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cable, on n'a qu'à se reporter aux règles qu'elle a tracées relativement à l'électorat municipal. Sont donc électeurs municipaux, au titre français, tous les citoyens français ou naturalisés Français, âgés de vingt et un ans, domiciliés au moins depuis six mois dans la commune, ou satisfaisant aux autres conditions déterminées par l'art. 14 de la loi de 1884.

Toutefois, des formalités particulières ont été imposées aux israélites résidant en Algérie en vue de leur inscription sur les listes électorales, à cause de l'incertitude trop fréquente qui règne sur leur véritable nationalité, en jetant un doute sur le point de savoir si tel ou tel israélite a réellement profité du décret de naturalisation collective du 24 octobre 1870. Ils ont à justifier, dans les formes prescrites par un décret du 7 octobre 1871, qu'ils sont nés en Algérie avant l'occupation française, ou de parents établis en Algérie avant l'époque où cette occupation s'est produite, et qu'ils remplissent d'ailleurs les autres conditions de la capacité civile.

57. La composition des conseils municipaux est réglée comme il est dit à l'art. 10 de la loi du 5 avril 1884; en vertu d'un décret du 7 du même mois, la population européenne sert seule à determiner cette composition; mais ces conseils municipaux comprennent, outre les conseillers élus par les citoyens français ou naturalisés, des conseillers élus par les indigènes musulmans, dès que cette population atteint dans la commune le chiffre de cent individus.

Ces derniers conseillers viennent en augmentation du chiffre du conseil municipal, tel qu'il est déterminé par l'art. 10 précité. Le nombre est fixe comme il suit : 2 conseillers de 100 à 1 000 habitants musulmans. Au-dessus de ce chiffre, il y aura un conseiller musulman de plus par chaque excédent de 1 000 habitants musulmans, sans que le nombre de ces conseillers puisse jamais dépasser le quart de l'effectif total du conseil, ni dépasser le nombre de 6. (D. 7 avril 1884, art. 1er.)

Les indigènes musulmans, pour être admis à l'électorat municipal, doivent être âgés de vingtcinq ans, avoir une résidence de deux années consécutives dans la commune et se trouver, en outre, dans l'une des conditions suivantes :

Etre propriétaire foncier ou fermier d'une propriété rurale;

Être employé de l'État, du département ou de la commune;

Être membre de la Légion d'honneur, décoré de la médaille militaire, d'une médaille d'honneur ou d'une médaille commémorative donnée ou autorisée par le gouvernement français, ou titulaire d'une pension de retraite.

Ils ne seront inscrits sur la liste des électeurs qu'après en avoir fait la demande et avoir déclaré le lieu et la date de leur naissance. (Id., art. 2.) Les conditions de l'éligibilité, au titre français, sont régies par la loi du 5 avril 1884 (art. 31). Au titre musulman, sont éligibles, aux termes du décret de 1884 (art. 3) :

1o Les citoyens français ou naturalisés qui remplissent les conditions prescrites par l'art. 31 de la loi municipale ;

2o Les indigènes musulmans, âgés de vingt

cinq ans et domiciliés dans la commune depuis trois ans au moins, inscrits sur la liste des électeurs musulmans de la commune.

Les conseillers élus par les indigènes musulmans siègent au conseil municipal au même titre que les conseillers élus par les citoyens français. Toutefois, en exécution de l'art. 11 de la loi du 2 août 1875, ils ne prennent part à la désignation des délégués pour les élections sénatoriales qu'à la condition d'être citoyens français ; la même condition leur est nécessaire pour participer à la nomination du maire et des adjoints. (D. 1884, art. 4.)

Les règles relatives aux élections sont les mêmes qu'en France, puisque la loi municipale métropolitaine est applicable.

En ce qui concerne les israélites, le Conseil d'Etat a jugé, par arrêt du 5 novembre 1875, que le décret du 24 octobre 1870, qui les a déclarés citoyens français, n'avait pas abrogé les dispositions concernant le vote des israélites et jugées nécessaires pour l'exercice de leur droit électoral, et notamment l'art. 3 de l'arrêté du gouverneur général du 25 avril 1867 qui leur permettait d'écrire leurs bulletins dans leur langue maternelle. Il faudrait, pensons-nous, décider de même encore aujourd'hui, et tenir compte des conditions spéciales dans lesquelles se trouvent nécessairement placés les électeurs de cette catégorie en Algérie. Il en est de même pour les musulmans indigènes.

