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COUR DE CASSATION.

1o Arrêt. - Motifs. Rejet. Conclusion. Cassation.

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2o Enquête. Procès-verbal. Dernier ressort. — Mention. - Nullité. Matière sommaire.

1° Est suffisamment motivé, le jugement rendu en appel et rejetant une demande principale déjà rejetée par les premiers juges, quoiqu'il n'adopte point les motifs de ceux-ci, et qu'il ne contienne aucun motif sur ce rejet, si dans un jugement antérieur qui admet le demandeur à justifier une demande subsidiaire, il a implicitement reconnu que la demande principale n'était point fondée. (Art. 141 C. P. C. et 7 L. 20 avril 1810.)

2o Le jugement rendu en dernier ressort sur une enquête sommaire, ne doit pas, sous peine de nullité, faire mention du nom des témoins et du résultat de leurs dépositions. (Art. 410.)

(Danton C. Brunesseau.)

M. Danton, notaire, assigne les époux Brunesseau en paiement d'honoraires à raison d'un acte de vente qu'il avait passé pour eux au sieur Grandvallet. Sentence du juge de paix qui re jette sa demande, attendu qu'ayant négligé de réclamer son paiement de l'acquéreur, lorsqu'il était solvable, c'était par son propre fait qu'il n'avait pas été payé. - Appel de ce jugement de→ vant le tribunal de Reims. Il reprend ses conclusions principales, et subsidiairement il demande à prouver que le sieur Brunesseau s'est engagé personnellement à payer les honoraires réclamés.

14 juin 1830, jugement ainsi conçu : « Point de droit. L'action des notaires en paiement de frais est-elle susceptible d'être écartée par l'exception de garantie, quand, par son fait, le vendeur ne peut plus exercer de recours contre l'acquéreur? Dans le cas de l'affirmative de cette proposition, les faits articulés subsidiairement sont-ils pertinens? Le tribunal avant faire droit sur l'appel, donne à M. Danton acte de ce qu'il articule et offre de prouver, etc.... »

Après l'enquête, jugement définitif en ces termes : « Considérant qu'il ne résulte pas suffisamment des dépositions des témoins la preuve du fait articulé par Danton; dit qu'il a été bien jugé.

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Pourvoi pour 1° défaut de motifs, en ce que le tribunal n'explique pas pourquoi il a rejeté la demande principale du sieur Danton, à l'égard de laquelle il confirme la sentence du premier juge; 2° pour violation de l'art. 410 C. P. C., en ce qu'il ne fait

pas mention des noms des témoins dans l'enquête, et du résultat de leurs dépositions.

ARRÊT.

La Cour;-Sur le premier moyen:-Attendu que, par le jugement rendu parle juge de paix du 3o arrondissement de Reims, le sieur Danton a été débouté de la demande par lui formée en paiement d'une somme de 65 fr. 95 cent. pour les frais d'un contrat de vente d'immeuble faite par les sieur et dame Brunesseau au sieur Grandvallet, sur le motif que c'était par son fait et sa négligence qu'il n'avait pas été payé de cette somme par ledit sieur Grandvallet, acquéreur, et que cette négligence devait le rendre responsable de l'insolvabilité de ce dernier;

Attendu que le sieur Danton, par l'acte d'appel qu'il a interjeté de ce jugement, a repris les mêmes conclusions qu'il avait prises devant le juge de paix; mais que, par des conclusions qu'il a prises ultérieurement devant le tribunal civil de Reims, il a conclu subsidiairement à être admis à la preuve des faits par lui articulés, et qui tendaient à établir que le sieur Brunesseau s'était reconnu débiteur personnel de la somme par lui réclamée; que, dans cet état, le tribunal civil de Reims a reconnu qu'il avait à statuer sur la question de savoir si l'exception qui avait servi de base à la décision du juge de paix était fondée; et, dans le cas de l'affirmative, si le sieur Danton devait être admis à la preuve des faits par lui articulés ; Attendu que, par son jugement du 14 juin 1830, qui n'a pas été attaqué, le tribunal civil de Reims, en admettant le sieur Danton à la preuve des faits par lui articulés par ses conclusions subsidiaires, a implicitement et nécessairement jugé qu'il ne restait plus désormais qu'une seule question à résoudre, celle de savoir si le sieur Danton avait fait ou non la preuve des faits par lui articulés; Attendu que, par son jugement définitif du 21 juin 1830, le tribunal civil de Reims a confirmé le jugement du juge de paix, en se fondant sur ce qu'il ne résultait pas suffisamment des dépositions des témoins la preuve des faits articulés par le sieur Danton; et que, dans l'état de la cause, ce motif était suffisant pour remplir le vœu de l'art. 141 C. P. C. et de l'art. 7 de la loi du 20 av. 1810;

