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recours en cassation s'appuyant sur l'excès de pouvoir, il s'agit de savoir quand il y a excès de pouvoir :

Le Conseil d'État a, jusqu'ici, fait sortir de la notion de l'excès de pouvoir trois ouvertures à recours :

1° L'incompétence; 2° la violation des formes; 3° quelquefois le détournement de pouvoir.

Chose remarquable, il n'admet pas le motif de violation de la loi, à moins qu'il n'y ait un texte comme dans l'art. 32, l. 15 juill. 1889. Cette ouverture à recours existe au contraire dans le recours pour excès de pouvoir.

On sait qu'elle existe aussi pour les pourvois à la Cour de cassation, et on peut dire qu'elle est dans la logique de l'institution.

584. Des effets du recours en cassation. 1o L'effet de l'annulation du jugement est renfermé inter partes, comme l'était d'ailleurs l'effet du jugement lui-même; au contraire, un acte administratif annulé à la suite d'un recours pour excès de pouvoir est annulé ergâ omnes.

2o Le tribunal dont le jugement est annulé est obligé de refaire son jugement, car il faut que l'affaire soit jugée; au contraire, une autorité administrative dont l'acte est annulé n'est point tenue de refaire son acte.

585. Du pourvoi dans l'intérêt de la loi. Les représentants de l'administration ont, aussi bien que les parties, le droit de former des recours en cassation ordinaires, mais les ministres peuvent en outre former des pourvois dans l'intérêt de la loi, qui n'aboutissent qu'à une censure purement doctrinale de la décision sans infirmation de ses effets légaux. Le pourvoi peut être formé même contre une décision qui n'est pas en dernier ressort; il en existe un semblable en matière judiciaire.

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ORGANISATION ET COMPÉTENCE DES DIVERSES JURIDICTIONS
No 1. Le Conseil d'État.

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586. Organisation du Conseil d'État délibérant au contentieux. Nous savons déjà que le Conseil d'État ne se forme pas de la même manière, suivant qu'il délibère en matière administrative ou en matière contentieuse; on a vu quelles sont ses diverses formations en matière administrative (p. 289 et suiv.), le moment est venu d'étudier ses formations en matière contentieuse.

Observons d'abord qu'il se forme de la même façon quelle que soit

la nature de sa juridiction, qu'il s'agisse du premier ressort, de l'appel ou de la cassation.

Cela dit, il faut savoir que le Conseil d'État délibérant en matière contentieuse est formé, tantôt en section du contentieux, tantôt en assemblée du Conseil d'État statuant au contentieux, et que cela correspond à la marche générale de la procédure, attendu qu'une affaire est en principe instruite par la section du contentieux, et jugée par l'assemblée du contentieux.

I. De la section du contentieux. En principe, la section du contentieux est chargée uniquement de diriger l'instruction écrite et de préparer le rapport sur les affaires; exceptionnellement, elle peut retenir et juger les affaires pour lesquelles il n'y a pas de constitution d'avocat, à moins que le renvoi à l'assemblée du contentieux ne soit demandé par l'un des conseillers de la section ou par le commissaire du gouvernement. (L. 1872, art. 19.)

Les affaires qui sont dispensées du ministère de l'avocat sont: 1.le recours pour excès de pouvoir; 2o le recours en cassation; 3o les recours en matière électorale; 4o les recours en matière de contributions directes ou de taxes assimilées.

Théoriquement donc, la section du contentieux pourrait statuer ellemême sur l'importante matière du recours pour excès de pouvoir. En fait il n'en est pas ainsi, la section ne retient que les matières électorales et les recours en matière de contributions directes.

Il n'y a actuellement qu'une section du contentieux, mais le nombre toujours croissant des recours a fait sentir la nécessité d'en créer une seconde; une section temporaire a déjà été organisée spécialement pour les matières électorales ; il est à prévoir qu'on organisera prochai nement une seconde section du contentieux; un projet de loi est déposé en ce sens.