C'est à la législation française qu'il faut se reporter pour les incompatibilités et les empêchements résultant de la parenté.

C'est de même la loi métropolitaine qui régit tout le fonctionnement du conseil municipal, les sessions, convocations, suspension, dissolution, durée du mandat.

ART. 3.

ATTRIBUTIONS DU MAIRE ET DES ADJOINTS.

58. Nous n'avons rien de particulier à dire sur la nomination du maire et des adjoints. La législation française métropolitaine s'applique en ce qui concerne les attributions des autorités municipales; celles-ci ont tous les pouvoirs qui leur appartiennent en France. Elles les exercent sur les Français comme sur les indigènes. En effet, aux termes de l'art. 1er du décret du 18 août 1868, les indigènes établis sur le territoire civil sont administrés par l'autorité municipale de la commune dont ils font partie, et l'art. 2 du même décret classe, parmi les attributions dévolues à cette autorité, la surveillance des corporations, la gestion et la surveillance des établissements de bienfaisance spéciaux aux musulmans, la surveillance des marchés, des sages-femmes musulmanes, des dellahs ou encanteurs.

La population indigène flottante, dont se composent les corporations dites de Berranis, peut donner lieu à des mesures de police municipale.

Avant la loi de 1884, les attributions des maires étaient régies par l'ordonnance du 28 septembre 1847 qui reproduisait presque textuellement les dispositions, en cette matière, de la loi du 18 juillet 1837. Les seules qui ne se retrouvassent pas dans la législation algérienne étaient les art. 13 et 15 le premier, relatif à la nomination des gardes champêtres qui étaient nommés en Algérie

par les sous-préfets (D. 20 nov. 1861, art. 3); le second concernant le droit du préfet de se substituer au maire en cas de refus ou négligence de sa part d'accomplir les actes qui lui sont preserits par la loi; en l'absence de cette dernière disposition, on admettait pourtant qu'elle était virtuellement applicable. La législation métropolitaine se trouve maintenant sur ces deux points étendue à l'Algérie.

Aux termes du décret du 21 décembre 1861 (art. 2), les arrêtés des maires ne devenaient exécutoires qu'au moyen de l'approbation du souspréfet et du préfet dans l'arrondissement chef-lieu. Aujourd'hui que la loi du 5 avril 1884 est applicable, ces arrêtés sont exécutoires de plein droit et immédiatement, sauf ceux qui portent règlement permanent et qui ne le deviennent qu'un mois après la remise de l'ampliation constatée par le récépissé du sous-préfet : le préfet ayant d'ailleurs, dans tous les cas, le droit de les annuler ou d'en suspendre l'exécution. (L. 1884, art. 95.)

Parmi les mesures locales à prendre par le maire sur les objets confiés à sa vigilance et à son autorité, figure au premier rang la police des marchés.

Cette police avait fait l'objet d'un arrêté du gouverneur général du 28 juillet 1842; la Cour de cassation ayant déclaré cet arrêté illégal dans plusieurs de ses dispositions, une décision du 23 mars 1861 avait replacé cette matière dans les attributions des maires, parmi lesquelles elle se trouve formellement maintenue par la loi municipale actuelle. (L. 1884, art. 97, 3o.) Une circulaire du 25 mars 1861 a donné au préfet des instructions pour l'exécution de cette décision.

« L'autorité municipale, dit cette circulaire, a qualité pour défendre aux commerçants et revendeurs de se transporter sur les routes pour y attendre le passage du producteur et acheter ses denrées avant leur arrivée sur le marché. l'exercice de ce droit est parfaitement légal, et dans beaucoup de localités il pourra être utile d'y recourir comme au meilleur moyen d'assurer l'approvisionnement des marchés, tout en sauvegardant les intérêts des budgets communaux, et enfin de faciliter la sincérité des transactions et de prévenir les accaparements. »

La circulaire met ensuite les maires en garde contre la confusion entre les ventes et les achats faits publiquement dans les rues ou sur les voies publiques et les opérations qui doivent demeurer libres, telles que les ventes de gré à gré entre l'acheteur et le vendeur, dans leurs demeures ou magasins.

