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85. Tribunaux administratifs. La procédure organisée devant les conseils de préfecture de France par la loi du 22 juillet 1889 a été déclarée applicable en Algérie par un décret du 31 août 1889 (B. O. 1157). Toutefois, le paragraphe 3 de l'art. 2 et le paragraphe 2 de l'art. 44 ont été modifiés dans ce sens pour

l'Algérie :

1o Que la citation doit indiquer à l'inculpé qu'il est tenu, s'il veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans un délai de trente jours (ce délai en France n'est que de quinzaine);

2° Que les avertissements pour l'audience publique doivent être donnés huit jours au moins à l'avance, au lieu de quatre.

Le décret du 18 janvier 1890, relatif aux allocations, a été inséré au Bulletin officiel 1174, n° 67.

Le conseil de préfecture n'est pas compétent, en Algérie, pour connaître des actions immobilières intentées par le domaine ou contre lui; elles doivent être portées devant les tribunaux ordinaires. (Trib. confl. 20 juill. 1889; Cass. req. 4 août 1891.)

ART. 3. OFFICIERS MINISTÉRIELS.

86. En Algérie, les offices sont incessibles; tout ce qui ressemble à une cession est formellement interdit sous peine de révocation de celui qui a voulu céder, s'il est encore en exercice, ou de celle de son successeur, s'il a obtenu sa nomination; les officiers ministériels algériens sont donc de véritables fonctionnaires, tenant leurs charges exclusivement de la faveur gouvernementale et avançant successivement d'une étude moins avantageuse à une plus rémunératrice. (E. LARCHER, loc. cit., p. 627.) Des modifications ont été soumises à ce sujet au Parlement, mais n'ont pas abouti.

D'autre part, en vertu d'un décret du 27 juin 1901 (R. A. 1901, 3, 48), tous les officiers publics et ministériels, nommés autrefois par décret, sont nommés aujourd'hui par le gouverneur général. C'est, par conséquent, le gouverneur général, sous l'autorité duquel ils sont placés qui exerce les attributions du ministre de la justice, en ce qui concerne les congés, la discipline et tout ce qui touche à la situation personnelle; il statue également sur les demandes de dispenses relatives au degré de parenté ou d'alliance.

Les propositions pour les nominations aux fonctions d'officier public ou ministériel sont établies au vu des dossiers des candidats, par une commission spéciale de trois membres nommés par le gouverneur général, savoir un conseiller de gouvernement, président, un représentant de la cour, membre; un représentant du parquet, membre. La commission présente, pour chaque poste vacant, une liste de trois membres que le premier président et le procureur général transmettent, avec leurs observations, au gouverneur général.

A noter, de plus, qu'en vertu d'un décret du 9 octobre 1882, nul ne peut être nommé, en Algérie, notaire, avoué ou greffier, s'il ne justifie, en outre, des conditions requises par les lois et règlements sur la matière, du certificat d'études de droit administratif et de coutumes indigènes

décerné par l'École de droit d'Alger, conformément au titre Ier du décret du 22 juillet 1882.

87. Avocats défenseurs; avoués. Un arrêté du 26 novembre 1841 avait réglé la position des défenseurs près la cour d'appel d'Alger et les tribunaux français; ils devaient avoir vingt-cinq ans accomplis, être Français, justifier du diplôme de licencié en droit et de deux années de travail dans une étude d'avoué en France ou de défenseur en Algérie; ils avaient seuls le droit de conclure et de plaider, de faire signer tous les 'actes nécessaires à l'exécution des jugements ou arrêts, de défendre les accusés ou prévenus devant les tribunaux correctionnels; ils fournissaient un cautionnement de 4 000 fr. à Alger, de 2 000 fr. dans les autres résidences.

Un arrêté du 16 avril 1848 accorda aux avocats inscrits au tableau de chaque tribunal le droit de plaider concurremment avec les défenseurs, et un autre arrêté du 17 juillet suivant autorisa les parties à se faire défendre, devant les tribunaux de commerce, par toute personne pourvue d'un pouvoir spécial.

Par décret du 27 décembre 1881, les règlements applicables à la plaidoirie devant les cours d'appel et tribunaux de France ont été étendus à l'Algérie. En conséquence, les défenseurs sont remplacés, au fur et à mesure de leur extinction, par les avoués, qui, nommés aux conditions déterminées par l'art. 6 de l'arrêté précité du 26 novembre 1841, peuvent plaider les incidents de procédure et les affaires réputées sommaires d'après la législation de la métropole. Ils doivent être pourvus du grade de licencié en droit et, en outre, comme tous les officiers ministériels de la colonie, du certificat d'études de législation algérienne.

