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CHAPITRE PREMIER

LES OPÉRATIONS ADMINISTRATIVES ET LES ACTES D'ADMINISTRATION

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67. En vue du fonctionnement des services publics, et en exerçant leurs droits, les personnes administratives font, soit des opérations administratives, soit des actes d'administration.

L'opération administrative est constituée par un ensemble d'actes accomplis au nom d'une personne administrative par un représentant légal, et concourant à un même but juridique. Par exemple, une expropriation pour cause d'utilité publique est une opération administrative, elle a un but juridique déterminé, l'acquisition d'un terrain, et elle se compose d'une quantité d'actes, enquêtes, déclaration d'utilité publique, arrêté de cessibilité du préfet, jugement, etc. De même, une élection est une opération administrative, elle a un but juridique déterminé, la nomination d'un représentant, et elle se compose d'une quantité d'actes, convocation des électeurs, formalités du scrutin, recensement des voles, etc...

L'opération administrative a de l'importance pour les raisons sui

vantes :

1° Parce qu'elle constitue une institution juridique nommée et qu'au fond elle est l'exercice d'un droit qui appartient à la personne administrative; beaucoup constituent des modes d'acquérir; ainsi en est-il de l'expropriation, des travaux publics, des impôts qui sont la mise en exercice du droit d'exproprier, du droit de faire des travaux publics, du droit de lever l'impôt, etc...

2o Parce que les textes législatifs sont en général conçus en vue des opérations administratives. Il y a des lois sur l'expropriation, sur les impôts, sur les élections, etc...

3o Parce que, au point de vue du contentieux, les règles de compétence attribuent souvent à la même juridiction toutes les difficultés qui peuvent être soulevées par une opération administrative déterminée. C'est ainsi que le contentieux des travaux publics est attribué aux conseils de préfecture, de même le contentieux des élections municipales, de même le contentieux des impôts directs, etc. Il y a

même des cas, où il existe contre une opération administrative, prise dans son ensemble, un véritable recours contentieux, comme contre l'acte d'administration: exemple, recours contre une élection.

Les opérations administratives doivent, surtout au point de vue du contentieux, être classées en opérations de puissance publique et opérations de personne privée, suivant la qualité en laquelle agissent les personnes administratives. C'est ainsi que les élections, l'expropriation, les travaux publics, les impôts directs, sont des opérations de puissance publique; que le bail d'une maison est une opération de personne privée. Pour les premières, la compétence administrative est de droit, tandis que, pour les secondes, elle est d'exception.

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68. L'acte d'administration est une décision exécutoire, prise au nom d'une personne administrative par un représentant légal, en vue de produire un effet de droit et qui, par conséquent, est relative à l'exercice d'un droit.

L'acte d'administration se rattache à l'opération administrative comme la partie se rattache au tout, il en est un des éléments; quelquefois aussi, c'est un acte isolé qui se suffit à lui-même.

Tous les éléments de la définition sont importants:

-

A. Décision. L'acte d'administration est une décision, c'est-àdire une manifestation de volonté positive. Il en résulte que le silence gardé par un administrateur auquel on demande d'accomplir un acte, n'est pas un acte d'administration qu'on puisse attaquer, du moins en principe (V. infrà, no 87). Le silence n'est pas assimilé en principe à une décision de rejet. Il y a là quelque chose de fâcheux, car le silence gardé par l'administration est en certains cas un véritable déni de justice.

B. Décision exécutoire. Il n'y a acte d'administration que lorsque la décision est exécutoire. Elle peut l'être dans deux sens différents :

1o Exécutoire vis-à-vis des tiers, en ce sens qu'elle produira immé

1. Bibliographie. E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2 vol. in-8°.

diatement des effets vis-à-vis des tiers. Exemple: arrêté de police d'un maire;

2o Exécutoire vis-à-vis de la personne administrative elle-même, en ce sens qu'émanée de l'organe délibérant qui représente la personne administrative, elle s'impose immédiatement à l'organe exècutif, qui représente la même personne administrative, et qui devra prendre des mesures d'exécution. Exemple : délibération du conseil municipal enjoignant au maire de passer un marché. De telle sorte que les lois d'affaire, les décisions exécutoires des conseils généraux, de la commission départementale, des conseils municipaux, même des commissions administratives d'établissements publics, sont des actes d'administration au même titre que les décrets du chef de l'État, les arrêtés des préfets et ceux des maires.

Dans la conduite humaine, les décisions que nous prenons à l'avance nous obligent bien nous-même à exécution, et par conséquent sont des actes d'autorité vis-à-vis de nous-même; seulement, le droit ne peut pas les saisir, tandis qu'il les saisit ici.

Le seul point auquel il faille s'attacher, c'est donc que la décision soit exécutoire, c'est-à-dire tende à l'exécution par sa seule vertu.

A ce point de vue, il faut remarquer que les décisions prises au nom des personnes administratives dans des cas nombreux, ne sont pas exécutoires à raison de la tutelle à laquelle celles-ci sont soumises. Il peut se faire que ces décisions, bien qu'émanant de leurs propres représentants, et étant par conséquent la manifestation de leur propre volonté, aient besoin de l'approbation expresse d'une autorité supérieure. La décision dans ce premier cas ne devient exécutoire, et par conséquent n'est un acte d'administration, qu'après cette approbation.