59. Le maire remplit en Algérie, comme en France, les fonctions d'officier de l'état civil.

Une grande confusion a longtemps régné dans l'état civil des indigènes musulmans. A l'époque de la conquête, leurs naissances, leurs décès n'étaient inscrits nulle part; la plupart d'entre eux ignoraient leur âge; les mariages, les divorces n'étaient constatés par écrit que quand il y avait des stipulations financières exigeant l'intervention du cadi en qualité de notaire. Cet état de choses ne subit aucune modification de 1830 à 1854; les indigènes étaient obligés de recourir à la preuve testimoniale, lorsqu'ils avaient besoin d'établir

ALGÉRIE, 60.

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leur état civil ou de faire constater leurs droits successoraux.

Un décret du 8 août 1854, sur le mode d'administration des indigènes en territoire civil, contient un art. 10 ainsi conçu :

Les actes de l'état civil concernant les naissances et les décès des Arabes, habitant en dehors des villes et des villages, sont reçus par les cheiks et rédigés en langue arabe, suivant les formules ordinaires : ces actes sont immédiatement transmis au maire et transcrits en langue française sur le registre de l'état civil de la commune. »> Un autre décret en date du même jour, créant des bureaux arabes départementaux, donna aux chefs de ces bureaux le droit d'infliger une amende de 10 à 15 fr. et un emprisonnement de un à cinq jours pour négligence apportée dans les déclarations des naissances et des décès.

De telles mesures étaient tout à fait insuffisantes. En effet, ĉes décrets ne s'appliquaient qu'au territoire civil, alors fort restreint; ils ne contenaient aucune disposition concernant les mariages et les divorces. Ils ont d'ailleurs été abrogés par le décret du 18 août 1868, qui, sans reproduire les dispositions de l'article 10 du premier et la sanction insérée dans le second, se borne à donner mission aux adjoints indigènes (voy. infra, nos 79 et suiv.) « de veiller spécialement à ce que les déclarations de naissance et de décès soient faites exactement par leurs coreligionnaires à l'officier de l'état civil ». Ce décret, qui ne s'appliquait également qu'au territoire civil, restait muet comme les autres en ce qui touche les mariages et les divorces.

Mais un arrêté du gouverneur général, en date du 20 mai 1868, était venu s'appliquer aux parties du territoire militaire dont les douars avaient été délimités en exécution du sénatus-consulte de 1863; l'art. 61 de cet arrêté conférait au secrétaire de la djemåa la tenue des registres de l'état civil, ce qui impliquait la création de registres de l'état civil dans ces territoires, mais toujours uniquement pour les naissances et les décès; les mariages et les divorces n'y étaient même pas mentionnés. Cet arrêté, comme le décret du 18 août, était dépourvu de sanction; aussi ne furentils l'un et l'autre que très incomplètement exécutés, ainsi que le constate la statistique de l'Algérie de 1873 à 1875, dans laquelle nous trouvons le passage suivant : « Dans les villes et dans les centres de colonisation, on peut connaître approximativement le nombre des naissances et des décès; mais dans les tribus il n'existe aucun moyen de contrôle quant aux actes de l'état civil proprement dit. »>

60. Toutefois, ce n'était pas dans l'organisation insuffisante du service qu'il fallait chercher le véritable obstacle à la constitution de l'état civil des musulmans. Les indigènes, en effet, étaient presque tous dépourvus de noms patronymiques; et ceux même qui en avaient, ne les indiquaient pas lorsqu'ils déclaraient les naissances et les décès; ils se bornaient, pour les naissances, à indiquer le nouveau-né sous un prénom auquel ils ajoutaient le prénom du père, en mettant entre les deux le mot ben qui signifie « fils de », et pour les décès, à reproduire les mêmes prénoms.

On conçoit que dans ces conditions il était difficile de désigner un musulman dans un acte d'une manière qui pût exclure toute confusion.

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Lorsque le Gouvernement présenta à l'Assemblée nationale le projet qui devint la loi du 23 juillet 1873 sur la constitution de la propriété en Algérie (voy. plus loin) et qui, dans son premier article, portait que l'établissement de la propriété immobilière en Algérie, sa conservation et la transmission contractuelle des immeubles et droits immobiliers, quels que soient les propriétaires, seraient régis par la loi française », la commission chargée de son examen se demanda comment, en l'état actuel de la composition de la famille arabe, on s'y prendrait pour en assurer l'exécution, et comment, quand un si grand nombre de familles différentes étaient désignées par les mêmes prénoms, on pourrait déterminer d'une manière certaine, au bureau des hypothèques, sur quelles personnes les inscriptions frapperaient.

