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blic, le domaine de l'État, les biens départementaux et communaux, déclaré inviolable la propriété possédée tant par les indigènes que par les Européens et reconnaît, tels qu'ils existaient au moment de la conquête ou tels qu'ils ont été maintenus, réglés ou constitués postérieurement par le gouvernement français, les droits de propriété et les droits de jouissance appartenant aux particuliers, aux tribus et aux fractions de tribu (art. 11). Enfin, elle dispose, dans son art 14, qu'aucun droit de propriété ou de jouissance portant sur le sol du territoire d'une tribu ne pourra être aliéné au profit de personnes étrangères à la tribu, et elle réserve à l'État seul la faculté d'acquérir ces droits dans l'intérêt des services publics ou de la colonisation. En conséquence, elle déclare nulles de plein droit, même entre parties contractantes, toutes aliénations ou acquisitions faites contrairement aux prohibitions qu'elle édicte.

colonisation de l'Algérie par l'élément européen se développa de plus en plus, et le Gouvernement se préoccupa de faire appliquer le troisième paragraphe de l'art. 2 du sénatus-consulte et d'établir la propriété individuelle; ce fut le but principal de la loi du 26 juillet 1873.

Cette loi pose d'abord en principe que la propriété immobilière en Algérie, sa conservation, la transmission contractuelle qui peut en être faite, sont régies par la loi française, quels que soient les propriétaires; elle abolit tous droits réels ou servitudes fondés sur le droit musulman ou kabyle en ce qu'il peut avoir de contraire à la loi française, déclare que le droit de cheffâa ne pourra être opposé aux acquéreurs qu'à titre de retrait successoral, et rend applicables les lois françaises et notamment celle du 23 mars 1855.

Enfin, elle détermine la procédure à suivre pour la constatation de la propriété privée et la constitution de la propriété individuelle, c'est-àdire par unité familiale, sauf aux individus composant cette unité à rester dans l'indivision, mais seulement dans les termes de l'art. 815 du Code civil.

L'expérience a permis de constater plusieurs imperfections dans les dispositions de cette loi, notamment les suivantes : 1° les titres ou actes de propriété, établissant dans la forme adminis

182. Le système du cantonnement fut un moment appliqué, à titre d'essai; il consistait, par analogie avec le cantonnement forestier, à ne laisser aux tribus què les terres qui leur étaient nécessaires, à prélever pour le compte de l'État celles qu'elles ne pouvaient mettre effectivement en valeur, et à leur abandonner la propriété intégrale des premières sur lesquelles les gens de la tribu devaient vivre désormais. Par ce procédé, on cantonna seize tribus, et, sur une étendue to-trative les droits constatés ou constitués, avaient tale de 343 387 hectares dont elles avaient la jouissance, l'État en préleva 61 000 au profit de la colonisation; ce système fut abandonné en 1861; il soulevait des récriminations trop vives.

183. Sénatus-consulte de 1863. Intervint alors le sénatus-consulte de 1863, qui marque une date importante dans la constitution de la propriété indigène; il déclare les tribus de l'AIgérie propriétaires des territoires dont elles avaient la jouissance permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce soit, et confirme tous actes, partages ou distractions de territoires intervenus entre l'État et les indigènes (art. 1or).

Il réserve (art. 5) les droits de l'Etat à la propriété des biens de l'ancien gouvernement turc (Heylik) et ceux des propriétaires des biens melk, ainsi que le domaine public et le domaine de l'Etat, tels qu'ils sont définis par les art. 2 et 4 de la loi du 16 juin 1871.

Il décide, en outre, qu'il sera procédé administrativement et dans le plus bref délai :

1° A la délimitation des territoires des tribus ; 2o A leur répartition entre les différents douars de chaque tribu;

3o A l'établissement de la propriété individuelle entre les membres de ces douars (art. 2). Un règlement d'administration publique du 23 mai 1863 détermine les formes d'application des deux premiers paragraphes de l'art. 2 du sénatus-consulte. Mais son exécution a été retardée pour le troisième paragraphe, relatif à l'établissement de la propriété individuelle.

Les travaux de délimitation et de répartition, commencés aussitôt, furent suspendus au moment de la guerre de 1870.

