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CHAPITRE IV

ORGANISATION DES COLONIES 1

268. Nous avons vu, p. 227, que l'établissement de l'Algérie, surtout depuis les décrets de rattachement, ne constitue pas une personne administrative distincte de l'État français. Il n'y a donc point à s'occuper ici de son organisation. Pour une raison différente, il n'y a pas à s'occuper non plus des pays soumis uniquement à notre protectorat. Ces pays ne sont pas membres de l'État français, ils constituent eux-mêmes des États soumis, il est vrai, à notre influence, mais qui, théoriquement, conservent leur qualité d'État. L'organisation des protectorats relève du droit public international, plutôt que du droit public national. Enfin, il y a des régimes mal définis protectorats qui se transforment en colonie, par suites d'une lente annexion, possessions dans l'Afrique occidentale qui reposent à la fois sur des conquêtes et des traités de protectorat; tous ces régimes provisoires doivent aussi être laissés en dehors.

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Il s'agit uniquement des colonies proprement dites soumises à une organisation à peu près uniforme. Ce qui distingue la colonie des autres possessions, ce n'est ni le fait qu'il y existe un conseil colonial autonome, car il peut n'y en pas avoir; ni le fait qu'il y a un budget local, car de simples possessions peuvent en avoir. C'est le fait que pays est administré pour un fonctionnaire ayant rang de gouverneur. Les colonies ont en effet droit à un gouverneur, et même à un gouverneur d'une classe plus ou moins élevée suivant le groupe auquel elles appartiennent. (D. 2 février 1890.)

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269. Renseignements de statistique. — Nos colonies sont la Cochinchine, l'Inde, Mayotte, Nossi-bé, Sainte-Marie de Madagascar, la Nouvelle-Calédonie, Taïti et ses dépendances, la Guinée, le Sénégal, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, et enfin les trois plus avancées au point de vue de l'assimilation à la mère-patrie : la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion1.

1. Pour la personnalité administrative des colonies, v. p. 227.

La superficie de ces colonies est approximativement de onze millions d'hectares, formant ainsi l'équivalent de quinze départements français. La population est de près de trois millions d'habitants, formant seulement l'équivalent de six départements. Les budgets locaux dépassent cinquante millions de francs, et il est à remarquer que ce chiffre ne représente pas toutes les dépenses d'administration des colonies, chaque colonie, outre son budget local, ayant un budget métropolitain alimenté par les ressources de l'État et rattaché pour ordre au budget de l'État.

270. Organisation générale. - Nos colonies ont une certaine ressemblance avec les départements français, et elles ont une tendance à se transformer en département. Leur ambition est l'assimilation progressive à la mère-patrie et l'incorporation complète. Notre système colonial procède ainsi de la méthode romaine, la concession progressive, du droit de cité. Il est tout l'opposé du système anglais qui consiste à ériger progressivement la colonie en état indépendant.

Le territoire de chaque colonie forme une seule circonscription. En général, il n'y a pas de subdivision en arrondissements. Il y en a cependant en Cochinchine et dans l'Inde.

1o le régime civil est établi aux colonies comme dans la mère-patrie; 2o il y a dans chaque colonie une administration locale douée d'autonomie, c'est-à-dire qu'il y a décentralisation au point de vue colonial aussi bien qu'au point de vue départemental. Cette administration locale, depuis des décrets relativement récents qui ont organisé partout des conseils coloniaux électifs, est constituée d'un organe exécutif, le gouverneur de la colonie, et d'un organe délibérant, le conseil colonial; 3o les organes de la colonie ont plus d'importance que ceux du département. Ainsi le gouverneur a plus d'importance qu'un préfet ; non seule ment des pouvoirs plus considérables lui sont délégués par le chef de l'État, mais il est un peu lui-même dans la situation d'un chef d'État, en ce sens qu'il a sous ses ordres des sortes de sous-secrétaires d'État qui sont des autorités administratives secondaires; ce sont les directeurs de l'Intérieur et autres. Le conseil colonial a également plus d'importance que le conseil général d'un département, parce que les droits de la colonie, qu'il exerce, sont plus étendus.

271. A. Organe exécutif. — Il se compose: 1o d'autorités administratives: le gouverneur et les directeurs de services; 2o de

1. Projet de loi déposé par le gouvernement le 23 juin 1891 pour assimiler les Antilles et la Réunion à des départements.

fonctionnaires: le conseil privé qui assiste le gouverneur, et les agents d'exécution.

Gouverneur.

Le gouverneur est nommé par le chef de l'État, aucune condition particulière n'est exigée. Le décret du 2 février 1890 a établi comme pour les préfets un système de classes', et une situation de disponibilité.

Il a comme le préfet un double caractère, il est à la fois agent du pouvoir régional de l'État et agent de la colonie. En sa qualité d'agent exécutif de la colonie, il exécute les décisions du conseil colonial; comme agent de l'État, ses pouvoirs dépendent des délégations qu'il a reçues. Ils sont en général très étendus, il a vis-à-vis du conseil colónial, et des conseils municipaux, des pouvoirs de dissolution qui dans la métropole n'appartiennent qu'au chef de l'État. Il a, bien entendu, un pouvoir réglementaire qu'il exerce par des arrêtés; il a même quelquefois des pouvoirs diplomatiques.

