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procès-verbal, déclarer qu'il les a remises. On doit alors considérer cette formalité comme substantielle (1).

* Une autre question à laquelle a donné lieu la remise des copies, est de savoir entre les mains de qui elle doit être faite en cas d'absence des ascendans? Est-ce entre celles du maire ou celles d'un voisin ? La Cour de Montpellier a décidé qu'il fallait la faire à celui-ci; elle a pensé qu'aux termes de l'art. 68 C. P. C., applicable à toutes sortes d'exploits ou actes à notifier, une copie ne peut être laissée au maire de la commune que dans le cas où un voisin a refusé de s'en charger ou de signer l'original (2). Mais des considérations d'un autre ordre ont fait penser à la Cour d'Agen et à celle de Caen que l'art. 68 C. P. C. n'était pas applicable à la notification des actes res. pectueux (3). « Ce n'est pas que la notification fût nulle, a dit M. Lebé, » av. gén., si on l'avait faite conformément à cet article, mais il faut décider » seulement qu'elle est valable et préférable lorsque la copie est remise au » maire au lieu de l'être à un voisin. En effet, on conçoit bien que l'huissier » qui ne trouve personne au domicile du défendeur, ni personne à qui il » puisse remettre la copie à signifier, soit autorisé par l'art. 68 C. P. C. à la re» mettre à un voisin, au lieu de la porter de suite au maire; dans plusieurs » communes très-étendues, la distance que l'huissier aurait à parcourir du » domicile de la partie au chef-lieu de la commune et à la demeure du maire, , doublerait les frais de transport et retarderait le moment où l'exploit par⚫ viendrait dans les mains de la partie elle-même. Mais ce moyen, tout en offrant de la célérité pour les actes aussi fréquens que les actes d'huissier, et par cela même autorisé par la loi, n'offrirait point assez de solennité » pour la remise de la copie des actes respectueux essentiellement très-rares. En les donnant au maire, on ne peut s'adresser à un intermédiaire plus ➤ honorable, plus sûr, et surtout plus convenable qu'un simple voisin, pour » amener un rapprochement entre l'enfant et ses ascendans.»

Cette opinion nous paraît fort équitable, mais la Cour de Montpellier a seule, selon nous, consacré la légalité (4).

En tout cas, le procès-verbal de notification des actes respectueux doit être signé de l'enfant, s'il est présent, et des témoins instrumentaires. Ce point ne peut faire difficulté. Les auteurs du Code civil ont déclaré dans l'Exposé des motifs que l'acte respectueux n'aurait ni la dénomination ni les formes judiciaires. Il suit de là qu'il rentre dans la classe des actes notariés, et comme tel, devant être nécessairement signé par les parties présentes, d'après l'art. 14 de la loi du 15 ventôse an 11.

Par une conséquence ultérieure, la copie de l'acte doit être assimilée à une expédition ordinaire pour laquelle il suffit d'être revêtue de la signature du notaire. En telle sorte que les ascendans ne pourraient se plaindre de ce que les copies à eux laissées ne sont pas signées par l'enfant et les témoins, si toutefois elles le sont par le notaire, avec mention que le procès-verbal a été signé par tous ceux qui y ont figuré. L'usage suivi à Paris

Contrà, Bruxelles, 18 juillet 1818.

(2) Arrêt, 1er juillet 1807, t. 1, p. 283, vo Acles respectueux, no 29.

Agen, 1er fév. 1817; Caen, 12 déc. 1812, t. 1, p. 271, 278, v® Actes respectueux, nos 20 et 26.

(4) Montpellier, 31 déc. 1820.

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est conforme à cette doctrine, qui, toutefois, est repoussée par la Cour de cette ville et la Cour de Bordeaux (1)..

