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que est in

pago Parisiaco super fluvium Sigona, una cum illo forestario nomene Lobicino... vise fuemus concessisse. >>

L'apparition certaine du mot forestis étant bien constatée dans ce diplôme original de 717 il est à peine utile de mentionner un diplôme de Chilpéric II, du 25 mars 716, et qui a pour objet de confirmer la donation de la forêt de Jumièges : « totam ipsam forestam Gemmeticensem »>, faite à l'abbaye de Saint-Wandrille par des rois antérieurs. Cet acte, malgré quelques rajeunissements dans les détails, que l'ignorance d'un copiste suffit à expliquer, paraît être authentique 1.

En résumé, le mot forestis a été employé probablement dès le milieu du viie siècle, sous le règne de Sigebert III, et certainement en 697 ou 698 pour désigner un bois d'une situation juridique particulière, selon nous, un bois réservé à l'usage exclusif du roi, et probablement, comme on va le montrer, spécialement pour l'exercice de la chasse.

En effet, si le mot forestis n'apparaît qu'au milieu du viie siècle, l'institution même de la forêt royale est plus ancienne, ce qu'on peut induire d'une anecdote dramatique rapportée par Grégoire de Tours 2.

Le roi Gontran, la vingt-neuvième année de son règne (589-590), chassait dans la silva des Vosges quand il aperçut les restes d'un buffle. Il demanda au gardien de la silva, « custos silvæ » 3, qui s'était permis de tuer un animal dans la silva royale . Le gardien dénonça le cubiculaire Chundo. Le roi fit saisir et enchaîner l'accusé, qui fut amené à Chalon. Là le procès fut débattu devant le tribunal du roi. Comme le gardien continuait à affirmer la culpabilité de Chundo et

I.

Pardessus, Diplomata, t. II, p. 307, n° ccccxcix; Pertz, Diplomata, p. 75, n°85. Je citerai pour mémoire, comme pouvant appartenir à l'époque mérovingienne, un texte que son dernier éditeur, M. Zeumer, a rapporté au temps de Pépin. C'est une formule d'indiculus insérée dans les formulae Morbacenses (Zeumer, Formulae merowingici et Karolini aevi, p. 336, n° 26): a Illi rex Francorum viris ialustribus, illo duce, illo comite... Dum ante hos dies paginola aliqua de foreste nostra in Vosaco... » M. Zeumer pense que cette formule est tirée d'un mandement du roi Pépin, parce que la suscription ne contient pas les mots « Dei gratia» (au moins faudrait-il dire gratia Dei). Mais Pépin portait le titre de vir inluster. La suscription et l'adresse de la formule représentent exactement la suscription et l'adresse d'un diplôme mérovingien. M. Zeumer voit dans le mot paginola une allusion à un diplôme antérieur; mais paginola aliqua de foreste nostra signifie << une portion de notre forêt ». Pagina terrae signifie une pièce de terre (voir du Cange, Glossarium, vo Pagina, et nous avons signalé plus haut, dans un diplôme de Clotaire III pour Corbie, l'expression a pagena de silva de foreste nostra ».

2.- Grégoire de Tours, Historia Francorum, 1. X, c. x, éd. Arndt, p. 418.

3.

- « Il me paraît évident, dit M. Petit-Dutaillis, que les forestarii du roi Childéric II, en 667, avaient la même tâche que le custos silvae du roi Gontran un siècle auparavant. C'étaient des gardes des « forêts » et des gardes-chasse.» (Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1915, p. 119).

4.

- << Quis hæc in regale silva gerere præsumpsissit » (éd. Arndt, p. 418).

que celui-ci la niait, le roi ordonna d'avoir recours au duel pour trancher le différend. Chundo choisit son neveu comme champion. Il n'est pas sans intérêt de suivre les péripéties de la lutte. Le champion de Chundo perce de sa lance le pied du forestier qui roule à terre; puis il tire son couteau pour lui couper la gorge, quand le blessé, faisant un effort, le frappe au ventre. Et tous deux tombent morts. Donc on pouvait tenir le champion de Chundo comme tué le premier, et par conséquent Chundo était reconnų coupable. Aussi s'enfuit-il vers la basilique de Saint-Marcel pour y chercher un asile. Le roi cria de le saisir avant qu'il eût franchi le seuil du lieu saint; ce qui fut fait. Puis il ordonna de l'attacher à un arbre et de le lapider. Plus tard, Gontran se repentit de cet accès de colère et regretta de s'être privé d'un serviteur fidèle pour un grief si léger 1.

D'où il ressort qu'à la fin du vie siècle le roi se réservait la chasse dans les bois du fisc et la connaissance des délits de chasse commis par ses officiers, et qu'en outre la prise d'une bête dans les bois royaux entraînait une punition arbitraire.

(A suivre.)

M. PROU.

1. — « Multum se ex hod deinceps rex pænitene ut sic eum ira præcipitem reddidisset et pro parvolæ causæ noxia fidilem sibique virum decessarium tam celeriter interemissit» (ed. Arndt, p. 418).

2.- Plus tard, sous Charlemagne, le Capitulare missorum generale (802), c. 39, porte: «Si quis autem comis vel centenarius aut bassus noster aut aliquis de ministerialibus nostris feramina nostra furaverit omnino ad nostra presentia perducantur ad rationem. (Boretius, Capitularia, t. I, p. 98.)

ACTUALITÉS

Exploitations forestières pour l'Armée.

