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Les forestiers savent pour quelles raisons l'abatage des taillis est interdit de toute éternité, entre le 15 avril et le 1er novembre. Tous les cahiers des charges de vente de bois, domaniaux ou particuliers, mentionnent cette période d'interdiction essentielle pour la régénération des taillis, et il n'y est fait qu'une seule exception du 15 avril au 30 juin, pour permettre l'écorçage du chêne,qui jusqu'ici ne pouvait se pratiquer qu'au printemps.

Depuis la guerre, si l'on a été moins sévère sur ces délais d'abatage, c'est contraint et forcé par les circonstances. On est bien obligé de se montrer large et généreux quand on ne peut faire autrement, c'est-àdire quand on n'a pas suffisamment de main-d'œuvre à sa disposition ou qu'il est nécessaire d'exploiter de plus grandes quantités de bois dans les délais accordés. On anticipe sur les délais, de même qu'on réalise d'un coup la possibilité de plusieurs années, et on a raison puisque, avant tout, il faut du bois.

Pour se consoler on se dit que les taillis n'en mourront pas pour cela, ce qui est vrai, et que tout n'est pas perdu, comme l'a mis en lumière M. le Conservateur Bartet dans les annales de la Science agronomique française et étrangère (1891, de l'influence exercée par l'époque de l'abatage sur la production et le développement des rejets de souches).

Quand on enfreint les règles sages de nos pères, nos pauvres taillis sont parfois mis à mal, comme nous le voyons dans la dernière note de M. de Sailly, à propos de la Bûcheronne, cet instrument d'abatage mécanique que j'ai eu le plaisir de voir fonctionner dans la Côte d'Or, à Citeaux, en compagnie de M. le Conservateur Mathey.

Monsieur de Sailly constate, à propos d'expériences faites par ailleurs en Septembre 1915, en forêt domaniale de Meudon, à l'aide d'une « Bûcheronne » non encore mise au point, que dans un taillis de châtaignier

âgé de 23 ans, coupé le 1er octobre avec la scie-couteau de l'instrument, sur 85 brins exploités, brins de cépée ou francs de pied, 40 n'ont donné aucun rejet et que parmi les autres un certain nombre n'étaient pas très vigoureux.

Je n'en suis nullement surpris. Ce ne serait pas la peine de prescrire de ne jamais couper un taillis, dans nos régions, avant le 1er novembre si vraiment on pouvait le couper le 1er octobre sans inconvénient, et M. de Sailly a rendu là un vrai service aux propriétaires en leur montrant le danger qu'il y a à renverser les vieilles règles établies. Je sais bien qu'il reste encore 40 jeunes cépées à l'are, puisque l'auteur nous dit que l'expérience avait été faite sur un are, et que cela fait 4.000 cépées à l'hectare, un bon chiffre très certainement même pour un taillis de châtaignier; mais enfin, si réelle que soit cette fiche de consolation, ne nous y racerochons pas trop, car l'auteur constate que quelques-uns de ces rejets dont il ne donne pas la proportion sont ou malingres ou mal assis.

Tout cela est conforme aux expériences sur la matière faites par M. Bartet et que rapporte M. Jolyet dans son dernier traité de Sylviculture (édition 1916, page 42); « Pour toutes les essences, dit-il, l'époque <«< la plus défavorable est l'abatage au milieu d'août; les exploitations à << la fin d'août et en septembre sont moins dangereuses. » Retenons ce mot « moins dangereuses» qui suffit à expliquer le déchet de moitié constaté sur les souches, en observant que le 1er octobre n'est pas très loin de septembre.

Quant à mettre cet accident, comme le fait M. de Sailly, sur le compte de la scie-couteau de la Bûcheronne, les propriétaires ont trop d'intérêt à voir réussir cet instrument encore en enfance, je le veux bien, mais dont la partie essentielle, la scie, est une véritable trouvaille, pour laisser passer sans protester cette affirmation.

Voici la lettre qu'à bien voulu m'adresser à ce sujet le 9 juillet dernier M. le Conservateur Mathey, dont personne ne contestera la haute autorité. Il a vu lui-même les rejets poussés sur les souches des charmes, bouleaux et autres exploités en novembre et décembre 1915 avec la Bûcheronne, dans des taillis de 30 ans environs.

« Toutes les souches faites dans Citeaux repoussent avec énergie. Sur des cépées de charme et de bouleau, les rejets sont si

« drus qu'on est obligé de les écarter avec la main pour reconnai

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Ceci est très topique pour le bouleau dont la faculté de rejeté est limitée, surtout aux âges de 30 ans.

« tre si, réellement, les sections ont été faites à la scie ou à la « hache. » Et M. Mathey conclut en disant fabriquez des Bûche

ronnes.

C'est en effet ce que nous avons cherché à faire depuis plus d'un an, et nous espérons que dans quelques mois nos efforts seront couronnés de succès.

Après guerre, et sans main-d'œuvre ou avec une main-d'œuvre insuffisante, il nous faut des machines. En voici une, dont le principe est excellent. J'avais été frappé de la netteté de la section et j'avoue que pas un instant il ne m'est venu à l'idée de supposer que les rejets refuseraient de pousser autour d'une si admirable coupe.

Constatons donc l'excellence de l'organe principal de cet outil, — la scie, et améliorons les organes accessoires, ce qui vraiment sera facile.

