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à l'Espagne, c'est-à-dire le licenciement. Il blåmait surtout comme un mode désorganisateur le parti qu'on prit ensuite de prendre dans les régimens français, particulièrement dans ceux placés sur la frontière et même jusqu'en Afrique, tous les hommes que la séduction engagcait à passer au service de l'Espagne, pour en former le corps qu'on réunit à Pau. Cette manière d'intervenir était une des plus désastreuses qu'on pût concevoir. Ces quinze mille hommes, s'ils avaient pénétré en Espagne, s'y seraient trouvés dans une situation épouvantable... Ils pouvaient être forcés par les ordres d'un général espagnol de marcher à la répression des désordres qui éclatèrent à cette époque dans plusieurs provinces. Etait-ce là une situation convenable? Le Gouvernement de cette époque a-t-il prévu toutes les circonstances malheureuses qui pouvaient en résulter? « Je ne puis le supposer, dit le maréchal Soult; autrement je l'accuserais d'avoir voulu compromettre la France, et l'exposer à une situation des plus fàcheuses, qu'elle n'aurait pas même osé avouer aux yeux des puissances étrangères. »

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Le célèbre capitaine reconnaissait qu'il pouvait se présenter des circonstances où l'intervention de la France pouvait être nécessaire. Mais, à son avis, le cas ne s'était pas encore présenté; il siégeait dans le Conseil du roi, lors de la conclusion du traité de la quadruple alliance, et rappelait qu'il n'hésita dès lors à se prononcer contre toute espèce d'intervention. Les événemens postérieurs l'avaient plus que jamais fait persister dans son opinion, et il terminait, en votant pour le paragraphe de l'adresse, par répéter qu'à ses yeux la coopération dont il avait été question n'était qu'une intervention déguisée, hoxleuse, en ce que l'on n'osait pas Favouer, compromettante, parce qu'elle pouvait mener aux conséquences les plus difficiles à réparer...

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Cette opinion si franchement exprimée sur la coopération avait excité dans la Chambre une sensation désagréable aux membres des deux derniers cabinets; et M. Cousin, tout en

blâmant la sévérité de l'illustre maréchal pour cette coopération, renvoya le soin de la défendre au président du Conseil du 11 octobre. Ce fut M. Guizot, membre de ce cabinet, quí s'en chargea. D'abord il n'hésitait pas à reconnaître que le cabinet du 11 octobre avait donné au Gouvernement de la reine Christine un appui indirect qui avait varié suivant les circonstances.

«En même temps, dit-il, que le cabinet du 11 octobre se refusait à l'íntervention, à la coopération armée, il appuyait la reine d'Espagne, tantôt par le blocus sur la frontière, tantôt en autorisant le Gouvernement espagnol à recruter en France et à lever lui-même, en son propre nom, par sa seule action, à lever, dis-je, dans la population ou parmi les militaires en congé, des corps de volontaires, comme l'a été la légion Schwartz; tantôt, enfin, en autorisant la légion étrangère, licenciée, à passer au service de l'Espagne, à devenir un corps espagnol; car il était bien formellement stipulé, dans la convention, que ce corps n'était plus au service de la France, qu'il devenait un corps espagnol, sous les ordres du général en chef espagnol. Oui, Messieurs, tous ces appuis indirects ont été successivement accordés, par le ministère du 11 octobre, à la cause de la reine; et aujourd'hui, pour mon compte, je n'en répudie aucun.

« Qu'a voulu, après la dépêche que je viens de lire tout à l'heure, qu'a youlu y ajouter le cabinet du 22 février?