Aussi, on introduisit dans l'art. 17 de la loi un paragraphe ainsi conçu: « Chaque titre contiendra l'adjonction d'un nom de famille aux prénoms ou surnoms sous lesquels est antérieurement connu chaque indigène déclaré propriétaire, au cas où il n'aurait pas de nom fixe. Le nom choisi par l'indigène, ou, à défaut, par le service des domaines, sera, autant que possible, celui de la parcelle de terre à lui attribuée. »

Mais cette loi n'avait pas prescrit, et elle ne pouvait pas le faire puisqu'elle n'était pas chargée de constituer l'état civil des indigènes, les mesures à prendre au cas où, par suite de vente ou d'héritage, la propriété passerait entre les mains d'indigènes dépourvus de noms de famille. Lorsque cette transmission se produisait, les mêmes inconvénients se représentaient donc avec les mêmes difficultés.

En outre, cette loi ne s'appliquait pas aux territoires soumis à l'ordonnance du 21 juillet 1846, ni à ceux dont la propriété avait été constituée par voie de cantonnement, territoires pour lesquels des titres avaient été délivrés antérieurement par le domaine sans addition de noms de famille 1. 61. C'est la loi du 23 mars 1882 qui combla les lacunes que nous venons de signaler, en constituant, sur des bases certaines, l'état civil des indigènes musulmans.

Cette loi commence par prescrire, dans chaque commune ou section de commune, un recensement de la population indigène musulmane. Le résultat de ce recensement, confié aux officiers de l'état civil ou, à leur défaut, à un commissaire désigné à cet effet, est consigné sur un registrematrice tenu en double expédition, qui mentionne les noms, prénoms, profession, domicile et, autant que possible, l'âge et le lieu de naissance de tous ceux qui y seront inscrits (art. 2).

Le principal obstacle à la tenue régulière de l'état civil des musulmans étant l'absence de noms patronymiques, la loi impose aux indigènes l'obligation d'en choisir un, lors de l'établissement du

1. Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'état civil des indigenes ou musulmans de l'Algérie, par M. Jacques, député. (Documents parlementaires, 6 mars 1881.)

registre matricule. Le choix appartient au chef de famille, à l'oncle paternel ou à l'aîné des frères. Dans le cas où la famille ne se composerait que de femmes, le droit de choisir le nom patronymique appartient à l'ascendante et, à defaut d'ascendante, à l'aînée des sœurs (art. 3 et 4).

En cas de refus ou d'abstention, ou de persistance dans l'adoption du nom précédemment adopté par un ou plusieurs individus, la collation du nom patronymique est faite par le commissaire à la constitution de l'état civil (art. 5).

Dans les circonscriptions où la loi du 26 juillet 1873 sur la constitution de la propriété individuelle a été exécutée, le nom patronymique donné à l'indigène propriétaire, en vertu de l'article 17 de cette loi (voy. plus loin), n'est donné à la famille que s'il est choisi par ceux auxquels ce droit est réservé. Si ces individus ont fait choix d'un autre nom, l'indigène propriétaire, membre de la même famille, ajoute ce nom à celui qui lui a été donné précédemment. Mention de cette addition est faite sur un titre de propriété, ainsi qu'au bureau des hypothèques, en marge du titre déposé ou du registre sur lequel la transcription a eu lieu (art. 8).

La conservation, par chaque indigène, du nom qu'il a choisi ou qui lui a été attribué, est assurée par trois moyens :

1o Le premier moyen consiste dans l'inscription du nom patronymique sur le registre-matrice, à la suite des noms actuels des indigènes (art. 6,

1er), et la mention, en marge des actes de l'état civil dressés antérieurement, des noms patronymiques attribués en vertu de la présente loi ou de la loi du 26 juillet 1873. Cette mention est faite à la demande des intéressés, ou sur les réquisitions du procureur de la République (art. 10).