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Sur le 2o moyen, fondé sur la violation de l'art. 410 C. P. C.: -Attendu que cet article n'exige, en matière sommaire, qu'une simple mention', dans le jugement, des noms des témoins et du résultat de leurs dépositions, lorsque le jugement est rendu en dernier ressort, tandis que l'art. 411 veut qu'il soit dressé un procès-verbal d'enquête, lorsque le jugement est susceptible d'appel; qu'il suit de là que la disposition de l'art. 410 est plutôt restrictive qu'elle n'est impérative, et que la mention dont il parle n'est pas une formalité substantielle;-Rejette.

Du 15 fév. 1832.-Chambre req.

OBSERVATIONS.

La Cour de cassation avait déjà jugé que l'énonciation des noms des témoins entendus dans une enquête (sommaire) n'est pas une formalité substantielle, dont l'omission puisse entraîner la nullité du jugement dans lequel cette énonciation devait être faite (arrêt du 18 avril 1810, J. A. t. 15, p. 86, n° 89). Mais elle n'avait pas encore eu à décider, s'il devait en être de même pour le résultat de leurs dépositions. Or, voici la distinction établie par le Code proc. civ.: Sile jugement est susceptible d'appel, il sera dressé procès-verbal contenant les sermens des témoins, leur déclaration s'ils sont parens, alliés, serviteurs ou domestiques des parties; les reproches qui auraient été formés coutre eux, et le résultat de leurs dépositions (art. 411). Lorsque le jugement ne sera pas susceptible d'appel, il ne sera point dressé de procès-verbal de l'enquête, il sera seulement fait mention dans le jugement des noms des témoins et du résultat de leurs dépositions (art. 410). » De la différence qui existe entre ces deux articles, la Cour suprême a conclu que la disposition de l'art. 410, relatif aux enquêtes faites dans des causes jugées en dernier ressort, n'est pas impératif. Mais celui relatif aux enquêtes en matière susceptible d'appel, n'est pas plus conçu en termes impératifs que l'autre. L'un dit il sera fait mention, l'autre porte il sera drèssé procès-verbal, et aucun des deux n'attache la peine de nullité à son inobservation; nous ne concevons donc pas comment on peut induire de l'art. 411 que la formalité preserite par l'art. 410 n'est pas substantielle.

Mais existe-t-il d'autres raisons qui doivent faire considérer cette formalité comme non substantielle? on peut dire pour l'affirmative que l'art. 410 ne l'exigé pas à peine de nullité. Néanmoins cette raison ne serait pas satisfaisante, parce que, si on l'admettait en se fondant sur le texte même de l'article, il faudrait aussi l'admettre à l'égard du procès-verbal exigé par l'art. 411 dans le cas où la cause est susceptible d'appel, et l'on sait que ce dernier point est controversé (Voy. J. A., t. 42, p. 578). D'un autre côté, si les tribunaux pouvaient se dispenser de mentionner le résultat des dépositions des témoins dans leur jugement rendu en dernier ressort, et sur une enquête sommaire, il ne resterait plus la seule trace de cette enquête que le législateur a voulu que l'on conservât. On ne saurait plus si les juges ont pu proclamer comme prouvés les faits qui forment les motifs de leur décision. Cette décision ne porterait plus avec elle la démonstration du bien jugé qu'elle contient. Il nous semble qu'en décidant le contraire, la Cour suprême ouvre le champ à l'arbitraire des tribunaux inférieurs. Elle les dispense de constater un fait que la loi exige formellement de déclarer, parce qu'il est nécessaire; la loi n'a pu ordonner aux juges de le constater et tout à la fois leur per

T. XLIII.

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mettre de ne pas l'insérer dans leurs jugemens. Voy., dans le même sens, M. PIGEAU, Comm., t. 1, p. 705.

COUR DE CASSATION.

Comparution de parties. Pourvoi discrétionnaire.

Cassation.

Les tribunaux peuvent ordonner ou refuser la comparution des parties à leur audience, sans que leur decision puisse à cet égard donner ouverture à cassation. (Art. 119 C. P. C.) (1)

Despech C. Cardoze.) ARRÊT.

