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que pour les cessions des droits de la compétence de leurs tribunaux, l'art. 1700 s'applique aux individus de tous les arrondissemens judiciaires. Tout débiteur aurait donc pu se faire tenir quitte par le cessionnaire, sous prétexte que la créance était litigieuse. De la sorte, les débiteurs y auraient trop gagné : ils se seraient libérés de leurs dettes en payant le prix payé par celui qui en aurait acheté le titre au-dessous de son chiffre; peut-être non pour spéculer, mais à raison du danger que présentait la situation pécuniaire du débiteur cédé. La loi a dû prévenir ce résultat. Elle a bien voulu que celui-ci ́pût repousser un cessionnaire avide; mais, de peur qu'on ne traitât tout cessionnaire comme tel, elle a déclaré formellement que la créance cédée ne serait litigieuse et pourrait donner lieu au retrait que lorsqu'il y aurait procès sur le fond du droit.

Vainement dira-t-on que si cette limitation n'a pas lieu pour les avoués, ils ne pourront se rendre cessionnaires d'aucune créance, parce qu'on les écartera toujours en disant que la créance par eux acquise est litigieuse, si on n'entend pas ce mot dans le sens restreint de l'art. 1700: nous répondrons que leur incapacité s'arrêtera aux limites de leur tribunal; qu'au-delà de ces limites, ils seront simples particuliers, et que les cessions qu'on leur aura faites seront régies par l'art. 1700.

Ainsi, s'agira-t-il d'une cession faite à un avoué, et qui a pour objet un droit de la compétence de son tribunal, la cession sera nulle, que le droit ait été ou non l'objet d'un procès. S'agira-t-il d'une cession à lui consentie hors du ressort de ce tribunal, le débiteur ne pourra se faire tenir quitte qu'autant qu'il y aura procès sur le fond du droit cédé. Tel est le résultat auquel doit mener, selon nous, la saine interprétation des art. 1597 et 1700 C. C. Différens dans leur objet et leur but, le sens de l'un ne doit pas limiter le sens de l'autre; en recourant à la définition donnée par le dernier pour expliquer le premier, on confondrait deux points que le législateur a voulu régler d'une manière dif

férente.

Notre doctrine n'a pas d'ailleurs le mérite d'une innovation : elle a été professée par M. le procureur-général Béra, dans un réquisitoire sur une affaire Jousserand; Delvincourt, t. 3, p. 401; Carré, Compétence, t. 1, p. 165, et consacrée par un arrêt de Rennes, en date du 14 décembre 1816 (1). Toutefois elle a été

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(1) Ainsi conçu : « Considérant que dans l'acception naturelle et grammaticale des termes, un droit est litigieux, non-seulement lorsqu'il est la matière d'un procès existant, mais encore lorsqu'il paraît susceptible d'être contesté avec quelque fondement; que c'est parce que le législateur n'a pas voulu que, dans les cas prévus par l'art. 1699, le mot litigieux fût entendu avec toute la latitude qu'il a dans le langage ordinaire, qu'il a pris soin d'en limiter la signification, en declarant dans l'art. 1700 que, pour que la chose soit censée litigieuse, il faut, non-seulement qu'elle soit l'objet d'une con

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repoussée par la Cour de Rouen, le 27 juin 1808. Mais l'arrêt de cette Cour n'a pas empêché les autorités que nous avons citées d'adopter plus tard l'opinion contraire, à l'appui de laquelle nous pourrions invoquer M. Rolland de Villargues, Répertoire du Notariat, v° Droits litigieux, n° 15, où un de nos estimables confrères, feu Me Velly, donnait une raison qui nous paraît péremptoire, et par laquelle nous terminerons cette dissertation.

« Si le mot litigieux (disait-il) avait dans l'art. 1597 le même sens que dans l'art. 1700, il signifierait absolument la même chose que procès ce serait un pléonasme que l'on ne doit pas supposer. Il est donc plus raisonnable de croire que, par droits, litigieux, le législateur a entendu, dans le premier de ces articles, ceux qui sont par eux-mêmes douteux, et embarrassés de telle sorte qu'il y ait lieu de s'attendre à essuyer quelque contestation avant d'en pouvoir jouir; et que, s'il a réuni ces trois expressions, procès, droits et actions, c'est afin que la prohibition soit générale, et comprenne, sans en rien excepter, tout ce qui est ou peut être l'objet d'un litige. D'ailleurs la loi n'a pas dit les droits qui sont pendans devant le tribunal.... mais qui sont de la compétence du tribunal; ce n'est donc pas la litispendance seule, mais bien la compétence 'qui est la mesure de la capacité et de l'incapacité: or, des droits qui n'ont pas encore donné lieu à une action, n'en sont pas moins de la compétence du tribunal que si déjà l'action était intentée. »>

F. ROGER,

Avocat à la Cour royale de Paris.