88. Huissiers. L'exercice de la profession d'huissier est réglementé en Algérie par un arrêté du 26 novembre 1842, qui reproduit, sauf quelques légères modifications, les dispositions en vigueur dans la métropole. En vertu de l'ordonnance du 26 septembre 1842, toute citation ou notification faite à un musulman, en matière civile et criminelle, doit être accompagnée d'une analyse sommaire en langue arabe, faite et certifiée par un interprète, le tout à peine contre l'huissier d'une amende de 20 fr. pour chaque omission, sans préjudice de la nullité de l'acte, si le juge croit devoir la prononcer.

En territoire militaire, les fonctions d'huissier sont exercées par les commandants de brigade de gendarmerie (Arr. 29 mai 1846, 31 mai 1866, 16 juill. 1869); dans les localités où il n'existe pas de brigade de gendarmerie, ces fonetions sont confiées à un sous-officier de l'armée, désigné par le commandant supérieur. (Arr. 2 juin 1866.)

Aux termes d'un arrêté du 24 février 1879, les copies d'exploits sont remises aux indigènes des territoires militaires par l'intermédiaire d'agents indigènes auxquels il est alloué 1 fr. par myriamètre parcouru, allant et revenant; un registre spécial, visé par l'officier spécialement chargé de faire parvenir les copies aux intéressés, est tenu par l'huissier, qui paie les frais de transport de l'agent indigène, sur présentation

d'un certificat constatant la remise de la copie ou l'impossibilité de la remettre.

89. Greffiers. Des greffiers ont été institués par l'ordonnance du 26 septembre 1842 près la cour d'appel, les tribunaux de première instance et de commerce et les justices de paix; leurs fonctions sont les mêmes, suivant leur juridiction, que celles de leurs collègues de France. Ils sont soumis, avant d'être nommés, à un examen professionnel, et les conditions de l'avancement sont rigoureusement déterminées. (Décis. min. just. 28 janv. 1885; D. 3 sept. 1885.) Ils sont suppléés par des commis-greffiers, qu'ils désignent sous l'approbation du procureur général, et dont le nombre et le traitement sont fixés par un arrêté ministériel. Pour être nommé greffier en chef de la cour d'appel, il faut être licencié en droit et avoir exercé, pendant cinq ans au moins en France ou en Algérie, les fonctions de greffier d'un tribunal de première instance. (D. 3 sept. 1884, 9 oct. 1882 et 31 oct. 1899.)

En matière musulmane, les obligations imposées aux greffiers sont déterminées par les décrets des 22 décembre 1888 et 17 avril 1889.

90. Greffiers-notaires. Le décret du 29 août 1874, qui a organisé la justice en Kabylie, a autorisé les greffiers des justices de paix à exercer les fonctions notariales dans les cantons où il n'existe pas de notaires, et un décret du 18 janvier 1875 a étendu ces dispositions à toute l'Algérie; mais les attributions ainsi conférées à ces officiers ministériels cessent de plein droit lorsqu'un notaire est institué dans le canton, et ce dernier devient dépositaire des minutes et répertoires dont le greffier avait précédemment la garde. Sont seuls investis de la plénitude des attributions notariales, les greffiers de paix pourvus d'un certificat de capacité délivré, soit par la chambre de discipline des notaires de leur résidence en France, soit par une commission spéciale instituée conformément à l'art. 6 de l'arrêté ministériel du 30 décembre 1842. Les greffiers-notaires, non pourvus de l'un ou de l'autre de ces certificats, peuvent seulement être autorisés à rédiger, en la forme des actes notariés, les conventions des parties qui requièrent leur ministère, à l'exception des actes dont la réception est exclusivement confiée aux notaires; mais les contrats ainsi rédigés ne valent que comme écrits sous seings privés, et n'ont pas l'authenticité. Les greffiers-notaires au titre II sont cependant autorisés à recevoir et à rédiger les procurations qui ont les mêmes efficacité et authenticité que si elles avaient été reçues par un notaire; ils peuvent également faire des protêts, faute d'acceptation ou de paiement, et même recevoir des testaments et des reconnaissances d'enfants naturels, mais ees actes sont nuls et non avenus si, en cas de survie du testateur ou de l'auteur de la reconnaissance, ils n'ont pas été renouvelés dans les six mois. Avis de cette disposition doit être donné aux parties lors de la réception de l'acte et mention en est faite dans ledit acte, sous peine de 100 fr. d'amende.