Mais s'il faut que la décision soit exécutoire, pas n'est besoin qu'elle soit exécutée; la question d'exécution est indifférente, elle se fera ou ne se fera pas. Elle se fera par un acte de force pure ou un acte juridique, qui constituera peut-être un second acte d'administration, peu importe.

C. Décision prise au nom d'une personne administrative par un représentant légal. - Les personnes administratives nous sont connues. Quant aux représentants légaux de ces personnes au point de vue des décisions à prendre, et par conséquent des actes d'administration à accomplir, ils sont déterminés par les règles sur l'organisation administrative; ce sont les autorités administratives dont il sera parlé au chapitre suivant. Pour chaque personne administrative, il y a deux organes qui, chacun dans une sphère d'action déterminée, peuvent prendre des décisions exécutoires : l'organe de législation ou de délibération, et l'organe exécutif. Pour les établissements publics il n'y a souvent qu'un seul organe.

On peut donc facilement dresser la liste approximative des actes d'administration :

a) Au nom de l'État :

(Organe législatif). Lois d'affaires.

-

(Organe exécutif). Décrets du chef de l'État, arrêtés ou décisions ministérielles, arrêtés préfectoraux ou sous-préfectoraux. Il y a aussi des autorités administratives éphémères dont les décisions sont des actes d'administration. Les matières électorales en fournissent beaucoup d'exemples: décisions du bureau électoral, de la commission de recensement, etc...

b) Au nom du département:

(Organe délibérant). Décisions du conseil général et de la commission départementale.

(Organe exécutif). Arrêtés du préfet.

c) Au nom de la commune :

(Organe délibérant). Décisions du conseil municipal.

(Organe exécutif). Arrêtés du maire.

d) Au nom de la colonie:

(Organe délibérant) Décisions du conseil général. (Organe exécutif). Arrêtés du gouverneur,

e) Au nom des établissements publics :

(Organe de délibération et d'exécution confondus). Décisions de la commission administrative.

D. Décision en vue de produire un effet de droit. Il faut, pour qu'il y ait acte d'administration, que la décision constitue l'exercice d'un droit, c'est-à-dire ait en vue la création immédiate d'une nouvelle situation juridique, soit pour la personne administrative, soit pour un tiers. Cette règle fait que nombre de décisions prises par des administrateurs, ne constituent pas des actes d'administration. Sont dans cette catégorie :

1o Les instructions données par des supérieurs hiérarchiques å leurs subordonnés, en vue de leur faire prendre des décisions dans un certain sens (16 janv. 1880, fabrique d'Astaffort);

2o Les mises en demeure qui précèdent et font pressentir des décisions exécutoires, mais qui n'en sont pas encore (10 déc. 1875 5 avril 1884).

Article II. Classification des actes d'administration.

Les actes d'administration peuvent être classés à trois points de vue différents :

1. Au point de vue de l'effet de droit qu'ils produisent; à ce point

de vue, qui est le plus important, ils se divisent en actes d'autorité et en actes de gestion;

2o Au point vue de la qualité en laquelle les personnes administratives ont agi en les accomplissant, on les distingue alors en actes de puissance publique et en actes de personne privée;

3o Au point de vue du degré de responsabilité juridique avec lequel les personnes administratives les ont accomplis, on distingue alors, des actes de gouvernement, des actes d'administration discrétionnaire, des actes d'adminitration ordinaire.

69. Actes d'autorité, actes de gestion. Les actes d'administration se distinguent en actes d'autorité et actes de gestion. Les actes d'autorité sont ceux qui ne confèrent pas aux tiers de droits acquis. Ainsi, l'arrêté du préfet autorisant l'ouverture d'un établissement insalubre est un acte d'autorité parce qu'il ne fait qu'une concession révocable. Souvent même les actes d'autorité ne concèdent rien du tout, ils ne font qu'imposer des obligations: un règlement de police est un acte d'autorité; les décisions des corps délibérants sont en général des actes d'autorité, parce que leur seul effet de droit est d'obliger l'organe exécutif à exécuter.

Les actes de gestion sont ceux qui confèrent aux tiers des droits acquis. Ainsi, la liquidation d'une dette de l'État faite par décision ministérielle est un acte de gestion, parce qu'elle constitue l'État débiteur vis-à-vis du fournisseur. De même, les contrats passés pour assurer le fonctionnement des services publics sont, en principe, des actes de gestion, parce qu'ils sont commutatifs, marchés de travaux publics, marchés de fournitures, etc.

Il y a un signe extérieur auquel on reconnaît facilement l'acte de gestion et l'acte d'autorité, c'est que le premier entraîne un déplacement de valeur pécuniaire dans le patrimoine de la personne administrative, que le second n'en entraîne pas. En effet, du moment qu'une valeur pécuniaire a été déplacée dans le patrimoine administratif, cela veut dire qu'un acte commutatif a été passé, qu'un tiers a acquis un des droits qui étaient dans ce patrimoine, et que peut-être il en a cédé un autre en échange. Il y a corrélation entre les deux choses.

a) Différences entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion. Dans l'acte d'autorité, la volonté de la personne administrative reste indépendante et entière; n'ayant conféré aucun droit contre soi, elle conserve son vrai caractère qui est d'être impérieuse. Dans l'acte de gestion, elle est liée par le fait même qu'elle a conféré un droit à un tiers; elle est diminuée et abdique son caractère impérieux. L'acte

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