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législation qui modifie ou détruit certains droits de propriété. Ainsi les décrets des 2 septembre 1862 et 22 juin 1863 desquels résulte la liberté de la boulangerie, n'ont pu donner lieu à garantie (Comp. t. I, no 77), pas plus que les lois d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Quant au point de savoir si la dépossession résultant d'une sentence injuste ou de l'erreur du juge donne lieu à garantie, nous l'examinerons plus loin (infrà, 134).

La soumission du fonds vendu aux servitudes légales, notamment à la servitude de reculement, par application d'un plan général d'alignement, ne peut pas davantage motiver un recours en garantie (1), sauf à obliger le vendeur qui aurait indiqué dans quelle mesure l'immeuble vendu était sujet à reculement, à indemniser l'acheteur en cas de reculement plus considérable (2).

On a encore jugé que le vendeur serait garant des conséquences d'un alignement exécuté en vertu d'une clause domaniale insérée par l'Etat vendeur dans l'adjudication primitive d'un terrain, et non spécialement révélée à l'acheteur (3).

Il faut appliquer les mêmes principes aux cas où un arrêté de délimitation viendrait réduire l'étendue de la chose vendue. Ainsi, lorsque dans le cahier des charges ayant servi de base à l'adjudication d'une prairie, il a été expliqué que la dite prairie confinait à un fleuve, l'acheteur ne pourra recourir contre son vendeur à raison d'une délimitation ultérieure qui lui serait préjudiciable. La prairie par le seul fait de ce confin était éventuellement sujette à délimitation. La réalisation de cette mesure n'a été que la conséquence d'un état de choses préexistant, connu de l'acheteur (4).

(1) Orléans, 21 janv. 1835, S. 35, 2, 247.

(2) Cass. 4 mai 1870, S. 71, 1, 48.

(3) Cass. 14 juin 1853, S. 53, 1, 525; Voy. GUILLOUARD, t. I, 311. (4) Cass. 17 oct. 1893, D. 94, 1, 43.

Enfin l'acheteur d'un hôtel meublé qui a été contraint par l'autorité administrative de supprimer plusieurs chambres ou cabinets n'ayant pas le cube d'air réglementaire exigé par une ordonnance de police en vigueur au moment de la vente, n'est pas en droit de réclamer, pour ce fait, des dommagesintérêts au vendeur. Il faudrait, pour qu'il en fût autrement, une clause spéciale de garantie prévoyant cette interdiction partielle d'habitation. L'indication du nombre des chambres et cabinets ne saurait à elle seule être considérée comme étant l'équivalent d'une semblable clause. C'est une simple description de la chose vendue dont l'acheteur a pu vérifier par lui-même l'état au point de vue des prescriptions hygiéniques à observer (1).

107. Les règles que nous venons d'exposer ont trait à ce qu'on appelle la garantie de droit.

L'obligation de prester une telle garantie, comprend trois chefs d'après les auteurs :

1o Le vendeur serait tenu de l'obligation négative de ne pas troubler l'acheteur dans sa possession: nous verrons sous l'art. 1628 quel peut être le sens de cette formule (2);

2o Il est tenu de l'obligation positive de le défendre et de prendre son fait et cause s'il est attaqué;

3o Si le vendeur ne peut protéger efficacement l'acheteur, il doit l'indemniser du préjudice que lui cause l'éviction.

Ces obligations sont subsidiaires et se présentent comme une sanction de l'obligation principale de livrer la chose et de maintenir l'acheteur en possession à titre de propriétaire.

Mais, comme la garantie n'est pas de l'essence de la vente,

(1) Paris, 12 mai 1888, D. 89, 2, 228; Paris, 29 juill. 1886, S. 88, 2, 114.

(2) Voy. BAUDRY-LACANTINERIE, t. III, no 540; GUILLOUARD, t. I, 329.

elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie (*).

ART. 1627. Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit, ou en diminuer l'effet; Ainsi le vendeur d'un immeuble est obligé de déclarer les hypothèques grevant cet immeuble. S'il a ainsi agi, il est en règle. L'acheteur est alors averti qu'il doit remplir les formalités de la purge pour se mettre à l'abri d'une éviction possible de la part des créanciers hypothécaires. Si cette éventualité se produit, le vendeur est à l'abri de tout recours, car l'art. 1626 ne soumet le vendeur à la garantie que pour les charges non déclarées lors de la vente. Mais si le vendeur avait pris l'engagement de rendre l'immeuble libre des hypothèques dont il était grevé, et qu'il ait manqué à cet engagement, il y aura extension de son obligation de garantie, et il sera responsable de l'éviction qui serait la conséquence directe de ce manquement (1). Nous remarquons, sur ce point, que l'engagement du vendeur sera suffisamment rempli si celuici établit que les créanciers ont valablement consenti à la mainlevée de leurs hypothèques, quoiqu'il ne produise pas actuellement les certificats de radiation (2).