91. Nolaires. La profession notariale est réglementée par un arrêté du 30 décembre 1812. D'une façon générale, les notaires de l'Algérie

ont les mêmes attributions que leurs collègues de France et sont, comme eux, soumis aux disposisions de la loi du 25 ventôse an XI et des art. 971 à 977, 979, 1317 à 1320 du Code civil. En vertu du décret du 27 juin 1901, ils sont nommés par le gouverneur général, comme les autres officiers ministériels. Les conditions d'aptitude sont plus rigoureuses que dans la métropole; en dehors des conditions communes à l'Algérie et à la métropole, les candidats aux fonctions notariales en Algérie doivent justifier : 1o de l'accomplissement d'un stage de cinq années entières et consécutives, dont une au moins en qualité de premier clerc dans l'étude d'un notaire de France ou d'Algérie; 2° d'un certificat de capacité délivré par une commission composée d'un magistrat désigné par le procureur général et deux notaires en exercice. Quant à la forme des actes, et aux obligations qui incombent aux notaires algériens, notamment en matière d'enregistrement et de timbre. elles sont sensiblement les mêmes que dans la métropole, l'ordonnance de 1842 n'apportant à cet égard des modifications aux lois et règlements en vigueur en France, que lorsque les conditions spéciales de la colonie l'exigent.

92. Commissaires-priseurs. Les commissairespriseurs ont été institués en Algérie par un arrêté du 1er juin 1841. Ils ne peuvent procéder que dans le lieu de leur résidence, et dans un rayon de 4 kilomètres, à la prisée et à la vente, aux enchères publiques, de tous les biens meubles, marchandises neuves ou d'occasion, à l'exception des droits incorporels dont la vente s'effectue par le ministère des notaires. Ils sont astreints, quant à la rédaction matérielle des actes et à la tenue de leur répertoire, aux mêmes obligations que leurs collègues de la métropole. Ils sont nommés par le gouverneur général et sont placés sous la surveillance du procureur général; ils prêtent serment et fournissent un cautionnement.

Leurs attributions ont été considérablement restreintes par l'arrêté du 6 mai 1844 sur l'exercice de la profession de courtier. D'autre part, le ministère des commissaires - priseurs n'est pas obligatoire pour les indigènes et ceux-ci ne commettent aucune contravention lorsqu'ils procèdent eux-mêmes aux ventes publiques de meubles appartenant à des musulmans. (D. gouv. gén. 19 oct. 1893.)

Dans les localités dépourvues de commissairespriseurs, les greftiers de justice de paix sont exclusivement préposés aux ventes publiques de meubles. (D. 3 sept. 1884, art. 10.)

93. Courtiers de commerce et courtiers maritimes. Les courtiers en marchandises et les courtiers maritimes sont réglementés par un arrêté du 6 mai 1844, modifié par un décret du 25 août 1867, en ce qui concerne les premiers, et, pour les seconds, par un décret du 17 janvier 1876. La loi du 18 juillet 1866, qui déclare libre la profession de courtier en marchandises, a été promulguée en Algérie par un decret du 25 août 1867; celle du 28 mai 1858, sur les négociations concernant les marchandises déposées dans les magasins généraux et sur les ventes

publiques de marchandises en gros, ainsi que le règlement du 12 mars 1859, l'ont été par un décret du 31 mars 1860.

Pour tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions de l'arrêté du 6 mai 1844, les ordonnances et règlements, qui régissent les courtiers en France, sont applicables à leurs collègues d'Algérie. Dans les localités où il n'y a pas de courtier de commerce, les commissaires-priseurs et à défaut les huissiers, notaires ou grefliers de justice de paix peuvent faire les ventes de marchandises dans les mêmes conditions que les courtiers.

