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LA DESTRUCTION DES FORÊTS

ET LES DROITS LEGITIMES DES ALLIES 1

J'ai eu occasion de signaler de quelle manière les Allemands avaient mis au pillage et importé chez eux le matériel ligneux des Forêts situées dans les départements envahis.

Dans le numéro d'août de la Revue 3, M. Demorlaine rappelle comme il convient le fait dont il s'agit. Le véritable travail d'exploitation industrielle de la guerre, instauré par nos ennemis, s'est fait non seulement pour les besoins du champ de bataille, mais encore pour la constitution de stocks à l'arrière.

Les journaux du 31 juillet annoncent à leur tour, que les Allemands ne sont pas seuls à avoir ainsi travaillé et que le « brillant second », élève docile, s'est aussi mis à cette œuvre de déménagement « à la cloche de bois ». Voici l'article et sa « manchette ».

La destruction des Forêts en Serbie.

<< Bukarest 30 juillet. -On mande de Belgrade que les autorités << autrichiennes, sur des instructions reçues de Vienne, procèdent à la << mise en coupe hâtive de toutes les forêts serbes. D'immenses convois << de bois partent journellement par le Danube ou par voie ferrée à << destination de l'Autriche. >>

Partout donc de la part de nos agresseurs, même doctrine, même pratique du vol, aussi bien qu'il s'agisse des valeurs pillées dans les coffres des banques (pour la mise en vente sur les marchés neutres) ou de l'airain des cloches, ignoblement arraché des lieux saints, pour en faire matière à tuerie. Après les machines enlevées des usines et les meubles

1. Cet article, écrit dans les premiers jours d'août, aurait dû paraître dans notre numéro de septembre et avoir pour complément la note de la chronique relative à la publication du Figaro. Les exigences de la mise en pages nous ont obligé à le différer d'un mois, mais il n'a rien perdu de son intérêt ni de son actualité. N.D.L.R. 2.- Bulletin de l'Association des Agents des Eaux et Forêts, 1o décembre 1915, page 80.

3.- La restauration des Forêts dévastées par la guerre ».

cambriolés, au choix, jusque dans les plus modestes maisons 1 (avant l'incendie) c'est au tour des beaux arbres exploitables des Forêts de Serbie, d'être acheminés vers les dépôts de bois que les Empires du Centre constituent chez eux, soit pour faire face à leurs besoins, en économisant leur propre patrimoine, soit en vue d'opérations commerciales d'après la guerre 2.

A ce pillage «< colossal », si bien organisé, n'importe-t-il pas, en ce qui nous concerne, d'opposer dès maintenant une contre-attaque froidement élaborée, capable de mettre les Pays Alliés à l'abri de la famine du bois qui les guette, aussi bien que du chantage que préparent les Austro-Allemands comme suite à la disette de matière ligneuse qui se fait sentir?

Je ne puis pour ma part qu'applaudir à la proposition de notre camarade M.Demorlaine lorsqu'il parle 3 de « prévoir la fourniture gratuite à la France, par les empires vaincus du centre, de plusieurs millions de mètres cubes de bois prélevés dans leurs forêts nationales ». Mais j'estime qu'il faut nettement et sans tarder aller beaucoup plus loin dans cette voie.

J'émets l'avis qu'il importe de grouper le plus vite possible toutes les propositions déjà formulées, et celles qui peuvent encore être énoncées, par les uns ou par les autres, de manière à en avoir en main, pour l'heure voulue, un projet de résolution sur cette capitale question du Bois et des Forêts, telle qu'elle se présente à l'heure présente.

Nous ne devons pas en rester là. Ainsi que je l'ai proposé, nous devrons nous saisir des richesses forestières allemandes sur pied pour les gérer, à bail gratuit, de manière à compenser la perte de celles qui nous ont été ravies et de celles qui ont été délibérément détruites ou dévastées.

Il faut donc dès à présent rechercher quel sera le montant de la délivrance gratuite du cube de bois nécessaire à la reconstitution des régions envahies pour savoir jusqu'où devra s'étendre la confiscation temporaire du domaine boisé ennemi.

Nous devons nous dresser comme des justiciers et, dans les formes

1.-Et qu'est-ce que cela, à côté de l'enlèvement en masse de la jeunesse daas nos départements occupés. « A la conclusion de la paix,des sanctions de droit seront exercées dans les formes légales contre les auteurs de pareils crimes ».

2.-Opérations qui consisteront à jeter sur le marché étranger de grosses quantités de bois à des prix d'autant plus rémunérateurs, qu'ils auront eu le vol pour origine et que les cours du marché au bois seront plus élevés que jamais.

3.-Revue des Eaux et Forêts no 8, mois d'août, page 294, Demorlaine.

4. A propos des possibilités on observe: L'idée certes n'est pas nouvelle; elle a été à diverses reprises indiquée par les rédacteurs ou les lecteurs de plusieurs jour.

voulues, faire rendre gorge aux pillards: il faut les punir tous par où ils ont péché.

La question parait mériter de fixer non seulement l'attention du Comité Interministériel récemment constitué pour aider à la « reconstitution des régions envahies ou atteintes par les horreurs de la guerre 1» mais encore et plus particulièrement celle des hommes d'Etat qui seront appelés à élaborer la rédaction des préliminaires de la paix.

