Tous vos auguftes attraits Aux larmes de ma maîtreffe! Un deftin trop rigoureux
A mes transports amoureux Ravit cet objet aimable:
Mais dans l'ennui qui m'accable,
Si mes amis font heureux,
Je ferai moins miserable.
Exhortation à l'agonie d'un curé de C. D.
Uré de court dimanche, & prêtre d'Apollon Que je vois fur ce lit étendu tout du long, Après avoir vingt ans dans une paix profonde Enterré, confeffé, baptifé votre monde, Après tant d'oremus chantés fi plaisamment, Après cent requiem entonnez fi gaîment; Pour nous, je l'avoûrai, c'eft une peine extrême Qu'il nous faille aujourd'hui prier DIEU pour vous-même. Mais tout paffe & tout meurt, tel eft l'arrêt du fort, L'inftant où nous naiffons eft un pas vers la mort. Le petit père André n'eft plus qu'un peu de cendre, Frère Frédon n'eft plus, Diogène, Alexandre, Céfar, le poëte Mai, La Fillon, Constantin, Abraham, Brioché, tous ont même destin; Ce cocher fi fameux à la cour, à la ville, Amour des beaux efprits, père du vaudeville, Dont vous aviez été le très digne aumônier, Près St. Eustache encor, eft pleuré du quartier;
Vous les fuivrez bientôt ; c'est donc ici, mon frère, Qu'il faut que vous fongiez à votre grande affaire: Si vous aviez été toûjours homme de bien, Un bon prêtre, un nigaud, je ne vous dirais rien; Mais qui peut, entre nous, garder son innocence, Quel curé n'a besoin d'un peu de pénitence? Combien en a-t-on vu jusqu'au pied des autels Porter un cœur paîtri de penchans criminels; Et dans ce tribunal où par des loix févères, Des fautes des mortels ils font dépofitaires; Convoiter les beautés qui vers eux s'accusaient, Et commettre la chofe alors qu'ils l'écoutaient ? Combien en a-t-on vu dans une facriftie Conduire une dévote avec cérémonie,
Et fur un banc trop dur travailler en ce lieu A faire à fon prochain des ferviteurs de DIEU! Je veux que de la chair le démon redoutable N'ait pu vous enchanter par fon pouvoir aimable, Que digne imitateur des faints des premiers tems, Vous ayez pu dompter la révolte des fens.
Vous viviez en châtré, c'est un bonheur extrême; Mais ce n'eft pas affez, curé, DIEU veut qu'on l'aime. Avez-vous bien connu cette ardente ferveur, Ce goût, ce fentiment, cette yvreffe du cœur, La charité, mon fils! Le chrétien vit pour elle, Qui ne fait point aimer n'a qu'un cœur infidèle; La charité fait tout; vous poffédez envain Les mœurs de nos prélats, l'efprit d'un capucin, D'un cordelier nerveux la timide innocence,
Des fils de Loyola toute l'humilité ; Vous ne ferez chrétien que par la charité. Commencez donc, curé, par un effort fuprême; Pour mieux favoir aimer, haïffez-v z-vous vous-même; Faites-nous humblement un expofé fuccint
De cent petits péchés dont vous futes atteint, Vos jeux, vos paffe-tems, vos plaisirs & vos peines, Olivette, amoris, vos amours & vos haines, Combien de muids de vin vous vuidiez dans un an, Si Brunette avec vous a dormi bien fouvent. Après que vous aurez aux yeux de l'affemblée Etalés les péchés dont votre ame est troublée; Avant que de partir il faudra prudemment Dicter vos volontés, & faire un teftament: Bellebat perd en vous fes plaisirs & fa gloire ; Il lui faut un pafteur & des chansons à boire ; Il ne peut s'en paffer: vous devez parmi nous Choifir un fucceffeur qui foit digne de vous; İl fera votre ouvrage & vous pouvez le faire De votre esprit charmant unique légataire : Tel Elie autrefois loin des prophânes yeux, Dans un char de lumière, emporté dans les cieux, Avant que de partir pour ce rare voyage, Confolait Elifé, qui lui fervait de page;
Et dans un teftament qu'on n'a point par écrit, Avec un vieux pourpoint lui laiffa fon efprit.
Galimathias pindarique, fur un carroufel donné par l'impératrice de Ruffie. 1768.
Sors du tombeau, divin Pindare,
Toi qui célébras autrefois
Les chevaux de quelques bourgeois Ou de Corinthe ou de Mégare; Toi qui poffédas le talent
De parler beaucoup fans rien dire ; Et qui modulas favamment Des vers que perfonne n'entend, Et qu'il faut toûjours qu'on admire. Mais commence par oublier Tes petits vainqueurs de l'Elide; Prens un fujet moins infipide,
Viens cueillir un plus beau laurier; Ceffe de vanter la mémoire
Des héros dont le premier foin Fut de fe battre à coups de poing Devant les juges de la gloire.
La gloire habite de nos jours Dans l'empire d'une amazone, Elle la poffède & la donne; Mars, Thémis, les jeux, les amours Sont en foule autour de fon trône.
Viens chanter cette Thaleftris a)
a) Thaleftris, reine des Amazones, fortit de fes états pour venir voir Alexandre le grand, auquel elle avoua de bonne foi qu'elle défirait avoir des enfans de lui, fe croyant digne de donner des héritiers à fon empire. Quinte-Curce.
Qu'irait courtifer Alexandre;
Sur tes pas je voudrais m'y rendre ; Si je n'étais en cheveux gris.
Sans doute, en dirigeant ta course Vers les fept étoiles de l'ourse, Tu verras, dans ton vol divin, Cette France fi renommée
Car ta mufe eft accoutumée A fe détourner en chemin ; Tu verras ce peuple volage Dont les modes & le langage, Régnent dans vingt climats divers; Ainfi que ta brillante Grèce, Par fes arts, par sa politeffe, Servit d'exemple à l'univers.
Mais il eft encor des barbares Dans le fein même de Paris ; Des pédans jaloux & bizarres, Infenfibles aux bons écrits;
Des fripons aux regards auftères, Perfécuteurs atrabilaires ́
Des grands talens & des vertus; Et fi, dans ma patrie ingrate, Tu rencontres quelque Socrate, Tu trouveras vingt Anitus. b) Je m'apperçois que je t'imite. Je veux aux campagnes du Scythe,
b) Anitus fut le délateur, & l'accufateur calomnieux de Socrate.
« PreviousContinue » |