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Ces inconvénients du budget extraordinaire de l'État ont amené bien souvent sa suppression. Mais on aura beau faire, il renaîtra toujours, parcequ'il correspond à une réalité permanente : il y aura toujours des dépenses de premier établissement qui se distinguent des dépenses de revenu. Il serait plus sage de chercher à perfectionner les recettes extraordinaires, en gageant plus sérieusement les emprunts à court

terme.

285. Vote du budget. Le budget est toujours voté par les assemblées délibérantes, c'est une de leurs prérogatives. Le budget de l'État est voté par les Chambres, celui du département est voté par le conseil général, sauf à être réglé par le chef de l'État, etc...

Ces assemblées doivent observer un certain nombre de règles : 1° Relativement à la spécialité des crédits. On appelle crédit la somme qui est prévue au budget des dépenses pour une dépense déterminée, on alloue un crédit, on ouvre un crédit, etc... Il est clair que l'on peut plus ou moins détailler les crédits; il est clair aussi que plus on détaille les crédits, moins l'administrateur chargé d'exécuter les dépenses aura de latitude, moins il pourra modifier les éléments de la dépense. Si, par exemple, on allouait un crédit en bloc pour le service des enfants assistés, l'administrateur resterait libre d'employer telle partie de la somme à l'hospitalisation des enfants, telle autre partie à leur placement chez des cultivateurs; mais si on ouvre des crédits distincts pour ces deux opérations, l'administrateur sera lié, car il lui est interdit de faire des virements, c'est à'dire d'employer un crédit à une dépense autre que celle qui est prévue. Dans le budget de l'État les crédits sont peu spécialisés, ils sont votés par chapitres, c'est-à-dire en somme par services, ce qui permet aux ministres des virements à l'intérieur d'un mème chapitre entre les différentes branches d'un même service. (L. 16 sept. 187), art. 30. Dans les budgets des autres personnes administratives, ils sont plus spécialisés et sont votés par articles.

2o Relativement à l'imputation des dépenses sur ressources spéciales. Dans le budget de l'État il y a à ce point de vue une grande liberté ; sauf pour les emprunts, aucune recette n'est affectée à une dépense spéciale; dans les autres budgets, au contraire, beaucoup de recettes spéciales, notamment des centimes spéciaux, sont affectées à des dépenses spéciales: exemple, centimes pour les chemins vicinaux. Cette tendance à l'imputation se trouve au début de l'histoire de tous les budgets, l'ancien régime en faisait un abus. C'est une garantie aux époques où la comptabilité est imparfaite, mais cela devient vite une gêne.

3o Relativement aux dépenses obligatoires. Il n'y a pas dans le budget de l'État de dépenses particulièrement obligatoires, elles le sont toutes également; mais dans les autres budgets, on distingue, nous le savons, des dépenses obligatoires et des dépenses facultatives. L'obligation consiste en ce que, si le crédit n'a pas été inscrit volontairement, il sera rétabli d'office par les représentants de l'État.

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286. Exécution du budget Le budget prévoit des recettes et des dépenses, il s'agit ensuite de les effectuer réellement, on appelle cela l'exécution du budget. Il y a des règles importantes: a) Règles relatives à l'exercice financier. Ces règles ont pour but de hâter l'exécution des budgets et d'empêcher qu'il ne s'établisse un arriéré.

1o L'exécution du budget dressé pour une année déterminée, par exemple pour l'année 1892, doit ètre achevée dans un certain espace de temps que l'on appelle l'exercice financier. L'exercice financier de l'année 1892 sera donc l'espace de temps dans lequel devra être exécuté le budget de 1892. En principe, l'exercice financier dure un an, il commence et s'achève avec l'année du budget dont il porte le millésime; mais il y a des délais de grâce. On comprend, en effet, que pour certaines recettes dues à des événements qui se sont produits à la fin de décembre, l'encaissement ne se produise que le mois suivant; on comprend encore mieux, que certaines dépenses engagées par des marchés à la fin de l'année sur des crédits ouverts, ne soient payées qu'au commencement de l'année suivante.

