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INTRODUCTION.

La révolution de septembre 1830 n'a pas seulement fondé un ordre de choses nouveau dans le pays qui en a été le théâtre, elle a de plus, et ce n'est pas de ses conséquences la moins importante, fait subir des modifications profondes au système politique européen, tel qu'il avait été institué par les traités de 1814 et de 1815.

On peut donc l'envisager sous un double aspect: celui des changements qu'elle a introduits dans la constitution intérieure des provinces comprises sous le nom de Belgique, et celui des rapports qu'elle a créés et établis entre la Belgique et l'Europe.

Cet ouvrage étant destiné à reproduire la solennelle discussion dont l'objet a été d'asseoir définitivement la nationalité belge sur les bases posées par l'Europe, nous n'avons pas à nous occuper, dans cette introduction, des événements intérieurs qui ont constitué la Belgique; nous devons seulement esquisser à grands traits l'histoire des rapports que le pays a formés et entretenus avec les puissances étrangères pour assurer auprès d'elles son droit de nationalité.

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Cinq grands faits diplomatiques dominent tout le cours de la révolution belge. Nous les retraçons ici dans leur ordre successif : Intervention de l'Europe, représentée par les grandes puissances, dans les différends élevés entre les deux fractions du royaume uni des Pays-Bas ;

Déclaration de l'indépendance de la Belgique par les cinq puissances; Actes divers stipulant les conditions à la faveur desquelles cette indépendance serait reconnue;

Tentatives d'exécution du dernier de ces actes:

Enfin Traité définitif qui, terminant les contestations, fonde, relativement à toutes les puissances de l'Europe, la nationalité belge. Ainsi que nous l'avons dit, c'est la discussion soulevée dans les

chambres législatives belges qui fait le sujet de cet ouvrage; mais nous croyons utile, pour faciliter l'intelligence des débats, de rappeler succinctement les faits principaux de l'ordre diplomatique qui se rattachent aux quatre premiers chefs indiqués plus haut.

§ 1. INTERVENTION DE L'EUROPE.

L'une des plus fortes assises de l'édifice laborieusement élevé par le congrès de Vienne venait d'être renversée dans les journées de septembre 1830. La Belgique, demandant à la force ce que de justes représentations n'avaient pu lui faire obtenir, vit le succès dépasser son espoir; elle secoua enfin le joug imposé par les traités de 1814.

Effrayé de la situation, réduit, pour la défense de ses provinces du Nord, aux débris d'une armée découragée, le roi Guillaume invita avec empressement les puissances signataires du traité de Londres à délibérer sur les meilleurs moyens de mettre un terme aux troubles qui avaient éclaté dans ses États.

Les plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la GrandeBretagne, de Prusse et de Russie, se réunirent en conférence à Londres, le 4 novembre, et ayant annoncé que l'objet de leur mission était conforme à celui qui avait motivé l'invitation formelle du roi Guillaume, ils rédigèrent, le même jour, un protocole dans lequel ils proposaient aux deux parties contendantes la cessation des hostilités, en fixant les limites qui devaient séparer les troupes respectives (Protocole no 1).

Le roi Guillaume et le gouvernement provisoire adhérèrent aux propositions de la conférence, qui, le 17 novembre, déclara que l'armistice, étant convenu de part et d'autre, constituait un engagement pris envers les cinq puissances (Protocole n° 2). Ce fut là le premier pas dans la voie du système d'arbitrage; le protocole du 4 novembre n'avait d'autre caractère que celui de la médiation.

§ 2. DÉCLARATION DE L'INDÉPENDANCE DE LA BELGIQUE.

Le 20 décembre, les plénipotentiaires se réunirent pour délibérer sur les mesures que la situation des choses obligeait d'adopter.