94. Curateurs aux successions vacantes. En France, les tribunaux de première instance nomment spécialement un curateur pour chaque succession vacante. En Algérie, une ordonnance du 26 décembre 1842 a institué des curateurs aux successions vacantes, véritables officiers ministériels, placés sous la surveillance du procureur général, nommés par lui, et soumis, quant à leur gestion, au cutrôle des agents de l'administration de l'enregistrement et des domaines, qui vérifient leurs opérations tous les trois mois et dressent de cette vérification un procès-verbal, en double, dont un exemplaire est transmis au directeur de l'enregistrement et l'autre au procureur de la République. (Circ. 14 juill. 1863.)

En Algérie, une succession est présumée vacante lorsque aucun héritier ne se présente au moment du décès, ou lorsque les héritiers connus y ont renoncé, et le curateur entre de plein droit en fonctions; il fait apposer les scellés, dresser inventaire, par un notaire si les valeurs mobilières de l'hérédité dépassent 1 000 fr., par le juge de paix, et sans frais, si elles sont inférieures à ce chiffre. Il fait vendre aux enchères publiques les effets mobiliers autres que ceux mentionnés à l'art. 529 du Code civil, et gère la succession conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1842, sans pouvoir acquitter aucune dépense ou dette de l'hérédité autres que les petites dettes privilégiées désignées par l'art. 2101 du Code civil. (Circ. 20 août 1863, B. O. 329.) Il exerce et poursuit toutes actions relatives à l'hérédité, défend à toute demande formée contre elle, et les jugements rendus contre lui sont opposables aux héritiers qui se font connaître par la suite; il représente la succession, non le defunt, et rend compte annuellemement, tant que dure la curatelle, de la gestion qui lui est confiée.

Toute succession non réclamée dans les trois années qui courent à partir du jour du décès est de plein droit présumée en déshérence; l'administration des domaines en demande l'envoi en possession, conformément à l'art. 770 du Code civil, et la gestion du curateur cesse.

Les successions vacantes des militaires décédés en Algérie sont soumises, en ce qui concerne les objets mobiliers, aux règles établies par les art. 935 et suivants du règlement sur les hôpitaux; la vente en est faite par les soins des officiers comptables, en présence du sous-intendant, et le produit en est remis aux héritiers ou versé à la Caisse des dépôts et consignations par l'intermédiaire du receveur des domaines. Les immeubles sont administrés par les curateurs, conformément

aux dispositions de l'ordonnance du 26 décembre 1842.

Quant aux successions vacantes des étrangers, elles échappent, en principe, au curateur et sont appréhendées par l'agent consulaire de la nation à laquelle appartenait le défunt, à moins qu'il n'existe des créanciers français. (Décis. min. 18 janv. 1837.) S'il dépend de la succession des immeubles situés en France, ces biens sont administrés par le curateur. (Décis. min. 26 déc. 1872.) Mais celui-ci n'a pas à intervenir en ce qui concerne les successions vacantes musulmanes, dont la gestion appartient au Beït-el-Mal. (Voy. infra, n° 243.)

95. Interprètes. L'ordonnance du 26 septembre 1842 sur l'organisation de la justice en Algérie a attaché aux divers tribunaux de la colonie des interprètes pour la langue arabe et la langue kabyle. L'institution est réglementée par une ordonnance du 19 mai 1846, modifiée par deux décrets du 25 avril 1851 et 13 décembre 1879. Ils sont nommés par le gouverneur général et sont placés sous la surveillance du procureur général; ils ne peuvent exercer aucune autre fonction. Ils ont seuls qualité pour faire et certifier la traduction de tous actes ordonnés par justice. Nul acte reçu par les notaires, les cadis ou autres officiers publics de l'Algérie n'est valable, lorsque les parties ne parlent pas la même langue, si un interprète assermenté ne le signe comme témoin additionnel. Nul acte en langue arabe ou étrangère ne peut être produit en justice, ni cité dans un acte reçu par un officier français, ni annexé à cet acte, s'il n'est accompagné de la traduction faite par un interprète assermenté.

Un arrêté du 4 février 1854 fixe le programme des examens des interprètes qui sont astreints à fournir un cautionnement; leurs émoluments ou honoraires sont déterminés par un décret du 20 novembre 1852.

Les interprètes-traducteurs assermentés sont supprimés par extinction et remplacés par des interprètes judiciaires. (D. 25 avril 1851.) Sect. 3. Justice musulmane.