Pour l'exercice financier de l'État, les délais de grâce ont commencé par être fort longs; réduits déjà par le décret du 31 mai 1862, ils l'ont été encore par la loi du 25 janvier 1889, ils durent :

1° Jusqu'au 31 janvier pour la réception du matériel, lorsque des causes de force majeure ont occasionné un retard;

2o Jusqu'au 31 mars pour la liquidation et l'ordonnancement des sommes dues aux créanciers;

3o Jusqu'au 30 avril pour le paiement des dépenses, la liquidation et le recouvrement des droits acquis à l'État pendant l'année du budget. D'autres opérations se poursuivent jusqu'au 30 juin et jusqu'au 31 juillet dernier délai.

L'exercice financier du département est clos définitivement le 30 avril, celui de la commune le 31 mars.

2o Lorsqu'un exercice est clos, tous les crédits sont annulés. Ceux qui n'ont pas été employés, c'est à-dire en vertu desquels des dépenses n'ont pas été engagées, demeurent définiment annulés. Ceux pour lesquels des dépenses ont été engagées, mais ne sont pas encore payées,

sont reportés au budget de l'année suivante dans un chapitre particulier où tous viennent se fondre; ils peuvent ainsi être reportés de budget en budget, mais pas plus de quatre fois dans les budgets de l'État et des colonies, ainsi que nous allons le voir. (L. 23 mai 1834, art. 8.)

3o Cinq ans après l'ouverture d'un exercice, cet exercice est périmé, les créances qui s'y rattachent et qui n'ont pas été payées sont prescrites et éteintes, on appelle cela la déchéance quinquennale. Ainsi l'exercice 1892 sera périmé le 1er janvier 1897.

la

La déchéance quinquennale a été établie au profit de l'État par loi du 29 janvier 1831, art. 9; au profit des colonies par le décret du 20 novembre 1882, art. 94; elle n'existe pas au profit des départements (D. 31 mai 1862, art. 480), ni des communes, ni des établissements publics, ce qui est une lacune fâcheuse, car cela permet l'accumulation de l'arriéré.

L'encaissement

b) Règles relatives au paiement des dépenses. des recettes est réglementé, mais le paiement des dépenses l'est encore plus. Il y a une règle fondamentale qui est une des meilleures garanties de la comptabilité : la distinction des fonctions d'ordonnateur et de celles de comptable. L'ordonnateur donne l'ordre de payer, mais il n'a pas le maniement des deniers; le comptable a le maniement des deniers, mais ne peut pas payer sans ordre. (D. 1862, art. 17-19.)

L'ordonnateur est presque toujours une autorité administrative : le ministre ou le préfet pour l'État, le préfet pour le département, le maire pour la commune, etc., très rarement un fonctionnaire à qui ce pouvoir a été délégué, par exemple, un ingénieur des ponts et chaussées. Le comptable est un simple fonctionnaire.

Les ordres de paiement émis par le ministre, portent le nom d'ordonnances de paiement quand ils sont délivrés directement au nom des créanciers de l'État; ceux émis par les préfets et les maires portent le nom de mandats de paiement. Les ministres délivrent en outre des ordonnances de délégation par lesquelles ils autorisent les ordonnateurs secondaires (directeurs de service, préfets) à disposer d'un crédit ou d'une portion de crédit par des mandats de paiement au profit de divers créanciers. Les ordonnances et les mandats, pour être payables par les comptables, doivent être appuyés de pièces constatant que la dette est régulièrement justifiée, c'est-à-dire qu'il doit y avoir eu au préalable liquidation de la dette. (V. infrà, dettes de l'État, no 403.)

c) Service de trésorerie. L'exécution des différents budgets exige un perpétuel mouvement de fonds; l'argent des recettes doit être encaissé, l'argent des dépenses doit être tenu disponible au lieu du

paiement. Ce service a été complètement centralisé par l'État qui prend ici le nom de trésor, et il est assuré par une direction du ministère des finances, qui porte le nom de direction du mouvement général des fonds. Non seulement tous les fonds de l'État sont centralisés au ministère des finances, mais encore ceux des autres personnes administratives. Ces fonds sont en effet versés au trésor, soit directement, soit par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations.

Cette centralisation a l'avantage de créer au trésor des disponibilités, et de lui permettre de faire face aux grosses échéances sans emprunter. Quelquefois cependant cela ne suffit pas, le trésor est obligé de faire des emprunts à court terme, qu'on appelle des opérations de trésorerie; ou bien il émet des bons du trésor, ou bien il se fait faire des avances par la Banque de France, etc.