184. Loi du 26 juillet 1873. A la suite des événements malheureux de cette guerre et de l'insurrection des Arabes en 1871, l'idée de la

très souvent pour objet, comme conséquence de la loi successorale musulmane, des parts infinitésimales, des dix-millièmes et même des millionièmes d'un terrain dont la superficie pouvait n'être pas considérable: 2° les formalités de la purge spéciale autorisée par le titre II ne permettaient pas toujours de préciser suffisamment l'immeuble vendu; 3° la publicité par insertions dans les journaux était insuffisante; 4° les terrains arch demeuraient frappés d'inaliénabilité tant qu'ils n'avaient pas été soumis aux opérations du commissaire-enquêteur.

185. Loi du 28 avril 1887. Le législateur de 1887 a voulu remédier à ces inconvénients, modifier et compléter la loi du 26 juillet 1873.

Dans ce but, la loi du 28 avril 1887 a prescrit de procéder, dans le plus bref délai, aux opérations de délimitation et de répartition prévues par les paragraphes 1 et 2 du sénatus-consulte du 22 avril 1863, dans les tribus. où ces opérations n'avaient pas déjà été exécutées, et a organisé une procédure spéciale, avec réduction des frais, pour la licitation des terrains dont la propriété a été constituée par application de la loi du 26 juillet 1873, pendant un délai de 5 ans à compter de cette application.

En outre, en vertu de cette loi, les commissaires-enquêteurs doivent procéder au partage, entre familles copropriétaires, de tous les immeubles commodément partageables; les formalités de la purge spéciale sont complétées par un bornage du terrain vendu et ce bornage est opéré, après publicité suffisante, par le juge de paix, avec l'assistance des intéressés ou eux dûment convoqués. Enfin, tout Européen ayant reçu d'un indigène la promesse de vente d'une terre arch, peut faire procéder à une enquête partielle portant sur les droits que cet indigène peut avoir a

la propriété du terrain vendu et obtenir le titre de propriété prévu par la loi de 1873.

186. Décret du 22 septembre 1887. En conformité des prescriptions de la loi de 1887, un décret du 22 septembre de la même année a déterminé les formes et conditions suivant lesquelles il doit être procédé aux opérations de délimitation et de répartition prévues par les paragraphes 1 et 2 du sénatus-consulte du 22 avril 1863; ces opérations sont effectuées par des commissaires délimitateurs, ordinairement des agents du service topographique, sous la direction d'une commission spéciale, dite commissiou administrative départementale, composée, suivant le territoire, du préfet ou du général commandant la division, du directeur des domaines, du conservateur des forêts, du chef du service topographique; un sousinspecteur des domaines est attaché à la commission en qualité de secrétaire et il a voix consultative.

Le commissaire délimitateur reconnaît, en présence des djemâas intéressées, les limites des tribus et des douars, et procède au classement des divers groupes de propriété suivant les destinations suivantes :

1° Immeubles appartenant au domaine de l'État autres que les biens vacants;

2o Immeubles communaux;

3o Groupes de terres occupées par les indigènes à titre melk ou de propriété privée ;

4o Groupes de terres occupées par les indigènes à titre arch ou de propriété collective;

5o Immeubles dépendant du domaine public. Il dresse de ces diverses opérations un procèsverbal descriptif auquel il annexe les plans nécessaires à l'intelligence de l'opération, et il le dépose entre les mans du juge de paix, ou, à défaut, du maire ou de l'administrateur; une traduction en arabe de ce procès-verbal et une copie du plan sont également déposées entre les mains, soit du président de la djemâa, soit de l'adjoint indigène.

187. Réclamations el oppositions. Ceux qui ont des réclamations à élever contre les constatations du procès-verbal du commissaire délimitateur, doivent les formuler, à peine de déchéance, dans le délai d'un mois à partir de la date du dépôt et doivent énoncer, à peine de nullité, la situation, la nature, la contenance approximative de l'immeuble objet de la réclamation, et, au moins, deux de ses tenants et aboutissants. Les oppositions aux réclamations formulées doivent être formées dans le délai d'un mois à partir de l'expiration de celui fixé pour les réclamations; elles sont inscrites sur les registres des réclamations et elles doivent être motivées. En cas d'opposition, le réclamant doit, à peine de nullité, introduire sa demande en justice par une citation signifiée à qui de droit dans le mois qui suit la notification en la forme administrative de l'opposition; cette demande doit être, en même temps, dénoncée au président de la commission administrative. A l'expiration de ce délai, le commissaire délimitateur complète et clôture son travail qui est transmis à la commission administrative et soumis ensuite à l'homologation du gouverneur général.