L'extension de la garantie dans l'hypothèse précitée résultait d'une clause spéciale indiquant nettement sur quel point portait l'extension convenue. Il faut toujours qu'il en soit ainsi. Quand il s'agit en effet d'ajouter à l'obligation dont le vendeur est naturellement tenu en vertu du caractère même de son contrat, il est nécessaire qu'une clause expresse fasse apparaître les situations envisagées par les parties. Ainsi il peut être stipulé que le vendeur répondra de tous les cas fortuits qui pourraient atteindre la chose vendue entre la vente et la tradition. La formule est générale mais elle se réfère à

(*) Art. 1627. — L. 11, § 1, 18, D. 19, 1, De act. empt. et vend.; L. 23, D. 50, 17, De div. reg. jur.

(1) Cass. 11 nov. 1891, D. 92, 1, 293.

(2) Liège, 5 avr. 1873, Pas., 73, 2, 231.

certains événements spéciaux. Elle laissera donc en dehors les faits du prince. Pour que le vendeur réponde d'un fait du prince, il faudrait une déclaration formelle (1).

Quant à la clause devenue de style portant que: « La vente est faite avec garantie de tous troubles et évictions quelconques », elle n'ajoute absolument rien aux obligations dont le vendeur est tenu en vertu de la garantie de droit.

Les parties peuvent aussi diminuer ou restreindre les effets ordinaires de la garantie de droit. La clause rédigée dans ce but a tous les effets d'une renonciation, et peut être insérée soit dans l'acte même d'acquisition, soit dans un acte postérieur. Dans tous les cas, elle ne pourra valablement émaner que de personnes majeures et maîtresses de leurs droits.

Le vendeur peut donc soit désigner expressément les troubles dont il ne sera pas garant, par exemple ceux qui résulteront de servitudes occultes grevant à son insu l'immeuble vendu, soit limiter sa garantie à certains troubles spécialement indiqués, avec exclusion de tous les autres.

Les parties pourraient même, d'après notre art. 1627, convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie. Remarquons tout de suite que la stipulation de non garantie ne porte que sur les dommages-intérêts et laisse le vendeur soumis à l'obligation de restituer le prix, obligation qui a son principe dans des considérations tout à fait étrangères à la garantie.

108. Néanmoins,

ART. 1628. Quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui ré

sulte d'un fait qui lui est personnel toute convention contraire est nulle (*).

(*) Art. 1628. L. 6, § 9; L. 11, § 18, D. 19, 1, De act. empt. et vend.

(1) AUBRY et RAU, § 355, texte et note 42; LAURENT, t. XXIV, no 253; ARNTZ, t. III, n° 1008; BAUDRY-LACANTINERIE, t. III, no 560; GULLLOUARD, t. I, n° 386; Comp. Metz, 26 déc. 1848, S. 51, 2, 265.

Cela veut dire que, même dans l'hypothèse où le vendeur, en vertu d'une clause formelle, ne sera soumis à aucune garantie en cas d'éviction, il sera cependant garant de l'éviction résultant d'un fait qui lui serait personnel.

Par fait personnel il faut entendre tout fait émané du vendeur lui-même, de nature à fonder un droit au profit d'un tiers autre que l'acheteur, et opposable à ce dernier. Ainsi, par exemple, le vendeur d'un fonds le revend à un deuxième acheteur qui fait transcrire son acte de vente avant que le premier ait rempli cette formalité. Il en serait de même si le vendeur avait consenti une hypothèque sur le fonds vendu avant que l'acheteur ait fait transcrire (1). Dans toutes ces hypothèses l'éviction consommée par un tiers procédera néanmoins d'un fait personnel au vendeur. Celui-ci devra donc être garant, quand même l'acte contiendrait une clause de non garantie.

Il y aura encore fait personnel dans le cas inverse, lorsque le vendeur, après la vente, a acquis, n'importe comment, un droit sur la chose. Ainsi le fonds vendu était grevé d'une hypothèque, d'une servitude, d'un usufruit, en un mot d'un droit réel dont l'existence a été dissimulée à l'acheteur. Si le tiers à qui ce droit appartient prétend le faire valoir contre l'acheteur, celui-ci pourra appeler le vendeur en garantie. Donc le vendeur devenu, on le suppose, acquéreur de ce même droit réel, ne pourra pas prétendre l'exercer vis-à-vis de l'acheteur, puisqu'il serait lui-même appelé à venir le défendre et à prendre son fait et cause. On pourra donc lui opposer, sous forme d'exception, la garantie dont il demeure tenu: Quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio. Si sa prétention se manifestait non judiciairement, mais par un simple trouble de fait, l'acheteur agirait direc

(1) COLMET DE SANTERRE, t. VII, no 63 bis I et II; LAURENT, t. XXIV, n° 254.

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