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DÉCLARATION

DE MICHEL de
BOURGES.

REJET DE LA
PROPOSITION.

opinion sur les changements d'officiers, et « ce laisser-aller inimaginable avec lequel on parle dans les salons de fermer les portes de l'Assemblée ». Mais presque tous les républicains voyaient le principal ennemi dans la majorité royaliste, qui depuis trois ans les persécutait dans toute la France, tandis que le Président s'accordait avec eux sur l'amnistie et le suffrage universel. Ils craignaient de donner à l'Assemblée une force armée pour la restauration royaliste, qu'on disait préparée par Thiers et Changarnier. Surtout ils connaissaient si mal les conditions de la vie militaire qu'ils comptaient sur l'armée elle-même pour empêcher le coup d'État. L'orateur le plus connu de la Montagne, Michel, avocat marseillais établi à Bourges, déclara : « L'armée est à nous, et je vous défie, quoi que vous fassiez, si le pouvoir militaire tombait dans vos mains, de faire un choix qui fasse qu'aucun soldat vienne ici pour vous contre le peuple. » Et, dans une péroraison célèbre, pendant républicain à la déclaration de Changarnier, il s'écria : « Non, il n'y a point de danger et... s'il y avait un danger, il y a aussi une sentinelle invisible qui nous garde; cette sentinelle, c'est le peuple.

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Saint-Arnaud combattit la proposition: toute réquisition devait passer par la voie hiérarchique. Le général Bedeau lui demanda s'il était vrai que le décret eût été retiré des casernes. Saint-Arnaud répondit que le décret n'avait jamais été exécuté. « Je l'ai fait enlever là où il existait encore. » — « Vous nous avez donc trompés », dit un membre de la commission. Charras proposa la mise en accusation du ministre. Saint-Arnaud crut la partie perdue; il dit au ministre de l'Intérieur : « On fait trop de bruit dans cette maison, je vais appeler la garde », et il sortit de la salle en faisant signe à Magnan et à Maupas. Mais quelques membres du parti de l'ordre votèrent avec le parti de l'Élysée et presque tous les républicains; la proposition des questeurs fut rejetée par 403 voix contre 300. « Cela vaut peut-être mieux ainsi », dit Louis-Napoléon en apprenant le vote.

L'Assemblée n'avait plus de majorité même pour se défendre. Les membres de la droite les moins engagés dans la lutte cherchèrent à se rapprocher du Président, pour éviter le coup d'État militaire contre l'Assemblée en faisant faire par l'Assemblée d'accord avec le Président un coup d'État législatif contre la Constitution. Pendant ces négociations, Louis-Napoléon recula le jour fixé pour le coup d'État du 20 novembre au 25, puis au 2 décembre.

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OUIS-NAPOLÉON choisit pour son coup d'État l'anniversaire de la victoire d'Austerlitz, le 2 décembre. Le 1er décembre, jour de réception à l'Élysée, le Président, pour détourner les soupçons, se montra souriant à ses visiteurs; Morny, au théâtre, se fit voir dans les

1. BIBLIOGRAPHIE DES SOURCES. - Catalogue de l'Histoire de France de la Bibliothèque nationale, t. IV et t. XI. 1879 (Supplément). P. Caron, Bibliographie et Répertoire. Schmidt, Sources. Lorenz, Catalogue. Voir la bibliographie du livre I. - Cambridge Modern history

t. XI, chapitre rédigé par Albert Thomas. SOURCES.

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Le Moniteur universel. — Duvergier, Collection des lois, voir la bibliographie du livre I. Les séances du Corps législatif ne sont publiées de 1852 à 1860 que sous forme d'un compte rendu analytique et d'un procès-verbal officiel, avec tables annuelles. Les journaux les plus importants sont le Journal des débats (orléaniste), le Siècle (républicain), la Gazette de France (légitimiste), l'Univers (catholique), le Pays, la Presse (impérialistes). Les informations que le régime de compression empêche de publier dans la presse française paraissent dans le Journal de Genéve, l'Indépendance belge (de Bruxelles), le Times. Pour les procès, la Gazette des Tribunaux. - L'Annuaire historique résume les événements de l'année. L'Annuaire des Deux Mondes, publié par la Revue des Deux Mondes. Papiers de la famille impériale aux Tuileries, 2 vol., 1870, publication tendancieuse faite après le 4 septembre par le gouvernement; complétés par Papiers échappés à l'incendie des Tuileries, 1871; cet amas de pièces « curieuses » contient quelques documents instructifs. DOCUMENTS PRIVÉS. Hübner, Neuf ans de souvenirs, 1904, (journal tenu de 1851 à 1853). De Persigny. Mémoires, 1835. — Randon, Mémoires, 2 vol., 1875-77. Granier de Cassagnac, Souvenirs, 3 vol.. 1879-82. Barante, Souvenirs, 1890-1901 (correspondance entre royalistes). On trouvera des impressions plutôt que des

- Maupas, Mémoires, 2 vol. 1884-1885.

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PRÉPARATIFS

DE LA VEILLE.