DEUXIÈME PARTIE.

TAXES ET DÉPENS.

SUITE DE LA DÉLIBÉRATION DU TRIBUNAL DE PARIS. (Voy. les Cahiers précédens, pages 226 et 326.)

SUITE DES MATIÈRES ORDINAIRES.

VINGT-TROISIÈME question.

En matière de ventes d'immeubles à l'audience des criées, quelles

testation judiciaire, mais encore que cette contestation porte sur le fond de droit; que la même limitation n'étant pas exprimée dans l'art. 1697, il est naturel d'en conclure que le mot litigieux, qui s'y trouve employé, conserve l'acception commune dans toute son étendue; que cette difference dans le sens des deux articles dont il s'agit, et qui a son fondement dans la dé

T. XLIII.

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mesures convient-il de prendre pour que les frais soient toujours sou¬ mis à la taxe?

Lorsque des jugemens ont ordonné des ventes d'immeubles, soit à l'audience des criées, soit dans l'étude d'un notaire, l'usage a toujours été, ainsi que cela se pratiquait au Châtelet, d'insérer dans le cahier des charges une clause par laquelle il est stipulé que, dans un très-bref délai, l'adjudicataire sera tenu de payér, en sus et sans diminution de son prix, une somme déterminée pour les frais de vente et ceux faits pour y parvenir, sauf la taxe desdits frais, qui pourra toujours être requise, et qui sera au bénéfice des vendeurs ou de leurs créanciers.

Cette clause a un double but d'utilité :

Elle a pour objet de fixer d'une manière invariable le sort des enchérisseurs, qui, au moment où ils enchérissent, doivent être à même de calculer quel sera le montant total de leur adju dication, en ajoutant au prix principal les frais qui sont mis à leur charge et une longue expérience a prouvé jusqu'à quel point cette précaution était nécessaire pour ne pas écarter un grand nombre d'enchérisseurs;

2° Elle a pour objet d'éloigner les enchérisseurs d'une solvabilité équivoque, qui sont effrayés par la nécessité de payer, dans un bref délai, une somme plus ou moins considérable que leur ferait perdre une poursuite de folle-enchère; tandis que, s'ils pouvaient compter sur les délais considérables qu'entraînent les formalités de la purge des hypothèques, ils pourraient dégrader l'immeuble et en diminuer la valeur, avant qu'on pût les poursuivre pour le paiement ou la consignation du prix principal de leur adjudication.

Toutefois il ne faut pas se dissimuler que des abus peuvent en résulter.

Les frais peuvent être portés à des sommes plus considérables que celle à laquelle ils sont susceptibles d'être réduits par le résultat de la taxe; et comme, malgré la réserve insérée dans la

faveur attachée aux cessionnaires de la qualité de ceux dont parle l'article 1597, se manifeste de plus en plus par la conférence des termes dans lesquels ils sont conçus ; qu'en effet, dans l'art. 1597, il n'est pas seulement fait mention, comme dans les art. 1699 et 1700, de ceux qui deviennent seulement cessionnaires de proces; qu'il y est dit en outre que les individus dont cet article donne l'énumération ne peuvent acquérir des droits et actions litigieux de la compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions; qu'on ne peut supposer que ces expressions, droits el actions litigicux, aient la même signification que le mot procés qui les précède immédiatement, et qui s'applique spécialement aux contestations déjà portées devant les tribunaux; qu'elles ne peuvent donc désigner que les droits et actions qui, sans avoir encore donné lieu à un procès, sont, de nature à pouvoir être contestés, et tel est aussi le sens que la jurisprudence et les auteurs attribuent auxmots dreils liligieux.

clause, il est très-rare que les vendeurs ou leurs créanciers la réclament, il peut arriver que des officiers peu délicats se fassent payer, à la faveur de cette clause, des sommes plus considérables que celles qui leur sont légitimement dues.

Le tribunal a cherché à prévenir ces abus, en exigeant que les mémoires de frais, soit de l'avoué poursuivant, soit des avoués colicitans, fussent remis au juge-commissaire tenant l'audience des criées, pour qu'il pût, par l'examen de ces mémoires, reconnaître s'il y avait exagération dans l'évaluation des frais.

Mais il a été reconnu que ce n'était que par une taxe rigoureuse faite sur l'inspection des pièces mêmes que l'on pouvait juger s'il y avait des procédures frustratoires qui dussent être rejetées, ou des instructions trop étendues qui fussent susceptibles d'être réduites.