188. Loi du 16 février 1897. Par application du décret du 22 septembre 1887, les travaux de délimitation et de répartition, prévus par les paragraphes 1 et 2 du sénatus-consulte de 1863, ont été effectués sur la presque totalité du territoire civil de l'Algérie; les travaux, encore en cours dans quelques tribus, sont sur le point d'être terminés. Dans ces conditions, le Gouvernement s'est préoccupé de reprendre l'œuvre de la constatation et de la constitution de la propriété individuelle; c'est le but poursuivi par la loi du 16 février 1897, qui institue une procédure nonvelle à cet égard. Adoptant la théorie de l'administration, elle a consacré les différences importantes qui distinguent les terres arch des terres melk et elle a déclaré la juridiction administrative seule compétente pour trancher les litiges qui s'élèvent en terrain arch, jusqu'au moment de la constitution de la propriété individuelle

Sous l'empire des lois des 26 juillet 1873 et 28 avril 1887, les immeubles indigènes pouvaient donner lieu, de la part de l'administration, à la délivrance de titres français, dans les trois cas ci-après :

1o A la suite d'enquêtes d'ensemble entreprises, sur l'initiative de l'administration, pour toute l'étendue du territoire d'un douar, et opérées suivant des procédures différentes, selon qu'il s'agissait de constater la propriété en territoire melk (chap. 1er du titre 11 de la loi du 26 juillet 1873), ou de la constituer en territoire arch ou sabega (chap. II, ibid.);

2o A la suite de l'accomplissement des formalités de purge spéciale réglées par le titre III de la loi du 26 juillet 1873 et l'article 6 de la loi du 28 avril 1887, pour les immeubles vendus par des indigènes à des Européens dans les territoires melk non encore soumis à une enquête d'en semble;

3o A la suite d'enquêtes partielles effectuées en exécution des art. 7 à 10 de la loi du 28 avril 1887, pour des immeubles ayant fait l'objet, en territoire arch ou sabega, d'une promesse de vente à un Européen.

La nouvelle loi abroge ces différentes procedures et y substitue un système unique d'enquêtes partielles pouvant être ouvertes, en territoire de propriété privée, à la requête de tous propriétaires ou acquéreurs, européens ou indigènes.

Elle réalise, en outre, une réforme importante, par rapport au régime précédent, en disposant que les titres qui seront délivrés par le service des domaines, à la suite des enquêtes qu'elle prévoit, prévaudront contre tous titres antérieurs, quelles que soient la forme et la nature de ceuxci. De cette façon se trouve évité, pour les titres à venir, l'écueil où a sombré en partie l'œuvre du législateur de 1873.

Les formes et conditions dans lesquelles les enquêtes partielles devront être effectuées et les titres délivrés, sont déterminées par les art. 4 à 13 de la loi. Voici, brièvement analysées, les différentes phases de la procédure.

189. Cette procédure débute par une requête adressée, suivant le cas, au préfet ou au général commandant la division et contenant une dési

gnation aussi précise que possible de l'immeuble. Au reçu de cette requête, le préfet ou le général prend un arrêté désignant le fonctionnaire qui sera chargé de l'enquête et fixant le jour de l'opération. Il fait procéder, en même temps, aux insertions et publications destinées à prévenir tous les intéressés et à les mettre en demeure d'avoir à affirmer leurs prétentions sur les terrains désignés.

L'enquête doit être ouverte dans les trente jours qui suivent la réception de la requête.

Au jour indiqué, le commissaire-enquêteur se rend sur les lieux pour procéder, en présence du requérant ou lui dûment appelé, au bornage et au levé du plan, ainsi que pour recueillir les dires de tous ceux qui prétendent contester les droits du requérant.