La Cour; Attendu que l'art. 324 C. P. C. a été fait pour un ordre de choses tout différent de celui qui pour objet la comparution des parties à l'audience; que cet article n'est applicable qu'aux interrogatoires sur faits et articles déterminés et réglés par les art. 325 et suiv. C. P. C.; qu'enfin la comparution des parties, autorisée par l'art. 119 du même Code, est un moyen d'instruction entièrement abandonné à l'arbitrage du juge, qui peut l'admettre ou le rejeter, sans que sa décision soit sujette à aucun recours; -Rejette.

Du 3 janvier 1832.

Ch. req.

COUR ROYALE DE MONTPELLIER.

Appel. Etranger. Domicile élu. — Délai. Matière commerciale.

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Est nul l'appel d'un jugement de commerce obtenu par un individu demeurant à l'étranger, si l'exploit lui en a été notifië, non à son domicile réel, mais à celui qu'il a élu en France, et sans lui accorder pour comparaître le délai fixé pour les défendeurs domiciliés hors du territoire français. (Art. 61, 73, 422 C. P. C.)

(Tesse C. Muralt.)

3 mars 1831, jugement du tribunal de commerce de Narbonne, qui condamne le sieur Tesse à payer 1200 fr. au sieur Muralt, négociant en Suisse. Tesse en appelle, et signifie son appel à Muralt, au domicile élu par celui-ci à Narbonne, avec assignation à comparaître dans le mois devant la Cour de Montpellier. Muralt soutient que l'appel est nul, d'après les art. 61 et 73 C. P. C.

(1) Les principes sont les mêmes en matière d'interrogatoire sur faits et articles. Voy. un arrêt du 11 janvier 1815, J. A., t. 11, p. 141, vo Enquête, no 121. V. aussi t. 14, p. 707, la note du no 8 d'Interrogatoire.

ARRÊT.

La Cour;-Sur les conclusions conformes de M. Canton,cons. aud. faisant fonctions du ministère public;-Considérant que l'acte d'appel n'a pas été notifié à la personne du sieur Muralt,non plus qu'à son domicile à Langenthal (Suisse), mais bien au domicile par lui élu, mais aussi sans qu'il ait été accordé à l'intimé le délai au> quel, en sa qualité de domicilié à l'étranger, il avait droit, d'après les dispositions de l'art. 73. C. P. C.; - Déclare l'appel nul.

Du 1er décembre 1831.

OBSERVATIONS.

La question soumise à la Cour de Montpellier était complexe; elle consistait d'abord à savoir si l'appel d'un jugement de commerce peut être signifié au domicile élu par celui qui l'a obtenu. Or, en général, la négative paraît maintenant constante tant en matière commerciale qu'en matière civile. (Voy. J. A., t. 3, p. 124 et 340; v Appel, n° 59 et 183, et Pardessus, Cours de droit comm., t. 5, n° 1584, 3° éd.) Néanmoins, on devrait juger le contraire, si l'intimé avait expressément fait élection, à l'effet de recevoir au domicile élu signification de l'appel et c'est de toute évidence. Or, nous ignorons si pareille élection avait eu lieu dans l'espèce soumise à la Cour de Montpellier, ou bien si l'intimé s'était borné à faire l'élection prescrite par l'art. 422 C. P. C. Il nous est donc impossible d'apprécier, à cet égard, l'arrêt que nous venons de rapporter. Quant à la deuxième branche de la question qu'il a jugée, c'est-à-dire celle de savoir si l'assignation donnée à l'étranger qui a élu domicile en France doit luiaccorder, pour comparaître, les délais donnés aux défendeurs habitant un pays étranger, nous pensons que la Cour de Montpellier a bien jugé. Les dispositions de l'art. 75 C. P. C. exigent formellement que certains délais soient donnés aux défendeurs qui ne demeurent pas en France. Peu importe, selon nous, qu'ils aient élu domicile en France. Cette élection donne bien au demandeur le droit de les assigner à ce domicile; mais, à moins d'une déclaration contraire, elle ne prouve point qu'ils l'aient dispensé de leur laisser le temps nécessaire pour se défendre. D'ailleurs, la règle tracée par l'art. 73 C. P. C. est générale, et ne reçoit d'exception que pour le cas où le défendeur est trouvé en France et que l'ajournement est remis à sa personne (art. 74). On conçoit, en pareil cas, le motif de l'exception; le défendeur peut alors comparaître aussi rapidement que s'il était domicilié en France. Mais, s'il est à l'étranger, pourra, t-il se présenter, par cela seul qu'il a élu domicile dans le royaume ? Évidemment non; car il ne lui faudra pas moins le temps nécessaire pour recevoir copie de l'assignation et envoyer

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