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pas citoyens français. Dans nos possessions de l'Inde, ils sont considérés comme citoyens; ils jouissent donc de plein droit des droits politiques; ils sont seulement, pour l'exercice du droit de vote, soumis à des conditions particulières, inscrits sur des listes électorales spéciales, selon qu'ils sont renonçants à leur statut personnel ou bien non renonçants.

b) Libertés individuelles. En principe, tous les êtres humains ont la jouissance des libertés, par conséquent, les femmes aussi bien que les hommes, les étrangers aussi bien que les nationaux, et sans distinguer selon qu'ils sont ou non admis à établir leur domicile en France. Il peut se faire, tout au plus, que l'exercice du droit soit réglementé plus sévèrement pour l'étranger que pour le national; nous verrons au fur et à mesure ces questions de réglementation. Ainsi, l'étranger a la liberté individuelle, avec cette restriction particulière qu'il peut être expulsé par mesure administrative. Il a la liberté de conscience, le droit de publier sa pensée par la presse ou par le livre, le droit de réunion, d'association, etc. L'étranger n'a cependant ni le droit d'être gérant d'un journal (L. 29 juillet 1881, art. 7), ni le droit d'enseigner à aucun degré, il peut seulement être autorisé par l'administration à le faire (L. 15 mars 1850, art. 78, D. 5 déc. 1850; L. 12 juill. 1875, art. 9 sur l'enseignement supérieur; L. 30 oct. 1886, art. 4 sur l'enseignement primaire).

Quant aux sujets français qui ne sont pas citoyens, indigènes de l'Algérie ou des colonies, ils ont eux aussi, en principe, la jouissance des libertés; seulement il faut tenir compte d'un certain nombre de faits l'existence d'une sorte d'état de siège dans les territoires militaires (Algérie), l'existence de la répression administrative pour ce que l'on appelle les délits d'indigénat (Algérie, communes mixtes, et Cochinchine), qui diminuent leur sûreté personnelle; enfin, le maintien de leur législation religieuse et privée (statut personnel) qui peut modifier la physionomie de leurs droits.

c) Droits aux services de l'État. Ces droits sont encore en principe de ceux qui appartiennent à tous les hommes; l'État doit indifféremment ses services à tous ceux qui se trouvent sur son territoire, même accidentellement; il est naturel que dans tous les pays civilisés, un homme, quel qu'il soit, se sente protégé par l'état par conséquent en principe ils appartiennent aux étrangers. La question peut se poser pour toutes les formes d'assistance; il n'y a pas de doute dans deux cas, lorsqu'il y a traité diplomatique ou lorsque l'étranger est en état d'autorisation de domicile (art. 13, C. civ.); il y en a hors de ces deux cas, mais il faut accorder le bénéfice à moins qu'il n'y ait un texte formel contraire. La ques

tion s'est posée pour l'assistance judiciaire, bénéfice introduit par la loi du 22 janvier 1851. Le bureau d'assistance de Paris se prononçait en faveur de l'extension du bénéfice aux étrangers dès le 18 octobre 1855 (J. des Avoués, t. LXXXI, p. 345), et depuis, nombre de décisions judiciaires supposent qu'il a été en effet étendu.

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Observation. La jouissance des droits publics se perd, soit par suite de la perte de la qualité de Français pour ceux où cette qualité est nécessaire, soit par suite de certaines condamnations pénales.

7. Exercice des droits publics. L'exercice des droits publics peut rencontrer deux espèces d'obstacles, des conditions à remplir que l'on appelle conditions d'exercice, des incapacités qui suppriment complètement l'exercice.