Des exploitations de bois de plus en plus importantes sont faites actuellement dans un grand nombre de forêts domaniales, pour les besoins de l'Armée.

Après les brins de faibles et de moyennes dimensions, on coupe maintenant, en plusieurs endroits, les plus beaux arbres des futaies, Ces exploitations sont particulièrement intensives dans les forêts situées à proximité du front des armées.

Les militaires déclarent que, tant à cause de la nécessité d'opérer rapidement qu'en raison de la difficulté des transports par chemin de fer, ils ne peuvent aller chercher plus loin les bois dont ils ont besoin.

Et comme le front varie peu, il en résulte que les mêmes forêts sont mises constamment à contribution.

La conséquence forcée sera une très grande disette de bois dans certaines régions du Nord et de l'Est de la France après la guerre. D'autant plus que, très probablement, les Allemands laisseront plus ou moins complètement ruinées les forêts situées, dans ces mêmes régions, sur le territoire provisoirement occupé par eux.

Il y a là de quoi inquiéter et même effrayer ceux qui, tout en se préoccupant surtout du présent, ne se désintéressent pas de l'avenir. Il est très fortement à désirer que les Armées aillent chercher du bois dans la zone de l'intérieur toutes les fois qu'elles le pourront, de façon à ce que l'appauvrissement de notre matériel ligneux soit, autant que possible, réparti sur toute la France et non pas imposé en grande partie aux régions du Nord et de l'Est, déjà si terriblement éprouvées par ailleurs.

D'autre part, toujours par nécessité d'aller vite, les exploitations faites par les travailleurs militaires ont lieu assez souvent dans des conditions plus ou moins défectueuses.

Evidemment, les prescriptions des aménagements et les règles de

culture passent au second plan dans les circonstances actuelles, mais de là à n'en tenir aucun compte, il y a loin.

Rien ne s'oppose, je pense, à ce que les coupes soient assises suivant l'ordre prévu par les règlements d'exploitation, quitte à prendre, dans la mesure du possible, autant d'exercices qu'il sera nécessaire

et à

ce que ces coupes soient marquées normalement, complètement et non pas suivant les seuls besoins du moment; les bois marqués qui ne seront pas exploités une première fois pourront servir à satisfaire aux demandes ultérieures et, en dernier ressort, à approvisionner les chantiers des marchands.

Parmi les coupes prévues pour les prochains exercices, il en est qui, pour des raisons diverses, ne sauraient être marquées actuellement sans danger, alors que d'autres peuvent être avancées sans grands inconvénients et, quelquefois même, avec utilité. Ainsi, dans les régions où il se serait produit, en 1915, une fainée et une glandée abondantes, il pourrait être avantageux, dans les affectations de futaie en tour de régénération et, parfois même, dans celles à régénérer à la suite, de faire, par anticipation, certaines coupes d'ensemencement ou secondaires.

L'Administration des Eaux et Forêts ne pourrait-elle pas faire établir, pour les forêts domaniales d'une certaine importance, un état des coupes possibles, classées suivant l'ordre dans lequel elles pourraient être assises avec le plus d'opportunité ou avec le moins d'inconvénient? Des agents déjà anciens et suffisamment expérimentés pourraient être chargés de faire, ou plutôt, de vérifier ce travail. On constituerait en quelque sorte des commissions d'aménagement pour l'étude de règlements d'exploitation provisoires ne portant que sur un petit nombre d'années et s'écartant le moins possible des règlements d'exploitation approuvés.

Enfin, il conviendrait, dans les exploitations faites par l'armée, d'imposer, dans la mesure du possible, aux équipes de travailleurs militailes quelques précautions ou opérations présentant une réelle nécessité : abatage convenable, étêtage préalable des arbres, recépage des brins et, surtout, des semis ou plants brisés par l'exploitation..., quand ces opérations sont absolument in dispensables pour l'avenir du peuplement. Sur l'état dont il est question ci-dessus, on pourrait indiquer,au besoin, pour chaque coupe reconnue possible, ces conditions d'exploitation à imposer.

Mais, pour que ces travaux indispensables puissent être exécutés, il ne faudrait pas que certains officiers et même certains officiers fores

tiers

il en est quelques-uns, très peu nombreux je l'espère, parmi ces derniers qui ne se souviennent pas assez qu'ils sont forestiers et qui, dans leur désir de plaire à Mars, délaissent quelque peu Velléda répondissent invariablement par le mot impossible à toute demande qui leur est faite dans le but de réduire au minimum le mal nécessaire.

Certes, il est souvent bien difficile de concilier les besoins impérieux des armées, besoins qui doivent évidemment passer avant toute autre considération, avec les travaux utiles pour l'avenir des forêts; et je me rends parfaitement compte que la tâche des officiers chargés de diriger les exploitations militaires est aussi ingrate que lourde. Mais on peut, tout au moins, se préoccuper des mesures à prendre, les étudier, les discuter et, si possible, les appliquer.

A la différence de l'Agriculture, l'Armée ne manque pas de bras en ce moment. Et il n'est pas très logique d'imposer aux adjudicataires des coupes de bois, qui, eux, manquent réellement d'ouvriers, des travaux que n'effectue pas l'Armée disposant cependant de travailleurs en nombre suffisant.

Avec de la bonne volonté, on peut arriver à faire une besogne à peu près convenable. J'en connais plusieurs exemples.

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