Il s'agissait d'aviser au moyen de rendre cette taxe indispensable.

A cet égard, la commission a pensé qu'en matière de licitation ou de vente d'immeubles, il y avait trois natures de frais qu'il fallait distinguer:

1o Les frais qui sont faits pour parvenir à la vente, et qui comprennent toutes les procédures faites depuis la demande originaire jusques et compris le jugement qui ordonne la vente ;

2o Les procédures relatives aux incidens qui peuvent s'élever postérieurement à ce jugement, et même postérieurement au dépôt de l'enchère au greffe;ock

3 Les frais de vente proprement dits qui se réduisent à la rédaction du cahier des charges, aux appositions d'affiches, de placards, et autres formalités prescrites par la loi.

Quant aux frais pour parvenir à la vente, la commission a pensé que rien ne s'opposait à ce que le tribunal exigeât qu'ils fussent taxés avant le dépôt au greffe de l'enchère; que s'il s'élevait quelque incident qui donnât lieu à quelques procédures nouvelles, il pouvait exiger que la taxe de ces procédures fût faite avant l'adjudication préparatoire; qu'enfin les frais de vente, qui ne consistent que dans des actes presque tous sujets à des droits fixes, et dans la remise proportionnelle déterminée par le Tarif, pouvaient être facilement réglés par le juge tenant l'au'dience des criées.

La réunion de ces diverses natures de frais formerait le montant total de la somme à payer par l'adjudicataire en sus de son prix, et l'on serait assuré qu'il ne s'élèverait pas au-delà des sommes légitimement dues aux officiers ministériels.

Ainsi, l'avis de la commission a été, 1o que dans les ventes sur licitation ou de biens appartenant à des héritiers bénéficiaires, ou dans les ventes sur publications volontaires, ou par suite de conversions, et généralement dans toutes les ventes d'immeubles ordonnées par jugement, tous les frais faits jusques et com→

pris le jugement qui a ordonné la vente fussent taxés avant le dépôt au greffe du cahier des charges;

2o Que tous les frais faits sur des incidens dont l'emploi en frais de vente aurait été ordonné, devaient être taxés avant l'adjudication préparatoire ;

3° Que les frais de vente devaient être réglés par le juge tenant l'audience des criées;

4o Enfin, que la somme à payer par l'adjudicataire en sus de son prix ne pourrait comprendre que les frais ainsi taxés et réglés, sauf aux parties ou aux avoués à faire valoir leur privilége sur le prix de la vente, pour les frais dont la taxe n'aurait pas > été faite.

OBSERVATIONS.

L'avis de la commission est très-sage, et il serait à désirer qu'il fût converti en une disposition législative; mais jusque là il nous semble difficile que, même à Paris, on puisse le regarder comme obligatoire.

C'est une chose très-grave que le droit attribué au juge tenant les criées de taxer, sans que les parties le demandent, les frais faits pour parvenir à une vente judiciaire. Sans doute, il est à désirer que des sommes trop considérables à payer par l'adjudicataire en sus de son prix ne soient pas portées dans le cahier des charges; nous conviendrons même que des abus existaient à Paris il y a quelques années; mais tout cela ne nous semble pas suffisant pour autoriser le juge à user d'un droit que la loi n'a attribué qu'aux parties intéressées. Il arrive souvent, à la vérité, que les vendeurs négligent de faire taxer; mais ce n'est pas une raison pour que le juge taxe d'office, et se montre plus soigneux des intérêts des parties que les parties elles-mêmes. Il faut que le magistrat évite tout ce qui ressemble à l'arbitraire.

Ces réflexions ne nous empêcheront pas de reconnaître le mérite du travail de la commission. Nous savons que la mesure qu'elle a proposée et qui reçoit encore aujourd'hui son exécution, a eu les plus heureux résultats; c'est un motif de plus pour nous de désirer qu'elle soit consacrée par la loi et devienne obligatoire dans tous les tribunaux de France.

VINGT-QUATRIÈME QUESTION.

En matière de licitation, les juges taxateurs peuvent-ils, même du consentement des parties, allouer aux avoués des honoraires pour travaux extraordinaires ?

Plusieurs arrêts, et notamment un rendu en faveur de Me Bazin et un autre en faveur de M Boudart, ont jugé que les avoués pouvaient avoir droit à des honoraires extraordinaires, lorsqu'ils se sont livrés à des travaux qui ne rentrent pas nécessairement dans le cercle de leurs fonctions d'avoués. C'est en se fondant principalement sur le principe consacré par ces arrêts que la chambre des avoués, dans des observations qu'elle a adressées au tribunal, a cherché à établir qu'indépendamment des émo

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