96. Les musulmans résidant en Algérie non admis à la jouissance des droits de citoyens français, mais sujets français, sont régis par leur loi et leurs coutumes, en ce qui concerne leur statut personnel, leurs successions, ceux de leurs immeubles dont la propriété n'est pas établie conformément à la loi du 26 juillet 1873 (voy, infra, nos 177 et suiv.), ou par un titre français : administratif, notarié ou judiciaire. Ils sont régis par la loi française pour toutes autres matières, ainsi que pour la poursuite et la répression des crimes, délits et contraventions. Toutefois, les musulmans peuvent renoncer, par une déclaration expresse, à l'application de leurs droits et coutumes pour se soumettre à la législation française.

En matière de statut personnel et de successions, les musulmans sont régis par les coutumes de leur pays d'origine ou par les coutumes du rite spécial auquel ils appartiennent; les contestations à ce sujet sont portées devant le cadi, sauf celles relatives au statut personnel et aux droits successoraux des Mozabites, et celles entre Kabyles, qui sont portées devant le juge de paix.

97. Dans le Tell. Dans la région du Tell, la justice musulmane est réglementée par un décret du 17 avril 1859, modifié et complété par un autre décret du 25 mai 1892. Ce sont les cadis et les juges de paix qui rendent la justice; des audiences foraines sont tenues dans certains marchés éloignés et dans les localités spécialement désignées par décret.

La mahakma, ou tribunal du cadi, se compose d'un cadi (juge), d'un ou de plusieurs suppléants (bachadels) et d'un ou plusieurs greffiers (adels), nommés les uns et les autres autrefois par le garde des sceaux, aujourd'hui par le gouverneur général; tous prêtent serment, devant le tribunal de première instance, de bien et religieusement remplir leurs fonctions. Comme juges, les cadis reçoivent un traitement fixe annuel de 1 500 fr.; ils perçoivent, en outre, pour chaque acte ou jugement, des droits et honoraires. Les séances des tribunaux indigènes sont publiques à peine de nullité.

Le cadi n'est compétent qu'entre musulmans; dès qu'un musulman a perdu son statut personnel, par sa naturalisation française, par exemple, il ne peut plus avoir recours à la juridiction du cadi.

En dernier ressort, les cadis connaissent des contestations concernant les successions dont la valeur est inférieure à 500 fr. en principal; ils connaissent en premier ressort de toutes les contestations relatives au statut personnel musulman et de celles concernant les successions dont la valeur dépasse 500 fr. La procédure devant le cadi a conservé une grande simplicité, qui comporte le double avantage de la rapidité et de l'économie. La demande est introduite soit par la comparution volontaire et simultanée des parties, soit par celle du demandeur seul. Dans ce dernier cas, le cadi, par l'intermédiaire d'un aoun (huissier; voy. ci-après, no 104), fait donner avis écrit au défendeur de comparaître devant lui au jour qu'il indique; s'il ne comparaît pas, il accorde un délai à l'expiration duquel il annonce publiquement, à l'audience, le jour où il prononcera son jugement, et en fait donner avis au défendeur par l'aoun. L'accomplissement de ces diverses formalités est mentionné, à sa date, sur un registre tenu à cet effet par l'adel et mis à la disposition de tous les intéressés.

Les règles relatives aux jugements sont nettement posées par le décret du 17 avril 1889; les jugements rendus par les cadis sont, dans les vingtquatre heures de leur prononcé, inscrits sur un registre à ce destiné ; ils sont revêtus du cachet du cadi, signés par ce magistrat et ses adels. Indépendamment de la formule arabe d'usage, ils contiennent les noms, qualités et demeures des parties, le point de fait, le dire des parties, les motifs en fait et en droit, le dispositif, la date, la liquidation des dépens. Les jugements définitifs des cadis sont mis à exécution par les soins de ces magistrats dans les formes de la loi musulmane; les expéditions doivent être revêtues de la même formule exécutoire que les jugements français.

98. Voies de recours. Il n'existe plus de medjelės en territoire civil: cette institution et

la voie de recours dont elle assure le fonctionnement n'existent que dans le territoire de commandement.

