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rentes inscrites au Grand-Livre. Le Directoire aurait peut-être été dans l'impossibilité de servir immédiatement cette rente, mais il aurait sauvegardé le capital de ses créanciers. Il n'aurait pas assumé sur lui la

peintes sur tous les visages. Le louis se vend aujourd'hui 19,000 livres. Le mandat de 100 livres ne vaut que 40 sols et le pain se vend 125 livres. Le reste en proportion. Enfin la misère est à sa dernière période.

10 messidor an IV (28 juin 1796). Les marchands de campagne dont un grand nombre a été contraint de recevoir le mandat pour la valeur normale, se promettent de ne plus rien apporter.

23 messidor an IV (11 juillet 1796).

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Les marchands de comestibles refusent de

vendre pour du papier-monnaie; plusieurs ont été conduits hier chez différents juges de paix où ils ont été forcés de recevoir les assignats et les mandats.

27 messidor an IV (15 juillet 1796). Le numéraire emporté chaque jour en grande quantité par les gens de campagne devient plus rare.

10 thermidor an IV (27 juillet 1796).

Les personnes munies de cartes murmurent de ce qu'on n'oblige pas les boulangers à recevoir les assignats. 17 thermidor an IV (4 août 1796). tion des mandats.

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Toujours les mêmes plaintes sur la déprécia

Le rachat de leurs cartes aux personnes qui excité aucune fermentation.

21 thermidor an IV (8 août 1796). payent le pain le quart de la taxe n'a 15 fructidor an IV (1er sept. 1796). Plusieurs rapports s'accordent à dire que la suppression des cartes de pain donne beaucoup d'inquiétude (il y en a encore qui en jouissent).

9 vendémiaire an V (30 septembre 1796). — Les boulangers se plaignent de ce que les cultivateurs ne veulent pas recevoir la monnaie de cuivre en payement des farines qu'ils leur vendent.

18 vendémiaire an V (9 octobre 1796). Les murmures se prolongent contre la cherté des denrées; on en attribue la cause à l'opulence des cultivateurs et des gens de campagne qui n'ayant besoin de rien, aiment mieux garder leurs denrées que de les vendre à un prix modéré. On l'attribue aussi à la grande quantité de monnaie de cuivre qui ne circule que dans Paris et ne s'écoule pas dans les départements.

21 vendémiaire an V (12 octobre 1796). Plaintes contre les boulangers, chez lesquels, passé midi, on ne trouve plus de pain. Murmures contre les cultivateurs, qui, dit-on, regardent la monnaie de cuivre comme autrefois les assignats, et qui refusent de vendre leurs denrées ou les portent à un taux excessif.

Les percepteurs des contributions refusent la monnaie de cuivre.

27 vendémiaire an V (18 octobre 1796). On craint que le trafic qui se fait impunément des écus et du cuivre ne fasse disparaître notre argent.

30 vendémiaire an V (21 octobre 1796). Le coup est porté et la lutte s'établit d'une manière très fâcheuse entre le consommateur et les marchands. Le marchand repousse la monnaie de cuivre ; il la prend pour la moitié de sa valeur ou vend sa marchandise au double. La pièce d'or s'achète jusqu'à 40 et 42 francs en cuivre. 1er brumaire an V (22 octobre 1796). On paraît persister à croire que, quelques efforts que fasse le gouvernement, il sera difficile de rétablir la confiance sur cette monnaie, les principaux obstacles sont la cupidité des marchands et l'opiniâtreté égoïste des habitants des campagnes.

3 brumaire an V (24 octobre 1796). — Les mandats que l'opiniâtreté a repoussés ont fait reparaître l'argent sans efforts et presque sans que le gouvernement s'en mêlât. Les pièces de décime et de centime que la méfiance repousse également, font reparaitre une très grande quantité de pièces de 18 deniers; il ne se reçoit presque pas

triste responsabilité, après avoir hérité d'une dette de 20 et quelques milliards, et y avoir ajouté lui-même plus de 16 milliards en assignats et près de 2 milliards 400 millions en mandats, de liquider sans bourse

de pièces de cuivre dans les halles et marchés, excepté celles dites de cloches. Les murmures à cet égard sont les mêmes, mais la fermentation et l'agitation ont cessé. On désire que le gouvernement se hâte de les retirer de la circulation; on voudrait aussi qu'il retirât tous les assignats restants, ainsi que les mandats. On croit que ce retirement ferait paraître dans la circulation une plus grande quantité de numéraire qui est encore caché et enfoui.