Les opérations faites et les dires recueillis, un procès-verbal provisoire est dressé par le commissaire-enquêteur. lmmédiatement après sa clôture, ce procès-verbal est déposé à la mairie et sa traduction en arabe est envoyée à l'adjoint indigène. Du jour de ce double dépôt, annoncé par des publications et affiches, court un délai de quarante-cinq jours pendant lequel il est encore loisible à tous les intéressés, dont les dires n'ont pas été recueillis au cours des opérations ou qui auraient à en formuler de nouveaux, de les venir consigner à la suite du procès-verbal provisoire, dans l'un des lieux de dépôt. l'assé ce délai, toute réclamation est tardive et impuissante à sauvegarder les droits du réclamant. Celui-ci n'aura désormais qu'une simple action en indemnité contre celui qui aura profité de sa déchéance.

Dans les dix jours qui suivent l'expiration du délai de dépôt, le commissaire-enquêteur se transporte de nouveau sur les lieux, si de nouvelles réclamations se sont produites, et rédige ensuite un procès-verbal définitif. Il mentionne dans ce procès-verbal les dires et réclamations recueillis, fournit son avis motivé tant sur le mérite de la requête que sur les réclamations, et signale d'office les droits pouvant appartenir à l'État sur les terrains objet de l'enquête.

Jusque-là, les formalités sont les mêmes en territoire de propriété collective et en territoire de propriété privée. Ici seulement s'accuse une différence dans la marche de la procédure.

S'agit-il de terrains de propriété privée ? Le procès-verbal définitif, avec les pièces à l'appui, est transmis au directeur des domaines, qui établit immédiatement le titre, s'il ne mentionne aucune réclamation, ou, dans le cas contraire, attend que le requérant rapporte mainlevée des réclamations qui se sout produites. Si, dans les six mois de la transmission, le requérant ne justifie pas qu'il s'est mis en mesure de poursuivre cette mainlevée, la requête et les opérations y relatives sont considérées comme non avenues et il n'est donné aucune suite à l'enquête.

Pour les immeubles situés en territoire de propriété collective, ce n'est plus au directeur des domaines, mais au gouverneur général que sont adressés le procès-verbal et les pièces à l'appui. Le gouverneur général est appelé à statuer, en conseil de gouvernement, sur le résultat des opé

rations faites et c'est seulement après qu'il a statué que le dossier est, s'il y a lieu, transmis au directeur des domaines pour l'établissement du titre.

D'après l'art. 5 de la loi, les frais de la procédure sont à la charge du requérant, qui est tenu d'en faire la consignation préalable. Un décret du 15 novembre 1897 a arrêté le mode de liquidation et de comptabilité de ces frais qui sont fixés à 5 fr. 15 c. par hectare. La consignation en est justifiée par la production d'une quittance du receveur des contributions diverses de la circonscription des immeubles.

190. Avis du Conseil d'Etat du 13 mars 1902. A la suite de controverses qui s'étaient élevées sur le point de savoir: 1° si, dans les territoires de propriété collective, les enquêtes partielles pouvaient être ouvertes à la requête d'acquéreurs, et 2o si la procédure d'enquête partielle devait être essentiellement individuelle ou si elle pouvait être collective, l'administration soumit les deux questions à l'examen du Conseil d'État qui, dans sa séance du 13 mars 1902, émit l'avis 1° que rien ne s'oppose à ce que « les personnes qui ont traité avec des indigènes « pour l'achat d'immeubles situés dans des territoires de propriété collective prennent l'initia«tive des procédures d'enquêtes partielles orga<< nisées par la loi du 16 février 1897, mais que les « effets utiles de leur acquisition et la consolidation « de la propriété entre leurs mains, au moyen d'un « titre définitif, sont subordonnés à la sanction « de l'autorité administrative, dans les conditions « spécifiées à l'art. 13 de ladite loi; 2° que rien, dans la loi, ne paraît s'opposer à ce que, « lorsqu'il s'agit d'enquêtes portant sur la vente « de plusieurs immeubles consentie à divers ac«quéreurs par des indigènes appartenant à une « même tribu, il soit procédé, sauf en cas d'im▪ possibilité matérielle, à la même date et par << un même agent, aux opérations prescrites par « les art. 5 et suivants; que l'art. 1er de la loi, « en parlant de l'acquisition de plusieurs parcelles, soit par l'Etat, soit par les particuliers, « semble avoir prévu ou, tout au moins. n'a pas « exclu l'hypothèse d'acquisitions multiples sou« mises à une seule procédure d'enquête. »

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Par suite de cette interprétation, les enquêtes partielles deviennent de plus en plus fréquentes en Algérie, et la loi du 16 février 1897 a pris une sérieuse extension.

