dans le passé le droit de suffrage, mais la question se pose pour l'avenir. C'est dans les pays où l'évolution démocratique est le plus avancée, que les partisans du suffrage des femmes sont les plus nombreux, notamment en Amérique. L'État de Massachussets a admis en principe le vote des femmes (L. 16 mars 1886); la question a été discutée en Angleterre, aux deux Chambres. Elle est de celles qui ne paraissent pas pouvoir être tranchées par des arguments à priori, mais uniquement par l'expérience; il est à souhaiter seulement qu'on fasse l'expérience avec précaution, que l'extension soit essayée graduellement par les petits côtés, par exemple pour l'élection des juges consulaires, il y a quelque chose de choquant à ce qu'une femme bonne commerçante, et il en est beaucoup, ne puisse pas choisir son juge; pour l'élection des prud'hommes; pour les élections municipales, etc... L'exclusion des indigènes de l'Algérie et des colonies non naturalisés n'est pas absolue; il faut distinguer : a) Algérie. 1o Les indigènes israélites ayant été naturalisés collectivement par le décret du 24 octobre 1870 jouissent du droit de suffrage; 2o les indigènes musulmans non naturalisés ne jouissent pas en principe du droit de suffrage. Cependant ils sont électeurs et 1. Même pour les élections consulaires ou pour les élections au conseil des prud'hommes. éligibles pour les élections municipales dans les communes de plein exercice. Les conditions pour être électeur sont : D'être àgé 25 ans; d'avoir une résidence de deux années consécutives; de se trouver en outre dans l'une des conditions suivantes : Ètre propriétaire foncier ou fermier d'une propriété rurale ; être employé de l'État, du département ou de la commune ; être membre de la Légion d'honneur, décoré de la médaille militaire, d'une médaille d'honneur, d'une médaille commémorative ou autorisée par le gouvernement français ou titulaire d'une pension de retraite. (Autrefois il y avait des patentés, ce qui était logique). Les conditions de l'éligibilité sont : d'être inscrit sur la liste des électeurs municipaux (ce qui suppose 25 ans); d'être domicilié dans la commune depuis trois ans au moins (D. 7 avril 1884). Les indigènes musulmans avaient des représentants élus au conseil général du département. L'élection a été supprimée malencontreusement par un décret du 28 décembre 1870. Ils n'ont pas de représentants au conseil supérieur du gouvernement. b) Colonies. Dans l'Inde, les indigènes sont unanimement considérés comme citoyens, même les non-renonçants; ils jouissent donc des droits politiques. Seulement, au moins pour les élections locales, ils sont inscrits sur des listes différentes selon qu'ils sont renonçants ou non-renonçants, et ils élisent des mandataires séparés. Dans la Cochinchine, les indigènes, quoique non citoyens, sont électeurs et éligibles aux fonctions municipales des villages annamites, au conseil d'arrondissement, au conseil colonial. Ce suffrage est à base censitaire. Les communes de Saigon et de Cholon sont organisées d'une façon particulière. 20. La capacité électorale qui entraîne la qualité d'électeur suppose à la fois la jouissance et l'exercice du droit de vote; l'incapacité électorale résulte donc, soit de la privation de la jouissance du droit de vote, soit de la privation de l'exercice de ce droit. L'effet de l'incapacité est le mème dans les deux cas, il consiste en ce que l'incapable ne doit pas être inscrit sur la liste électorale ou doit être rayé s'il a été inscrit; ou s'il a été inscrit et s'il a voté, en ce que son vote doit être défalqué des suffrages exprimés, ce qui, en modifiant la majoritė, peut entraîner après coup l'annulation de l'élection. 21. A. Incapacité électorale résultant de la privation de la jouissance du droit de vote. Il est des événements qui font perdre la jouissance du droit de vote. Ces événements sont des sentences judiciaires: 1° condamnations criminelles et certaines condamnations correctionnelles; 2o déclaration de faillite; 3o destitution d'emploi. En somme, des faits qui portent atteinte à l'honorabilité de l'individu. Les droits publics, quels qu'ils soient, ne doivent appartenir qu'à ceux qui ont un minimum de moralité, à plus forte raison ce droit là qui est un pouvoir dans l'État. Le texte fondamental en la matière est le décret organique du 2 février 1852 modifié par un certain nombre de lois postérieures, notamment les lois du 24 janvier 1889, du 4 mars 1889 et du 15 juillet 1889; par sa nature même, d'ailleurs, cette matière est exposée à des remaniements fréquents. a) Condamnations criminelles et correctionnelles. - L'énumération de ces condamnations va trouver place dans un tableau, mais quelques observations préalables sont nécessaires : 1o Les condamnations criminelles, quelles qu'elles soient, emportent privation du droit de vote, qu'elles soient prononcées pour crime politique ou pour crime de droit commun, par un tribunal d'exception ou par une juridiction ordinaire. La privation est toujours perpétuelle. Il n'y a, au contraire, que certaines condamnations correctionnelles qui entraînent perte du droit; tantôt c'est à raison de la nature du délit quelle que soit la peine, tantôt la gravité du délit se mesure à la peine. Enfin, bien qu'en principe la privation soit perpétuelle, il est des cas où elle est temporaire et ne dure que cinq ans à partir de l'expiration de la peine; ce dernier système semble même avoir une tendance à se généraliser. 