Après avoir passé en revue la jurisprudence sur les conditions essentielles aux actes respectueux, il nous reste à parler de leur renouvellement. Deux difficultés seulement se sont élevées à cet égard. On s'est demandé si la fille de vingt-cinq ans est tenue de faire signifier trois fois un acte respec tueux, de même que le fils de cet âge. Le texte de l'art. 153 semble l'exiger. Mais on a reconnu que, d'après l'art. 152, les fils, depuis vingt-cinq ans jusqu'à trente, et les filles, depuis vingt-un jusqu'à vingt-cinq, devant renouveler deux fois l'acte respectueux, il en résultait qu'après trente ans pour les fils, et après vingt-cinq ans pour les filles, l'acte n'avait pas besoin d'être renouvelé, et qu'on ne peut supposer que par l'art. 153 le législateur ait voulu paralyser la disposition de l'art. 152. La jurisprudence est constante (2). Mais il n'en est pas de même du point de savoir si le délai d'un mois qui doit être observé entre les actes respectueux doit s'entendre de quantième à quantième, ou bien si l'on doit dire que la règle dies termini non computantur in termino, s'applique à ces délais. Nous avons toujours pensé que l'art. 1033 C. C., qui consacre cette règle, devait être appliqué aux actes respectueux, parce que ces actes étant des sommations (ils en portaient le nom autrefois), rentrent dans la catégorie de ceux dont parle cet article (3). On dirait vainement qu'il doit être restreint au cas où la signification oblige à quelque chose; ce qui ne se rencontre pas pour les parens à qui est faite la notification respectueuse. Cela n'empêche pas qu'ils constituent des sommations dont les délais sont régis par la règle générale de l'art. 1033 C. P. G.

Quoi qu'il en soit, on ne pourrait arguer de nullité la notification du se cond ou du troisième acte respectueux, parce qu'au lieu d'être faite exaċtement au bout d'un mois, on l'aurait remise à plusieurs jours au-delà de ce délai. Cette remise devrait être considérée au contraire comme une preuve de réflexion de la part de l'enfant, et, par conséquent, regardée d'un œil favorable par les tribunaux (4).

Mais il ne faudrait pas pousser cette doctrine au point de permettre que les actes fussent trop éloignés les uns des autres. La loi veut que par leur succession continue les parens reconnaissent que leur enfant persiste dans son projet de mariage. Il y aurait, par conséquent, abus à faire des notifications à des intervalles de plusieurs mois.

Ajoutez à cela que, s'il en était ainsi, les actes n'auraient plus la corrélation qui doit les lier naturellement. Cette corrélation a paru si évidente à la Cour de Bruxelles, qu'elle a jugé que l'omission de la demeure des témoins dans le premier de ces actes serait suffisamment réparée par la mention de cette demeure qui se trouverait dans les actes subséquens (5). Toutefois, il en serait autrement si les témoins n'étaient pas les mêmes

(1) Bordeaux, 12 fruct. an 13; Paris, 12 fév. 1811, t. 1, p. 257, vo Actes respectueux, no 2.

(2) Bourges, 2 janv. 1810; Besançon, 12 nov. 1807; Bordeaux, 22 mai 1806; Paris, 21 août 1815, t. 1, p. 259, vo Actes respectueux, no 3.

*(3) Contrà, Paris, 19 avril 1809, t. 1, p. 268, vo Lc es respectueux, n。 16. (4) Liége, 20 janv. 1813.

(5) Bruxelles, 11 avril 1813, t. 1, p. 269, vo Actes rèspectueux, no 17.

dans chaque acte. Nous n'adoptons pas la doctrine de la Cour de Paris qui a jugé le contraire (1). Nous concevons encore que, lorsque dans les deux dernières notifications les témoins sont les mêmes que dans la première, la mention de leur demeure dans les dernières puisse remplacer l'omission commise dans celle-ci. Mais évidemment l'omission de la demeure d'un témoin qui a figuré dans la première notification, ne peut être suppléée par la mention de la demeure d'un témoin nouveau qui aurait assisté aux dernières.

Nous terminerons par une observation bien importante et qui prouve qu'il ne faut point confondre les actes respectueux avec les actes de procédure : on peut proposer en tout état de cause les nullités qu'ils peuvent contenir : ils intéressent l'ordre public, sont notifiés par d'autres officiers que des huissiers, et leur régularité importe tellement aux enfans et à leurs parens, que ceux-ci doivent toujours être déclarés recevables à les faire annuler, s'ils ne sont point conformes à la loi (2).