Comme tout propriétaire ou prétendant droit à la propriété, l'État a la faculté de requérir des enquêtes partielles; il peut avoir, en effet, intérêt à mettre hors de contestation ses droits à la propriété d'immeubles appréhendés ou susceptibles de l'être comme biens vacants; il procède alors comme les particuliers. Mais la loi de 1897 lui accorde, en outre, la faculté d'ouvrir exceptionnellement des procédures d'ensemble pour satisfaire à des besoins d'intérêt général; c'est ce qui résulte du troisième alinéa de l'art. 1or portant qu'« il pourra être procédé aux opérations d'acquisition ou d'échange de plusieurs parcelles, « soit par l'État, soit par les particuliers, con«formément à la procédure d'enquête partielle prévue par la présente loi ». Jais les procéda

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res d'ensemble ne peuvent être ouvertes qu'en vertu d'une décision spéciale du gouverneur général déterminant les conditions dans lesquelles les opérations seront exécutées, selon le but que l'administration poursuit.

La délivrance du titre de propriété établi par le directeur des domaines, à la suite des opérations d'enquête prévues par la loi, a pour effet: 1o de faire passer la terre du régime spécial sous lequel elle se trouve avec la loi musulmane, c'està-dire de l'arch, dans la catégorie des terres de propriété privée; la terre devient par conséquent aliénable et peut être aliénée et hypothéquée ; 2o de franciser l'immeuble, c'est-à-dire de le scumettre au statut français; 3° de le purger de tous droits réels antérieurs de propriété ou de jouissance. C'est le titre délivré qui forme le point de départ absolu de la propriété.

Sect. 2. Etat civil des indigènes.

191. Parmi les attributions de la direction des affaires indigènes, figure l'état civil des indigènes musulmans Nous avons examiné, en étudiant l'organisation communale (chap. II, nos 61 et 62, supra), dans quelles conditions la loi du 23 mars 1882 avait constitué l'état civil des indigènes musulmans; nous n'y reviendrons pas; nous nous bornerons à ajouter que l'usage du nom patronymique dont tous les indigènes sont maintenant en possession se répand de plus en plus; il est exigé dans toutes les administrations, et aucune affaire concernant un indigène n'est examinée si celui-ci ne fait pas connaître au préalable son nom patronymique ; des instructions ont été données à tous les services pour que les prescriptions de la loi de 1882 soient appliquées rigoureusement. Le 24 février 1892, le procureur général près la cour d'appel d'Alger a rappelé au personnel de la justice que le nom patronymique doit toujours être mentionné dans les actes et jugements, et toute infraction à cette disposition est rigoureusement poursuivie; ces prescriptions ont été rappelées le 20 septembre 1897.

D'autre part, une décision du gouverneur général du 22 juin 1896 a prescrit de placer, le premier, le nom patronymique des indigènes qui font l'objet d'une correspondance quelconque, et de le faire suivre immédiatement du nom ou des prénoms, écrits entre parenthèses; des instructions identiques ont été adressées à tous les parquets du ressort par une circulaire du procureur général du 16 juillet 1896.

Sect. 3. Assistance publique indigène.

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192. La loi musulmane fait de la charité une obligation générale; aussi existait-il, au moment de la conquête, de nombreux établissements religieux qui possédaient des biens considérables. Ces biens ayant été réunis au domaine de l'État par des arrêtés du général en chef des 8 septembre 1830 et 7 décembre 1830, l'assistance publique des indigènes qui incombait à ces établissements religieux est depuis lors à la charge de l'Etat français. Il s'ensuit que les indigènes participent à l'assistance publique au même titre que les Européens, et plus particulièrement à l'assistance hospitalière ; de plus, il a été créé à leur usage des institutions propres, des éta

blissements spéciaux. C'est ainsi qu'à Alger fonctionne depuis 157 (D. 5 déc.) un bureau de bienfaisance spécial pour la distribution de secours aux Indigènes et qui a la personnalité civile comme les bureaux français. Son organisation est réglementée par arrêté du gouverneur général du 7 août 1888; sa commission administrative se compose de cinq membres français et de cinq membres indigènes, nommés par le préfet sur la présentation du maire, qui en est membre de droit et qui préside la commission administrative.