6 brumaire an V (27 octobre 1796). — Extrait de la Gazette nationale de France. - Un soldat d'un détachement qui passait sur le Pont Royal sortit de son rang, s'approcha d'une pauvre femme qui vendait des fruits, lui en acheta et voulut les payer en pièces de 4 sous. La marchande ayant refusé de les prendre pour leur valeur nominale, le monstre lui plongea sa baïonnette dans le corps et la laissa sans vie sur le pavé. Il fut arrêté sur-le-champ.

3 frimaire an V (23 novembre 1796). L'augmentation des marchandises et la rareté du numéraire font la matière de quelques entretiens: on trouve la cause de l'augmentation dans la difficulté de les reproduire par le dépérissement des manufactures et le défaut de bras, dans la dégradation des routes qui rend les arrivages coûteux et difficiles, dans le défaut d'une police régulière à l'égard des rouliers et des mariniers qui exercent leur cupidité et rançonnent ceux qui ont besoin de leurs services, et enfin la cause de la rareté du numéraire dans les émigrations et dans l'incertitude de ses revenus; et comme on ne prête que quand on a du surplus, le numéraire destiné aux emprunts a disparu presque en entier et l'intérêt de l'argent a dû être exorbitant, sans pour cela devenir plus commun.

15 frimaire an V (5 décembre 1796). — C'est à la misère extrême que l'on doit attribuer la quantité de voleurs qui excitent les plaintes journalières; on ajoute que nombre d'employés réformés et de créanciers du gouvernement sont réduits par le besoin à cet état criminel.

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23 frimaire an V (13 décembre 1796). Paris fourmille de bals; le luxe y est excessif... mais l'aisance est circonscrite et la gêne n'a point de bornes. 25 frimaire an V (15 décembre 1796). - Extrait d'un journal. Les filles publiques inondent cette cité dont elles font la honte et le scandale.

5 nivôse an V (25 décembre 1796). La classe nombreuse d'artisans et d'ouvriers voient encore moins qu'auparavant d'équilibre entre le fruit de leur industrie et leur consommation journalière. Ils en voient la cause dans la loi de la liberté indéfinie du commerce, qu'ils considèrent comme meurtrière; ils l'opposent à celle du maximum.

6 pluviose an V (25 janvier 1797).

(item d'autres jours).

3 ventôse an V (21 février 1797).

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Le pain a éprouvé unc légère augmentation

le blanc a été vendu 9 à 11 sous les 4 livres et le bis 6 à 8 sous. La viande de boucherie a été vendue de 5 à 9 sous, le porc frais 9 à 10 sous.

28 ventôse an V (18 mars 1797).

Le pain a été très abondant sur les halles ; le pain blanc, 10 à 11 sous. Il y a eu beaucoup de viande de boucherie: le bœuf, 4 à 9 sous la livre.

6 floréal an V (25 avril 1797). 21 prairial an V (9 juin 1797).

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Il y a eu beaucoup de pain; le blanc, 10 sous à 10 sous 6 deniers. La viande de boucherie a été très abondante: le bœuf, 6 à 10 sous 16 vendémiaire an VI (7 octobre 1797). Les employés et salariés publics sont devenus un objet de très grand intérêt pour tout le public, qui accuse le gouverne

délier, sous prétexte que l'agiotage avait trop avili la monnaie que luimême avait trop multipliée.

Il faut sans doute tenir compte de la situation. Le Directoire n'est nullement responsable de l'état désespéré dans lequel étaient les finances à la fin de 1795; il est responsable de la banqueroute qu'il a acceptée comme le seul moyen de sortir d'embarras. Dans une circonstance toute semblable, la république naissante des États-Unis avait agi un peu moins brutalement ; son papier fédéral avait perdu jusqu'à 99p. 100 et les papiers particuliers des États avaient perdu bien davantage ; pourtant les États-Unis se reconnurent,après beaucoup de souffrances, il est vrai, et de ruines personnelles, débiteurs d'une somme de 42 millions de dollars, représentant une partie de la valeur commerciale de leurs billets à l'époque des diverses émissions 1.

ment d'être injuste à leur égard en les abandonnant aux angoisses du plus affreux dénuement. Aussi beaucoup de plaintes sont-elles recueillies dans la classe des gros commerçants, qui annoncent qu'ils vont quitter Paris et se retirer dans les départements parce qu'ils n'ont plus rien à faire dans cette ville.

4 brumaire an VI (25 octobre 1797). C'est spécialement à la journée du 18 fructidor qu'une partie d'entre cux attribue la stagnation actuelle du commerce. 17 frimaire an VI 7 décembre 1797). Les marchés sont approvisionnés. Le nombre des oisifs diminue.

