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sonne privée sont les droits des personnes admnistratives qui ne leur donnent pas de prérogatives exorbitantes du droit commun. Ce sont par conséquent des droits semblables à ceux qu'ont les particuliers dans leur patrimoine; ils n'entraînent, ni pour les personnes, ni pour la propriété, de charges exceptionnelles.

Première observation. Il est bien entendu que les droits de personne privée peuvent servir, aussi bien que les droits de puissance publique, à assurer le fonctionnement des services publics. Tous les droits des personnes administratives, directement ou indirectement, servent à assurer le fonctionnement des services, mème le domaine privé qui constitue une sorte de réserve, et dont les revenus sont versés au budget. Les droits de puissance publique existent seulement dans des cas où il y a une nécessité particulièrement urgente à l'accomplissement du service. Les marchés de fournitures passés par les départements et les communes, les emprunts contractés par ces personnes administratives, servent certainement à assurer leurs services, et cependant ce sont des opérations de personne pri

vée.

Deuxième observation. Il faut bien se garder de confondre le droit de personne privée, avec l'acte d'administration par lequel il est exercé. C'est qu'en effet, même les droits de personne privée peuvent être exercés par des actes de puissance publique. Ainsi une commune fait un bail de maison; c'est certainement une opération de personne

privée et l'exercice d'un droit de personne privée, les contestations, si l'exécution du contrat en soulève, seront de la compétence des tribunaux ordinaires; mais la délibération du conseil municipal qui contient la décision de passer le bail est un acte d'autorité, et en tant que cette délibération sera considérée en elle-même, elle pourra être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir, tout comme si elle était intervenue pour l'exercice d'un droit de puissance publique'.

Subdivision des droits de personne privée. Ces droits sont tous domaniaux; il n'y a point parmi eux de droit de police, à moins qu'on ne veuille considérer comme étant un droit de police de personne privée, le pouvoir disciplinaire exercé dans les internats des lycées et collèges, ce qui serait assez raisonnable, car l'État n'est là que le représentant des pères de famille et ne doit par conséquent exercer qu'un pouvoir familial.

Les droits domaniaux de personne privée se divisent en deux grandes catégories :

1° Le domaine privé, qui n'est autre chose que le droit de propriété privée appartenant aux personnes administratives;

2o Les modes d'acquérir de personne privée, c'est-à-dire les modes d'acquérir qui ne supposent point la puissance publique.

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510. II. Conflit entre les droits de personne privée et les droits des particuliers. Comme les droits de personne privée n'entrainent aucune charge exceptionnelle ni pour les personnes, ni pour la propriété, ils n'entrent point en conflit avec les droits des particuliers. Il n'y a donc point à se demander, comme il fallait le faire pour les droits de puissance publique, comment on rétablira l'égalité entre l'administration et les citoyens, s'il n'y aura pas à régler des indemnités pour dommages, etc... Ici, il n'y a point de dommage à réparer, il n'y a point à rétablir l'égalité parce qu'elle n'est pas rompue, administration et particuliers sont sur le même pied et usent des mêmes droits.

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511. III. Des règles de droit applicables aux droits de personne privée. - Nous avons vu que pour les droits de puissance publique il fallait appliquer des règles spéciales, qui ne se rattachent au reste du droit, que parce qu'elles s'inspirent des prin

1. Toutefois, lorsque le contrat aura été passé, la aélibération du conseil municipal y sera incorporée et les tribunaux judiciaires seront compétents pour l'interpréter. (Conflits, 12 juillet 1890, ville de Paris.)

cipes constitutionnels et des principes les plus généraux des contrats. Pour les droits de personne privée, au contraire, il faut appliquer en principe, et sauf exception, les règles du droit commun, soit du droit civil, soit du droit commercial; non seulement les règles générales des contrats, mais les règles spéciales de chaque contrat; si l'on se trouve en présence d'un bail de maison, par exemple, appliquer les règles des baux; si l'on se trouve en présence d'un marché de travaux non publics, appliquer les règles des art. 1787 et suiv.

La prescription s'applique aux droits de personne privée dans les termes du droit commun, art. 2227, C. c.

Les personnes administratives peuvent librement transiger sur ces droits, sauf les formalités spéciales qui peuvent être incorporées. De plus, en principe et sauf exception, les contestations qui s'élèvent à la suite de l'exercice des droits de personne privée, sont de la compétence des tribunaux ordinaires.