Un service médical, comprenant des médecins, des sages-femmes et la délivrance de médicaments, est organisé par les soins de la commission administrative, qui détermine, par un règlement d'intérieur, le fonctionnement de ce service (art. 14). Les secours sont distribués en argent et en nature; ils peuvent même être remis à domicile; les dépenses de toute nature sont payées sur mandats de l'ordonnateur, revêtus du cachet du bureau.

Les ressources du bureau se composent de la subvention gouvernementale, de dotations, dous, legs, rentes sur l'Etat, produits des quétes, collectes et souscriptions, des intérêts des fonds libres, des loyers ou fermages d'immeubles, du produit des troncs placés dans les mosquées et des droits perçus sur les fêtes et réunions publiques d'indigènes, sur les cafés maures ayant musique, spectacles ou expositions pour attirer le public.

A côté de ce bureau de bienfaisance, sous sa dépendance et sous sa surveillance existent plusieurs établissements et institutions d'assistance publique musulmane, savoir: 1o la maison d'asile des vieillards incurables des deux sexes: 2o le refuge de Quali-Dada; 3° les bourses d'apprentissage destinées à initier les jeunes garçons musulmans aux industries européennes ; 4o une salle d'asile ouverte aux enfants pauvres de quatre à sept ans.

Comme les musulmans ont toujours manifesté une certaine répugnance pour les hôpitaux français, qui sont également ouverts aux indigènes, il a été formé plusieurs hôpitaux spécialement réservés aux indigènes, notamment aux BeniMenguillet (commune du Djurjura), à El-Arris (commune mixte de l'Aurès), à Biskra, à Ghardaïa, à El-Abiod-Sidi-Cheik, à Saint-Cyprien-desAttafs et à Azazga. La nourriture y est exclusivement préparée à la mode indigène et suivant les prescriptions de la religion musulmane. Cette expérience paraît éussir.

193. Les excellents résultats obtenus à Alger par la création d'un bureau de bienfaisance musulman ont décidé le gouvernement général à en augmenter le nombre, et un décret du 26 février 1903 a créé un bureau de bienfaisance spécial pour les musulmans dans chacune des villes de Blida, Cherchell, Médéa, Miliana, Orléansville, Bou-Saâda, Laghouat, Constantine, Bóne, Bougie, Mila. Sétif, Biskra, Oran, Mascara, Mostaganem, Relizane, Sidi-bel-Abbès et Tlemcen.

La commission administrative de chacun de ces bureaux se compose: 1° d'un fonctionnaire ou d'un notable français, président; 2o de quatre

notables français et de cinq notables indigènes, membres.

Parmi les notables indigènes doit toujours figurer au moins un fonctionnaire du culte musulman. Les fonctions de trésorier de chaque bu-. reau sont exercées par un receveur des contributions diverses qui assiste aux séances avec voix consultative, sauf à celles dans lesquelles est examiné son compte de gestion. Le président et les membres des commissions administratives sont nommés pour trois ans, par le préfet, en territoire civil, et par le général commandant la division, en territoire de commandement. La dissolution de la commission est prononcée par le gouverneur général sur la proposition du préfet ou du général commandant la division.

La commission administrative est chargée de la répartition de tous les secours mis à sa disposition par l'administration ou par les particuliers. Elle dirige, surveille et administre, conformément au règlement dans son ressort, les services et établissements spéciaux à l'assistance musulmane et pourvoit à leurs dépenses. Elle exerce, dans les mêmes conditions, la gestion des biens et revenus mobiliers et immobiliers possédés par le bureau de bienfaisance. Elle fait dresser et soumet à l'approbation du préfet ou du général commandant la division, les devis des réparations exigées pour la bonne conservation des immeubles et dans les conditions déterminées par les art. 1020, 1022 et 1046 de l'instruction générale des finances du 20 juin 1859.