La section du contentieux est composée de six conseillers d'État en service ordinaire et d'un président; les conseillers d'État en service extraordinaire ne peuvent pas y ètre attachés, le garde des sceaux qui a le droit de présider les autres sections n'a pas le droit de présider celle-ci. Il y a un ministère public composé de quatre maîtres des requètes qui prennent le nom de commissaires du gouvernement, plus des maîtres des requêtes et des auditeurs chargés des rapports.

La section du contentieux ne peut statuer que si cinq membres au moins ayant voix délibérative sont présents.

En cas de partage, le président n'a pas voix prépondérante, et on appelle le plus ancien maitre des requètes présent à la séance.

Il y a donc une série de précautions prises pour que la section du contentieux soit soustraite autant que possible à l'influence administrative.

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II. De l'assemblée du Conseil d'État statuant au contentieux. L'assemblée du Conseil d'État statuant au contentieux, qu'il ne faut pas confondre avec l'assemblée générale du Conseil d'État, se compose: 1o du vice-président du Conseil d'État ou à son défaut du président de la section du contentieux; 2o des membres de la section du contententieux; 3o de huit conseillers en service ordinaire pris dans les autres sections et désignés par le vice-président du Conseil, délibérant avec les présidents de section. Plus des maîtres des requêtes, des auditeurs et un ministère public composé de quatre commissaires du gouvernement.

Elle ne peut délibérer valablement que si neuf membres au moins ayant voix délibérative sont présents. D'autre part, elle ne peut délibérer qu'en nombre impair, de sorte que lorsque les membres présents sont en nombre pair et supérieur à neuf, le dernier conseiller dans l'ordre du tableau doit s'abstenir.

Les membres du Conseil d'État qui, dans les sections administratives, ont participé à la préparation d'une mesure, ne peuvent pas ensuite siéger comme juges des recours formés contre cette mesure.

587. Compétence en premier ressort du Conseil d'État. Outre que le Conseil d'État est le juge de droit commun en premier ressort lorsqu'il n'y a pas de textes (v. no 579), il est juge en premier ressort dans un assez grand nombre de cas prévus par les textes. Sont ainsi de sa compétence :

1o Le recours pour excès de pouvoir. (L. 24 mai 1872, art. 9.)

2o Les réclamations formées contre les décisions ministérielles, ayant le caractère d'actes de gestion (auxquelles l'ancienne doctrine attribuait à tort le caractère de jugements), lorsque ces actes de gestion ne relèvent pas des tribunaux judiciaires, ou lorsqu'ils ne sont pas attribués exceptionnellement aux conseils de préfecture: ainsi, exécution, résiliation de marchés de fournitures de l'État, liquidation et paiement des dettes de l'État (sauf pour travaux publics), recouvrement de certaines créances de l'État au moyen d'arrêtés de débet, décisions sur le droit à la pension et liquidation de cette pension, etc...

3o Le contentieux des élections des conseils généraux. (L. 31 juill. 1875.) 4o Les déclarations de démission prononcées en la forme contentieuse à la requête du ministre de l'intérieur contre les conseillers généraux, d'arrondissement et municipaux, en vertu de la loi du 7 juin 1873,

5o Les recours formés par les industriels exploitant ou demandant à exploiter des établissements dangereux, insalubres ou incommodes de première ou de seconde classe, contre les arrêtés des préfets qui refusent d'autoriser, ou retirent les autorisations données, ou imposent des con

ditions d'exploitation contestées par l'industriel. (D. 15 oct. 1810, art. 7.) 6o Les réclamations formées par les conseils municipaux ou par toute partie intéressée contre les arrêtés des préfets prononçant l'annulation des délibérations de ces conseils, ou déclarant qu'elles sont nulles de plein droit, ou au contraire refusant d'annuler. (L. 5 avr. 1884, art. 66 et 67.)

No 2. Les juges subordonnés au Conseil d'État

par l'appel.

Ces juges sont les conseils de préfecture, les conseils du contentieux des colonies, les ministres.

