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du corps politique qu'on apercevait prochaine achevèrent de les dé-|

truire 1. >>

Vers la fin de la Convention, le Comité de salut public, voulant se rendre compte de l'état de l'industrie, prépara les cadres d'une statistique que devaient remplir les administrateurs de chaque district. Cette statistique n'a jamais été complète. Cependant les Archives nationales possèdent un résumé de la fabrication des étoffes de draps et de laine qui fournit des renseignements sur la diminution de la production. Le total général est de 2,606,977 pièces fabriquées à la fin de l'ancien régime et de 802,408 en l'an III: réduction de plus des deux tiers; au lieu de 68,416 métiers occupant 594,911 ouvriers, on ne trouve plus que 35,820 métiers, et 320,874 artisans ou ouvriers 5.

1. L'État de la France au 18 brumaire, par M. ROCQUAIN, p. 240.

2. Le plan, dressé par la commission des arts et manufactures, comprenait un inventaire de l'industrie en deux tableaux: 1° par département et district, avec désignation des manufactures; 2o par industrie et une carte industrielle de la France. La commission a fait paraître les tableaux, quoique incomplets, de six régions dans le premier numéro du Journal des arts et manufactures. nationales, F12 1558.

· Arch.

3. On employait, en 1789, 149,091 quintaux de laine provenant du district même, 283,324 quintaux de laine de France (autres districts) et 121,284 quintaux de laine étrangère. En l'an III, 115,832 quintaux de laine du district, 174,640 quintaux de laine de France, 8,412 de laine étrangère. C'est surtout sur cette dernière qu'à cause de l'interruption du commerce extérieur portait la diminution.

4. Un métier faisait en moyenne en 1789 40 pièces dans l'année. La statistique porte 1.504 ateliers de finissage en 1789 et 894 en l'an III.

5. Voici quelques détails pour les départements qui, avant la Révolution, employaient plus de 10,000 ouvriers dans l'industrie de la laine :

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Encouragements à l'industrie sous le Directoire. Le Directoire essaya d'encourager les manufactures. Divers projets furent proposés. Les Conseils tentèrent deux fois de remanier la loi sur les brevets d'invention, mais la loi dont le principe était bon, résista. La Convention avait proscrit les compagnies de commerce et tué les associations de capitaux 3; le gouvernement rapporta cette loi barbare et essaya même, mais sans succès, de déterminer les commerçants à fonder une banque de circulation. Des fabricants demandèrent qu'on prohibât l'importation des toiles de l'Inde ; mais le tarif de 1791 avait sagement levé les prohibitions, et le gouvernement éluda la demande 5.

3

La Convention s'était efforcée de stimuler le génie industriel; elle avait même provoqué le développement ou la création de certaines industries, celles surtout qui intéressaient la guerre.

Elle tempérait même parfois ses rigueurs politiques devant un intérêt national. Chaptal en est un exemple. Libéral sous la Constituante, il était devenu président du comité central de Montpellier qui avait

Eure-et-Loir..

Gard

6.288 3.650 La bonneterie de Chartres et de Trouville a bien diminué.

5.162 2.302 Haute-Garonne... 29.960 13.000

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Puy-de-Dôme.... 12.028 6.108
Basses-Pyrénées.. 10.890 5.590
Sarthe......

Nimes, Montpellier, très diminués.
Rieux a beaucoup perdu pour le drap.

Montdoubleau a le plus diminué.

La guerre de Vendée a absolument détruit les fabriques autres que Nantes et Châteaubriant.

18.404 7.860 L'étamine, principale fabrication de la contrée,est presque nulle depuis la suppression des couvents.

Seine-Inférieure.. 31.385 20.762 29 500 19.910

Tarn..

Arch. nationales, F12 1844.

Les chapeliers se plai

1. Arrêté du 16 fructidor an IV (2 septembre 1796). gnirent aussi du refus que faisaient leurs ouvriers de travailler si on n'augmentait pas leurs salaires; mais le gouvernement ne crut pas devoir intervenir. Procès-verbaux des séances des Cinq-Cents,19 prairial an V. - Le 18 fructidor an VII, le Bureau central de Paris prit un arrêté pour rappeler les ouvriers à l'observation de la loi du 17 juin 1791, qui interdisait les assemblées de gens du même métier.

