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accomplie, les tribunaux, examinant les prétentions respectives des opposants et du breveté, prononceraient, ou la nullité du brevet, ou son attribution à celui qui est le propriétaire réel de l'invention. Voir chapitre IV, troisième section, nos 185 et 186, înfrå.

Le plus

31. Demande du brevet par l'inventeur. souvent, c'est l'inventeur qui demande et obtient le brevet: après avoir conçu l'idée, après avoir découvert les moyens d'en faire l'application industrielle et de la faire passer du domaine de la théorie dans le domaine de la pratique, l'inventeur s'empresse de former sa demande et de s'assurer le droit à l'exploitation exclusive.

32. Celui qui conçoit et fait réaliser l'invention est l'inventeur. Quand l'idée d'une invention et des moyens industriels de l'appliquer a été conçue par quelqu'un qui, impuissant à lui donner sa forme matérielle, s'est fait aider par un ouvrier travaillant sur ses indications et sous sa direction, l'invention appartient à celui qui a eu l'idée théorique. Dans ce cas l'ouvrier, quoiqu'il ait matériellement fait passer l'idée du domaine de la théorie dans le domaine de la pratique, n'est point un inventeur : il n'a agi que comme un instrument, comme un mandataire, et il n'a droit qu'à un salaire proportionné à ses efforts. Ainsi lorsqu'une administration fait faire des expériences et obtient par là un nouveau système apportant une amélioration dans le couchage hygiénique des malades, le tapissier qui, employé par cette administration, a suivi ses indications, ne peut obtenir en son nom un brevet pour le système auquel il a travaillé pour le compte d'autrui (1).

33. Invention par un officier.

De même, d'officier

qui a fait une découverte de nature à profiter à l'Etat et à l'armée-(des fourneaux nouveaux),—qui a communiqué son procédé au ministre de la guerre, lequel a contribué à la publication des plans et modèles relatifs à ce procédé, —et qui a depuis réclamé un grade supérieur en présentant son œuvre

(1) Paris, 44 août 4844, S.V.44.2.583 (Longchamps C. les hospices).

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ayant fait un travail rentrant dans ses attributions et non comme un inventeur dans le sens de la loi du 7 janv. 1791, auquel l'Etat devrait une indemnité (1).

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34. Même sujet.—Espèce analogue. — De même, lorsqu'une invention (celle des balles à culot) est le fruit commun d'études et d'efforts réunis des officiers composant l'école de tir de Vincennes, et lorsque l'Etat a, d'une part, commandé, dirigé, surveillé et facilité les travaux qui ont amené cette invention, et, d'autre part, soldé et récompensé ses auteurs, le brevet qui a été pris par l'un des officiers faisant partie de l'école de tir, ne peut être réputé valable et donner au titulaire le droit de poursuivre les contrefacteurs (2).

35. Même espèce, deuxième arrêt.-De même, si les employés et agents du Gouvernement peuvent, comme tous les citoyens, prendre des brevets d'invention pour les découvertes dont ils sont personnellement les auteurs, ce droit cesse lorsque ces découvertes, au lieu d'être le fruit de leurs propres inspirations et de leurs efforts individuels sur des matières étrangères à leur service, sont le résultat des travaux faits en commun avec d'autres employés, dans leur service même, sous la direction et aux frais du Gouvernement.—Ainsi, l'école normale de tir de Vincennes a été fondée dans le but de porter au plus haut degré de perfection l'emploi des armes à feu portatives et la confection des projectiles et munitions de guerre : le conseil de perfectionnement établi dans son sein a pour mission spéciale de rechercher, d'étudier et d'appliquer sur le terrain les inventions et les perfectionnements concernant les armes à feu et les projectiles qui lui sont journellement signalés, soit par le ministre de la guerre, soit par ses membres eux-mêmes, soit par de simples particuliers: les officiers composant ce conseil fonctionnent d'une manière permanente; ils se livrent avec le matériel de l'Etat, et dans le polygone de

(1) Paris, 27 déc. 1833, Pal.25.4.143 (Choumara C. le ministre de la guerre). (2) Paris, 12 juill. 1855, S.V.55.2.578; Pal.1856.4.493 (Manceaux C. Marès et Karcher); Pataille et Huguet, Annales de la prop. indust., t. de 1855, p. 470.

Vincennes aux expériences qui leur sont prescrites ou qu'ils jugent nécessaires, et ils adressent tous les mois au ministre de la guerre le compte rendu de leurs travaux; ces officiers travaillant collectivement, s'éclairant et s'aidant mutuellement, le produit de leurs investigations ainsi combinées forme un fonds commun dont nul d'entre eux ne peut s'attribuer une part distincte et qui constitue, dès lors, une propriété de l'Etat, par les soins et aux frais de qui ils sont réunis, organisés, dirigés et soldés. En conséquence, l'officier qui, attaché à l'école normale de tir, faisait partie du conseil de perfectionnement et a concouru, en cette qualité, aux travaux de ce conseil, ne peut se faire délivrer en son nom personnel un brevet pour un nouveau système des balles à culots. Agent salarié de l'Etat, cet officier doit être assimilé au mandataire qui, suivant l'article 1993 du Code Napoléon, doit faire raison au mandant de tout ce qu'il a réalisé dans l'exercice de son mandat (1).