DISSERTATION.

"Les avoués peuvent-ils se rendre cessionnaires de droits qui peuvent être contestés, mais qui ne sont pas encore l'objet d'un litige?

Après avoir défendu aux avoués de se rendre cessionnaires de procès, droits et actions litigieux, l'art. 1597 C. C. n'explique point ce qu'il faut comprendre dans ces objets, dont il ne détermine pas les caractères essentiels. D'un autre côté l'art. 1700 définit les droits litigieux que le cessionnaire est obligé d'abandonner moyennant le remboursement du prix pour lequel il les a achetés. Le législateur a-t-il voulu que la définition tracée dans ce dernier article dût être consultée dans l'application de l'arti→ cle 1597, et par cette raison a-t-il cru inutile de la répéter, ou même de la rappeler en rédigeant celui-ci ?

La position respective de ces articles dans le Code ne permet guère de le croire. Si le législateur eût voulu que la définition qu'il a donnée des mots droits litigieux s'appliquât au cas de l'art. 1597, de même qu'au cas de l'art. 1700, il est probable qu'il aurait tracé cette définition dès que l'occasion s'en présentait pour la première fois, c'est-à-dire lorsqu'il s'occupait du premier de ces articles. Ensuite il y aurait renvoyé, ou l'aurait répété lorsqu'il eut à rédiger l'art. 1699. Tel était l'ordre naturel des idées. Mais c'est ce que n'ont pas fait les rédacteurs du Code. Ils n'ont défini les mots droits litigieux que lorsqu'ils se sont occupés de l'art. 1700, et sans indiquer aucune corrélation entre cette définition et l'art. 1597, dans lequel ces mots avaient été émployés.

De là on peut conclure que la définition n'est faite uniquement que pour le cas de l'art. 1700, et non pour celui de l'arti

(1) Paris, 12 fév. 1811.

(2) Rennes, 2 mars 1825, t. 28, p. 155.

cle 1597. Ainsi s'agira-t-il de savoir quels sont les droits litigieux dont le débiteur cédé pourra se faire tenir quitte par le cessionnaire, on devra consulter la définition tracée dans le chapitre relatif à la matière du transport des créances. Y aura-t-il lieu de savoir si un avoué a pu acheter un droit, un procès, une action, on n'aura qu'à se référer à l'art. 1597, spécialement consacré à un pareil cas, inséré au chapitre intitulé: Qui peut acheter ou vendre, et sans rapport avec la définition donnée plus loin dans l'article 1700, qui a toute autre matière pour objet.

Or, s'il faut, pour déterminer le sens de l'art. 1597, considérer cet article en lui-même, et abstraction faite de la définition donnée dans l'art. 1700, à quel résultat arrivera-t-on ? C'est que la prohibition établie contre les avoués ne devra pas être interprétée d'une manière limitative, comme l'obligation de tenir quitte un débiteur contre lequel des droits litigieux ont été cédés.

En effet, écoutons ce que disait M. Portalis en exposant au Corps législatif le projet du titre sur la vente: « Les ordonnances ont toujours prohibé aux juges et à tous ceux qui exercent quelques fonctions de justice ou quelque ministère près les tribunaux, de se rendre cessionnaires d'actions et de droits litigieux qui sont ou peuvent être portés devant le tribunal où ils exercent leurs fonctions. Cette disposition est rappelée par le projet de łoi; elle est la sauve-garde des justiciables. Un juge est établi pour terminer les contestations des parties, et non pour en trafiquer. Il ne peut, il ne doit intervenir entre les citoyens que comme ministre des lois et non comme l'agent des intérêts, de la haine et des passions des hommes. S'il descend honteusement de son tribunal, s'il abandonne le sacerdoce auguste qu'il exerce, pour échanger sa qualité d'officier de justice contre celle' d'acheteur d'actions, il avilit le caractère honorable dont il est revêtu, etc. >>