a) Conditions d'exercice. - Beaucoup de droits publics sont soumis à des conditions d'exercice, des formalités. C'est ainsi que le droit d'enseigner ne peut s'exercer qu'après certaine déclaration, de même le droit de réunion, le droit de fonder un journal, etc. Le droit de suffrage est soumis à la réglementation de la liste électorale, etc. b) Incapacités. Les incapacités résultent de certains faits généraux de nature à affecter la personnalité intellectuelle ou morale de l'individu telles sont la minorité, l'interdiction, la demi-interdiction, certaines fonctions. Le rôle des incapacités est très important en matière de droit politique, surtout en matière de suffrage; il l'est beaucoup moins en matière de libertés. Beaucoup sont tellement primordiales, tellement indispensables, qu'il faut les accorder au mineur, à l'interdit. Ainsi on ne peut songer à refuser à ces incapables l'exercice de liberté de la conscience, de la sûreté personnelle, ce serait en même temps leur en retirer la jouissance. Ce qu'on dira avec juste raison, c'est que si ces droits sont violés, l'action qui naîtra ne sera pas exercée par l'incapable, mais par son représentant légal.

Cependant il y a quelques droits dont l'exercice se comprend séparé de la jouissance, le droit d'enseigner, le droit de gérer un journal; pour ces deux droits, la minorité est une cause d'incapacité et sans doute aussi l'interdiction; le droit au travail pour le travail industriel, la loi du 19 mai 1874 vise des minorités de dix ans, douze ans, seize ans, selon certaines catégories.

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8. Les droits publics des citoyens étant conquis sur l'arbitraire de l'État, sont constamment menacés de retours offensifs. Les droits politiques et les libertés individuelles sont exposés à être violés par des actes positifs de l'administration. Les droits aux services de l'État sont exposés à l'être par des refus de service, des négligences ou des fautes dommageables dans l'accomplissement des services. Il fallait des garanties. Les garanties des droits publics sont de plusieurs sortes; il en est qui sont offertes par l'État lui-même, il en est d'autres qui sont à la disposition de l'individu dont les droits ont été lésés, mais qui demandent de sa part un effort.

Les garanties que l'État offre de lui-même sont de deux espèces : 1o Celles qui résultent de la Constitution. Nous savons que le droit constitutionnel est tout entier un droit de garantie. Le principe de la séparation des trois pouvoirs, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, est une précieuse garantie de liberté individuelle, car il introduit la délibération et par conséquent une cause de ralentissement, dans l'action gouvernementale. Il en est de même du principe de la séparation du pouvoir militaire et du pouvoir civil, et de la subordination du premier au second en temps de paix; enfin le droit de pétition ou de réclamation est largement reconnu à tous.

2o Celles qui résultent de l'organisation administrative et des précautions qui y sont prises; les formes de procédure auxquelles est soumise l'action administrative; la surveillance que l'administration exerce sur elle-même, grâce au principe de l'autorité hiérarchique; les poursuites que l'État exerce contre les fonctionnaires prévaricateurs. C'est ainsi que les art. 114 à 117, 119, 120, 122 du Code pénal punissent les actes attentatoires à la liberté individuelle ou aux droits civiques, commis par un fonctionnaire public, un agent ou un préposé du gouvernement; que l'art. 174 punit le délit de concussion, c'est-à-dire le fait de percevoir au delà de ce qui est dû par une taxe

(l'article final de la loi du budget rappelle tous les ans cette disposition, ainsi que l'existence d'une action civile en restitution qui dure trois ans); que les art. 177 et suivants punissent la corruption des fonctionnaires, l'art. 184 la violation de domicile, l'art. 185 le déni de justice des juges, l'art. 186 la violence contre les personnes.

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Toutes ces garanties offertes par l'État lui-même sont évidemment précieuses, mais elles ont surtout un effet préventif. Elles empèchent une foule de violations du droit de se produire, mais lorsqu'en fait une violation s'est produite, elles sont d'un médiocre secours. Sans doute, si le pouvoir exécutif commet des actes abusifs, le pouvoir législatif peut employer des moyens constitutionnels pour intervenir, le parlement peut mettre en jeu la responsabilité ministérielle, mais c'est un bien gros mécanisme, il faut des circonstances politiques bien favorables ou un fait d'un arbitraire bien criant. Sans doute aussi, le fonctionnaire coupable peut être poursuivi au criminel, mais d'abord il peut se faire que l'acte qu'il a commis, tout en étant vexatoire, ne soit pas prévu par la loi pénale; puis, il faut bien reconnaitre que le gouvernement y regarde à plus d'une fois avant d'intenter une action publique contre un de ses propres agents.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable que l'individu ait luimême à sa disposition des moyens de se protéger. Ces moyens existent et constituent un précieux ensemble de garanties individuelles. Ce sont des actions en justice. Il y en a de trois sortes, l'abus de pouvoir est saisi par elle de trois façons :