1. Le Congrès pendant la Révolution était sans ressources propres : il n'avait pas le droit de lever des impôts; les États lui fournirent peu de subsides et il n'avait pas assez de crédit pour emprunter tout d'abord. Il eut recours au papiermonnaie, «Continental Currency ». Il en émit la première fois en juin 1775 pour 2 millions de dollars.Ce papier se soutint à peu près au pair les premiers mois; mais à la fin de 1776, il perdait déjà 50 p. 100. Les émissions augmentèrent d'année en année, si bien qu'en 1779 il y en avait pour 140 millions de dollars, mais qui, suivant Jefferson, ne valaient pas plus de 7 millions 1/3 en espèces; au commencement de l'année on échangeait 1 dollar espèce contre 8 dollars papier; à la fin de novembre, contre 38 1/2. Comme en France,cette dépréciation donna carrière à la spéculation, aux plaintes du peuple, à des mesures violentes contre ceux qui ne recevaient pas le papier au pair. Le Congrès avait décidé que les émissions ne dépasseraient pas 200 millions; cependant il paraît qu'il a été émis 241 millions 1/2, soit 1 milliard 207 millions de francs. De leur côté, les États avaient mis en circulation aussi du papier-monnaie dont la somme connue (on ne connaît pas toutes les émissions) est de 209 millions de dollars (128 pour le seul État de Virginie).

Le 18 mars 1780 le Congrès légalisa le change à raison de 40 dollars-papier contre 1 dollar argent, soit une perte de 97 1/2 p. 100. Tous les anciens billets devaient être détruits et remplacés par un nouveau papier, dit Certificats, pour représenter l'argent que le Trésor ne possédait pas ; la nouvelle émission ne devait se faire que dans la proportion du douzième des anciens papiers détruits; elle portait intérêt et devait être remboursée six ans plus tard en espèces. Six dixièmes des certificats devaient être remis aux Etats et quatre dixièmes au Trésor fédéral. Les nouveaux billets furent frappés de discrédit comme les anciens et perdirent bientôt 86 p. 100 de leur valeur (de sorte que 320 dollars reçus primitivement en papier ne valurent plus que 1 dollar en espèces: 320 X 1/40 = 8; 8 × 0,125 = 1). Aussi y eut-il très peu de possesseurs de « Continental Currency » qui échangèrent leur papier contre des certificats. L'impôt fit cependant rentrer 88 millions.

Quant aux États, la circulation du papier avait cessé dans les États du Nord, où

Le Directoire, issu de la Révolution et vivant lui-même au milieu des idées et des agitations révolutionnaires, ne connaissait pas cette véritable liberté et ce respect des propriétés qui font la sûreté des transactions et le crédit des États. Il supprimait les assignats comme il supprimait les représentants opposés à sa politique. Mais l'argent se dérobe mieux que les hommes à la tyrannie. Le Directoire dut subir une pénurie continuelle qui contribua à sa perte. Les assignats et les mandats une fois supprimés, il fallut se servir d'argent. La transition fut pénible; d'abord, le public refusa la monnaie de cuivre. Le commerce cependant ne tarda pas à s'applaudir du changement. Mais l'argent sembla continuer à fuir les caisses de l'État. Tous les matins, le gouvernement était embarrassé de savoir comment il vivrait jusqu'au lendemain. Quand Bonaparte partit pour l'armée d'Italie (février 1796), on eut beaucoup de peine à réunir pour lui 2,000 louis. Les ministres donnaient des ordonnances de payement à leurs créanciers; mais les ordonnances n'étaient pas acquittées à la Trésorerie et elles circulaient sur la place, soumises à toutes les fluctuations de l'agiotage. La dette grossissait : elle représentait 119,708,000 francs d'arrérages; l'État ne pouvait pas les payer. D'autre part, la grande liquidation des dettes publiques et des remboursements de toute nature, décrétée par l'Assemblée Constituante, était loin d'être achevée. Les directeurs crurent pouvoir se débarrasser par un nouveau coup d'Etat d'une partie du fardeau que le Trésor était incapable de porter. La loi de finances présentée en septembre 1797 et votée le 30 ordonna la liquidation de toutes les rentes et de toutes les dettes de l'État; les deux tiers de chaque créance furent remboursés en bons qui pouvaient servir à l'acl'argent du corps d'armée français et même celui des troupes anglaises avait pénétré ; elle continua encore plus d'un an dans le Sud où le papier descendit jusqu'au taux de 1000 pour 1. Puis le papier-monnaie disparut, « without a groan », dit Jefferson. «Not a murmur was heard on this occasion among the people. » Il n'avait pas moins produit, comme en France, de grands bouleversements de fortunes et une gêne considérable. Trois Etats, le Massachusetts, le New-York et le Rhode Island remboursèrent intégralement leurs billets; quatre en remboursèrent une partie ; mais cinq ne remboursèrent rien.

