Page images
PDF
EPUB

teur; celui-ci ne pourra prétendre à rien au delà à titre d'indemnité pour la dépossession, et il percevra la somme de 10 à titre pur et simple de restitution d'un prix qui n'était pas dû.

L'obligation de restituer le prix ayant son principe dans cette circonstance que l'éviction a démontré qu'il y avait eu vente de la chose d'autrui, vente qui est nulle d'après l'art. 1599, ne peut se trouver modifiée, quant à son quantum, par aucun événement postérieur, qui viendrait diminuer la valeur de la chose. Par conséquent :

ART. 1631. Lorsqu'à l'époque de l'éviction, la chose vendue se trouve diminuée de valeur ou considérablement détériorée, soit par la négligence de l'acheteur,

soit par des accidents de force majeure, le vendeur n'en est pas moins tenu de restituer la totalité du prix (*).

Le vendeur ne peut pas se plaindre. La chose dont il s'agit ne lui appartenait pas. Si au lieu de la vendre il l'avait gardée, la revendication au lieu d'être dirigée contre l'acheteur aurait été poursuivie contre lui, et il aurait été obligé de délaisser la chose sans pouvoir en garder l'équivalent; comment pourrait-il prétendre à cet équivalent ou à une partie de cet équivalent, c'est-à-dire du prix, parce qu'il a fait ce qu'il n'avait pas le droit de faire, c'est-à-dire vendu la chose d'autrui? Le texte formel de l'art. 1631 rend forcément le même raisonnement applicable au cas où la chose vendue aurait subi, antérieurement à l'éviction, une diminution dans son tout par le retranchement matériel d'une partie quelconque, résultant d'un cas fortuit ou de tout autre événement analogue qui n'aurait pas donné lieu à la garantie. Il faut supposer, bien entendu, que la revendication du tiers a porté sur la totalité de la chose, et non pas seulement sur la portion qui en reste, de sorte que c'est le contrat tout entier qui doit être considéré comme n'ayant jamais existé (1).

(*) Art. 1631. — Voy. L. 66, 70, D. 21, 2, De evict.; L. 45, D. 19, 1, De act. empt. et vend.

(1) POTHIER, Vente, no 155; Comp, ibid., n. 69.

119. L'art. 1631, qui ne fait aucune distinction, doit également s'appliquer à la vente d'objets dont la durée est essentiellement bornée, comme celle des animaux domestiques (1), ainsi qu'à la vente d'un droit d'usufruit ou à la cession d'une rente viagère.

Ce dernier point cependant est contesté: Dumoulin et Pothier soutenaient en effet que, lorsque la chose vendue devait n'avoir qu'une durée limitée, la dépréciation au moment de l'éviction résultait précisément de ce que l'acheteur avait possédé utilement la chose pendant une certaine durée de son existence, ce qui devait être assimilé à une restitution partielle du prix, de sorte que l'usufruit ou la rente viagère étant décomposé en un certain nombre d'annuités, l'éviction ne portait pas, en réalité, sur les annuités antérieures, mais seulement sur les annuités à venir. Il faudrait donc appliquer à l'hypothèse les règles sur l'éviction partielle (2). Cette opinion peut être défendue (Comp. t. IV, nos 187 et 188), mais elle ne paraît présenter qu'un intérêt théorique.

Dans cette opinion le vendeur ne serait pas tenu de restituer le prix dans son entier.

De même si le vendeur avait fait précédemment quelque paiement à l'acheteur à titre d'indemnité, soit pour une éviction partielle, soit à raison de quelque servitude dont le fonds se trouvait grevé, il y aurait là une restitution déjà faite d'une partie du prix, et il faudrait en tenir compte au vendeur. Si l'acheteur a reçu du propriétaire qui l'a évincé une indemnité pour amélioration antérieure à la vente, le vendeur peut en déduire le montant du prix à restituer. Nous supposons d'ailleurs que ces améliorations n'ont pas augmenté la valeur de la chose, ce qui peut fort bien arriver si, d'autre part, la chose a subi des détériorations pour une valeur égale.

(1) Contrà, DUVERGIER, t. I, n. 362.

(2) POTHIER, De la vente, n° 161 et 162; GUILLOUARD, t. I, no 354.

120. Les détériorations résultant de la négligence de l'acheteur ou d'accidents de force majeure, sont supportées par le vendeur, en ce sens que la diminution qui en résulte quant à la valeur de la chose évincée, n'entraîne pas une diminution dans l'obligation de restituer la totalité du prix. retenir sur le prix une somme égale à ce profit,

ART. 1632. Mais si l'acquéreur a tiré profit des dégradations par lui faites, le vendeur a droit de

car il a été ainsi remboursé du prix de l'héritage jusqu'à concurrence de cette somme.

Il ne faut pas conclure des termes du texte, qu'il s'agit à proprement parler d'un droit de rétention reconnu au vendeur. Celui-ci, en effet, débiteur d'une somme égale au prix, se trouve en même temps constitué créancier d'une somme égale au profit retiré par l'acquéreur des dégradations. Il y a donc lieu seulement d'établir une compensation à due concurrence. Donc si le vendeur a payé le prix intégral sans opérer les réductions auxquelles il a droit, il pourra toujours agir pour se faire payer ce qui lui est dû, ou se faire restituer ce qu'il a payé en trop.