Les dépôts que le trésor reçoit des autres personnes administratives, ou les emprunts qu'il fait pour son service de trésorerie, vont se joindre aux emprunts à court terme destinés à alimenter le budget extraordinaire, pour constituer la dette flottante.

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287. Le budget considéré comme acte juridique. — Le budget n'est pas seulement une opération de comptabilité, c'est un acte juridique, il renferme une quantité d'actes d'administration de la catégorie des actes d'autorité. Il ne se borne pas à prévoir, il autorise. (D. 1862, art. 5.)

L'inscription d'un crédit au budget pour une affaire implique, en effet, décision sur le fond de l'affaire ou tout au moins commencement de décision.

Il

y a des cas, et cela est fréquent surtout en matière d'administration de l'État, où la décision budgétaire est la seule que l'organe délibérant, c'est-à-dire le Parlement, soit appelé à prendre. L'exécution de la décision budgétaire se fait ensuite par des actes de gestion de l'organe exécutif, notamment par des marchés passés.

Il faut donc considérer que les marchés passés par les ministres pour le compte de l'État s'appuient sur les décisions budgétaires, et qu'ils n'échappent pas à la règle générale d'après laquelle un acte de gestion doit toujours s'appuyer sur un acte d'autorité. (V. p. 189.)

La conséquence de cette doctrine est que les ministres, dans un exercice, ne doivent pas engager de dépenses par leurs marchés pour une somme supérieure aux crédits ouverts; et rigoureusement, dans la mesure où ils dépassent les crédits, les marchés devraient être considérés comme irréguliers et annulés.

Ce principe n'a pas encore été admis. On a cherché à éviter le danger des dépassements de crédits par d'autres moyens, par exemple en

proclamant la responsabilité personnelle du ministre envers l'État, mais cette responsabilité n'a jamais été ramenée à effet. (V. p. 282.) Actuellement, la direction générale de comptabilité au ministère des finances cherche à établir un contrôle sur les marchés, et la loi de finances du 26 décembre 1890, art. 59, prescrit ceci : « Dans chaque ministère il sera tenu une comptabilité des dépenses engagées, les résultats de cette comptabilité seront fournis mensuellement à la direction générale de la comptabilité publique ».

288. Crédits supplémentaires et extraordinaires. Le budget étant dressé d'avance, au cours de l'année où il s'exécute, il peut se présenter des causes de dépenses imprévues. Il y a lieu alors de demander immédiatement un crédit supplémentaire ou extraordinaire, sorte de petit budget spécial qui suit les règles du budget ordinaire.

No 3. La comptabilité de caisse.

289. On l'appelle aussi la comptabité-deniers. C'est la comptabilité par excellence, les agents auxquels ses règles s'imposent portent le nom d'agents comptables: ce sont tous ceux qui ont le maniement des deniers publics, c'est-à dire des deniers de l'État, des départements, des communes, des colonies, des établissements publics (D. 1862. art. 1er; D. 20 nov. 1882), trésoriers-payeurs généraux, receveurs particuliers, percepteurs, receveurs municipaux, etc.

Le mécanisme de cette comptabilité tient dans deux idées : 1° il y a des règles sévères pour toutes les opérations que les comptables sont appelés à faire, encaissement de recettes ou paiement de dépenses, versements de fonds au trésor, etc. ; 2o les comptables sont responsables de l'observation de ces règles pendant leur gestion. On appelle gestion l'ensemble des actes d'un comptable, soit pendant l'année, soit pendant la durée de ses fonctions, si celles-ci n'ont pas duré une année. Les comptables doivent donc rendre compte à la fin de leur gestion, ils doivent compte des deniers qu'ils ont touchés, de ceux qu'ils auraient dû toucher, de ceux qu'ils ont dépensés sans justification suffisante. Ils sont responsables sur leur cautionnement et sur leurs biens qui sont frappés d'une hypothèque légale (art. 2121 C. c.) (V. aussi Privilèges du trésor, 1. 5 sept. 1807).

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290. Les opérations de comptabilité sont contrôlées, surtout celles

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