Quand Hamillton, « to preserve the public faith and integrity by fulfilling, as far as was praticable, the public engagements », obtint du Congrès la loi du 4 août 1790 qui reconnut et consolida les dettes de la Fédération et des États, une partie de l'emprunt contracté fut affecté au remboursement des Certificats et même de la Continental Currency et au remboursement des billets émis par les États (Voir Jefferson's Works, p. 248 ; Statistics of public Indebtness, 10o Census of the United States, p. 68 et suiv., et Money, par F.A. WALKER, p. 326.

1. Après la disparition du papier-monnaie, le Directoire s'efforça de procurer de la monnaie métallique. Une loi du 3 brumaire an V (24 octobre 1796), votée d'urgence, ordonna la fabrication de 10 millions en pièces de 1, de 5 et de 10 centimes. On frappa cependant sous le Directoire une certaine quantité de monnaie d'argent; la frappe des pièces de 5 francs (type d'Hercule) a été en l'an IV et en l'an V de 41,400,000 francs, en l'an VI de 11,900,000 francs, en l'an VII de 18,900,000 francs.

quisition des biens nationaux et qui constituèrent ce qu'on appela la dette publique mobilisée; l'autre tiers fut porté au Grand-Livre et prit plus tard le nom de tiers consolidé. Cette rente cessa d'être soumise à la contribution foncière. Quelques objections furent faites au projet dans les deux Assemblées; mais la raison d'État l'emporta, en dépit de la foi publique. Dans son rapport aux Anciens, Cretet se demande si <«<le gouvernement d'un État libre dont la dette publique a pris un accroissement tel que les contributions les plus étendues ne la puissent balancer, a le droit de retrancher de cette dette la portion qu'il ne peut plus acquitter », et son sentiment est qu'il en a le droit : il aurait dû dire « le pouvoir ».

Les bons eurent le sort de tous les papiers émis par le Directoire ; dès leur début, ils perdirent 70, 80 puis 97 p. 100; ils ne furent plus admis pour l'achat des terres, mais seulement pour l'achat des maisons, et bientôt ils disparurent', comme les assignats et les mandats, laissant la désolation dans un grand nombre de familles, surtout de familles d'anciens fonctionnaires qui n'avaient d'autre fortune que leurs offices. Les intérêts du tiers consolidé, s'élevant à la somme de 43,634,000 francs, ne purent même pas être payés longtemps en numéraire ; le Directoire fut réduit à donner à ses rentiers des bons d'arrérages qui étaient reçus seulement en acquittement des contributions, et la rente qui avait débuté à 20 francs (20 fr. pour un titre de 100 fr. de capital nominal) tomba jusqu'à la cote de 6 francs à la Bourse.

Telle fut la triste fin de la grande liquidation commencée en 1789: 43 millions 1/2 de rentes acquittaient toutes les dettes de la monarchie, celles de la guerre et de la Révolution. C'est bien peu aux yeux de qui ne voit que les apparences et ne tient aucun compte de la moralité des gouvernements: tel était le sentiment de Calonne, qui, aussi léger dans l'exil qu'au ministère, prétendait que la République avait fait une habile et heureuse opération en payant ses créanciers avec un papier dont l'avilissement amortissait chaque jour une partie de sa dette. Mais c'est très grave au jugement de qui s'élevant audessus des embarras du jour et des spéculations immorales, songe aux misères qu'endura pendant près de dix ans la France sous le régime des assignats, à la diminution de son industrie, à l'anéantissement de son commerce extérieur, qui mirent quarante ans à remonter au niveau qu'ils avaient atteint avant la Révolution, à l'amoindrissement de son crédit, à l'atteinte portée à son honneur financier, aux bouleversements de la fortune des citoyens, les plus honnêtes ou les plus naïfs étant appauvris par les assignats qu'ils recevaient et gardaient, les plus fins et souvent les plus malhonnètes trouvant mille moyens de s'enrichir

1. Ils ne furent pas complètement perdus; car sous le Consulat la loi du 21 mars 1801 les retira de la circulation et les échangea contre des rentes à raison de 5 francs de rentes par 2,000 francs de bons.

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