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centaine d'hommes, fut aisément désarmée. A la tête de la révolte était le fils du marquis de San Giuliano, appartenant à une des premières familles de la ville. Le buste du dernier roi fut mis en pièces, l'administration déposée et l'indépendance de la Sicile proclamée. On envoya cette proclamation dans l'île entière. Aucune ville ne répondit à ce signal, pas même Syracuse qui s'était compromise d'une manière si terrible par les flots de sang versés dans ses murs. La population de Catane resta elle-même impassible devant cette tentative révolutionnaire qu'elle ne comprenait pas. Les chefs du mouvement essayèrent d'aller chercher des renforts dans une petite ville voisine; mais ils furent repoussés, et voyant, à leur retour à Catane, que ses habitans étaient moins que jamais disposés à les seconder, tandis que d'un autre côté le général del Caretto s'avançait avec des troupes, ils gagnèrent les montagnes pour se soustraire à la justice des commissions militaires que ce général instituait partout en arrivant. Ils farent cependant arrêtés, pour la plupart, livrés au conseil de guerre et mis à mort, au nombre de huit, après une courte procédure. Ici, comme à Syracuse, la tête des contumaces fut mise à prix.

A Floridia, où les troupes royales parurent le 11 août, il y avait eu treize personnes massacrées de la même manière qu'à Syracuse. Un officier suisse fut chargé d'y rester avec un détachement de trente chasseurs et de douze gendarmes à cheval, pour y rétablir l'ordre, avec de pleins pouvoirs extraordinaires portant qu'il était maître d'agir comme il jugerait convenable, et, en cas de résistance, de tout raser au niveau du sol.

Les troupes se transportèrent ainsi, d'un endroit à l'autre, partout où le choléra et avec lui la rebellion s'étaient montrés. Le peuple fut désarmé et les coupables traduits devant les conseils de guerre. Ces endroits étaient Aula, Modica, Raguse, Santa-Croce, Spachaforno, Chiaramonte, Bomiro

et Monteroso. Dans tous on avait assassiné, incendié, volé,, au témoignage d'un militaire qui faisait partie de cette expédition.

Le seul nom de Suisse avait répandu une telle épouvante parmi les habitans, que tout se hâtait de fuir à la vue d'un seul soldat de cette nation. Il fallait bien qu'il en fût ainsi, pour qu'un corps de 1,200 hommes, tout au plus, chargé de parcourir la province de Catane en état de révolte, pût prendre et désarmer des villes de 20 à 25,000 habitans.

Le roi de Naples, qui venait de faire sévir contre la tentative d'une poignée de Siciliens, pour fonder l'indépendance administrative de leur île sur la base d'une constitution, méditait, de son côté, une révolution qu'il jugea pouvoir opérer plus facilement dans les institutions de la Sicile, au milieu de la terreur dont sa population était frappéc. Divers décrets, rendus le 1 octobre, enlevèrent à ce pays plusieurs priviléges importans, dans le but de resserrer plus étroitement les liens politiques entre les deux grandes portions de la monarchie, contrairement aux vœux des Siciliens, qui demandaient un gouvernement tout-à-fait national. En vertu de ces décrets, l'administration des domaines au-delà du Phare, c'està-dire de la Sicile, devait être désormais confondue avec celle des domaines en deçà du Phare, ou du royaume de Naples proprement dit. En conséquence, le ministère d'Etat pour les affaires de Sicile était aboli; sauf quelques exceptions, les Siciliens et les Napolitains devenaient indistinctement admissibles aux charges publiques dans toute l'étendue de la monarchie; le vice-roi de Sicile, prince de CampoFranco, était remplacé par le duc de Laurenzana, nommé pour deux ans lieutenant-général des domaines au-delà du Phare; plusieurs fonctionnaires supérieurs du Gouvernement sicilien étaient destitués ou appelés à d'autres emplois; enfin, les sous-intendances étaient rétablies, conformément à un décret de 1817, dans les diverses vallées ou provinces de la

Sicile. Un autre décret, du même jour, déclarait la mission du marquis del Caretto terminée à la pleine satisfaction du roi, et faisait cesser les pouvoirs extraordinaires de l'alter ego qui lui avaient été donnés.