99. Juges de paix. Les attributions des juges de paix en matière musulmane sont déterminées par le décret du 17 avril 1889; ils connaissent: 1° en dernier ressort, des actions civiles, commerciales, mobilières et immobilières, dont la valeur n'excède pas 500 fr. en principal; 2o en premier ressort, des actions civiles, commerciales, mobilières et immobilières, dont la valeur excède ce taux, et des contestations relatives au statut personnel, lorsque des Mozabites ou des Kabyles sont en cause. Ils peuvent statuer en référé on rendre des ordonnances sur requête dans les cas prévus par le Code de procédure civile. Ils sont saisis soit par la comparution volontaire des parties, soit par des avertissements délivrés à la requête du demandeur, dressés par le greffier, portés par lui sur un registre spécial, traduits en marge par l'interprète et remis à l'aoun pour signification. Les jugements, rédigés conformément à la loi française, sont exécutés selon les règles de la loi musulmane, par les soins des cadis, cadis-notaires ou bachadels.

100. En Kabylie. Au moment de la conquête, c'était la djemâa de chaque village, c'est-à-dire l'assemblée de tous les hommes valides, qui exerçait le pouvoir judiciaire; c'est que le Kabyle diffère de l'Arabe par la langue, par les mœurs, les usages, la législation, l'organisation sociale. De race arborigène, il a subi toutes les conquêtes sans se laisser absorber, et s'il a accepté la religion du Coran, il n'en a pas accepté la loi civile. La longue insurrection de 1871 ayant désorganisé complètement les djemâas, on en profita pour substituer notre organisation administrative à l'ancienne organisation communale kabyle, et pour implanter dans cette région notre organisation judiciaire; mais une législation spéciale s'imposait; elle a été établie par un décret du 29 août 1874 (B. O. 567) qui s'applique à la circonscription torritoriale des deux arrondissements judiciaires de Tizi-Ouzou et de Bougie. Quelques modifications ou améliorations ont été apportées à ce décret par ceux des 13 décembre 1879, 8 avril 1882, 17 avril 1889 et 25 mai 1892.

En Kabylie, les cadis ne sont pas chargés de rendre la justice; ils n'exercent que les fonctions notariales; les juges de paix statuent sur toutes les actions civiles et commerciales intéressant les indigènes kabyles, arabes ou musulmans étrangers, qui continuent à être régis par les coutumes kabyles ou par le droit musulman. Cependant, la déclaration, faite par les parties dans les conventions passées entre elles ou depuis, qu'elles entendent se soumettre à la loi française, entraîne l'application de cette loi. En matière réelle, on applique la loi du lieu de la situation de l'immeuble, et en matière personnelle et mobilière, celle du lieu où s'est formé lè contrat, et, à défaut de convention, celle du lieu où s'est accompli le fait qui a donné naissance à l'obligation. Si les parties ont indiqué, lors du contrat, quelle loi elles entendent se soumettre, cette loi est appliquée. Les juges de paix connaissent, en premier res

sort: 1o de toutes les contestations relatives aux matières religieuses ou d'état; 2o de toutes actions personnelles ou mobilières, civiles ou commerciales: 3o de toutes les actions immobilières jusqu'à 60 fr. de revenu, déterminé soit en rentes, soit par le prix de bail. Ils connaissent en dernier ressort de toutes actions personnelles et mobilières; en cas d'urgence et en exigeant une caution, ils peuvent ordonner l'exécution provisoire de leurs décisions, nonobstant appel. Les tribunaux de Tizi-Ouzou et de Bougie jugent: 1o en premier ressort, les actions immobilières d'une valeur indéterminée ou supérieure au taux de la compétence des juges de paix; 2o en dernier ressort, les actions personnelles jusqu'à 2000 fr. et les actions immobilières jusqu'à 500 fr. de revenu; 3° en appel, de tous les jugements rendus en premier ressort par les juges de paix. Les jugements définitifs rendus entre indigènes par les juges de paix et par les tribunaux, sont exécutés par les soins des cadis.

101. Appels. Aux termes de l'art. 1or du décret du 25 mai 1892, les appels des jugements rendus en premier ressort par les juges de paix et par les cadis sont portés, dans toute l'étendue de l'Algérie, même en dehors du Tell, devant le tribunal de l'arrondissement. Ils sont interjetés par une déclaration faite à l'adel du cadi ou au greffier de la justice de paix; cette déclaration est consignée sur un registre spécial et copie en est remise par un aoun à chacun des intimés ; il en est délivré un récépissé ; le greffier ou l'adel en donne avis au greffier de la cour. L'appel des jugements contradictoires n'est recevable que dans les trente jours de la connaissance qui en est donnée aux parties par un avertissement contenant la date du jugement attaqué, son dispositif et le tribunal dont il émane; pour les jugements de défaut, le délai d'appel ne commence à courir que du jour où a été fait le premier acte d'exécution.