2. Au Conseil des Cinq-Cents, un membre demanda si la loi des brevets n'était pas attentatoire à la Constitution et à la liberté. Une commission fut nommée; mais elle fut dissoute au 18 fructidor. Autre commission; rapport de Fr. EUDE (2 janvier 1798) au sujet d'une loi comportant l'examen préalable secret des plans et dessins et droit pour le gouvernement de révoquer les brevets. Le Conseil des Anciens le repoussa : « Les arts ne prospèrent pas dans les entraves. »

3. Loi du 26-29 germinal an II (15-18 avril 1794).

4. Loi du 30 brumaire an IV (21 nov. 1795). Voir aussi Paris en 1797, t. XI, p. 242.

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5. Réimpression du Moniteur, t. XXIX, p. 288 et 591. Il y a deux rapports d'EUDE dans deux sens différents (14 nivôse an VI et 17 fructidor an VII).

organisé dans le Midi la résistance contre la Convention; il avait été arrêté après la défaite du parti fédéraliste, mais comme il était un des premiers chimistes de son temps, le Comité de salut public, sur la proposition de Berthollet, le nomma, « quoiqu'à contre-cœur de ma part et de la sienne », inspecteur général des poudres et salpêtres dans le Midi. « Je parcourus, dit Chaptal, toute la Provence et le Bas-Languedoc pour former partout des ateliers de salpêtre ; le résultat de ce mouvement fut incroyable; la terreur était telle que toute la population se précipitait dans les ateliers; tous les particuliers y apportaient leurs terres salpêtrées et le combustible nécessaire. >>

Le Comité de salut public avait mis à la tête de l'administration centrale à Paris trois hommes absolument incompétents, un perruquier, un marchand de maroquins et un clerc de procureur, qui reconnaissant bientôt leur insuffisance, demandèrent qu'on leur adjoignit Chaptal. Celui-ci vint, inventa, avec le concours de Berthollet, Monge et autres savants, des procédés rapides de raffinage, installa deux fabriques, l'une de salpêtre dans l'église de Saint-Germain-des-Prés, l'autre de poudre à Grenelle. Pendant un semestre, Chaptal parvint à fournir trente-cinq milliers de poudre par jour. Peu après le 9 thermidor, l'établissement de Grenelle où, malgré l'avis de Chaptal, on avait exagéré la production et l'entassement, sauta; l'explosion coûta la vie à un millier de personnes et, huit jours après, la raffinerie surchauffée brûla. « Ainsi périrent les deux plus beaux établissements qu'on ait formés pendant la Révolution 1. »

Le Comité de salut public avait invité les citoyens à donner leurs idées sur cette matière 2. Un bureau du commerce avait été créé par la Convention, ou plus exactement reconstitué, pour examiner, comme l'avait fait le bureau de l'ancien régime, les mémoires relatifs au commerce, correspondre avec les villes de commerce, proposer des encou

1. Mes souvenirs sur Napoléon, par le comte CHAPTAL, p. 41-49.- Voici un autre exemple de tolérance inspirée par l'intérêt de l'industrie. Le maître de forges du Tronçois (Cher), Nicolas Rambourg, ayant été dénoncé comme aristocrate, le Comité de salut public envoya un commissaire avec pouvoir de l'arrêter. Ce commissaire, qui s'était égaré dans la forêt, finit par rencontrer un groupe de travailleurs qui construisaient une digue pour amener de l'eau à la forge. Il les aborda : « Où est le « Le château, le château du citoyen Rambourg, un dangereux aristocrate? ». voici; l'aristocrate, c'est moi. » Le commissaire lui serra la main, et depuis ce jour le défendit contre d'autres dénonciations. — L. REYBAUD, le Fer et la houille, p. 95.

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2. Les Archives nationales renferment des pièces relatives à ces efforts du gouvernement conventionnel. On trouve, par exemple, une lettre d'un culottier de la galerie vitrée (Palais-Royal) qui, encouragé par cette invitation, proposait un moyen de mieux préparer les peaux. La commission des arts le remercia et lui donna Autre rendez-vous pour qu'il expliquât son procédé. Arch. nationales, F12 95144. exemple: un particulier envoya un mémoire sur l'art de l'orfèvrerie, dans lequel il regrettait la diminution de cette industrie depuis la Révolution. Ibid.,

F12 95122.

ragements et préparer un code de commerce en harmonie avec les institutions nouvelles. Ce bureau s'était mis en effet en rapport avec une centaine de communes, en les invitant à nommer chacune quatre correspondants et même huit dans les quinze localités les plus importantes. Il devint sous le Directoire, à partir du 14 frimaire an IV, le Conseil de commerce, composé d'une quinzaine de membres résidents. partagés en trois sections; le ministre appela à y siéger Abeilles, le secrétaire de l'ancien bureau du commerce sous Louis XVI. En examinant les procès-verbaux de ce conseil, on reconnaît qu'il s'y trou vait des hommes sensés et compétents.

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Le Directoire insista pour obtenir des fonds destinés à l'encouragement des manufactures de laine, de soie et autres; les conseils votèrent quatre millions, dont le quart devait être exclusivement réservé à la ville de Lyon, la plus cruellement atteinte par la crise révolutionnaire 3. Les millions furent dépensés et l'industrie continua à languir. Au mois de février 1798, le Directoire insistait de nouveau pour avoir deux millions à donner aux fabriques lyonnaises. On se plaignait que les ouvriers de l'État, ceux des Gobelins, par exemple, ne touchassent pas leur salaire, et à la veille pour ainsi dire du 18 brumaire, Fabre, de l'Aude, réclamait l'entreprise de grands travaux publics, afin d'occuper et de nourrir les nombreux ouvriers sans ouvrage 5.