« D'une part, il a voulu rendre beaucoup plus considérable la force du corps ou des corps qui servaient en Espagne comme volontaires ou sous le nom de légion étrangère. De plus, il s'est chargé lui-même du recrutement en France: c'est M. le ministre de la guerre qui, par des circulaires et des instructions émanées de lui, par des officiers envoyés par ses ordres, a provoqué et dirigé ce recrutement; ce n'est plus l'ambassadeur d'Espagne seul, ce n'est plus le gouvernement espagnol seul qui a recruté et enrôlé des volontaires en France, ainsi qu'on l'y avait autorisé lors de la formation de la légion Schwartz : c'est le ministre de la guerre de France qui a écrit, qui a ordonné, qui a fait voyager des officiers, qui a recruté et formé les corps d'armée sur le territoire français. >>

Ici M. Guizot rappelait à la Chambre ou mettait sous ses yeux plusieurs dépêches d'où il résultait que le cabinet du 11 octobre, en accordant à la reine d'Espagne un appui indirect, avait soin de le limiter et de se retenir lui-même sur la pente sur laquelle il était placé...

«Eh bien! Messieurs, ajoutait-il, c'est cette limite que le ministère du 22 février a cru devoir dépasser; il a fait faire le recrutement par le ministre de la guerre lui-même, dans les régimens français eux-mêmes; en sorte que, sans sortir encore de l'appui indirect, et ici je fais sa cause meilleure que ne la faisait tout à l'heure le préopinant lui-même, il a cependant fait un pas, un pas immense, un pas qui devait plus tard rendre inévitable la coopération armée ou l'intervention, comme on voudra; d'autant plus inévitable, permettez-moi de le dire, que le chef même du cabinet, dans ses convictions

les plus sincères, avait toujours été partisan de l'intervention, au sein même du cabinet du 11 octobre; d'autant plus inévitable que, lorsque le cabinet du 11 octobre avait refusé l'intervention, l'honorable M. Thiers avait manifesté une opinion différente de celle qui avait prévalu dans le sein du conseil.

<< Voilà donc un pas nouveau, un grand pas fait par le cabinet du 22 février, sous la direction d'un président partisan de l'intervention, et vous voudriez que tout cela fût insignifiant, que tout cela ne fût pas autre chose que ce qu'avait fait le cabinet du 11 octobre!... Il faut mettre de côté les mots, les apparences; il faut voir ce qu'on voulait, ce qu'on cherchait, ce qui serait arrivé, quand même peut-être on ne l'eût pas cherché ou voulu. L'intervention, la coopération armée étaient au bout de ces actes, et c'est à cause de cela que, pour notre compte, nous n'en avons pas voulu, pas plus dans le cabinet du 11 octobre que dans le cabinet du 6 septembre. Nous avons toujours eu devant les yeux et déterminé avec grand soin la limite à laquelle la France s'arrêterait. Sans prononcer d'une manière irrévocable, absolue, que toute intervention était à tout jamais impossible, nous nous sommes toujours proposé, non seulement de ne pas pousser à l'intervention, mais de l'éviter. Les limites que le cabinet du 22 février a voulu dépasser, nous nous y sommes renfermés. Le cabinet du 22 février s'est retiré pour avoir voulu les dépasser. Le cabinet du 6 septembre s'est formé pour s'y tenir encore renfermé, comme avait fait le cabinet du 11 octobre, ainsi que je viens, je crois, de le démontrer irrésistiblement à la Chambre. »

Après ces détails qui établissent clairement les dissidences des deux cabinets, la discussion n'offre plus d'intérêt historique.

M. le duc de Broglie revint pourtant encore sur l'espèce de coopération que le cabinet du 11 octobre avait accordée, et en prit occasion de relever l'expression dont le maréchal Soult l'avait flétrie, mais que celui-ci expliqua ensuite de manière à calmer la susceptibilité de l'ancien ministre.

La discussion arrivée au paragraphe relatif à l'expédition de Constantine, M. Villemain, après quelques observations piquantes sur les variations montrées dans la conduite de l'administration de la guerre, terminait ses observations en demandant à M. le président du Conseil à quelles limites s'arrêterait la pure vengeance de l'honneur français; comment serait manifestée cette résolution de borner ses entreprises en Afrique, pour les assurer; jusqu'à quel point le régime sous lequel était placée la ville d'Alger devait être continué, et s'il était dans l'intention du Gouvernement de faire subir à ce régime, au moins pour l'ordre civil, des modifications qui le rapprochent davantage de l'esprit de la Charte, des intérêts

bien entendus de la France, et de l'organisation qui scule peut fonder une colonie utile et florissante.