«En formant »>, disent-ils dans le protocole de ce jour, «par les traités de 1814 et 1815, l'union de la Belgique avec la Hollande, les puissances signataires de ces mêmes traités avaient eu pour but de fonder un

juste équilibre en Europe, et d'assurer le maintien de la paix générale. » Les événements des quatre derniers mois ont malheureusement démontré que cet amalgame parfait et complet que les puissances voulaient opérer entre les deux pays n'avait pas été obtenu, qu'il serait désormais impossible à effectuer, qu'ainsi l'objet même de l'union de la Belgique avec la Hollande se trouve détruit, et que dès lors il devient indispensable de recourir à d'autres arrangements pour accomplir les intentions à l'exécution desquelles cette union devait servir de moyen (Protocole no 3). »

Les plénipotentiaires annonçaient ensuite qu'ils s'occuperaient de discuter et de concerter les nouveaux arrangements les plus propres à combiner l'indépendance future de la Belgique avec la teneur des traités, avec les intérêts et la sécurité des autres puissances, et avec la conservation de l'équilibre européen.

Les protestations du roi Guillaume et de son plénipotentiaire ne prévalurent pas contre cette déclaration.

§ 3. CONDITIONS DE L'INDÉPENDANCE DE LA BELGIQUE.

Le principe posé, il s'agissait de stipuler les conditions auxquelles la Belgique serait admise dans le sein de la grande famille européenne. Déjà, lors du premier protocole et des explications qu'il avait provoquées, la question des limites s'était présentée; mais un profond dissentiment régnait, à cet égard, entre le gouvernement provisoire et la conférence. Le gouvernement provisoire réclamait pour la Belgique la possession des provinces entières du Limbourg et du Luxembourg, et celle de la rive gauche de l'Escaut. Les commissaires de la conférence avaient combattu ces prétentions, et le protocole du 20 décembre déclarait que « les arrangements à intervenir ne pourraient affecter en rien les droits que le roi des Pays-Bas et la confédération germanique exerçaient sur le grand-duché de Luxembourg. »

Les plénipotentiaires procédèrent à l'examen des diverses questions à résoudre, pour faire l'application des principes fondamentaux consignés dans le protocole du 20 décembre. Réunis en conférence le 20 janvier 1831, après avoir fait des propositions qui leur avaient été remises de part et d'autre l'objet d'une étude sérieuse, ils jugèrent indispensable de poser, avant tout, des bases, quant aux limites des deux États (Protocole no 11), et, le 27 janvier, ils en établirent de

a.

nouvelles quant aux arrangements de finance, dé commerce et autres qu'exigeait la séparation (Protocole n° 12). Ces doubles stipulations, réunies dans un nouvel ordre, furent communiquées aux deux parties, sous le titre de bases destinées à établir la séparation de la Belgique d'avec la Hollande (Annexe A au protocole n° 12). Voici la teneur de ce document:

BASES DE SÉPARATION.

I. Arrangements fondamentaux.

Article Premier. Les limites de la Hollande comprendront tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas en l'année 1790.

ART. 2. La Belgique sera formée de tout le reste des terrritoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas dans les traités de 1815, sauf le grand-duché de Luxembourg, qui, possédé à un titre différent par les princes de la maison de Nassau, fait et continuera à faire partie de la confédération germanique.

ART. 3. Il est entendu que les dispositions des articles 108 jusqu'à 117 inclusivement de l'acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, sont appliquées aux rivières et aux fleuves qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.

ART. 4. Comme il résulterait néanmoins des bases posées dans les articles 1 et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves sur leurs territoires respectifs, il sera effectué, par les soins des cinq puissances, tels échanges et arrangements entre les deux pays, qui leur assureraient l'avantage réciproque d'une entière contiguïté de possession et d'une libre communication entre les villes et places comprises dans leurs frontières.

ART. 5. En exécution des art. 1, 2 et 4, qui précèdent, des commissaires démarcateurs hollandais et belges se réuniront, dans le plus bref délai possible, en la ville de Maestricht, et procéderont à la démarcation des limites qui doivent séparer la Hollande de la Belgique, conformément aux principes établis à cet effet dans les art. 1, 2 et 4 mentionnés ci-dessus.

Les mêmes commissaires seront autorisés à prononcer sur les échanges et arrangements dont il est question en l'art. 4; et s'il s'élevait entre lesdits commissaires, soit au sujet de ces arrangements indispensables, soit en général, dans les travaux de la démarcation, des dissentiments qui ne pussent être conciliés à l'amiable, les cinq cours interposeraient leur médiation et ajusteraient les différends de la manière la plus analogue aux principes posés dans les mêmes articles 1, 2 et 4.

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