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inquiétudes sur les conséquences qui doivent résulter du démembrement de la Belgique; mais, Messieurs, ceux qui se vantent d'avoir fait le Roi, et qui se montrent si susceptibles aujourd'hui, n'ont-ils pas, en le faisant proclamer, mis à côté de son trône des conditions d'existence qu'il va perdre? N'ont-ils pas dit qu'ils défiaient un prince, quel qu'il fût, de régner six mois en Belgique sans le Luxembourg? Eh bien, Messieurs, pourquoi ne pourrait-on pas exprimer l'appréhension que cette prédiction peut se réaliser? Personne ici ne fait des vœux pour qu'elle se réalise, et M. Pirson, tout le premier, n'a-t-il pas fait des vœux directement opposés? Mais je voudrais bien savoir qui de nous a fait intervenir malencontreusement le nom du prince dans nos discussions, ou ceux qui paraissent aujourd'hui si chatouilleux, ou ceux qui expriment le regret de voir venir un état de choses que d'autres ont déclaré devoir être funeste à la royauté belge. Au moment où nous discutons la question de savoir si nous sacrifierons le Luxembourg, on peut, sans inconvénient, faire allusion à la prédiction que vous avez faite lors de l'élection du prince de Saxe-Cobourg; les imprudentes paroles, les allusions inconvenantes, ne sont pas celles qui ont été prononcées aujourd'hui ; ce sont celles qui ont été prononcées au mois de juin 1831.

Quoi qu'il en soit, Messieurs, si l'on donne aux dernières paroles de l'honorable M. Pirson la signification que certains membres ont voulu leur attacher, je n'entends en aucune façon les approuver.

Mais je dis qu'on a eu tort de se montrer aussi susceptible, alors que des précédents pouvaient légitimer ou au moins expliquer ces paroles. Je demande que, donnant moins d'importance à ce qui a été dit dans cette séance, l'on soit plus indulgent et qu'on n'interrompe plus les orateurs; c'est le seul moyen d'éviter l'excitation et de maintenir le calme et la dignité de la chambre.

M. LEBEAU. Messieurs, je ne suis pas du nombre de ceux qui se sont montrés pointilleux, car je n'ai pas entendu le discours de M. Pirson. Ainsi, je n'accepte pas le reproche qui vient d'être articulé par l'honorable préopinant, comme je n'accepte pas non plus le reproche d'imprudence; je m'en expliquerai ultérieurement dans la discussion. Je ferai voir que, si l'on veut apporter une entière bonne foi dans le reproche que l'on m'adresse, il convient de ne pas séparer la phrase qu'on a citée de tout ce qui la précède et de tous les événements qui l'ont suivie. Je ferai, en ce moment, remarquer cette différence que

⚫ lorsque le congrès délibérait, la royauté était absente, le peuple seul délibérait; la constitution n'avait pas encore d'application possible à la royauté. Ce qu'on réclame en ce moment, c'est le respect de cette inviolabilité. La chambre doit, la première, en donner l'exemple, si elle ne veut pas que le pays l'oublie. Voilà la différence fondamentale qu'il faut signaler, et lorsque l'on reviendra sur d'anciennes discussions, je saurai expliquer les paroles que j'ai proférées; je saurai montrer, s'il le faut, que je ne suis pas le seul qui aie prononcé des paroles que l'événement a démenties.

M. WILLMAR, Ministre de la guerre. - Messieurs, je consens à passer condamnation sur la première accusation de M. Gendebien, que je crois aller à mon adresse. J'avoue que j'ai cédé à un mouvement d'indignation qu'a excitée en moi la répétition de ces scènes inconvenantes qui se reproduisent trop souvent dans cette chambre et qui, à mon avis, déconsidèrent et la chambre et le pays lui-même. C'est ce sentiment de profonde indignation, je dirai plus, ce sentiment de mépris que de semblables procédés m'inspirent, qui m'a fait brusquement interrompre l'orateur. Je passe néanmoins condamnation, mais j'ai pensé que les paroles prononcées par M. Pirson ne devaient pas passer sans qu'on les relevât.