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Jusqu'alors les Siciliens avaient eu une administration spéciale, une sorte de représentation nationale dans leur pays, et une commission représentative à Naples, auprès du ministère. Ce sont et cette constitution particulière et cette demiindépendance que détruisaient les décrets du 51 octobre, dont le plus grand tort, en venant incorporer la Sicile au royaume de Naples, fut peut-être de fondre sur cette île, comme une vengeance. En effet, l'administration de la Sicile était très défectueuse; elle vivait, depuis des siècles, sous les restrictions du monopole le plus sévère. La côte du Sud, exposée sans cesse aux déprédations des pirates, était inhabitée; l'intérieur, si fertile sous la domination des Carthaginois et des Romains, n'offrait plus aujourd'hui que des marécages. La misère des habitans de la campagne les poussait au brigandage; les impositions, quoique peu considérables, étaient encore trop lourdes pour un peuple appauvri. Point de routes, point d'écoles, point d'agriculture, point de commerce, point d'industrie, mais d'innombrables couvens de moines et de religieuses, mais une ignorance profonde et une superstition grossière qui n'expliquaient que trop les horribles excès auxquels le peuple s'était récemment porté; voilà en quelques traits le tableau de la Sicile, considérée par Naples, comme une province conquise, d'où l'on puisait tout l'or qu'elle pouvait fournir, tandis qu'on ne s'occupait guère de ses intérêts matériels. Si c'était pour remédier à cette déplorable situation, et non pas seulement pour mettre à exécution les lois sur les tabacs, le sel, le timbre et la conscription, dont les Siciliens avaient toujours été exemptés; si c'était pour supprimer des abus incompatibles avec la marche de la civilisation, pour amortir peu à peu l'antipathie nationale

des Siciliens envers les Napolitains, en maintenant entre les uns et les autres une juste égalité, pour guérir enfin les plaies de la Sicile et lui donner tous les élémens de bien-être dont elle était profondément dépourvue; si c'était à cette fin que la force du Gouvernement central avait été augmentée, qu'on avait ramené à l'unité les deux grandes divisions de la monarchie, il n'est pas douteux que la Sicile ne dût un jour bénir les décrets du 31 octobre 1857, et les regarder comme l'ère d'une époque de prospérité.

CHAPITRE V.

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ESPAGNE. Divisions du parti carliste.-Nominations militaires et politiques. - Disgrâce de Gomez. -Récompenses accordées à la ville de Bilbao et å ses libérateurs. Situation du parti constitutionnel. Etat des choses dans le royaume de Valence.-Cabrera. Mésintelligence des généraux chargés de l'attaquer. — Incursion des carlistes dans la Manche. — Affaire de Bunol. - Avantages obtenus par les carlistes en Catalogne. Etat des deux armées dans les provinces du nord. campagne des constitutionnels. nani. Loi sur la presse. - Projet de constitution.

projet,

-

- Nouveau plan de

Echec du général Evans devant Er

Discussion de ce

- Opérations des carlistes dans les royaumes de Valence et de Exposition de la députation provinciale

Murcie, et dans la Manche..

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Opérations des deux armées dans la Catalogne.

sition au ministère Calatrava. des Cortés en sa faveur.

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Changement dans ce ministère. -Votes Troubles dans diverses villes. Insurrection des exaltés en Catalogne. — Adresse de la minorité des Cortés à la reine sur les événemens de la Catalogne. Dissolution et désarmement des gardes nationales de cette province. — Dernières délibérations des Cortés sur la nouvelle constitution. - Loi qui supprime les établissemens moPromulgation solennelle de la nouvelle

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Le parti carliste avait, comme le parti constitutionnel, ses divisions, quoique moins apparentes et plus souvent comprimées par le besoin de s'unir contre l'ennemi commun. Elles prenaient naissance dans la diversité des opinions, des intérêts, et surtout de l'origine des hommes dont le prétendant était entouré. Les Basques et les Castillans ne se trouvaient pas toujours d'accord sur la manière de conduire la guerre, ni sur le but final que le parti devait se proposer. Les premiers Songeaient particulièrement aux priviléges, aux franchises républicaines de leurs provinces; pour les seconds, il s'agis

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