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non plus feudataire du pape ; il ne pouvait pas l'être, puifque les papes n'étaient pas fouverains de Rome. Cette ville alors était gouvernée par fon fénat: l'évéque n'avait que du crédit; le pape était à Rome précisément ce que l'électeur eft à Cologne. Il y a une différence prodigieufe entre être oblat d'un faint & être feudataire d'un évèque.

Baronius dans fes actes rapporte l'hommage prétendu fait par Robert duc de la Pouille & de la Calabre à Nicolas II; mais cette piéce eft fauffe, on ne l'a jamais vue; elle n'a jamais été dans aucune archive. Robert s'intitula duc par la grace de DIEU & de St. Pierre. Mais certainement St. Pierre ne lui avait rien donné, & n'était point roi de Rome. Si on voulait remon ter plus haut, on prouverait invinciblement non-feulement que St. Pierre n'a jamais été évêque de Rome dans un tems où il eft avéré qu'aucun prêtre n'avait de fiége particulier, où la difcipline de l'églife naifante n'était pas encor formée; mais que St. Pierre n'a pas plus été à Rome qu'à Pekin. St. Paul déclare expreffément que fa miffion était pour les prépuces entiers, que la million de St. Pierre était pour les prépuces coupés, ar c'eft-à dire que St. Pierre né en Galilée ne devait prêcher que les Juifs, & que lui Paul né à Tarfis dans la Caramanie devait precher les étrangers.

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La fable qui dit que Pierre vint à Rome fous le régue de Néron & y fiégea pendant vingt-cinq

Epitre aux Galates ch, II.

ans, eft une des plus abfurdes qu'on ait jamais inventées, puifque Néron ne régna qu'onze ans. La fuppofition qu'on a ofé faire qu'une lettre de St. Pierre datée de Babilone avait été écrite dans Rome, & que Rome eft là pour Babilone, eft une fuppofition fi impertinente qu'on ne peut en parler fans rire. On demande à tout lecteur fenfé ce que c'eft qu'un droit fondé fur des impoftures fi avérées.

Enfin que Robert se soit donné à St. Pierre ou aux douze apôtres ou aux douze patriarches, ou aux neuf choeurs des anges, cela ne communique aucun droit au pape fur un royaume ce n'eft qu'un abus intolérable contraire à toutes les anciennes loix féodales, contraire à la religion chrétienne, à l'indépendance des fouverains, au bon fens & à la loi naturelle.

Cet abus a fept cent ans d'antiquité. D'accord; mais en eût- il fept cent mille, il fau drait l'abolir. Il y a eu, je l'avoue, trente inveftitures du royaume de Naples données par des papes; mais il y a eu beaucoup plus de bulles qui foumettent les princes à la jurifdiction eccléfiaftique, & qui déclarent qu'aucun fouverain ne peut en aucun cas juger des clercs ou des moines, ni tirer d'eux une obole pour le maintien de leurs états. Il y a eu plus de bulles qui difent de la part de DIEU qu'on ne peut faire un empereur fans le confentement du pape. Toutes ces bulles font tombées dans le mépris qu'elles méritent, pourquoi refpecterait-on da

de Naples? Si l'antiquité confacrait les erreurs & les mettait hors de toute atteinte, nous ferions tous tenus d'aller à Rome plaider nos procès lorfqu'il s'agirait d'un mariage, d'un teftament, d'une dixme; nous devrions payer des taxes impofées par les légats. Il faudrait nous armer toutes les fois que le pape publierait une croifade, nous achéterions à Rome des indulgences, nous délivrerions les ames des morts à prix d'argent, nous croirions aux forciers, à la magie, au pouvoir des reliques fur les diabies. Chaque prêtre pourait envoyer des diables dans le corps des hérétiques : tout prince qui aurait un différend avec le pape perdrait fa fouveraineté. Tout cela eft auffi ancien ou plus ancien que la prétendue vaffalité d'un royaume qui par fa nature doit être indépendant.

Certes fi les papes ont donné ce royaume, ils peuvent l'ôter; ils en ont en effet dépouillé autrefois les légitimes poffeffeurs. C'est une fource continuelle de guerres civiles. Ce droit du pape eft donc en effet contraire à la religion chrétienne, à la faine politique & à la raifon; ce qui était à démontrer.

De la Monarchie de Sicile.

Ce qu'on appelle le privilège, la prérogative de la monarchie de Sicile, eft un droit effentiellement attaché à toutes les puiffances chrétiennes, à la république de Gènes, à celles de Lucques & de Ragufe comme à la France &

à l'Espagne. Il confifte en trois points principaux accordés par le pape Urbain II à Roger roi de Sicile.

Le premier de ne recevoir aucun légat à latere qui faffe les fonctions de pape, fans le confentement du fouverain.

Le fecond de faire chez foi ce que cet ambaffadeur étranger s'arrogeait de faire.

Le troifiéme d'envoyer aux conciles de Rome les évêques & les abbés qu'il voudrait.

C'était bien le moins qu'on pût faire pour un homme qui avait délivré la Sicile du joug des Arabes & qui l'avait rendue chrétienne. Ce prétendu privilège n'était autre chofe que le droit naturel, comme les libertés de l'églife Gallicane ne font que l'ancien ufage de toutes les églifes.

Ces privilèges ne furent accordés par Urbain II, confirmés & augmentés par quelques papes fuivans, que pour tâcher de faire un fief apoftolique de la Sicile comme ils l'avaient. fait de Naples. Mais les rois ne fe laifferent pas prendre à ce piége. C'était bien affez d'oublier leur dignité jufqu'à être vaffaux en terre ferme; ils ne le furent jamais dans l'ifle.

Si l'on veut favoir une des raifons pour laquelle ces rois fe maintinrent dans le droit de ne point recevoir de légat dans le tems que tous les autres fouverains de l'Europe avaient la faibleffe de les admettre, la voici dans Jean évêque de Salisburi: Legati Apoftolici... ita debaccantur in Provinciis ac Sathan ad Eccle

fiam flagellandam à facie Domini. facie Domini. Provincia

rum diripiunt fpolia ac fi thefauros Crefi ftu deant comparare. Ils faccagent le pays comme fi c'était Satan qui flagellât l'églife loin de la face du Seigneur. Ils enlèvent les dépouilles des provinces comme s'ils voulaient amaffer les tréfors de Créfus.

Les papes fe repentirent bientôt d'avoir cédé aux rois de Sicile un droit naturel. Ils voulurent le reprendre. Baronius foutint enfin que ce privilège était fubreptice, qu'il n'avait été vendu aux rois de Sicile que par un antipape & il ne fait nulle difficulté de traiter de tyrans tous les rois fucceffeurs de Roger.

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Après des fiécles de conteftations & d'une poffeffion toujours conftante des rois, la cour de Rome crut enfin trouver une occafion d'af fervir la Sicile quand le duc de Savoye Victor Amédée fut roi de cette ifle en vertu des traités d'Utrecht.

Il eft bon de favoir de quel prétexte la cour Romaine moderne fe fervit pour bouleverfer ce royaunie fi cher aux anciens Romains. L'évêque de Lipari fit vendre un jour en 1711 une douzaine de litrons de pois verds à un grenetier. Le grenetier vendit ces pois au marché & paya trois oboles pour le droit impofé fur les pois par le gouvernement. L'évêque prétendit que c'était un facrilège, que ces pois lui appartenaient de droit divin, qu'ils ne devaient rien payer à un tribunal profane. Il est évident qu'il avait tort. Ces pois verds pouvaient être facrés quand ils lui appartenaient s mais ils ne l'étaient pas après avoir été vendus.

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