2o Les complices sont frappés aussi bien que les auteurs; 3. Les condamnations encourues pendant la minorité enlèvent le droit, les condamnations encourues à l'étranger ne l'enlèvent pas; 4o La réhabilitation et l'amnistie restituent le droit en principe; 5° Si le condamné ne subit pas la peine, la déchéance commence du jour où il a acquis la prescription ou a été gracié (Cass. 16 mai 1865). Abus de confiance. (Code pénal, art. 406 à Emprisonnement, Perpétuelle...... Art. 15, 2 5. 409.) Arbre abattu, sachant qu'il appartient à au- Emprisonnement, Idem.... trui. (Code pénal, art. 445.) qu'elle qu'en Art. 15, § 10. de trois mois au Art. 15, § 6. Arbre mutilé, coupé ou écorcé, de manière Idem... à le faire périr, sachant qu'il appartient à autrui. (Code pénal, art. 446.) Attaque publique contre la liberté des cul- Quelle que soit la Idem. tes, le principe de la liberté et les droits de la famille. (Loi du 11 août 1848, article 3. peine. Crimes suivis d'une condamnation à l'em-Idem.. Idem. Idem. Art. 15, 1. Idem. Art. 15, 23. Art. 15, § 5. Art. 15, 10, quelle qu'en Deniers publics soustraits par les déposi- Emprisonnement Idem.... Bulletin ajouté, soustrait ou altéré par Emprisonnement Idem.... Lecture de noms autres que ceux ins- Idem Inscription sur le bulletin d'autrui de noms Idem.. 1. Ce tableau, emprunté au Bulletin du ministère de l'Intérieur (1885, p. 288), a été mis au courant de la législation. 2. Abrogé par la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. 3. L'article 13 de la loi du 28 juillet 1848 qui interdit les sociétés secrètes reste seul en vigueur. L. 30 juin 1881.) 4. La loi sur le colportage du 27 juillet 1849 a été remplacée par les articles 18 à 22 de la loi du 29 juillet sur la presse (art. 68). Liste électorale. (Inscription réclamée et Emprisonnement Perpétuelle... obtenue sur deux ou plusieurs listes.) de plus de trois m. Idem.... Opérations électorales retardées ou empê- Idem... chées au moyen de voies de fait ou menaces par des électeurs. Bureau outragé dans son ensemble ou dans l'un de ses membres par des électeurs pendant la Art. 15, 8 7. réunion. Scrutin violé. Opérations électorales troublées par attrou- Idem.. Idem pements, clameurs ou démonstrations Art. 15, 27. Art. 41. menaçantes. Atteinte portée à l'exercice du droit électoral ou à la liberté du vote. Idem Art. 15, 8 7. Art. 38. Suffrages. Deniers ou valeurs quelconques Idem.... donnés, promis ou reçus sous la condition soit de donner ou de procurer un suffrage, soit de s'abstenir de voter.— Offre ou promesse faite ou acceptée, sous les mêmes conditions, d'emplois publics ou privés. Suffrages influencés, soit par voies de fait, Idem. violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi, ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille, ou sa fortune. Abstention de voter déterminée par les mêmes moyens. Suffrages surpris ou détournés à l'aide de Idem... fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manoeuvres frauduleuses. Abs tention de voter déterminée par les mêmes moyens. Urne contenant les suffrages émis et non Idem. encore dépouillés (Enlèvement de l'). Vote en vertu d'une inscription obtenue Idem.. sous de faux noms ou fausses qualités, ou en dissimulant une incapacité, ou en prenant faussement les noms et qualités d'un électeur inscrit. Vote multiple, à l'aide d'une inscription Idem..... multiple. Idem Empoisonnement de chevaux ou autres Emprisonnement Idem.. bêtes de voiture, de monture ou de charge, de bestiaux à cornes, de moutons, chèvres ou porcs, ou de poissons dans les étangs, viviers, ou réservoirs. (Code pénal,art. 452.) Escroquerie. (Code pénal, art. 405.) Art. 15, 8 7. Art. 15, 10. Art. 15, 25. Exclusion de cinq Art. 16 du décret ans à dater de l'expiration de Perpétuelle...... la peine. Emprisonnement, Idem.. Emprison.de trois Idem.... mois au moins. de 1852, mod. par la loi du 24 janvier 1889. Art. 15, 34, du décret de 1852; mod. par la loi du 24 janv.1889. Art. 15, § 14, décret de 1852; mod. par la loi du 24 janv.1889. Art. 15, 10. La durée de l'ex-Art. 15, § 2. clusion est fixée par le jugement et court à dater de l'expiration de la peine. |