Lorsque le travail de constitution de l'état civil est terminé dans une circonscription, avis en est donné dans le Mobacher et par affiches placardées dans la commune. Un délai d'un mois est accordé à tous les intéressés pour se pourvoir, en cas d'erreur ou d'omission, contre les conclusions du commissaire à la constitution de l'état civil (art. 11). Dans le mois qui suit l'expiration de ce délai, le commissaire rectifie, s'il y a lieu, les omissions et les erreurs signalées (art. 12). Il arrête provisoirement son travail à l'expiration de ce délai. Le gouverneur général prononce, le conseil de gouvernement entendu, sur les conclusions du commissaire. Si l'opposition des parties soulève une question touchant à l'état des personnes, cette question est renvoyée devant les tribunaux compétents, soit par le commissaire, soit par le gouverneur général, sans que, pour le surplus, l'homologation du travail de constitution de l'état civil soit retardée (art. 13).

Lorsque le travail de l'officier de l'état civil a ainsi été homologué, le registre-matrice devient le registre de l'état civil; les deux doubles sont envoyés au maire de la commune; celui-ci y inscrit les actes de l'état civil des indigènes musulmans reçus depuis sa confection, garde un des doubles et adresse l'autre au greffe du tribunal civil de l'arrondissement.

2° Une carte d'identité ayant un numéro de

référence au registre et indiquant le nom et les prénoms qui y sont portés, est ensuite délivrée sans frais à chaque indigène (art. 6, % 3).

La fabrication d'une carte ou l'usage d'une carte d'identité fausse sont réprimés conformément aux art. 153 et 154 du Code pénal, sous réserve de l'application de l'art. 463 du même Code (art. 21).

3o A partir de l'arrêté d'homologation, l'usage du nom patronymique devient obligatoire pour les indigènes compris dans l'opération.

Dès ce moment, il est interdit aux officiers de l'état civil, aux officiers publics et ministériels, sous peine d'une amende de cinquante à deux cents francs, de désigner lesdits indigènes, dans les actes qu'ils sont appelés à recevoir ou à dresser, par d'autres dénominations que celles portées dans leurs cartes d'identité.

L'art. 22 de la loi du 23 mars 1882 porte qu'un règlement d'administration publique (il est intervenu à la date du 13 mars 1883) déterminera les conditions d'application de la présente loi qui a été immédiatement appliquée à toute la région du Tell algérien, tel qu'il est délimité au plan annexé au décret du 20 février 1873 sur les circonscriptions cantonales. En dehors du Tell, des arrêtés du gouverneur général ont déterminé successivement les territoires où elle devait être appliquée.

Mais la loi n'a pas voulu que, lorsque des dispositions auraient été exécutées dans une circonscription, des indigènes appartenant à une commune où elles ne l'auraient pas encore été, pussent, en changeant de domicile, se soustraire à son application. Aussi l'art. 15 dispose que tout indigène musulman qui n'est pas en possession d'un nom patronymique et qui établit son domicile dans une circonscription déjà soumise à la constitution de l'état civil, doit, dans un délai d'un mois, faire sa déclaration au maire ou à l'administrateur qui en tient lieu. Celui-ci procède à son égard comme il a été dit précédemment. L'indigène est ensuite inscrit sur le registre-matrice, avec le nom patronymique qu'il a choisi ou qui lui a été attribué. A défaut de déclaration, il est procédé d'office par le maire ou l'administrateur, comme il est dit ci-dessus.

Actuellement, la loi du 23 mars 1882 a reçu son application dans toute l'Algérie, et tous les indigènes sont pourvus d'un nom patronymique.

62. L'établissement du nom patronymique rendait seule possible la tenue régulière de l'état civil pour les indigènes musulmans.

Aussi, aux termes de l'art. 16, les déclarations de naissance, de décès, de mariage et de divorce deviennent obligatoires pour les indigènes musulmans, à partir du jour où, conformément à l'art. 14, l'usage du nom patronymique devient lui-même obligatoire. Les déclarations sont appuyées de la carte d'identité des intervenants à l'acte. Les noms portés dans ledit acte sont rigoureusement reproduits suivant l'orthographe de la carte d'identité.

Ainsi, la loi prescrit la tenue régulière de tous les actes concernant l'état civil des musulmans, et non pas seulement les actes de naissance ou de décès, comme la législation antérieure.