On voit par ces paroles que le législateur, en rappelant les anciennes ordonnances, a voulu, par les prohibitions qu'elles éta blissaient, imposer aux tribunaux et aux individus qui y sont attachés, un devoir nécessaire pour la conservation morale de l'ordre judiciaire. Pour atteindre ce but, il fallait que la prohibition s'étendît à l'achat des procès possibles comme à l'achat des procès entamés, et pour qu'aucun doute ne pût s'élever sur cette extension, le Code civil et l'exposé de ses motifs s'expriment dans des termes d'une généralité incontestable. Qu'on lise les ordonnances de 1356, 1535, 1629, et surtout la fameuse ordonnance d'Orléans : « Défendons à tous nos juges, avocats et procureurs, d'accepter directement et indirectement aucun transport ou cession des procès et droits litigieux ès cours, siéges et ressorts où ils seront officiers; semblables défenses aux avocats, procureurs et solliciteurs des parties pour le regard des causes et procès dont ils auront charge, sous peine de punition exemplaire. »

Les auteurs du Code civil ont bien senti que dans cette énumération ne se trouvaient pas les procès possibles, et que toutefois l'ordre public exigeait d'en interdire l'acquisition aux avoués. Aussi qu'ont-ils fait dans l'exposé des motifs de l'art. 1597? Leur interprète a expliqué la prohibition d'une manière à lever tout doute. Il a déclaré que le magistrat qui échange sa qualité contre celle d'acheteur d'actions (mot qui comprend tous procès présens et à venir), avilit le caractère honorable dont il est revêtu. Et quand on lit ensuite l'article lui-même, on voit « que les juges ni les avoués ne peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions ligitieux qui sont de la compétence du tribunal,» La loi, par cette énonciation, comprend tous les procès possibles; et c'est de toute justice sans cela la prohibition serait illusoire. Le législateur manquerait en effet son but, si, après avoir prohibé aux juges et avoués l'achat de procès commencés, il leur permettait d'acheter des actions non intentées. En achetant celles-ci, ils compromettraient l'ordre judiciaire qu'il a voulu voir exempt de toute tache.

On conçoit bien qu'il n'ait pas eu cette sévérité dans l'hypothèse de l'art. 1700; car le cas que prévoit cet article n'intéresse pas l'ordre public essentiellement comme le cas de l'art. 1597. Evidemment l'achat d'un droit litigieux par un simple individu ne porte pas une grave atteinte à la société : il a tout au plus pour résultat de naire aux intérêts particuliers du débiteur cédé; et d'un autre côté, il n'est pas à craindre que l'acheteur puisse tirer tout autre parti que celui de recouvrer en entier une créance qu'il a acquise à vil prix. Mais quelle différence lorsqu'on se trouve dans l'hypothèse de l'art. 1597! Le juge ou l'avoué ache, teur, soit par ses connaissances, soit par sa situation sociale, porte atteinte à l'honneur des fonctions que la loi a voulu mettre à l'abri de toute atteinte. Il compromet le corps dont il fait partie. Aussi remarquons que l'achat qu'il ferait serait tellement nul, que le vendeur pourrait en demander la nullité, même après l'avoir ratifié (1). Tandis qu'il en serait autrement du débiteur cédé qui aurait renoncé à se faire tenir quitte de la eréance cédée en remboursant le prix de la cession.

D'ailleurs on peut dire que dans l'art. 1699, le Code civil devait, ainsi qu'il l'a expliqué dans l'art. 1700, permettre le retrait seulement des créances sur lesquelles il y a déjà procès. Si cette permission eût été étendue même aux créances non encore contestées, il aurait autant valu prohiber l'effet de toute cession de créance, et rendre illusoire tout transport de droit incorporel après l'avoir permis.

Car, à la différence de l'art. 1597 qui ne s'applique aux avoués

(a) Cass., 14 niv, au 5, J. A., t. 5, p. a 23, vo Avqué, no 2.

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