Un comité consultatif est institué auprès de chaque bureau de bienfaisance, en vue de donner son avis motivé, par une consultation écrite, sur toutes les affaires contentieuses qui intéressent cet établissement. Ce comité est composé de trois jurisconsultes ou, à défaut, de trois fonctionnaires ou officiers proposés par la commission et nommés par le préfet ou par le général commandant la division. Les fonctions de ce comité sont gratuites. La commission adresse au préfet ou au général commandant la division les affaires sur lesquelles elle désire avoir l'opinion du comité consultatif.

Un service médical, assuré par des médecins et au besoin par des sages-femmes et comportant des distributions gratuites de médicaments, est organisé par les soins de la commission administrative. Le nombre, le traitement, la nomination et la révocation des médecins et sagesfemmes sont arrêtés par le préfet ou le général de division, sur la proposition de la commission. Un règlement intérieur, pris par la commission administrative, détermine le fonctionnement de ce service.

Chaque année, dans la première quinzaine de janvier, le bureau désigne, par la voie du scrutin, un ordonnateur des dépenses; d'autre part, un membre français et un membre musulman de la commission administrative sont désignés chaque mois et à tour de rôle, comme administrateurs de service.

Les ressources des bureaux de bienfaisance créés par l'arrêté du 26 février 1903 se composent, comme celles du bureau d'Alger, du produit des droits perçus sur les fêtes et réunions

publiques indigènes du produit des quêtes, collectes, souscriptions et des troncs placés dans les mosquées, des dons et legs faits par les particuliers, des subventions de l'Etat, des départements et des communes, du produit des biens meubles et immeubles appartenant aux bureaux, du gibier et du poisson confisqués sur des indigènes, d'une part à déterminer par décision du préfet ou du général commandant la division, suivant l'importance de la population indigène, sur le droit des pauvres perçu dans les fêtes et les spectacles publics.

Les dépenses de toute nature sont également acquittées sur mandat de l'ordonnateur.

194. Secours. Tous les musulmans malheureux originaires du territoire de la commune où est institué le bureau et ceux qui y ont acquis le domicile de secours ont droit aux secours dans la limite des ressources disponibles toutes les fois que les circonstances les mettent dans l'impossibilité de subvenir à leur existence. Nul indigent ne peut recevoir un secours s'il n'a été admis par une délibération de la commission administrative.

Les secours qu'accorde le bureau de bienfaisance sont ordinaires et extraordinaires. Ils sont ordinaires et annuels pour les aveugles, les paralytiques, les malades incurables, les infirmes, les vieillards, les enfants abandonnés et les orphelins jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à leur placement ou qu'ils soient en état de se suffire à euxmêmes, les veuves ayant des enfants en bas âge. Ils sont extraordinaires ou temporaires pour les blessés, les malades, les femmes en couches ou les mères nourrices ayant d'autres enfants à soutenir, ou se trouvant sans moyens d'existence; les chefs de famille ayant à leur charge des enfants en bas âge; les personnes qui se trouvent dans des cas extraordinaires et imprévus.

Ils sont refusés aux indigènes qui ne font pas vacciner leurs enfants ou qui ne les envoient pas à l'école.

195. Annexes. L'asile des vieillards de SidiLhassen à Tlemcen forme une annexe du bureau de bienfaisance de cette ville. Les préfets ou les généraux, selon le territoire, peuvent instituer des maisons d'asile pour les vieillards et les incurables, des salles d'asile et des crèches, comme annexes des bureaux de bienfaisance.

196. Orphelins. Les bureaux de bienfaisance musulmans pourvoient, dans la limite de leurs ressources, aux besoins des enfants orphelins et abandonnés des deux sexes. A défaut d'orphelinat spécial, ils placent les jeunes garçons en apprentissage chez des cultivateurs ou artisans musulmans ou européens, et ils confient les jeunes filles, lorsqu'elles sont en âge d'être placées comme domestiques ou comme ouvrières, à des personnes recommandables. Ils peuvent même accorder des bourses d'apprentissage, qui ne peuvent pas dépasser 180 fr. par an, dont un tiers au profit de la famille de l'apprenti (art. 34 à 43). Tous les bureaux de bienfaisance, y compris celui d'Alger, sont soumis au contrôle et à l'inspection des agents spéciaux des finances, comme tous les établissements d'assistance publique.

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