Viennent ensuite les dispositions relatives à la forme des actes de l'état civil. A cet égard, une grave difficulté se présentait les Arabes se soumettent assez facilement à l'inscription des naissances et des décès, mais il n'en est pas de même des mariages et des divorces. Ces actes en droit musulman ne sont pas assujettis à des formes sacramentelles et n'exigent nullement la présence d'un officier public. Le mariage résulte du consentement mutuel en présence de deux témoins; quant au divorce, il n'est soumis à une apprécia tion judiciaire que si, à défaut de consentement réciproque, la femme le demande devant le cadi. Les deux époux d'accord et sans avoir besoin de témoins peuvent divorcer, et le mari peut répudier sa femme malgré elle. On ne pouvait, dans une matière qui touche si profondément à leur statut religieux, imposer aux musulmans la législation française. Il a fallu admettre, comme pour les naissances et les décès, qu'une simple déclaration suffirait.

L'art. 17 porte que les actes de naissance ou de décès concernant les indigènes musulmans sont établis dans les formes prescrites par la loi française.

Quant aux actes de mariage et de divorce, ils sont établis sur une simple déclaration faite dans les trois jours au maire de la commune ou à l'administrateur qui en remplit les fonctions, par le mari ou par la femme, ou par le mari et par le représentant de la femme, aux termes de la loi musulmane, en présence de deux témoins. Toutefois, lorsque les distances ne permettent pas de faire les déclarations au siège de la commune ou d'une section française de ladite commune, elles sont reçues par l'adjoint de la section indigène. (Voy. n° 79; L. 23 mars 1882, art. 17, 8 3; D. 7 avril 1884, art. 6.)

Ces déclarations sont faites en arabe, suivant des formules imprimées sur des registres visés pour timbre et paraphés par le juge de paix. Ces registres contiennent une souche et un volant reproduisant les mêmes mentions.

Les actes sont revêtus de la signature de l'adjoint indigène ou de son cachet et de la signature des parties et témoins, si ceux-ci savent écrire; s'ils déclarent ne pas savoir écrire, mention en est faite. (L. 23 mars 1882, art. 17, 28 4 et 5.)

Les volants des actes de l'état civil sont détachés de leur souche et adressés, dans les huit jours, à l'officier de l'état civil français, pour être transcrits sur les registres tenus au chef-lieu de la commune. (Id., urt. 18.)

Il est statué sur les rectifications à opérer dans les actes de l'état civil, conformément à la loi française. (Id., art. 19.)

63. Adjoints indigènes. Le décret du 7 avril 1884 maintient l'institution des adjoints indigènes qui était précédemment régie par le décret du 18 août 1868.

Dans les communes de plein exercice, où la population musulmane est assez nombreuse pour qu'il y ait lieu d'exercer à son égard une surveillance spéciale, cette population est administrée, sous l'autorité immédiate du maire, par des adjoints indigènes. Ces adjoints peuvent être pris en

dehors du conseil et de la commune. Dans ces deux cas, ils ne siègent pas au conseil municipal. (D. 7 avril 1884, art. 5.)

C'était le gouverneur général qui, en vertu du décret précité du 18 août 1868, déterminait, par des arrêtés, les communes où devaient être établis des adjoints indigènes ainsi que le nombre et la résidence de ces agents. L'art. 5 du décret de 1884 fait passer cette attribution au préfet.

C'est également le préfet qui fixe les traitements des adjoints indigènes. Ces traitements constituent une dépense obligatoire pour les communes. (Id.)

Les titulaires de ces emplois sont nommés, le maire préalablement consulté, par le préfet, qui peut les suspendre, dans la même forme, pour un temps qui n'excédera pas trois mois. Ils ne peuvent être révoqués que par un arrêté du gouverneur général. (Id.)

L'autorité des adjoints indigènes ne s'exerce que sur leurs coreligionnaires. Indépendamment des attributions qui peuvent leur être déléguées par le maire, ces agents sont particulièrement chargés :

De fournir à l'autorité municipale tous les renseignements qui intéressent le maintien de la tranquillité et la police du pays;

D'assister les agents du Trésor et de la commune pour les opérations de recensement en matière de taxes et d'impôts;

De prêter à toute réquisition leur concours aux agents du recouvrement des deniers publics;

De veiller spécialement à ce que les déclarations de naissance et de décès, de mariage et de divorce soient faites exactement par leurs coreligionnaires à l'officier de l'état civil.