588. I. Les conseils de préfecture. L'organisation des conseils de préfecture est la même au contentieux qu'en matière administrative (v. p. 305). Faisons remarquer seulement que les secrétaires généraux remplissent auprès d'eux les fonctions de commissaire du gouvernement, que les arrêtés doivent être rendus par trois conseillers au moins, président compris; que dans tous les cas les conseillers doivent être en nombre impair; que les arrêtés sont motivés, que les noms des membres qui ont concouru à la décision sont mentionnés, etc. (L. 22 juill. 1889, art. 47-48.) a) Caractères généraux de la compétence. La compétence des conseils de préfecture présente les caractères suivants :

1° Elle est exceptionnelle, c'est-à-dire que le conseil de préfecture est un juge d'exception, un peu comme le juge de paix en matière civile; elle repose en effet sur des textes qui contiennent des énumérations limitatives, notamment la loi du 28 pluviôse an VIII, art. 4. 2o Elle est toujours en premier ressort.

3o Elle est territoriale ou ratione loci, non pas à raison du domicile du défendeur, mais à raison du lieu où a été fait l'acte administratif attaqué.

Ainsi les contestations relatives aux travaux publics sont portées non pas devant le conseil du domicile de l'entrepreneur, mais devant celui du lieu des travaux. Une exception cependant pour le cas où un même travail public est exécuté par le même entrepreneur dans plusieurs départements, surtout pour les concessions de chemins de fer qui couvrent de vastes territoires. On détermine d'avance un seul conseil de préfecture qui sera compétent pour tous les départements; mais c'est une clause du cahier des charges qui n'a d'effet qu'entre le concessionnaire et l'administration, elle n'est pas opposable aux propriétaires qui réclament des indemnités pour dommages,

b) Compétences diverses du conseil de préfecture. Le conseil de préfecture a plusieurs compétences d'ordre différent :

1° Une compétence répressive pour les contraventions de grande voirie. (L. 28 pluviôse an VIII, art. 4; 1. 29 floréal an X.)

2o Une compétence comme juge des comptes pour les comptables des communes et des établissements publics, lorsque le revenu annuel de ces personnes administratives ne dépasse pas 30,000 francs. (D. 31 mai 1862, art. 427.) L'appel est porté dans ce cas à la Cour des comptes.

3o Une compétence comme juge chargé de donner les autorisations de plaider aux communes et aux établissements publics.

4o Une compétence de pleine juridiction pour le contentieux auquel donnent lieu les opérations suivantes :

a) Les élections au conseil d'arrondissement; toutes les élections municipales, c'est-à-dire celles qui concernent les conseils municipaux, les maires et adjoints et les délégués sénatoriaux.

B) Les contributions directes (demandes en décharge ou en réduction). y) Les opérations de travaux publics, non seulement pour les difficultés qui s'élèvent entre l'entrepreneur et l'administrateur, mais même pour les actions en indemnité à raison de dommages causés à la propriété ou aux personnes et d'une façon générale pour toutes les conséquences de l'opération qui sont de nature à réfléchir contre l'administration. (V. p. 604 et s.)

8) Les ventes de domaines nationaux, etc., etc.....

589. II. Les conseils du contentieux des colonies. Les conseils du contentieux existent dans toutes les colonies depuis le décret du 7 septembre 1881, l'Algérie n'en a point parce qu'elle a des conseils de préfecture.

Organisation. L'organisation en a été réglée à nouveau, de même que la procédure, par un décret du 5 août 1881.

Ces conseils sont formés par le conseil privé, corps consultatif placé à côté du gouverneur avec des attributions administratives, auquel viennent se joindre deux magistrats de l'ordre judiciaire désignés chaque année par le gouverneur.

On voit donc réalisée dans ces conseils, aux colonies, la fusion de l'élément judiciaire et de l'élément administratif si soigneusement séparés dans la métropole; seulement, ce qui vient diminuer la portée du fait, c'est que les magistrats coloniaux ne sont pas inamobiles. La présidence appartient au gouverneur avec voix prépondérante, à son défaut, à l'inférieur qui vient immédiatement après lui.

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