Je ne reviendrai pas sur la question d'inconstitutionnalité dont on a fait un reproche à M. Pirson; l'honorable M. Lebeau vient d'en faire justice, et j'espère que la chambre en fera justice à son tour, en rappelant M. Pirson à l'ordre.

Je viens maintenant au fait personnel pour lequel j'ai demandé la parole.

Pendant que j'étais hors de la salle, M. Pirson a prononcé mon nom au milieu d'insinuations injurieuses. Ceci n'est, de sa part, rien autre chose qu'une insolence antiparlementaire (Réclamations sur quelques bancs); oui, Messieurs, une insolence antiparlementaire, et d'autant moins honorable que l'âge de M. Pirson est pour lui une sorte de privilége d'insulter avec impunité. Voilà ce que j'étais bien aise d'avoir l'occasion de dire il faut que ceux qui entendent M. Pirson proférer continuellement des injures sachent qu'il est tout à fait un vieillard de qui on peut supporter des choses qu'on ne supporterait pas de la part d'autres personnes. (Très-bien!)

Quant à ce que M. Pirson a dit, non pas de moi, puisqu'il a déclaré que ce qu'il disait ne s'adressait pas à moi, mais de ma famille, je suis

désolé d'être obligé de me mettre en scène. Mais je déclare ici, et la chose serait facile à vérifier, que la famille nommée par M. Pirson se trouve précisément dans la situation où elle était lorsqu'elle était propriétaire direct de certains établissements qui sont ensuite devenus des apports dans une société ; que ce qu'elle possédait, elle le possède encore avec plus ou moins de valeur, il n'importe, et qu'elle a été en dehors de toute opération qu'on pourrait appeler agiotage.

M. FÉLIX DE MÉRODE.-Messieurs, je pense que M. Pirson s'est servi d'expressions qui, dans mon opinion (je lui en demande pardon), lui mériteraient le rappel à l'ordre. Cependant, il est à remarquer que M. Pirson est notre doyen d'âge; M. Pirson est un excellent citoyen, dévoué au Roi et au pays.

Messieurs, dans la question qui occupe la chambre, nous avons un sujet continuellement irritant à discuter, et je me suis déjà suffisamment expliqué sur la tolérance que les diverses opinions doivent avoir mutuellement. Je regrette beaucoup que M. Pirson ne comprenne pas mieux que, dans cette affaire, chacun des membres de la chambre est dirigé par des sentiments et des motifs qu'il devrait respecter; car enfin la position n'est pas facile, M. Pirson est obligé d'en convenir. Quant à moi, je pense qu'en droit M. Pirson mérite le rappel à l'ordre, mais qu'en fait la chambre pourrait s'abstenir de voter ce rappel à l'ordre.

M. PIRSON. Je n'accepte pas l'absolution que vous voulez me donner. J'ai tort ou je n'ai pas tort; si j'ai tort, rappelez-moi à l'ordre. J'ai été menacé d'un rappel à l'ordre aux états généraux. Il y a encore ici des membres qui m'ont entendu; ils pourront vous dire à quel sujet on voulait me rappeler à l'ordre: ce fut lorsque j'annonçai à la tribune que, si le roi Guillaume ne changeait pas de système envers la Belgique, elle se soulèverait à la première occasion, et qu'il la perdrait. (Mon discours a été imprimé dans tous les journaux du temps.) On a provoqué un rappel à l'ordre qui a été discuté pendant une heure, et le rappel, à la suite de cette discussion, n'a pas été voté.

Messieurs, j'accepte toutes les explications que l'honorable M. Gendebien a données de mes paroles. S'il y a des doutes sur le véritable sens de la dernière phrase que j'ai prononcée, et que j'ai cru pouvoir, sans inconvénient, placer dans la bouche des mânes que je faisais comparaître, je consens à la biffer de mon discours, et elle ne sera pas non plus insérée dans le Moniteur. (Très-bien!)

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M. DE PUYDT. — Messieurs, la question qui se débat ici va décider du sort de deux provinces. Je suis partie intéressée dans cette discussion, en ce sens que je suis représentant d'un district dont on propose la cession. Je viens donc, dans l'intérêt de cette cause, prier ceux qui la défendent avec nous de vouloir bien s'abstenir de toutes paroles blessantes, qui ne peuvent que lui nuire. C'est le calme et la dignité qui doivent présider à cette discussion. (Très-bien! très-bien!)