Ils ne sont chargés de la tenue des registres de l'état civil musulman qu'en vertu d'une délégation spéciale du maire; toutefois, lorsque les distances ne permettent pas de faire les déclarations au siège de la commune ou d'une section française de ladite commune, elles sont reçues par l'adjoint de la section indigène. (D. 1884, art. 6.)

Telles sont les attributions expressément conférées aux adjoints indigènes. Le même article du décret permet au gouverneur général de déterminer par instructions spéciales, s'il y a lieu, les devoirs que les adjoints indigènes seront tenus de remplir, indépendamment de ceux ci-dessus spécifiés.

En cas d'absence ou d'empêchement, l'adjoint indigène est remplacé, sur la proposition du maire, par un conseiller municipal indigène ou, à défaut, par un notable habitant indigène désigné par le préfet. (Id.) ART. 4.

ATTRIBUTIONS DES CONSEILS MUNICIPAUX.

64. L'ordonnance du 28 septembre 1847 était, en ce qui concerne les attributions des conseils municipaux, calquée sur la loi du 18 juillet 1837. Le décret du 19 décembre 1868 transporta en Algérie les dispositions fondamentales de la loi du 24 juillet 1867 qui était venue modifier en France celle de 1837 en conférant aux conseils municipaux de la métropole le droit de statuer directement sur des matières précédemment ré

servées à l'autorité supérieure, mais à la condition qu'il y eût accord entre le conseil municipal et le maire. Le décret de 1868 omettait les dispositions qui se trouvaient incompatibles avec l'organisation administrative de l'Algérie; ainsi, il réservait à une réglementation ultérieure les attributions relatives au vote des centimes additionnels ordinaires ou extraordinaires, et à l'établissement des taxes d'octroi qui ne fonctionnaient pas encore ou n'étaient pas encore établies dans les mêmes conditions qu'en France.

La loi du 5 avril 1884 étant applicable aux communes de plein exercice de l'Algérie, nous n'avons qu'à renvoyer au mot Commune pour les règles relatives aux attributions des conseils municipaux.

Ainsi, toutes les modifications que la loi de 1884 a apportées directement ou indirectement à la législation municipale en France se reproduisent en Algérie. Nous citerons comme exemple la création des bureaux de bienfaisance. En vertu du décret du 19 décembre 1868 (art. 9) reproduisant l'art. 14 de la loi du 24 juillet 1867, la création des bureaux de bienfaisance était autorisée par les préfets sur l'avis des conseils municipaux. La loi du 5 avril 1884 n'ayant pas reproduit cette disposition de la loi de 1867 qu'elle abroge et remplace, la création d'un bureau de bienfaisance exigeait un décret en Conseil d'Etat, comme sous la législation antérieure. L'Algérie devant, en matière municipale, être régie comme la métropole, la même règle doit être suivie pour la création de ces établissements.

65. Au point de vue budgétaire, la situation des communes d'Algérie diffère sensiblement de celle des communes de France, en ce qui touche leurs recettes. Les contributions directes n'existent pas toutes en Algérie et, par conséquent, les communes ne trouvent pas dans les centimes additionnels les mêmes ressources qu'en France. La loi du 23 novembre 1884, créant la contribution foncière en Algérie, autorise, par son art. 10, les conseils municipaux à voter, dans la limite fixée par la loi et par le conseil général, des centimes additionnels pour dépenses ordinaires et extraordinaires ; ces conseils peuvent, en outre, être autorisés à voter des impositions extraordinaires spéciales dans les mêmes conditions que. ceux de la métropole. L'art. 11 fait une application de la législation française sur l'imposition d'office: « Si un conseil municipal se séparait sans avoir voté les fonds pour dépenses obligatoires, il y serait pourvu conformément aux dispositions des lois métropolitaines. »>

Les conseils généraux et municipaux sont tenus de se conformer, quant à l'emploi des ressources qu'ils demandent aux centimes additionnels, à la division en recettes ordinaires et extraordinaires correspondant aux dépenses de même nature.

Ils doivent également se conformer, soit pour le vote, soit pour l'emploi des centimes additionnels, aux affectations spéciales établies par les lois budgétaires.

En cas de nécessité, il peut être dérogé à la règle ci-dessus, pour les conseils municipaux, par un arrêté du gouverneur général en conseil de gouvernement, et pour les conseils généraux par

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