M. le président du Conseil, tout en reconnaissant l'inconvénient qu'il y avait de ne pas définir plus nettement le système à suivre pour la colonisation de l'Afrique, fit remarquer que cette question se poserait lors de la discussion du budget ou des crédits à demander pour cette colonic; mais qu'il ne s'agissait ici que de réparer un désastre qui, s'il n'était réparé, affaiblicait certainement l'ascendant de la France parmi les Arabes; que ce qui importait aujourd'hui, ce que le discours de la couronne et l'adresse de la Chambre devaient surtout mentionner explicitement, c'était la résolution positive et formellement arrêtée de l'expédition de Constantine, considération qui fit cesser la discussion.

En fait, il n'était proposé aucun amendement de quelque importance au projet présenté par la commission, et l'adresse, volée à la majorité de 98 voix sur 109 votans, fut portée dès le même soir au roi par une grande députation.

La discussion de l'adresse dans la Chambre des pairs n'avait fait que soulever une des difficultés les plus graves sans doute qu'on pouvait faire au nouveau cabinet; celle de la Chambre des députés, plus menaçante, allait les révéler, sans les ménagemens que le caractère et les habitudes parlementaires de l'autre lui imposent.

12 janvier. Le projet d'adresse présenté à la Chambre des députés, par la commission nommée pour le rédiger, était aussi conçu dans des termés qui répondaient, en général,ˇå l'esprit du discours de la couronnet, mais quelques phrases trouvées trop affirmatives oétaient modifiées, et l'on y signalait le cas d'une contre-révolution en Espagne comme un malheur.eliteod aulq ashicoqgo noc aush olivcupil of 14

Nous passerons & rapidement sur la discussion générale où les discours se suivent, sans se répondre et soulèvent des questions qu'elle ne peut pas résoudre.

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M. Damilly, qui l'ouvrit, adhérait en général au système

du Gouvernement; mais il regardait l'intervention de la France en Espagne comme une nécessité plus ou moins prochaine, et comme étant dans nos intérêts commerciaux et financiers, non moins que dans notre intérêt politique, maha

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M. Liadières, tout en déplorant les changemens fréquens du ministère, applaudissait à la retraite de celui du 22 février; il approuvait le parti pris par le cabinet nouveau à l'égard du prince Louis Napoléon, la conduite de ses relations avec la Suisse et le système suivi dans les affaires d'Espagne.

M. Havin, dans sa réprobation absolue du système suivi par les ministères qui s'étaient succédé, n'approuvait, même celui du 22 février, que pour sa sortie des affaires. A ses yeux, les doctrinaires veulent faire la contre-révolution par les lois; ils ont tout préparé pour le triomphe de don Carlos, et il vote contre tout projet d'adresse qui tendrait à conserver le ministère actuel au pouvoir.

M, Muret de Bord, s'élevant contre des sophistes démolisseurs, observait que jamais la France n'avait joui de plus de liberté, de plus de sécurité ; que le pouvoir seul était sérieusement menacé; qu'un seul homme en France, celui qu'elle avait placé sur le trône, comme le plus digne de l'occuper, constamment en bulte aux coups des assassins, semblait y être mis hors du droit commun. piz

M. Glaiz-Bizoin, attribuant au ministère doctrinaire le dessein de faire la contre-révolution en Espagne, afin de l'opérer en France 3 trouvait que da politique du 6 septembre avait mieux servi don Carlos que les puissances du Nord..

M. Rouly signalant les factions qu'il supposait vouloir nous mener à las république, da repoussait comme (incompatible avec les mœurs et les intérêts de la France. b 260 ol icbar,

M. de Briqueville, dans son opposition plus hostile que tout autres ne ménageait pas même ses nouveaux auxiliaires, les amis du ministère de février, et ne voyait dans leurs querelles avec celui du 6 septembre que des rivalités d'ambitions personnelles.:

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