1o Dans l'acte administratif lui-même, au moyen des recours contentieux;

2o Dans la personne des fonctionnaires, au moyen des poursuites dirigées contre ceux-ci;

3o Dans la personne de l'État ou des autres personnes administratives, au moyen d'actions en responsabilité directe. Nous allons passer

en revue.

9. Recours contentieux contre l'acte administratif. Ces recours sont au nombre de deux, recours contentieux ordinaire, recours pour excès de pouvoirs; ils n'existent que contre les actes administratifs proprement dits, c'est-à-dire contre les décisions exécutoires prises au nom des personnes administratives en vue de produire un effet de droit; ils sont enfermés dans des délais très brefs, le recours pour excès de pouvoirs est, de plus, soumis à des conditions de recevabilité très étroites. Il résulte de tout cela que l'on n'a pas toujours la ressource de ces recours. L'acte dont on se plaint n'est peut-être pas un acte d'administration, c'est-à-dire un acte juri

dique, c'est peut-être un fait purement matériel, ou bien les délais sont passés, ou bien l'on ne se trouve pas dans les conditions de recevabilité. Enfin, les recours contentieux, alors même qu'ils réussissent, n'aboutissent qu'à l'annulation ou à la réformation de l'acte, ils n'entraînent jamais de condamnation à dommages-intérêts contre le fonctionnaire, ni d'ordinaire contre la personne administrative. Or, il est des cas où le préjudice causé par un acte administratif ne peut pas être réparé par l'annulation de l'acte, il est consommé; dans ce cas, le re cours ne donnerait qu'une satisfaction illusoire.

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10. Poursuites contre les fonctionnaires. rantie administrative des fonctionnaires. La poursuite contre le fonctionnaire qui a commis un acte vexatoire est un mouvement naturel chez celui qui est ou se croit victime de l'acte; tellement naturel, que les gouvernements ont toujours pris certaines précautions pour protéger leurs agents contre des poursuites engagées ab irato; ces précautions appelées garantie administrative sont légitimes, à condition de n'être pas exagérées et de ne pas aboutir à la suppression des poursuites; la meilleure serait peut-être de rendre par des moyens de procédure l'action periculosa'. Quoi qu'il en soit, il faut examiner la législation positive.

Elle se résume en ceci : certains fonctionnaires sont protégés en ce sens qu'ils ne sont responsables que de leur faute lourde et que c'est un tribunal gouvernemental, le tribunal des conflits, qui examine la question de savoir s'il y a eu faute lourde.

La poursuite s'engage librement devant le tribunal ordinaire, mais elle peut être arrêtée par un arrêté de conflit du préfet dont le résultat est de saisir le tribunal des conflits de la question de savoir s'il y a eu faute lourde.

-

1o Des fonctionnaires qui sont protégés. Le terme que l'on trouve dans les lois sur la matière est celui de « agent du gouvernement » (Déclaration des droits, 3-14 septembre 1791, art. 15; Constitution de l'an VIII, art. 75). Est agent du gouvernement tout homme dépositaire d'une parcelle de la puissance publique, si petite soit-elle (Cass. 3 mai 1838). Il s'agit seulement de cette espèce de puissance publique qui procède du pouvoir exécutif, opposé aux deux autres pouvoirs, législatif et judiciaire; seulement il faut faire attention qu'il y a un pouvoir exécutif, dans la commune et dans le département, tout comme dans l'État.

Par conséquent, rentrent dans la définition à titre d'agents du

1. Le décret du 19 septembre 1870 avait indiqué cette voie.

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