Directeurs. Les directeurs de service sont en nombre variable, les principaux sont les directeurs de l'intérieur, de la justice, des forces militaires; ils ont des attributions qui rappellent celles des ministies 1° ils contresignent les actes du gouverneur; 2° ils ont des attributions propres en vertu desquelles ils prennent des décisions. Le directeur de l'Intérieur représente le gouverneur auprès du conseil colonial.

Conseil privé. Le conseil privé est un corps purement consultatif, le gouverneur peut être tenu de prendre son avis, non de le suivre. Il se compose du gouverneur, des chefs de services et de notables désignés administrativement. Sa composition est d'ailleurs variable d'une colonie à l'autre. Grâce à l'adjonction de quelques magistrats, ce conseil se transforme en tribunal administratif et prend alors le nom de conseil du contentieux.

Conseils coloniaux. Les

272. B. Organe délibérant. conseils coloniaux se rapprochent des conseils généraux de département, ils sont complétés comme ceux-ci par une commission coloniale tirée de leur sein, et jouant le rôle de la commission départementale.

Dans les Antilles et à la Réunion, l'organisation du conseil colonial date du sénatus-consulte du 4 juillet 1866.

Dans les autres colonies elle est plus récente : Guyane (D. 23 sept. 1878); Sénégal (D. 4 févr., 1879); Inde (D. 25 janv. 1879); Cochin

1. La combinaison des classes territoriales et des classes personnelles est peut-être plus ingénieuse que pour les préfets. La base est la classe personnelle, seulement les colonies du premier groupe ont droit à un gouverneur des trois premières classes.

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chine (D. 8 févr. 1880); Nouvelle-Calédonie (D. 2. avr. 1885); Saint-Pierre et Miquelon (D. 2 avril. 1385); Océanie (D. 28 déc. 1885).

La commission coloniale a été établie dans les Antilles et à la Réunion par le décret du 12 juin 1879; à Saint-Pierre et Miquelon par le décret qui a organisé le conseil colonial; à la Guyane par le décret du 28 avril 1882; au Sénégal par le décret du 12 août 1885.

Ces conseils sont électifs; dans les colonies où il y a des indigènes, ceux-ci sont représentés. Ainsi en est-il dans l'Inde et en Cochinchine.

Partout on a découpé dans le territoire des circonscriptions équivalentes au canton, et il y a un conseiller par circonscription. Partout le conseil est divisé en deux séries et renouvelable par moitié; la durée du mandat est tantôt de six ans, tantôt de quatre. Partout on a organisé le système des sessions à époque fixe, tantôt deux, tantôt une, la commission coloniale siégeant dans l'intervalle.

Les attributions de ces conseils coloniaux sont les mêmes en principe que celles des conseils généraux.

Au point de vue de l'autorité des décisions, il en est de définitives, de soumises à annulation par décret suivant des formes et des délais variables. Il est de simples délibérations soumises à approbation.

Au point de vue des objets des décisions : vote du budget et exercice des droits de la colonie; mais la colonie a plus de droits que le département.

Le budget de la colonie est plus important que celui du département, par suite de ce fait que la colonie ne paie pas d'impôts d'État et qu'elle a établi pour son compte presque tous les impôts qui existent en France au profit de l'Etat.

Le budget est définitivement réglé par arrêté du gouverneur, mais celui-ci n'a pas plus de pouvoirs que le chef de l'État vis-à-vis des conseils généraux, il se borne à pourvoir aux dépenses obligatoires, il ne peut pas modifier les dépenses facultatives.

CHAPITRE V

ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS1.

273. Ce qui mérite d'être signalé tout d'abord quand on aborde l'étude de l'organisation des établissements publics, c'est que les uns sont décentralisés, que les autres ne le sont pas.

La décentralisation a fait sentir son action sur quelques-uns d'entre eux mais pas sur tous.

Nous entendons par organisation décentralisée une organisation fondée en tout ou en partie sur l'élection. Sont donc décentralisés les établissements publics dont les organes sont constitués en tout ou en partie par le suffrage des individus intéressés au service; sont centralisés au contraire ceux dont les organes sont constitués par le pouvoir central.

Sont décentralisés à ce titre les établissements suivants : fabriques (élection par cooptation); consistoires protestants et istraélites (élection par les religionnaires), hospices et hôpitaux, bureaux de bienfaisance (élection partielle par le conseil municipal); chambres de commerce, chambres consultatives des arts et manufactures (élection par commerçants ou industriels); associations syndicales autorisées (élection par les syndiqués); syndicats de communes (élection par les conseils municipaux); sections de commune (élection dans les cas où il est formé des commissions syndicales).

Ils est à remarquer que pour tous les établissements décentralisés, la législation a une tendance à se rapprocher de la législation communale pour les règles des délibérations des conseils, pour la force exécutoire des délibérations, pour l'organisation de la tutelle que conserve l'État, pour les règles de comptabilité, etc., etc.

On peut faire d'autres remarques: il est des établissements publics qui n'ont point à proprement parler d'organisation administrative, ainsi les menses épiscopales et curiales sont de purs patrimoines qui sont représentés par des sortes d'usufruitiers, l'évêque et

1. Pour la personnalité administrative des établissements publics et leur distinction d'avec les établissements d'utilité publique, v. p.227 et s.

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