Dès qu'il est informé de l'appel, le ministère public requiert la nomination d'un magistrat rapporteur, avise, par un avertissement signifié par un aoun, toutes les parties en cause, du jour fixé et les prévient d'avoir à se présenter la veille ou l'avant-veille de l'audience devant le magistrat rapporteur ; ces comparutions préalables ont lieu sans l'assistance d'avocats, de défenseurs ou d'avoués. Les parties doivent y comparaître en personne ou par procureur fondé. Les jugements sont établis dans la forme ordinaire de la justice française. L'appelant qui succombe est condamné à une amende de 5 fr., qui est versée entre les mains du receveur des contributions diverses.

102. Pourvois. Le législateur n'a pas admis le pourvoi en cassation en matière musulmane, parce qu'il a jugé dangereux de créer un troisième degré de juridiction auquel les indigènes se trouveraient enclins à recourir trop souvent. Néanmoins, pour assurer à la jurisprudence des tribunaux le caractère d'unité qui lui fait défaut, il a paru nécessaire de réserver au procureur général le droit de déférer à la cour d'appel les décisions rendues en dernier ressort qui seraient contraires aux principes du droit musulman. Ce système est un acheminement vers la création

d'une juridiction souveraine qui s'impose; trop de diversité existe dans la jurisprudence des tribunaux et il est à désirer que cette juridiction soit établie à bref délai.

103. Cadis. En Kabylie et dans le Tell, en dehors des attributions judiciaires, les cadis remplissent les fonctions de notaire, et, en cette qualité, ils procèdent aux opérations de compte, liquidation et partage des successions purement mobilières. Si les successions comprennent à la fois des meubles et des immeubles, ou si elles sont purement immobilières, il est procédé aux opérations de compte, liquidation et partage par les soins des notaires français ou des greffiers-notaires. Les droits successoraux sont établis conformément aux prescriptions du droit musulman, (D. 17 avril 1889, art. 52 à 61.) Les dépôts effectués entre les mains des cadis sont inscrits par eux sur un registre spécial et versés, pour le compte du Beit-el-Mal (voy. infra, no 243), entre les mains des receveurs des domaines (art. 56).

104. Aouns. Les fonctions d'huissier près les mahakmas des cadis et près des juges de paix jugeant en matière musulmane sont remplies par des agents dénommés aouns, nommés, suspendus ou révoqués par le procureur général; à chaque mahakma et à chaque justice de paix sont attachés un ou plusieurs aouns; ils sont spécialement chargés du service des avertissements ainsi que de toutes notifications à la requête des parties; ils peuvent, en outre, être appelés à faire aux indigènes la remise de tous avis de comparution à la requête du ministère public. Ils reçoivent une rémunération déterminée par le tarif annexé au décret du 17 avril 1889.

105. Oukils. Des oukils (défenseurs) sont chargés, dans chaque mahakma, de représenter devant les cadis et les juges de paix, les indigènes qui leur en donnent mandat. Leurs fonctions sont réglementées par un arrêté du 30 novembre 1855; nul ne peut être nommé oukil s'il n'est âgé de vingt-cinq ans, s'il ne justifie d'un revenu mobilier de 500 fr., et s'il ne produit un certificat de moralité et d'aptitude délivré par un medjelės. Nommés par le procureur général, ils sont sous sa surveillance directe et sont suspendus et révoqués par lui.

106. Dellals. Les ventes d'objets mobiliers appartenant aux indigènes sont faites par les cadis avec l'aide d'agents indigènes appelés dellals (encanteurs), dont un décret du 5 mars 1875 réglemente la profession; la corporation est placée sous la direction d'un amin (syndic), assisté d'un khodja (secrétaire), et l'amin préside aux ventes, distribue le travail des ventes entre les dellals et en reçoit le montant. Les objets peuvent être mis en vente dans tous les quartiers de la ville, mais l'adjudication définitive n'est prononcée qu'au lieu désigné par l'autorité, et en présence de l'amin, qui tient un registre des objets vendus.

Les dellals sont nommés: en territoire civil, par le préfet; en territoire militaire, par le général commandant la division; ils doivent être âgés de vingt-cinq ans et justifier d'un certificat de moralité et du versement d'un cautionnement qui ne peut dépasser 150 fr.

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