36. Cependant l'ouvrier ou employé peut être inventeur. — Néanmoins, il ne faudrait pas élever ces solutions à la hauteur d'une doctrine absolue. Si l'officier, le commis, l'employé, l'ouvrier, en dehors de la mission qui leur a été donnée et des indications qui leur ont été fournies, conçoivent une idée et arrivent à son exécution, ils auront droit à un brevet valable, alors même que l'idée leur serait venue et que leurs travaux auraient été accomplis à l'occasion de leurs fonctions. Tout dépend, à cet égard, des circonstances particulières du fait, qui sont abandonnées à la souveraine appréciation des juges du fond.

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37. Concours entre deux brevetés pour la même invention. — Quelquefois, et surtout lorsque le but est signalé à l'attention des savants et des industriels, les mêmes études amènent le même résultat. Il arrive donc fréquemment que deux ou plusieurs personnes se rencontrent, même de

(1) Amiens, 25 avr. 1856, le Moniteur officiel, no du 10 mai 1856; - Pataille et Huguet, Annales de la prop. indust., t. de 1856, p. 99 (Manceaux C. Marès et Karcher).

bonne foi, sur le terrain de la même invention, et font breveter les combinaisons auxquelles ils sont parvenus.

38. La priorité appartient au premier demandeur du brevet. —Lorsque deux brevets ont été délivrés pour la même invention, un seul de ces brevets est valable : la raison indique, en effet, que deux priviléges exclusifs, portant sur le même objet, ne peuvent être simultanément exploités.-Dans ce cas, quel est le brevet valable? Est-ce le brevet délivré au premier inventeur, ou, au contraire, celui qui a été conféré au premier demandeur ? L'article 2 du décret impérial du 25 janv. 1807 disait : « La priorité d'invention, dans le cas de <«< contestation entre deux brevetés pour le même objet, est «< acquise à celui qui, le premier, a fait, au secrétariat de la préfecture du département de son domicile, le dépôt de «< pièces exigé par l'article 4 de la loi du 7 janv. 1791. » La loi de 1844 ne contient pas une disposition semblable, mais, par son article 7, elle prescrit à l'administration de constater le dépôt fait par chaque demandeur en énonçant le jour et l'heure de la remise des pièces : la loi de 1844 agit d'une manière indirecte, mais elle résout ainsi formellement cette question de priorité.-Ce n'est donc pas celui qui a le premier inventé, ou celui qui a le premier obtenu la délivrance du brevet, mais celui qui a le premier demandé qui obtient un brevet valable.

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39. Dépôt de l'invention aux sociétés scientifiques. Qu'on le remarque, le dépôt qui, par le jour et l'heure où il a été effectué, tranche la question de priorité, doit nécessairement être celui qui, constituant le premier acte de la demande de brevet, a lieu au secrétariat de la préfecture. Comme le dit M. Renouard, Brevet d'invention, no 90, les paquets cachetés que l'on dépose quelquefois auprès des sociétés savantes, ou ailleurs, pour prendre date d'une découverte, tout en portant témoignage d'une priorité d'honneur scientifique, ne serviraient de rien pour conférer au déposant la préférence sur l'inventeur postérieur qui aurait été plus diligent à prendre un brevet (1).

(1) Conforme, Perpigna, Manuel des inventeurs, p. 242.

40. La divulgation de l'invention peut ressortir du dépôt aux sociétés scientifiques. La preuve de la priorité scientifique, dont il vient d'être parlé, pourra, en certains cas, faire annuler le premier brevet, s'il sert à établir qu'il n'y a pas eu nouveauté de l'invention; mais l'annulation du brevet, pour cette cause, ne servira jamais à faire vivre le second brevet; tout au contraire, elle le fera inévitablement périr; car il est manifeste que, s'il n'y a pas eu nouveauté, à la date du premier brevet, il y a encore moins de nouveauté, à la date du second (1).

41. Exemple de priorité perdue pour un quart d'heure de retard. Le fait suivant démontre la nécessité de l'accomplissement rigoureux de la formalité consistant à préciser dans le procès-verbal de dépôt des pièces, le jour, l'heure et même la minute où le dépôt a été effectué. En 1824, le 3 septembre, MM. Calla et Liébert firent enregistrer à la préfecture du département de la Seine une demande de brevet pour la même invention, à'un quart d'heure seulement de distance. Le brevet fut attribué à M. Calla, dont la demande avait précédé de quinze minutes celle de son compétiteur (2).

42. Priorité dans le cas d'une demande irrégulière régularisée postérieurement à un autre brevet. Si une demande de brevet d'abord rejetée administrativement comme irrégulière est ensuite accueillie, et si un tiers obtient pour le même objet un brevet qui s'intercale entre la demande. de son compétiteur et sa régularisation, qui a la priorité ? Est-ce le premier demandeur ou bien est-ce celui qui, le premier, a obtenu le brevet?-Cette question ne peut être résolue qu'à l'aide d'une distinction: si le premier demandeur a régularisé sa demande dans les trois mois, à partir du dépôt qu'il en a fait, comme cette demande n'a pas été mise à néant, elle produit ses effets, elle donne sa date au brevet ultérieurement délivré et elle établit la priorité. — Si, au contraire, les formalités n'ont été accomplies qu'après le délai de trois mois accordé par l'article 12, comme la demande originaire a été

(1) Renouard, Brevets d'invention, no 90.

(2) Perpigna, Manuel des inventeurs, p. 211,

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