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Notre esprit eft conforme aux lieux qui l'ont vu naître,
A Rome on eft efclave, à Londres citoyen.
La grandeur d'un Batave eft de vivre fans maître,
Et mon premier devoir eft de fervir le mien.

Réponse à Mr. CLOSIER de Montpellier, qui avait envoyé à l'auteur un poëme fur la GRACE.

Lorfque vous me parlez des graces naturelles

Du héros votre commandant, a)

Et de la déité qu'on adore à Ba xelles,

C'eft un langage qu'on entend;

b)

La grace du feigneur eft bien d'une autre espèce.
Moins vous me l'expliquez, plus vous en parlez bien;
Je l'adore, & n'y comprends rien.

L'attendre & l'ignorer, voilà notre fageffe.

Tout docteur, il eft vrai, fait le fecret de DIEU,
Elus de l'autre monde ils font dignes d'envie,

Mais qui vit auprès d'Emilie,

Ou bien auprès de Richelieu,

Eft un élu de cette vie.

Mr le maréchal duc de Richelieu.
Mad. d'Egmont, fa fiile.

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devait de l'argent.

Grand roi ! tous vos voifins vous doivent leur eftime
Vos fujets vous doivent leurs cœurs,

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Vous recevez partout un encens légitime

D'amour, de refpects & d'honneurs.

Chacun doit fon hommage à votre ardeur guerrière.
O vous! qui me devez quelques mille ducats,
Prince fi bien payé de la nature entière
Pourquoi ne me [ayez-vous pas ?

A M.

L'Art n'y fait rien, les beaux noms, les beaux lieux,

Três rarement nous donnent le bien-être :
Eft on heureux? hélas! pour le paraître,
Et fuffit-il d'en impofer aux yeux ?

J'ai vu jadis l'abbesse de la joye,
Malgré ce titre à fa douleur en proye:
Dans Sans-fouci certain roi renommé
Fut de foucis quelquefois confumé.

Il n'en eft pas ainsi de mes retraites,
Loin des chagrins, loin de l'ambition,
De mes plaifirs elles portent le nom
Vous le favez, car c'est vous qui les faites.

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A Mr. le maréchal duc de RICHELIEU, fur la conquête de Mahon, en 1756.

Depuis plus de quarante années

J'ai préfagé vos deftinées.
Ainfi quand Achille à Scyros
Paraiffait fe livrer en proye

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Aux yeux, aux amours au repos,
Il devait un jour fur les flots
Porter la flamme devant Troye;
Ainfi quand Phriné dans fes bras
Tenait le jeune Alcibiade,
Phriné ne le poffédait pas;

Et fon nom fut dans les combats
Egal au nom de Miltiade.

Jadis les amans, les époux

Tremblaient en vous voyant paraître.
Près des belles & près du maître,
Vous avez fait plus d'un jaloux :
Enfin c'eft aux héros à l'être.
C'eft rarement que dans Paris,

Parmi les feftins & les ris,
On démêle un grand caractère :
Le préjugé ne conçoit pas

Que celui qui fait l'art de plaire,
Sache auffi fauver les états.

Le grand-homme échappe au vulgaire ;
Mais lorsqu'aux champs de Fontenoi,
Il fert fa patrie & fon roi ;

Quand fa main des peuples de Gènes
Défend les jours & rompt les chaines;
Lorfqu'auffi prompt que les éclairs,
Il chaffe les tyrans des mers

Des murs de Minorque opprimée,

'Alors ceux qui l'ont méconnu, En parlent comme fon armée : Chacun dit, je l'avais prévu : Le fuccès fait la renommée. Homme aimable, illuftre guerrier, En tout tems l'honneur de la France; Triomphez de l'Anglais altier, De l'envie & de l'ignorance, Je ne fais fi dans Port-Mahon Vous trouverez un ftatuaire : Mais vous n'en avez plus à faire': Vous allez graver votre nom Sur les débris de l'Angleterre, Il fera béni chez l'Ibère, Et chéri dans ma nation. Des deux Richelieu fur la terre Les exploits feront admirés. Déja tous deux font comparés, Et l'on ne fait qui l'on préfère. Le cardinal affermiffait Et partageait le rang suprême D'un maître qui le haïffait. Vous vengez un roi qui vous aime. Le cardinal fut plus puissant, Et même un peu trop redoutable, Vous me paraiffez bien plus grand Puifque vous êtes plus aimable.

J'Ai

A Mad. DUDEFFANS.

'Ai reçu, madame, une lettre charmante; comment ne le ferait-elle pas écrite par vous & par Mr. de Formont? une lettre de vous est une faveur, dont je n'avais pas befoin d'être privé fi longtems pour en fentir tout le prix, mais des vers! des vers, des rimes redoublées; voilà de quoi me tourner la cervelle mille fois, fi votre profe d'ailleurs ne fuffifait pas.

De qui font-ils ces vers heureux,
Legers, faciles, gracieux ?

Ils ont comme vous l'art de plaire,
Dudeffans vous êtes la mère
De ces enfans ingénieux.

Formont, cet autre pareffeux,
En eft-il avec vous le père?

Ils font bien dignes de tous deux,
Mais je ne les méritais guère.

Je fuis enchanté pourtant, comme fi je les méritais; il est trifte de n'avoir de ces bonnes fortunes là qu'une fois par an tout au plus.

Ah! ce que vous faites fi bien,
Pourquoi fi rarement le faire ?
Si tel eft votre caractère,
Je plains celui qu'un doux lien
Soumet à votre humeur févère.

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