La situation dans laquelle nous nous trouvons dicte aux Pouvoirs Publics le devoir de prévoir « les mesures à prendre dans l'intérêt de la « réédification de notre boisement national ».

« Pour aider à la reconstitution de notre capital bois, il importerait « donc tout d'abord, de comprendre dans l'impôt de guerre qu'auront à « payer les empires vaincus, la fourniture, à titre de prestations et de « délivrances gratuites,du bois d'oeuvre et d'industrie que nécessitera « la réfection des villes, des villages et des maisons isolées détruites « tant en France qu'en Belgique.

<< De cette manière dès la clôture des hostilités nous tirerons d'Alle<< magne, d'Autriche et des Balkans tout le bois nécessaire à la recons«<truction de nos cités 2 et cela sans emploi de notre propre main-d'œuvre «< qui, elle, trouvera utilement à se placer au champ et à l'usine. Tout <«< ce bois serait débité et amené par l'ennemi lui-même à pied d'œuvre <«< selon un programme à élaborer.

<«< Les préliminaires du traité de paix devraient aussi stipuler avec << précision, non seulement cette affectation spéciale de tout le bois qui <«< nous serait nécessaire 3, mais elles imposeraient en outre la mise sous séquestre de tous les Bois et Forêts domaniaux et communaux des « pays teutons et bulgares pour un nombre d'années à déterminer3 ». Pour ce qui concerne la Serbie, et les régions polonaises de la Russie,

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naux et je ne prétends pas le moins du monde m'attribuer le mérite de la découverte. Mais ce sur quoi je me permettrai aujourd'hui d'appeler l'attention, et ce dont ne m'ont pas semblé se douter même les promoteurs d'une reprise en nature, c'est l'importance énorme, insoupçonnée, presque fantastique qu'elle peut présenter surtout si l'on réunit les ressources forestières des Allemands et de leurs acolytes.

1.- Tout se résumerait d'abord à un constat permettant d'établir le devis des besoins en bois et d'estimer la quotité du matériel ligneux détruit ou exporté dont il a été question.

2. - L'ennemi serait condamné de la même façon à fournir les équipes nécessaires de maçons, menuisiers, terrassiers sous forme de corvées.

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5.

Sous le contrôle des officiers des Eaux et Forêts de France et de Belgique.
Y compris ceux des propriétés et apanages impériaux et royaux de toutes

Nombre d'années suffisant pour permettre à nos forêts de se refaire sans y toucher autrement que sous forme de coupes d'amélioration.

des mesures analogues répondront à des conditions sensiblement identiques.

Sans doute la Serbie supportera mal ce nouvel acte de piraterie barbare.

Ses cours d'eau : la Drina et le Vardar, déjà terribles torrents, tressailleront au choc nouveau des laves détritiques qui vers le Danube et la Mer Egée vont entraîner « la chair des monts »>.

Combien nombreuses devront être les années de paix qui permettront aux pentes dévastées de reverdir!

Aussi les conseils que donnent MM. Demorlaine, Jolyet et l'Ecole de Nancy s'adressent-ils tout particulièrement à la Serbie, si non mieux qu'à tous autres pays.

Sachez, Serbes nos Frères, avec lesquels je viens de vivre de longs mois dans la préparation de nouvelles Armes, défendre vos montagnes, aussi bien contre la dent du troupeau, que contre la rapacité du Bulgare aidée de toute la désinvolture de l'Hellade oublieuse. Songez que la chèvre et le mouton sont aussi des ennemis terribles dont les déprédations menacent, après celles des barbares, la climatologie et le régime des eaux de votre Patrie pour mille années.

Comme tous les Alliés, vous aurez donc, vous aussi, à venger cet autre maléfice, la destruction du manteau végétal qui couronnait encore de sa puissante parure vos montagnes reculées.

Par de telles destructions, ajoutées à tant d'autres crimes, l'Autrichien et le Bulgare, pareils au Turc et au Prussien, nous dictent clairement les termes et les conditions spéciales de la Paix en ce qui touche le problème forestier et celui du bois.

Les éloquentes et sévères paroles prononcées, par le premier Ministre Anglais et par Mr. Bonar Law, seront inflexiblement transformées en actes au jour où les Alliés entreront en territoire ennemi,

« Le châtiment doit être infligé d'une façon telle que son souvenir ne «< cesse jamais de décourager tous les fomenteurs de guerre. Plus de << faibles propos sur la renonciation à des indemnités de l'Allemagne !

I.

Revue des Eaux et Forêts. Article de MM. Jolyet, page 216 et Demorlaine, page 232. Ce que M. Demorlaine propose au sujet de l'emploi des prisonniers de guerre pour les travaux de reboisement, l'Italie vient sans hésiter de le mettre en Pratique. On lit effet, dans le journaux ce qui suit :

Rome, 7 août.

M. Raineri, Ministre de l'Agriculture, a soumis à l'approbation du Lieutenant du « Royaume un décret prescrivant l'emploi des prisonniers de guerre aux travaux de << reboisement des forêts de l'Etat ».

<< Des indemnités peuvent et doivent être exigées en matériel écono«mique sinon en espèce ».

<< La réparation doit être faite entière jusqu'au dernier centime.

<«< En gagnant une grande guerre nous devons gagner une grande

<< Paix. >>

R. G. D.

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