Les ouvriers n'étaient peut-être pas ceux qui souffraient le plus, du moins depuis la disparition des assignats. La guerre avait enlevé une partie des hommes valides. A la campagne, on avait beaucoup défriché, beaucoup emblavé, surtout pendant la période du maximum, et les salaires agricoles avaient augmenté, disait-on, des quatre cinquièmes la proportion était fort exagérée, mais le fait d'une augmentation n'est pas douteux. Dans les villes, le taux du salaire pour les domestiques et les ouvriers, avait monté rapidement 8; toutefois comme il arrive d'ordinaire en pareil cas, cette hausse n'avait pas été égale à celle des marchandises pendant la période de la

1. Ces quinze localités étaient : Bordeaux, Marseille, la Rochelle, Brest, Nimes, Saint-Malo, Orléans, Reims, Lorient, Lille, Bayonne, Strasbourg, Lyon, Rouen, le Havre. Arch. nationales, F12, no 177.

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2. Arch. nationales, F12, no 191 bis.

3. Réimpression du Moniteur, t. XXVIII, p. 313 et 334.

4. Ibid., t. XXIX, p. 151.

5. Ibid., t. XXIX, p. 825, séance du 26 sept. 1799.

Voir FR. D'IVERNOIS, p. 242.

6. On ensemençait pour ne pas être forcé de vendre son blé à perte.
7. FR. D'IVERNOIS, p. 134.

8. De 15 à 20 sous à 2 fr.; de 2 fr. à 3 fr., FR. D'IVERNOIS, p. 282 et suiv. Cet auteur, qui n'est pas favorable à la Révolution, dit : « Je sais... que mieux payée et mieux nourrie, la classe des journaliers a mis plus d'activité au travail », p. 188. Voir aussi p. 152. Les menuisiers pétitionnèrent même contre les journées trop fortes qu'exigeaient leurs ouvriers. Le Corps législatif passa à l'ordre du jour (13 juin 1797). FR. D'IVERNOIS, p. 288.

dépréciation monétaire; il est vrai qu'elle n'avait pas non plus subi une baisse égale après la reprise des payements en espèces.

Le nouveau gouvernement se fit un devoir, comme l'avait fait la monarchie absolue, de stimuler, de subventionner même les inventions et l'industrie nationale. Il s'intéressait surtout aux fabrications qui approvisionnaient les armées ou qui pouvaient faire concurrence aux manufactures anglaises. La Convention avait précédé le Directoire dans cette politique économique. En voici un exemple.

Un certain Barneville avait fondé dans les environs de Versailles une manufacture de mousselines munie d'une mécanique de filature supérieure, disait-il, à celle d'Arkwright; le gouvernement de Louis XVI lui avait acheté la propriété de son invention contre une pension de 2.000 livres; mais la première mécanique qu'on avait essayé à Rouen avait été brisée par les ouvriers ameutés. Le député de Seine-et-Oise demanda pour l'inventeur un local et une subvention de 200,000 livres, et il les obtint par des arguments plus sonores que fondés, calomniant, sans doute à cause du traité d'Eden, les intendants du commerce, « qui ont toujours préféré l'industrie étrangère à l'industrie nationale », et prédisant à la mousseline de Barneville une fortune que l'événement ne pouvait justifier. « Les armes de la République terrassent l'Anglais sur le continent. La marine française approvisionne nos ports aux dépens des marchands de Londres. Il est encore un autre genre de succès sur eux, et nous triompherons par le génie de ce peuple orgueilleux déjà vaincu par les armes. Maître du Bengale, l'avare Anglais nous vend au poids de l'or les mousselines des Indes jusqu'à présent inimitables en Europe; nous lui arracherons cette branche de commerce; nous tarirons cette source de richesses. La France pourra non seulement épargner 40 millions que lui coûtent annuellement ces mousselines, mais même en fournir seule aux autres nations; mettre l'Anglais dans l'impossibilité de leur en vendre une seule aune, et bientôt ce torrent, qui entraînait sans retour l'or de l'Europe dans l'Inde, détourné en grande partie, viendra enrichir le sol de la Liberté 1. »

Les mêmes archives contiennent la mention de la création d'une horlogerie automatique à Versailles où la Convention cherchait à ranimer l'activité individuelle.

Versailles, dont une grande partie de la population vivait des dépenses de la cour, était une des villes dont le commerce avait le plus souffert. L'administration départementale, comme la Convention, cherchait à y ranimer le travail; c'est ainsi que le 28 nivòse an II, elle accordait un local gratuit dans les anciennes écuries de Madame pour installer un nouvel établissement où l'on filerait du coton et tisserait du nankin et de la mousseline. L'exposé des motifs respirait la même haine de

1. Arch. du dép. de Seine-et-Oise, L. 1 m.

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