CHAPITRE PREMIER

LE DOMAINE PRIVÉ

512. Le domaine privé, dans le langage courant, désigne le droit de propriété privée en tant qu'il appartient aux personnes administratives. Les choses sur lesquelles porte ce droit de propriété méritent le nom de dépendances du domaine privé.

A la différence des dépendances du domaine public, les dépendances du domaine privé sont aliénables et prescriptibles. Il subsiste cependant une différence entre elles et les biens des particuliers; elles sont insaisissables. Cela tient au principe général d'après lequel les engagements des personnes administratives, quels qu'ils soient, ne sont pas susceptibles d'exécution forcée. (V. p. 545.)

Toutes les personnes administratives ont un domaine privé, notamment les établissements publics qui n'ont pas de domaine public, mais qui ont un domaine privé. On dit les biens des hospices, les biens des fabriques, les biens des sections de commune, comme on dit les biens des communes ou des départements.

Observation. Bien que d'après le langage courant, le domaine privé ne comprenne que le droit de propriété privée, en réalité on y trouve aussi d'autres droits réels, tels que l'usufruit, l'usage, les servitudes, les privilèges et les hypothèques; nous nous occuperons de ces droits dans un appendice.

§ 1er. LE DOMAINE PRIVÉ DE L'ÉTAT

513. Il n'y a actuellement qu'un seul domaine privé de l'État, et toutes les dépendances de ce domaine forment, au point de vue juridique, une seule masse.

On distinguait avant la Révolution un grand et un petit domaine; depuis la Révolution, il y a eu un domaine extraordinaire, produit de la conquête, servant notamment à constituer des majorats; un domaine de la couronne ou des biens de la liste civile. Toutes ces distinctions du domaine et tous ces domaines particuliers sont aujourd'hui

abolis. Les dépendances du domaine privé de l'État comprennent : des immeubles, comme les forêts nationales, les lais et relais de la mer, les fortifications des places de guerre déclassées, certaines sources minérales, salines, mines, etc... certains domaines; des meubles comme le mobilier des bâtiments affectés aux services publics, comme le matériel de guerre, à supposer que ces objets ne soient pas plutôt des dépendances du domaine public (v. p. 495); enfin on y range souvent certains droits incorporels tels que le droit de chasse dans les forêts nationales et le droit de pêche sur les fleuves, à supposer qu'il y ait intérêt à séparer ces droits du droit de propriété.

514. Aliénabilité et prescriptibilité du domaine. — Toutes les dépendances du domaine privé sont aliénables et prescriptibles; aliénables, parce que les textes anciens qui les mettaient hors du commerce sont abrogés; prescriptibles, parce que l'art. 2227 C. civ. soumet l'État et les autres personnes administratives, aux mêmes prescriptions que les particuliers.

Sous l'ancien régime, en vertu d'un principe qui remonte très haut, et qui avait été consacré pour la dernière fois dans l'édit de Moulins de février 1566, tcus les biens du domaine de la couronne étaient inaliénables, sauf ce qu'on appelait le petit domaine, lais et relais de la mer, landes, marais, terres vagues. Le domaine de la couronne comprenait alors justement ce que nous appelons aujourd'hui le domaine privé. La loi du 22 novembre 1790 supprima le principe de l'inaliénabilité, qui d'ailleurs avait toujours été fort mal respecté par les rois. Ainsi qu'il est dit fort justement dans le préambule de cette loi, l'inaliénabilité du domaine se comprenait lorsque ce domaine était censé appartenir non pas à la nation, mais au roi, chef de la nation; il y avait lieu de prendre des précautions contre le roi; mais maintenant que la nation était rentrée en possession de son domaine et qu'elle était maîtresse de ses destinées, rien ne justifiait plus ce principe. La nation doit être maîtresse d'aliéner son domaine, et on est certain qu'elle ne l'aliénera pas à la légère.

L'inaliénabilité des dépendances du domaine public se justifie parce qu'en fait, l'affectation à l'utilité publique de ces choses les met hors du commerce; l'inaliénabilité des dépendances du domaine privé serait sans motif.

Cependant la loi de 1790 laissa subsister l'inaliénabilité pour les grandes masses de forêts, mais cette dernière exception fut elle-même abolie par la loi du 25 mars 1817 qui affecta les forêts de l'État à la dotation de la caisse d'amortissement. Par conséquent, à l'heure actuelle, les forêts sont aliénables et prescriptibles (Cass. 27 juin 1854,

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