M. LE PRÉSIDENT. - Puisque M. Pirson consent à retirer l'expression dont il s'est servi, la chambre ne croira sans doute pas devoir donner suite au rappel à l'ordre.

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De toutes parts. Non! non!

M. PIRSON. M. le président, j'ai déposé un amendement; avezvous demandé s'il était appuyé?

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Vu le projet de traité adressé au gouvernement, sous la date du 23 janvier dernier ; vu le projet de loi du gouvernement, tendant à être autorisé à accepter et à signer ledit traité; considérant que la question territoriale, en ce qui concerne le Luxembourg, n'a pas été traitée à la conférence après la reprise des négociations et avant la signature des derniers actes; considérant que cette question si importante a besoin de nouveaux éclaircissements, et qu'il est nécessaire d'appeler sur ce point l'attention des puissances médiatrices, la chambre ajourne la discussion sur la question du refus ou de l'acceptation de l'acte émané de la conférence, jusqu'au moment où, le gouvernement faisant une nouvelle demande, elle croira devoir la remettre à l'ordre du jour.

L'amendement est appuyé.

M. PIRSON.

Ma proposition n'entraîne pas l'ajournement de la discussion pour le moment; j'ai annoncé qu'elle ne pouvait pas être discutée maintenant, et qu'il était nécessaire qu'on l'examinât préalablement.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. de Foere.

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M. DE FOERE. - Messieurs, tous les moyens de négocier un traité

par

moins inique et moins humiliant ont-ils été épuisés? Oui, répond le Ministre des affaires étrangères; tout ce qui a été humainement possible a été tenté. Oui, répond le Ministre des travaux publics, tout a été essayé. Ces réponses sont positives, cependant le doute est si sage, si judicieux dans les affaires humaines, souvent si compliquées elles-mêmes et si embrouillées à dessein. Le doute revêt même un caractère de haute probité quand il parle des droits et des intérêts d'autrui. Or, ici, ce sont les droits et les intérêts de la nation tout entière sur lesquels ces assertions impérieuses sont prononcées. Mais, dit-on, dans certains cercles politiques, un ministère ne peut pas hésiter; il ne peut pas douter; il n'atteindrait pas son but. C'est dire, en d'autres termes : tous les moyens sont bons... Or, Messieurs, vous connaissez la réponse que toujours la morale publique et la conscience commune se chargeront de donner à cette odieuse maxime politique.

C'est sur vos assertions empiriques que vous basez la valeur de votre cruel mot nécessité. Que deviennent, à mes yeux, et vos assertions et la fatale conséquence que vous en tirez, si vous-mêmes, par vos propres œuvres, vous m'avez prouvé que, loin d'avoir épuisé tous les moyens de négociation, vous avez complétement négligé les seuls moyens qui pussent produire quelque résultat ; que vous avez totalement méconnu le vrai caractère des négociations diplomatiques; que vous vous êtes jetés dans le labyrinthe d'une diplomatie minutieuse et insignifiante, qui n'offrait aucune chance de succès; que vous n'avez su éviter les piéges que l'on vous tendait de toute part, ni vous tirer de ceux dans lesquels vous étiez tombés; que vous n'avez rien compris aux vrais et presque seuls ressorts qui font mouvoir la diplomatie; enfin que vous avez même usé de moyens que les ennemis de la Belgique n'auraient pas mieux employés?

Cette tâche, Messieurs, vous paraît difficile; c'est un titre à votre bienveillance et à votre attention. Avant de juger, je demande d'être entendu. Pour moi, cette tâche est pénible, mais l'intérêt et l'amour de mon pays me l'imposent; à cette enseigne, je proteste d'avance contre toute autre interprétation.

Posons d'abord des prémisses que vous-mêmes, sans déchirer l'histoire, vous ne nierez pas.

Quels sont les moyens de négociations diplomatiques? Le plus puissant, c'est l'attitude menaçante de la force, prête à décider les

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