ROULLEAU DE LA ROUSSIÈRE.

A PROPOS DU PINUS MURRAYANA

Dans la Revue de juillet, M. Jolyet revient encore une fois sur le Pinus Murrayana, et la pensée me vient, en le lisant, que grand doit être l'embarras de ceux qui, n'ayant pas fait une étude particulière des pins exotiques, voudraient se former une opinion sur cette espèce. C'est pour ceux des lecteurs de la Revue qui sont dans ce cas, et ils sont nombreux,j'imagine, que je vais essayer de jeter un peu de clarté dans

le débat.

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Et d'abord, qu'est-ce que cette section Murraya sur les représentants américains de laquelle M. Jolyet attirait déjà l'attention en 1913 en raison de leur grande résistance au froid et à la sécheresse, de la « rapidité vraiment remarquable de leur croissance en hauteur dès leur << première jeunesse, de leur couvert léger, enfin de leur aptitude à «< croître sur les calcaires les plus superficiels » ?

Le Dr Mayr y range notamment, pour ne citer que les plus connus : Pinus Banksiana, contorta, inops, insignis, mitis, Murrayana, pungens, rigida, taeda, et même ce fameux P. pyrenaica de Lapeyrouse qui n'est qu'un mythe1. Pour quiconque connaît ces espèces, il apparaît immédiatement que cette section n'est qu'un groupement baroque, ce qu'on peut appeler une salade botanique. Certes j'ai le plus grand respect pour la mémoire de Mayr, d'aucuns m'ont même reproché autrefois de lui avoir consacré dans la Revue une notice nécrologique trop élogieuse. Mais en matière de classification, il faut le reconnaître, Mayr n'avait pas la main heureuse. Les sections nouvelles qu'il a établies dans le genre pin sont loin de correspondre à celles généralement adoptées auparavant, et n'ont pas été adoptées par les plus récents. monographes du genre, G. R. Shaw, par exemple, en Amérique.

L'hétérogénéité du groupe apparaît d'ailleurs aussi bien au point de vue des qualités que M. Jolyet attribue au groupe. Leur résistance au froid est loin d'être toujours aussi grande qu'il le suppose: ainsi le Pinus insignis, très recommandable, ne résiste qu'à notre climat de l'Ouest, le P. taeda est plus délicat encore. La rapidité de la croissance ne semble pas non plus générale, ou bien elle ne se maintient guère longtemps. Il y a par exemple aux Barres de vieux spécimens de P. pungens, mitis et inops qui ne donnent guère envie de cultiver ces espèces

I.

Mayr lui donne même comme synonymes P. Brutia Ten. et P. Paroliniana Webb, qui sont des formes du P. halepensis (Section Pinaster de Mayr) !

en grand. Le P. rigida a presque partout donné de piètres résultats. Le couvert n'est pas léger chez toutes les espèces. Enfin leur aptitude à croître sur les sols calcaires les plus superficiels est très problématique. La vérité toute crue est que nous n'en savons rien.

Venons en maintenant au P. Murrayana. Ce qui contribue à obscurcir la question c'est l'obstination, presque générale, à ne voir en lui qu'une variété du P. contorta. Ce sont au contraire, à mon avis, deux espèces bien distinctes, et à vouloir les confondre on s'expose exactement aux mêmes déboires que si l'on confondait notre pin à crochets avec le pin mugho. Mayr n'a pas commis cette confusion.

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Le P. contorta (ou P. Bolanderi) n'a donné à ma connaissance, en Sologne notamment, que des résultats médiocres. Il en serait peut-être autrement du P. Murrayana. Mais s'il est fort bien d'établir, à l'aide de savantes considérations géographiques, météorologiques et autres, que le P. Murrayana mérite dans nos cultures une place de choix, combien ne serait-il pas plus frappant de nous montrer les résultats obtenus en France avec cette espèce!

Or je ne connais que deux spécimens de cette espèce qui, vu leur âge, pourraient nous fournir quelques indications! C'est peu ! L'un se trouve dans les pépinières de la Ville de Paris, au Bois de Boulogne et c'est un arbre bien médiocre. L'autre, dans le parc de M. Philippe de Vilmorin, est un bel arbre, sans rien d'extraordinaire. Il est remarquable seulement par la densité et la couleur foncée de son feuillage. Nous voici loin du couvert léger attribué un peu légèrement peut-être par M. Jolyet à la section Murruya.

Reste la question des graines. J'ai reçu, comme M. Jolyet, des graines de pin de Murray de M. Rafn, et j'ai constaté de grandes différences entre celles provenant du Nevada ou du Colorado. Il serait bon de savoir. à quoi correspondent ces différences. On peut d'ailleurs se procurer des graines de pin de Murray en Amérique, sans aucune difficulté.

En somme, nous en sommes à la phase de l'expérimentation. Rien de mieux certes que de tenter la culture de ce pin, mais de grâce, répondons aux propriétaires qui voudraient être fixés sur ses mérites de repasser dans une trentaine d'années.

Nous voici, M. Jolyet et moi, par des voies diverses, sensiblement d'accord, et comme lui je conseillerai de s'en tenir «< au vaillant pin noir » (pas notre par exemple) mais à l'encontre je conseillerai de se méfier du pin de Banks et même, jusqu'à plus ample informé, du sapin

concolore.

R. HICKEL.

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