L'application des règles ci-dessus produit ce résultat bizarre de créer, dans certains cas, pour l'acheteur un très grand intérêt à être évincé. L'éviction le décharge en effet des détériorations qu'a subies la chose, même de celles qui proviennent de son fait, tandis que ces détériorations auraient été pour son compte s'il eût continué de posséder paisible

ment.

121. L'acheteur n'est donc jamais exposé à perdre; il a au contraire la chance de gagner.

Car,

ART. 1633. Si la chose vendue se trouve avoir augmenté de prix à l'époque de l'éviction, indépendamment même du fait de

l'acquéreur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu'elle vaut audessus du prix de la vente (*).

(") Art. 1633. L. 1, 45, 66, D. 21, 2, De evict.; L. 45 S 1, D. 19, 1, De act. empt. et vend.

La plus-value, pourvu qu'elle soit acquise avant l'éviction (1), est due, quelque grande qu'elle soit, sans distinguer si le vendeur est de bonne ou de mauvaise foi, ou si elle provient d'une cause qu'il était impossible de prévoir. Il n'y a pas lieu d'admettre l'exception de l'art. 1150 (arg. article 1639) (2). Mais comme l'acheteur s'enrichit alors par le résultat d'un contrat à titre onéreux, il est juste de laisser à sa charge une part proportionnelle des frais et loyaux coûts de ce contrat (3).

122. Si l'acheteur a fait des travaux sur la chose vendue, que ces travaux en aient ou non augmenté la valeur, il pourra obtenir de ce chef une indemnité d'après les distinctions suivantes :

D'abord pour le cas où la vente a été faite de bonne foi,

ART. 1634. Le vendeur est tenu de rembourser ou de faire rembourser à l'acquéreur, par celui qui l'évince, toutes les réparations et améliorations utiles qu'il aura faites au fonds (*).

vendu de mauvaise foi le fonds d'autrui, il sera obligé de rembourser à l'acquéreur toutes les dépenses, même voluptuaires ou d'agrément que celui-ci aura faites au fonds (**).

ART. 1635. Si le vendeur avait L'acheteur évincé, en ce qui concerne les créances nées des dépenses nécessaires et utiles par lui faites sur la chose vendue jouit, vis-à-vis du revendiquant, d'un droit de rétention pour en assurer le remboursement (Voy. t. VII, no 169), mais non pour les créances relatives à la restitution du prix, aux frais et loyaux coûts dont il ne peut réclamer le paiement qu'à son vendeur.

123. Nous arrivons au cas d'éviction partielle.

(*) Art. 1634.

(**) Art. 1635.

[blocks in formation]

- L. 45 S 1, D. 19, 1, De act. empt. et vend.

(1) Cass. 19 mai 1863, S, 64, 1, 73.

(2) AUBRY et RAU, § 355, texte et notes 2 et 34; LAURENT, t. XXIV, n° 246; ARNTZ, t. III, n° 1004; BAUDRY-LACANTINERIE, t. III, no 552; GUILLOUARD, t. I, no 359, 360.

(3) COLMET DE SANTERRE, t. VII, n° 60 bis II; GUILLOUARD, t. I, n° 361; Contrà, LAURENT, t. XXIV, no 247.

Trois cas doivent être distingués :

1° Celui où l'acquéreur est évincé d'une partie matériellement déterminée, ou d'une partie aliquote (le tiers, le quart...) de la chose vendue;

2. Celui où l'éviction résulte de ce que l'un des éléments du dominium a été mal à propos compris dans la vente; lorsque, par exemple, une adjudication sur saisie immobilière a été annulée comme ayant porté à tort sur la pleine propriété d'un immeuble dont le saisi n'était que nu-propriétaire (1);

Les deux hypothèses qui précèdent sont régies par les articles 1636 et 1637.

3. Le cas où l'éviction résulte de l'absence de servitudes actives déclarées par le vendeur, ou de l'existence de servitudes occultes, ou même de servitudes apparentes que le vendeur avait déclaré ne pas exister. Cette hypothèse est réglée par l'art. 1638.

Les art. 1636, 1637 et 1638 sont applicables aux ventes faites par autorité de justice.

124. Le Code a résumé dans les deux articles suivants toutes les obligations du vendeur en cas d'éviction partielle proprement dite soit d'une partie indivise ou aliquote, soit d'une fraction divise :

ART. 1636. Si l'acquéreur n'est évincé que d'une partie de la chose, et qu'elle soit de telle conséquence, relativement au tout, que l'acquéreur n'eût point acheté sans la partie dont il a été évincé, il peut faire résilier la vente (*).

ART. 1637. Si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds

vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur (**).

L'art. 1636 a simplement pour effet de permettre à l'acheteur de se placer dans la même situation que s'il avait éprouvé

(*) Art. 1636. (") Art. 1637.

L. 38 S ult., D. 21, 1, De ædil. edict.
L. 1, 13, 15, D. 21, 2, De evict.

(1) Toulouse, 1er déc. 1891, S. 93, 2, 6.

« PreviousContinue »