LE PLAN

DU COUP D'ÉTAT.

loges. A dix heures du soir, le Président réunissait dans son cabinet, outre son secrétaire Mocquard et Persigny, les trois hommes chargés de diriger l'opération, Morny, Saint-Arnaud et Maupas. Il prit un dossier intitulé Rubicon (c'étaient les pièces préparées pour le coup d'État), en souvenir de César, dont il aimait à s'inspirer. Il remit à Morny le décret qui le nommait ministre de l'Intérieur. Il envoya un aide de camp porter le manuscrit de sa proclamation à l'Imprimerie nationale, où l'attendait une équipe de typographes commandés pour un travail exceptionnel; on partagea la copie entre les ouvriers de façon qu'aucun ne pût voir l'ensemble du texte. Dans la nuit, Saint-Arnaud donna au commandant en chef Magnan les ordres pour les opérations des troupes; Maupas reçut un par un les commissaires chargés d'arrêter les personnages notables.

On voulait profiter de la nuit pour surprendre à la fois l'Assemblée et le peuple de Paris, paralyser l'Assemblée en fermant son lieu de réunion, mettre le peuple en présence du fait accompli. Pour empêcher la résistance, on devait arrêter dans leur lit tous les chefs de parti jugés capables de grouper les représentants, et faire occuper la ville par les

renseignements dans les correspondances publiées de George Sand, Quinet, Proudhon,
Veuillot, Mérimée. Sur la vie mondaine, An Enghisman in Paris (attribué à sir R. Wal-
lace), trad. fr.: Un Anglais à Paris, 3 v., 1893. De Viel-Castel (Horace), Mémoires sur le
règne de Napoléon III, 6 vol. 1883-84, anecdotes parfois scandaleuses recueillies sans cri-
tique.
OUVRAGES. Principales histoires d'ensemble Taxile Delord, Histoire du second
Empire, t. I-III, 1859-72 (républicain, l'auteur était rédacteur au Siècle). De la Gorce,
Histoire du second Empire, t. 1-II, 1894 (royaliste). Albert Thomas, Le second Empire,
1906 (t. X de l'Histoire socialiste). Em. Ollivier, L'Empire libéral, t. II-IV, 1894, apologe-
tique, donne des détails rapportés par des témoins. Jerrold Bl., Life of Napoléon III,
4 vol., 1874-82. Sur les républicains, voir G. Weill, Histoire du parti républicain en France,
1900; Histoire du mouvement social en France de 1852 à 1910, 2o éd. 1910. J. Tchernoff, Le
parli républicain au coup d'Etat et sous l'Empire, 1906 (cite beaucoup de lettres et de journaux
personnels inédits).

2. SOURCES INÉDITES. Aux Archives nationales BB 398-402. Commissions mixtes. Note sur les sources aux Archives nationales de l'histoire politique des années 1851-52. Les réponses des archivistes départementaux à l'enquête sur des documents du coup d'Etat (Révolution de 1848, t. VI, et ibid., Seignobos, t. VII).

DOCUMENTS OFFICIELS.- - Aux actes publiés dans le Moniteur, ajouter Documents pour servir à l'histoire de l'Empire, circulaires, notes, rapports el instructions confidentielles (1851-70), 1872, publication anonyme d'actes secrets, instructive pour 1851-1852.

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NOTES ET SOUVENIRS. - Voir surtout Fleury, Maupas, Hübner, de Falloux (déjà cités). Notes sur le Coup d'Etat, de Vaulabelle (Révolution de 1848, t. III). Du Casse, Les dessous du coup d'Etat, 1891. Véron, Mémoires d'un bourgeois de Paris, 1853-55 (confidences de Morny sur l'attitude de Maupas).

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RÉCITS CONTEMPORAINS. H. de Mauduit (capitaine), Révolution militaire du 2 décembre 1851, 1852. - P. Mayer, Histoire du 2 décembre, 1852. Belonius, Histoire d'un coup d'Etat, 1852. Granier de Cassagnac, Récit des événements de décembre 1851, 1851 (tous quatre impérialistes). Le Catalogue de l'Histoire de France de la Bibl. nationale, t. XI, 1879, indique les écrits publiés à l'étranger par les proscrits (Durrieu, Charras, Magen, Schoelcher, Ribeyrolles) et par les républicains après 1868 (Gastineau, Mouton). TRAVAUX. Outre les histoires de l'Empire, T. Delord, de la Gorce, A. Thomas, E. Olli- . vier, V. Pierre, Histoire de la deuxième République, t. II, et les ouvrages de G. Weill et Tchernoff sur les partis républicains, E. Ténot, La province en décembre 1851, 1865; Paris en décembre 1851, 1868. Dagnan, Le coup d'État dans le Gers (Révolution de 1848, t. XII).

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Portrait peint par Hipp. Flandrin, 1863. L'empereur a 55 ans: il est en uniforme d'officier général, pantalon rouge, a bande noire, tunique bleu foncé, grand cordon de la Légion d'honneur. La main droite est appuyée sur le bord d'une table couverte d'un tapis vert. Fauteuil doré à tapisserie rouge. Musée de Versailles, n° 5141.

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